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Quelle musique donc écouter pour supporter de succéder, avec tant soit peu de succès, à l’enchantement jouissif d’un pur chef d’oeuvre ?..

03nov

Il est bien difficile, pour une œuvre à choisir d’écouter, de succéder, avec suffisamment de succès, au degré d’enchantement qui vient d’être éprouvé à la jouissance extatique voire orgasmique… _ d’un pur chef d’œuvre

_ et d’interprétation aussi…

Ou encore :

comment réussir à composer _ pour un concert ou pour un disque _ un programme d’œuvres dans lequel ne soit pas éprouvée une trop forte dépressurisation _ vraiment trop déceptive… _ de l’auditeur ?..

Telle est la question que je me suis posée à la suite de mes écoutes successives de l’enchanteur Mozart de Francesco Piemontesi,

d’une part _ cf mon article «  » du 31 octobre dernier… _ ;

et, d’autre part, du superlatif Vivaldi en 3 CDs de Giuliano Carmignola _ cf mes deux articles «  » et «   » des 1er et 2 novembre, avant-hier et hier 31 octobre derniers… _ qui ne cesse de me combler…

Quelle solution ai-je donc pu trouver à pareille nécessité de niveau de programme, ce jour ?..

Quel CD me suis-je proposé à écouter, face à tel danger/risque de dépressurisation de plaisir musical ?..

J’ai donc choisi d’une interprète violoniste elle aussi brillantissime, Isabelle Faust (), le CD « Solo » (Harmonia Mundi HMM 902678, enregistré à Berlin au mois d’avril 2020),

recommandé à la fois par ce très fin mélomane qu’est mon gendre Sébastien,

ainsi que par un Diapason d’Or du magazine Diapason n°727 de ce mois de novembre 2023, avec un article assez élogieux, à la page 98 de Jean-Christophe Pucek, qui a pris soin de comparer 5 des 6 morceaux choisis par Isabelle Faust avec des interprétations _ parues en des CDs de 1991, 2004, 2009, 2013 et 2023 _ d’autres violonistes :

 

_ de la « Fantasia » en la mineur (vers 1719) de Nicola Matteis le fils (ca. 1670 – 1737), une interprétation de Leila Schayegh, pour Glossa en 2023 _ Faust s’y montre « moins extravertie« , juge Pucek… _ ;

_ d’un choix d »Ayres for the violin » (de 1676) de Nicola Matteis le père (ca. 1650 – après 1713), une interprétation d’Hélène  Schmitt, pour Alpha en 2009 _ Faust s’y montre « moins contemplative« , juge Pucek... _ ;

_ de la « Sonate » en la mineur (vers 1725) de Johann-Georg Pisendel (1687 – 1755), une interprétation de Rachel Podger, pour Channel Classics en 2013 _ Faust s’y montre cette fois « plus solaire« , selon Pucek… _ ;

_ de la « Partita » n°5 en sol mineur (en 1715) de Johann-Joseph Vilsmayr (1663 – 1722), une interprétation de Gunar Letzbor, pour Arcana en 2004 _ et Faust s’y montre « plus flamboyante et relevée« , indique Pucek… _ ;

_ de la « Passacaille« en sol mineur dite « l’ange gardien« , extraite des fameuses « Sonates du Rosaire » (en 1684-1685) de Heinrich-Ignaz-Franz Biber (1644 – 1704), une interprétation de Reinhard Goebel, pour Archiv en 1991 _ Faust la joue « alla Goebel« , et y montre « un souffle et une ardeur invincibles« , pour Jean-Christophe Pucek, dans cet article de Diapason.

En revanche,

Jean-Christophe Pucek ne dit rien des « Amusements pour violon seul« , Op. 18 (de 1762)  de Louis-Gabriel Guillemain (Paris, 15 novembre 1705 – Chaville, 1er octobre 1770), telles qu’elles ont été interprétées et enregistrées _ « en première mondiale«  _ en 2002 par Gilles Colliard, en un CD EMEC E-054 _ un CD que je possède :  en effet, c’est depuis bien longtemps que je m’intéresse aux violonistes français contemporains de Jean-Marie Leclair (Lyon, 1697 – Paris, 1764), dont fait partie Louis-Gabriel Guillemain, éléve comme Leclair, à Turin, de Giambattista Somis (Turin, 1686 –  Turin, 1763) ; et si Guillemain a peut-être été aussi des élèves de Jean-Marie Leclair, il en a été en tout cas un rival ; de même que fut aussi un rival de Leclar le turinois de naissance Jean-Pierre Guignon (Turin, 1702 – Versailles, 1774)… ; et ne perdons jamais de vue que le violon est bien une invention italienne !.. _, un CD que Pucek semble ignorer…

Alors, pour ce qu’il en est du passage du CD Mozart-Piemontesi de mon article du 31 octobre et des trois CDs Vivaldi-Carmignola de mes articles des 1er et 2 novembre derniers, à ce récital-ci « Solo » d’Isabelle Faust,

disons que la redescente musicale se fait en très satisfaisant confort…

Quelle surprise discographique va donc bien pouvoir suivre ?…

Ce vendredi 3 novembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Et à nouveau retrouvés en cherchant mieux dans les recoins de ma discothèque, comme hier, deux autres merveilleux CDs, d’oeuvres sublimissimes d’Adriaen Willaert (le CD « Vespro della Beata Vergine » de la Capilla Flamenca de Dirk Snellings) et Cipriano de Rore (le CD « Doulce Mémoire » du Laudantes Consort de Guy Janssens)…

27août

Toujours à la recherche de CDs, jusqu’ici un peu trop bien cachés en ma discothèque personnelle, tant d’Adriaen Willaert (1490 – 1562) que de son disciple et successeur _ les années 1562 à 1564  _ à Saint-Marc de Venise, Cipriano de Rore (1515 – 1565),

et tout comme hier samedi (cf mon article « « …),

ce dimanche 27 août je viens de mettre aussi la main,

sur un CD de chacun de ces deux merveilleux compositeurs que sont Willaert et de Rore :

d’une part, sur le sublime CD « Doulce Mémoire » de Cipriano de Rore, par le Laudantes Consort avec à sa tête Guy Janssens, enregistré à Beaufays en décembre 2014, et publié par le label Sonamusica en 2015 _ soit le CD SONA 1504 _ ;

un CD que je savais posséder puisque je lui avais consacré l’article «  » sur mon blog « En cherchant bien » en date du 14 juillet 2018 ;

et, d’autre part, sur le très réussi, lui aussi, CD « Vespro della Beata Vergine » d’Adriaen Willaert, par la Capilla Flamenca sous la direction de son chef Dirk Snellings (1959 – 2014) ; soit le CD Ricercar RIC 325, enregistré à Gijzegem, au mois de février 2012, et à San Petronio de Bologne, au mois de mars suivant ; et paru en 2012

De cette sublimissime Missa « Doulce Mémoire » de Cipriano par le Laudantes Consort de Guy Janssens enregistrée en 2014, écoutez ici les podcasts merveilleux du Kyrie (3′ 57), du Sanctus (5′ 27), de l’Agnus dei (5′ 30) ;

et de ces très marquantes « Vespro della Beata Vergine » d’Adriaen Willaert par la Capilla Flamenca de Dirk Snellings, enregistrés en 2012, écoutez-ici les podcasts eux aussi impressionnants du « Deus in adioturium » (1′ 02),  du « Benedicta es » (7′ 05), du « Dixit Dominus » (6′ 31), du « Laudate Pueri » (3′ 54), du « Laetatus sum » (6′ 50), du « Nisi Dominus » (5′ 22), du « Lauda Jerusalem » (4′ 45), de l' »Ave maris stella » (7′ 42), du « Magnificat » (8′ 27) _ c’est-à-dire des œuvres qui ont très directement inspiré certains des chefs d’œuvre parmi les plus transcendants de Monteverdi (Crémone, 1567 – Venise, 1643, tels ses propres (et admirables) « Vespro della Beata Vergine« , publiées à Venise en 1610,qui ont probablement été composées par Monteverdi, alors encore en poste à Mantoue, afin d’obtenir le prestigieux poste de maître de chapelle de la basilique saint Marc… ; regardez et écoutez cette magistrale vidéo (de 90′ 44) de ces sublimes « Vespro«  de Claudio Monteverdi, enregistrées en concert à la cathédrale Saint-Marc de Venise en 1990 par le Monteverdi Choir et les English Baroque Soloists, sous la direction de leur chef John Eliot Gardiner), au XVIIe s!écle, et, au XVIIIe siècle,

de Vivaldi (Venise, 1678 – Vienne, 1741 ; regardez et écoutez, cette vidéo (de 28′ 42), de son « Dixit Dominus » en un concert à Vienne, au Palais Lichtenstein,, le 23 septembre 2021, de l’excellent Ensemble Collegium 1704 dirigé par son chef, Václav Luks),

ainsi que Haendel (Halle, 1685 – Londres, 1759 ; celui-ci ayant durablement séjourné à Venise au cours de ses années italiennes (1706 – 1710) ; ainsi est-il présent au Teatro San Giovanni Grisostomo le 26 décembre 1709 à la création de son opéra « Agrippina » ; écoutez les podcasts (en suivant) du double CD (d’une durée totale de 120′ 39) de ses « Carmelite Vespers » des Taverner Players sous la direction de leur chef Andrew Parrot, un double CD EMI 7 49749 2, enregistré au Festival de Bath le 22 mai 1987 ; en un double CD qui m’a beaucoup impressionné !) ;

soit un siècle (pour Monteverdi)  et deux siècles (pour Vivaldi et Haendel) plus tard quAdriaen Willaert (Roeselare, 1490 – Venise, 1562), qui a été le maître de chapelle de la basilique Saint-Marc durant 35 ans, de sa nomination à ce très prestigieux poste en 1527 , à son décès, à Venise, le 7 décembre 1562 ; un poste prestigieux auquel lui a succédé deux années durant, jusqu’en 1564, son cher et immensément talentueux lui aussi disciple Cipriano de Rore (Ronse-Renaix, 1515 –  Parme, 1565)…

Tout se tient…

Même si de nos jours Willaert et de Rore n’ont (pas encore) la célébrité de Monteverdi, Vivaldi et Haendel, dont ils sont pourtant, et sans le moindre conteste, les égaux en génie musical…

Deux CDs tout simplement merveilleux

Ce dimanche 27 août 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Faire un point sur l’appréciation d’un compositeur, Giovanni Legrenzi (1626 – 1690), à travers les interprétations discographiques de quelques unes de ses oeuvres dont on dispose…

15mai

C’est à l’occasion de la parution _ et l’audition, bien sûr _ du CD « Mottetti » de Giovanni Legrenzi (Clusone, Bergame, 12 août 1626 – Venise, 17 mai 1690) par le Concerto italiano de Rinaldo Alessandrini, le CD Naïve OP 30579 qui paraît ce mois de mai 2023 _ enregistré à Rome il y aura bientôt 4 ans, du 11 au 14 juillet 2019 : pourquoi avoir tant attendu de la part de Naïve ?.. _,

que me prend l’idée de faire un point sur mes appréciations des œuvres de ce compositeur renommé-réputé, et même souvent qualifié de « jalon décisif » de la descendance musicale monteverdienne à Venise _ entre, disons, Claudio Monteverdi (1567 1643) et Antonio Vivaldi (1678 – 1741) _, qu’est Giovanni Legrenzi,

mais dont l’écoute _ discographique _ des œuvres, de genres variés et bien divers pourtant, n’a jamais vraiment jusqu’ici suscité de ma part _ de mélomane humblement récepteur _ un jubilatoire enthousiasme, et un durable engoûment, à travers les interprétations que j’en possède au disque jusqu’ici ;

soit, avec le CD récemment acquis ce mois de mai 2023, 7 CDS _ je n’arrive hélas pas pour le moment à remettre la main sur un 8e, le CD de « La Morte del cor penitente« , par les Sonatori de la Gioiosa Marca, le CD Divox CDX 71802, paru en 1995 ; dont voici cependant ici le podcast (de 1′ 53″) de son Ouverture seulement… _, parus entre 2001 et 2023…

En voici donc la liste :

_ « Dies Irae, Sonate, Motetti« , par le Ricercar Consort dirigé par Philippe Pierlot, le CD Ricercar 233412, paru en 2001

_ « Missa – Opus 1« , par l’Ensemble Olivier Opdebeek et Corsi Spezzati, le CD Pierre Verany PV 700033, paru en 2001

_ « Il cuor umano all’incanto (1673)« , par l’Ensemble Legrenzi, le CD Tactus TC 621201, paru en 2003

_

_ « Trio Sonate 1655, a 2 e a 3« , par les Parnassi Musici, le CD CPO 777 030-2, paru en 2004

_ « Sedecia », par l’Officina Musicum, dirigée par Riccardo Favero, le CD Dynamic CDS 711, paru en 2010

_ « Sonate & Baletti« , par l’Ensemble Clematis, le CD Ricercar RIC 356, paru en 2015 : le seul qui m’a réellement ému et touché… 

_ et le tout récemment paru « Mottetti« , par le Concerto italiano dirigé par Rinaldo Alessandrini, le CD Naïve OP 30579, qui ne me touche décidément pas…`

Au point que j’en suis précisément venu à me demander

si ma présente insensibilité à la musique de ce CD, provient ou bien de l’œuvre même du compositeur, Legrenzi, ou bien de cette interprétation-ci, en ce disque-ci…

Et pour ce qui concerne l’interprétation et les interprètes de la musique, au disque comme au concert, la qualité de la prestation (ainsi que celle, aussi, ne pas l’oublier !, de la réception par l’auditeur mélomane…), il faut insister sur le fait important qu’elles dépendent de nombreux facteurs, dont le lieu, le moment, le contexte, etc.

Soient bien des variables à prendre en compte et s’efforcer de mesurer…

Pour le genre délicatissime et merveilleux du madrigal,

mais qui n’est, bien sûr, pas le motet,

 

il se trouve que très probablement la référence musicale et discographique incontestable est l’ensemble La Compagnia del Madrigale, de Daniele Carnovich (Padoue, 1957 – Fontarabie, 20 septembre 2020 _ cf mon article du 25 septembre 2020 : « «  _), Rossana Bertini et Giuseppe Maletto ( _ cf mon article du 30 mars 2023 : « «  _),

avec, aussi, l’ensemble le précédant, La Venexiana, de Claudio Cavina (Terra del Sole, 14 septembre 1961 – 30 août 2020 _ cf mon article du 31 août suivant : « «  _)…

Mais hélas ni La Compagnia del Madrigale, ni La Venexiana, n’ont consacré d’enregistrements discographiques d’un compositeur aussi tardif _ par exemple le riche coffret de 9 CDs (enregistrés de 1998 à 2010, et paru en 2016) intitulé « L’Arte del Madrigale (1586-1616) » de La Venexiana, coffret Glossa 920930 ; mais c’est aussi le cas pour les CDs de La Compagnia del Madrigale, dont le compositeur le plus tardif enregistré par eux (Cipriano De Rore, 1515-1565 ; Luzzasco Luzzaschi, 1545-1607 ; Luca Marenzio, 1553- 1599 ; Carlo Gesualdo, 1566-1613) n’est autre que l’immense Claudio Monteverdi, 1567-1643., dont le Huitième Livre de Madrigaux est paru à Venise en 1638 _ que Giovanni Legrenzi (1626 – 1690)…

D’où ma décision de faire un petit point d’écoutes comparées

avec les CDs Legrenzi présents _ et retrouvés : en manque cependant un à l’appel : où peut-il donc se cacher ?.. _ en ma discothèque personnelle…

 

Ce lundi 15 mai 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le passionnant travail du magnifique Michael Spyres sur les amplitudes et l’histoire de la voix de ténor, en son nouveau stupéfiant CD « Contra-Tenor », après son « BariTenor » de 2022…

05mai

Après son déjà passionnant (et déjà stupéfiant !) CD « BariTenor«  _ le CD Erato 019029516664, enregistré à Strasbourg aux mois d’août et octobre 2020, et paru en 2021, avec l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, sous la direction de Marko Letonja ; cf mes articles des 22 octobre (« « ), 23 octobre (« « ), 24 octobre (« « ) et 15 décembre 2021 (« « )… _,

le magnifique ténor qu’est l’immense Michael Spyres (Mansfield, Missouri, 1979), étend sa passionnante exploration des répertoires _ encore trop mal connus, et confusément répertoriés… _ de la voix de ténor, en ses divers et très larges ambitus,

par un nouveau stupéfiant CD, intitulé de manière un tantinet provocante, cette fois, « Contra-Tenor » _ soit le CD Erato 5054197293467, enregistré à la Villa San Fermo à Lonigo (province de Vicence, en Italie), du 15 au 22 septembre 2022, avec l’Ensemble (baroque bien connu !) Il Pomo d’Oro, dirigé par l’excellentissime Francesco Corti.

Soit, à nouveau, une magistrale réussite musicale.

Qu’on écoute, par exemple, les airs donnés en ces deux vidéos-ci :

en la première, l’air, virtuosissime, « Tu m’involasti un regno », extrait de l' »Antigono » (répété à Lisbonne au mois d’octobre 1755 _ mais non créé alors, à cause du terrible désastre du tremblement de terre de Lisbonne, le 1er novembre !!! _, d’Antonio-Maria Mazzonni (1717 – 1785) _ à comparer avec cette autre prise vidéo (d’une durée de 6’15) pour le même air, à Lisbonne, cette fois, en 2011, avec l’Ensemble Il divino sospiro dirigé par Enrico Onofri… _ ;

et en la seconde, l’air, aussi époustouflant _ de beauté, comme d’interprétation _, « Se il mio paterno adore », extrait du « Siroe » (créé à Rome le 12 janvier 1740), de Gaetano Latilla (1711 – 1788) ;

vidéos d’une durée respectivement de 6’17 et de 6’10.

J’ai réuni ici 5 liens à de bien intéressants articles parus en commentaire de ce tout nouveau CD « Contra-Tenor » de Michael Spyres,

auxquels on pourra accéder par ces liens-ci :

_  de Tim Ashley, sur le site de Gramophone _ sans date _, « Michael Spyres : Contra-Tenor« …

_ de Laurent Bury, sur le site de PremiereLoge-Opera.co, le 21 avril dernier, « Contra-Tenor par Michael Spyres _ et pourtant il chante ! « 

_ de Clément Demeure, sur le site de ForumOpera.com, le 21 avril aussi, « Contra-Tenor, Michael Spyres _ un jalon du chant baroque« 

_ de Pierre Giangiobbe, sur le site de Olyrix, le 22 avril, en suivant, « Michael Spyres, ténor contratenore dans son nouvel album« 

_ de Pierre Degott, sur le site de ResMusica, en date du 28 avril 2023, « Michael Spyres, ténor assoluto« 

Ce qui donne, pour ces articles en français, avec l’ajout de quelques remarques de ma part :

_ pour l’article « Contra-Tenor par Michael Spyres _ et pourtant il chante !  » de Laurent Bury :

Nous ne pouvions pas imaginer, rendant compte de son enregistrement des Nuits d’été, que Michael Spyres, à défaut de devenir soprano, se présenterait ensuite comme « contre-ténor ». Ce n’est évidemment pas ainsi qu’il convient de traduire le titre de son nouveau disque, où il apparaît plutôt sous l’aspect d’une haute-contre à la française _ voilà ! _, mais où il aborde aussi toutes sortes de rôles italiens destinés à cette tessiture qui, ainsi qu’il l’explique, n’existe pas, ou du moins, que nul n’a jamais pu définir très clairement : « la voix la plus virtuose et difficile à classer dans une catégorie spécifique », selon lui.

Ayant abordé l’opera seria mozartien après s’être fait connaître dans le répertoire des premières décennies du XIXe siècle (Rossini, Meyerbeer), Michael Spyres s’amuse depuis quelque temps à brouiller les pistes, et veut nous montrer qu’il peut chanter en baryton aussi bien qu’en ténor. Nouvelle démonstration avec le disque Contra-Tenor, mais cette fois dans le répertoire du XVIIIesiècle, le rôle-titre de Mitridate étant à peu près le seul qu’il a eu l’occasion de servir à la scène (même si on se rappelle une incursion haendélienne dans un Theodora donné en concert et enregistré dans la foulée).

Le programme de ce récital va donc de Lully à Piccinni, deux Italiens ayant connu le succès à Paris (et dans les deux cas sur un livret de Quinault _ en effet ! _, puisque Piccinni reprit pour son Roland _ en 1778 _ le livret que Lully avait utilisé un siècle auparavant _ en 1685 _), et s’il inclut un compositeur né en France – Rameau – et quelques Allemands déracinés – Haendel, Hasse, Gluck –, il faut bien reconnaître _ oui _ que, en ce CD Contra-Tenor les Italiens d’Italie se taillent la part du lion.

De Lully, il aurait sans doute été possible _ oui ! _ de trouver un véritable air, comme celui de Renaud dans Armide, par exemple, plutôt que cette minute et demie de déclamation extraite de Persée sur laquelle s’ouvre le disque _ peut-être en suivant l’exemple de Rockwell Blake en son CD « Airs d’Opéras français« , pour EMI, en 1994. Et entre ce Persée de 1682 et la Naïs de Rameau en 1749, n’y avait-il donc aucun compositeur français qui mérite d’être enregistré par le « Contra-Tenor », lui qui chante si admirablement notre langue ? _ la remarque est en effet très judicieuse…

Tous les Italiens du XVIIIe siècle défilent, y compris le trop rare Galuppi, et d’encore moins fréquentés, comme Gaetano Latilla ou Antonio Maria Mazzoni, qui offrent à Michael Spyres d’excellentes occasions _ mais oui ! _ de déployer son agilité vocale dans des arias exigeant non seulement une maîtrise du chant rapide et orné, mais imposant aussi d’impressionnants _ certes _ sauts d’octave, nouvelle preuve de l’étendue de son registre, lorsqu’il aligne d’impressionnants suraigus et de soudaines descentes dans le grave, sans jamais perdre de vue _ et c’est bien là le principal _ l’expressivité de ces pages (il parvient même à proposer une version personnelle d’un air aussi rabâché que « J’ai perdu mon Eurydice »).

Non content de vouloir aborder Wagner, le ténor américain réussit – en studio, en attendant la scène – à s’imposer dans des répertoires aux exigences tout autres. Quant à Il Pomo d’Oro, on savait l’ensemble familier de la musique italienne, mais on le découvre très à son aise aussi _ oui ! _ dans l’opéra français, avec une noble passacaille de Persée.

_ pour l’article « Contra-Tenor, Michael Spyres _ un jalon du chant baroque » de Clément Demeure :

Un jalon du chant baroque

En 2011, l’agent de Michael Spyres publiait sur YouTube « Tu m’involasti un regno », air de bravoure d’Antigono où l’on découvrait un ténor casse-cou aux moyens exceptionnels, sans doute le premier à rendre pleinement justice à ce genre de partition _ oui. Douze ans plus tard, désormais vedette internationale, l’Américain revient enfin à ce premier belcanto pour lequel il est idéalement taillé _ en effet, et cela sur tous les plans…

Et c’est un disque qui fera date _ sans nul doute. Dans son ambition comme dans sa composition, le programme renvoie à de multiples références. À Spyres lui-même pour commencer, d’Antigono _ de Mazzoni _ au Mitridate _ de Mozart _ dont il s’est fait la spécialité. Écho aussi au précédent Baritenor : avec Contra-Tenor, le chanteur opte encore malicieusement _ oui… Michael a aussi beaucoup d’esprit ! _ pour un terme adjacent, comme pour tourner autour _ oui, en creusant et déployant… _ de la catégorie « ténor » et railler la rigidité du Fach, ce système de registres vocaux qu’il ne cesse de dynamiter _ et c’est là un point en effet tout à fait important pour l’intelligence d’une telle démarche de la part de Michael Spyres… Il faut voir sa mine réjouie _ oui _ dans divers montages kitsch rappelant _ mais oui ; c’est fort bien vu… _ les facéties d’une certaine Bartoli. Un modèle assurément, tant l’Italienne a contribué à l’aggiornamento du chant baroque et joué _ oui _ avec les tessitures _ voilà... Restait à faire pour les ténors ce que Bartoli et d’autres ont réussi pour Bordoni, Farinelli et consorts… Entreprise bien peu tentée, surtout encore en combinant les répertoires français et italien1.

Comme toujours, Spyres entend ne rien s’interdire, et montrer qu’il peut exceller partout. En se confrontant à diverses références, ici au mythique album français de Rockwell Blake (comportant, et en ouverture de ce CD de Rockwell Blake, en 1994,  le même « En butte aux fureurs de l’orage »), là aux intégrales récentes de Vinci ou Porpora chez Decca. S’il se « contente » de tenir tête à Blake, dont la virtuosité jubilatoire est d’une netteté inégalable _ en dépit d’un timbre de voix plus contestable, lui _, Spyres surpasse nettement sa concurrence _ oui ! Jetons un voile pudique sur les infortunés chargés de ressusciter l’Achille in Sciro de Sarro à Martina Franca et Naples ; saluons l’autorité de Spyres dans « Si sgomenti », dont la tessiture grave gênait Juan Sancho, ou chez Vivaldi dans un air où la voix de Topi Lehtipuu se tassait ; oublions enfin tous ces ténors « baroques » essoufflés par les graves et les écarts épuisants de Bajazet. Autre clin d’œil du programme, l’extrait d’Arminio de Hasse répond crânement à Rodolfo Celletti qui, dans sa célèbre Histoire du bel canto (1983), y voyait « un des airs exigeant le plus de virtuosité qui aient été écrits pour cette voix [le ténor] ».

C’est peu dire _ oui ! _ que Spyres se montre à la hauteur de ses ambitions. Conformément au principe du belcanto, la voix est homogène et bien assise dans le médium _ oui _, enjambe les intervalles sans effort apparent _ oui, et c’est absolument nécessaire… _ et dispense à l’envi _ et jubilation, oui _ trilles et vocalises. Il se permet _ aussi de réjouissantes _ incartades et nuances des tréfonds du grave au suraigu. Manière de remettre les pendules à l’heure : le primo tenore d’opera seria n’est ni un évangéliste façon Bach, ni un ténor di grazia censément « mozartien » _ c’est fort juste ! Le programme parcourt chronologiquement _ oui _ l’évolution des styles et des vocalités entre France et Italie. Résolument sombre dans les airs de Vivaldi (transposition d’un air pour castrat), Haendel et Vinci, évocations des baryténors Borosini (1695 – 1747) et Pinacci (1695 – 1750) _ des noms à retenir _, Spyres se montre plus prodigue d’aigus à partir du galant « Nocchier che mai non vide » de Porpora. À compter des années 1730, le primo tenore se hisse au rang de premier antagoniste _ voilà… _ dans des emplois stéréotypés de pères et hommes de pouvoir inquiets aux passions chaotiques. Véhicules idéaux pour une nouvelle génération de ténors capables de rivaliser _ c’est cela, sur la scène _ avec les castrats et divas dans l’extravagance d’ambitus étirés et la complexité des vocalises _ oui _ : Spyres convoque les mânes de monstres vocaux comme Amorevoli (1716 – 1798) (Sarro et Hasse, image ci-dessus), Babbi (1708 – 1768) (Mazzoni et Latilla) et Ettore (1740 – 1771) (Mozart).

Même si rien dans le programme n’est routinier, seules trois pages sont de vraies premières mondiales. « Solcar pensa un mar sicuro » de Hasse (Arminio, 1745) tisse une parabole maritime sur d’ondoyantes dentelles de trilles, tandis que Galuppi (Alessandro nell’Indie, 1755) distille son charme mélodique habituel dans un air sensible « Vi trofeo d’un alma imbelle » où l’aigu doit être sollicité sans brusquerie jusqu’au contre-ut. Mais le clou du spectacle, c’est _ très probablement _ l’allegro « Se il mio paterno amore » du Siroe de Gaetano Latilla (1740). Multiples plongeons du la3 au ré2, descentes dans le registre de basse jusqu’au sol1, entêtantes vocalises et roulades déferlantes, tout est exécuté avec une autorité _ et plénitude, oui _ qui laisse bouche bée. En revanche, si l’on comprend _ et combien !!! _ que Spyres ait souhaité laisser une gravure « propre » _ oui _ de l’air spectaculaire « Tu m’involasti un regno » de Mazzoni qui a contribué à le faire connaître – roulade sur trois octaves incluse –, le doublon était moins nécessaire pour « Se di lauri » _ du Mitridate de Mozart _, que l’on préfère dans l’intégrale Minkowski gravée seulement deux mois plus tard.

L’Américain était moins attendu dans la tragédie lyrique _ française… Le hiatus stylistique est manifeste, mais les récitals romantiques associent souvent Donizetti et Gounod, Massenet et Verdi sans que personne n’y trouve à redire : l’idée de confronter les genres au siècle précédent se défend. Dans le français clair et éloquent _ superbissime ! _ qu’on lui connaît, Spyres relève le défi de tessitures nettement plus élevées, avec des allègements bienvenus dans les trois ariettes de réjouissance choisies qui, de Lully à Piccinni, trahissent un goût croissant pour la vocalise. En virtuosité pure _ mais est-ce là l’essentiel ? non… _, l’Américain surclasse Reinoud van Mechelen, qui conserve néanmoins notre faveur dans ce répertoire et rend lui aussi de très beaux hommages à ses devanciers (Dusmeny, Jéliote et bientôt _ nous l’attendons impatiemment _ Legros). L’unique déploration proposée (« J’ai perdu mon Eurydice » de 1774) est ce qui convainc le moins _ mais cela se discute… Pour autant, cela ne signifie pas _ certes ! et ce serait là très déplorablement bien réducteur… _ que l’album, indéniablement démonstratif, ne vaut que pour ses tours de force. Une fois passée la stupéfaction initiale, on goûte _ et combien !!! _ la finesse _ merveilleuse _ d’un interprète qui sait _ et comment ! _ ce qu’il chante, varie les couleurs, sculpte le verbe sans confondre _ jamais _ déclamation et aboiement _ cette déclamation si fondamentale dans tout l’art musical français _, et ne néglige _ en effet _ aucune nuance dramatique. Ajoutons à cela des variations excitantes et de bon goût _ toujours : cela aussi étant absolument nécessaire _, dans les reprises da capo.

Il Pomo d’oro _ une fois encore, et comme à chaque fois, à son niveau d’excellence… _, dirigé par _ le toujours parfaitFrancesco Corti, étonne tout autant _ mais oui _ que le soliste par son adéquation aux différents styles, par exemple _ mais c’est le seul morceau purement instrumental du CD _ la passacaille de Persée. Les tempi sont justes, la technique est sans faille, et si l’orchestre laisse _ mais oui _  la star briller, il contribue également à hausser ces versions au-dessus des concurrentes, en tout cas pour le versant italien. Et à faire de cet album un nouvel étalon _ voilà !!!! _ dans l’interprétation de l’opera seria.

  1. En 1970, Peter Schreier avait proposé un disque baroque (Italienische Belcanto-Arien), et en 1993 Ernesto Palacio avait gravé Re ed Eroi di Pietro Metastasio sous la baguette de Tamás Pá. S’il faut rendre hommage à leurs efforts précurseurs, le style – surtout à l’orchestre – et la timidité technique en font surtout des documents. D’autres ténors ont depuis conçu des récitals consacrés à Haendel et parfois Vivaldi, voire des programmes franchement originaux ou ambitieux. L’album Gluck fort réussi de Daniel Behle (2014), qui mêle aussi airs pour haute-contre et opera seria, est celui qui se rapproche le plus du projet de Michael Spyres. L’Allemand compte d’ailleurs continuer sur ce terrain cette année à Bayreuth (Kings of bravura).

_ pour l’article « Michael Spyres, ténor contratenore dans son nouvel album » de Pierre Giangiobbe :

Après BariTénor, Michael Spyres continue d’explorer _ oui, et c’est passionnant ! _ les frontières de sa tessiture _ voilà _ et passe “de la cave au grenier” avec son nouveau disque Contra-Tenore, replongeant pour s’élever vers le répertoire baroque pour voix masculine aiguë, en compagnie de l’orchestre Il Pomo d’Oro dirigé par Francesco Corti pour un disque Erato-Warner Classics.

Le précédent album questionnait la frontière grave _ voilà _ entre ténor et baryton, celui en fait de même pour la frontière aiguë _ oui ! _, et il le fait de la même manière, avec une forme de flou artistique aussi. Si le choix de répertoire est bien délimité (ce nouveau projet remonte au baroque, et s’arrête donc là où le précédent album commençait), le titre du disque et le propos du livret _ extrêmement intéressant en ses analyses détaillées, il faut le souligner _ posent une série de questions _ oui ! _ jouant sur les termes et les strates historiques. Le « contra-tenore » n’est en effet pas _ oui, oui !!!  _ le « contre-ténor » d’aujourd’hui, celui qui a succédé au castrat, mais veut au contraire désigner le ténor qui, à l’époque baroque, rivalisait justement _ sur la scène _ avec les castrats. Comme le rappelle le livret, ces ténors pouvaient déjà être désignés par toute une série _ non codée, et pour cause : chaque chanteur faisait (et osait !) avec ses propres moyens… _ d’appellation : ténor-basse, baritenore, contre-ténor et haute-contre, ou encore taille. Michael Spyres, continue donc _ voilà _ son exploration _ passionnante _ de ces déclinaisons en s’intéressant ici au spectre aigu, le « contre » pouvant aussi bien définir le haute-contre à la française que le contre-ténor italien, mais pas _ en effet ! _ le contre-ténor à la voix de fausset.

Et finalement, c’est encore une autre voix que le chanteur vise et qu’il met en avant : celle du « tenore assoluto » dont la tessiture balaye l’ambitus allant du bariténor au contre-alto (voix grave féminine), un terme qui est depuis devenu le surnom superlatif d’Enrico Caruso, « Tenore Assoluto« , rajoutant encore à la confusion.

Michael Spyres vise donc le contra-tenore-assoluto-barocco _ si l’on veut… _ en prêtant sa voix à l’étendue spectaculaire _ certes, mais jamais forcée au final… _ aux rôles composés par Lully, Haendel, Rameau et plus tardivement Gluck et Mozart (et le disque fait également découvrir quelques morceaux de Johann Adolf Hasse, Baldassare Galuppi ou Gaetano Latilla, enregistrés pour la première fois).

Cet album est un hommage à l’habileté technique _ mais pas seulement ! Ce serait là terriblement réducteur ! _ de l’interprète. Trilles, mordants, fioritures sont au rendez-vous, exécutés avec souplesse _ et naturel, comme il se doit… _, d’une voix toujours projetée avec l’éclat d’un vibrato sémillant. Michael Spyres s’illustre autant dans les pyrotechnies vocales du répertoire italien que dans le raffinement sobre _ nécessairement : un art de la délicatesse, jamais forcée… _ du grand style français. Sa prononciation est _ parfaitement _ soignée dans ces deux langues. Naviguant entre les registres, il déploie tantôt un grave satiné « barytonant », voire « basso » large et profond, tantôt un aigu fulgurant. Plusieurs morceaux l’amènent dans l’extrême-aigu sur la cadence (jusqu’au contre-fa, voire au-delà). La voix s’affine sans basculer en falsetto _ en effet _ et reste nettement _ oui _ timbrée.

Les musiciens de l’orchestre Il Pomo d’Oro mettent toute leur expertise _ très grande _ du répertoire baroque au service notamment des pièces oubliées, déployant une riche palette sonore emportée par un pupitre de cordes particulièrement vif et endiablé (sans oublier les nuances _ capitales _ données par la direction précise _ et justissime _ du chef et claveciniste _ excellent, chaque fois !Francesco Corti, qui confère à cette musique tout son caractère vivant et aérien) _ absolument : beaucoup de fluidité et de vie…

De quoi, au final, se laisser emporter _ sans la moindre réticence, jamais _ par la virtuosité absolue _ mais pas gratuite, ni capricieuse : Michael Spyres n’est pas Cecilia Bartoli… _ de cette musique, qui justement déborde _ avec esprit _ tous les cadres, toutes les cases et appellations : en vers et contre-ténors.

_ pour l’article de Pierre Degott « Michael Spyres, ténor assoluto » :

Dans un programme riche et éclectique, se livre à une nouvelle démonstration de virtuosité et de versatilité _ mais jamais gratuites ni capricieuses. Un récital qui fera date _ oui _, et qu’on rangera à côté _ et sans l’y amalgamer _ des plus grandes réussites récentes de tous nos contreténors préférés.

Est-il ténor, baryton, baryténor, haute-contre, Heldentenor, maintenant contra-ténor ? se pose décidément beaucoup de questions, pour le plus grand bonheur de ses auditeurs _ en effet _ qui n’auront aucun mal à se faire leur propre avis. Si l’album intitulé Baritenor avait moyennement convaincu _ pas moi : j’en suis enthousiaste _ , cet album consacré aux grands airs baroques devrait, lui, rallier tous les suffrages. Le choix du programme, tout d’abord, qui de Lully à Mozart couvre l’exploration de la tessiture de ténor sur toute la période baroque, devrait satisfaire tous les amateurs de musique ancienne. Un air par compositeur, de quoi ravir les admirateurs de musique italienne comme de musique française _ bien distincts cependant. Le projet de Michael Spyres est visiblement de convaincre qu’à côté de la voix de castrat, le ténor baroque avait lui aussi _ mais oui ! _ son mot à dire, même s’il est vrai que la tessiture de cette voix n’était pas aussi nettement définie _ en effet _ qu’elle l’est devenue plus tard au XIXᵉ siècle. Le haute-contre à la française de Lully et de Rameau, convenons-en, a peu à voir _ en effet !!! _ avec le ténor barytonnant de Haendel, illustré ici par le Bajazet de Tamerlano. Ce personnage évolue en effet dans une tessiture relativement grave qui a permis encore récemment à Plácido Domingo, ténor alors redevenu baryton, de se tailler un beau succès dans le rôle….

 

Dans les deux types de tessiture, Michael Spyres se montre souverain _ oui _, même si l’on se permettra de préférer ses couleurs vocales dans le haut-médium de la voix. Son extension dans le grave, si elle commande le respect, n’a pas la même qualité de timbre que la partie plus élevée de l’instrument. On n’en apprécie pas moins les variations dans les notes basses de certains airs, dont le « Se il moi paterno amore » du Siroe, re di Persia, enregistré en première mondiale. Dans toutes les plages réunies sur cet album, lesquelles feront entendre quelques tubes du baroque et du classicisme naissant comme des nouveautés absolues _ les deux _, Spyres se montre un technicien hors pair _ mais pas seulement, et loin de là : un merveilleux artiste lucide aussi… La voix est homogène sur tous les registres, des extrêmes graves aux extrêmes aiguës, et enjambe les intervalles les plus folles sans la moindre difficulté _ quelle suprême fluidité… Elle offre tout au long du programme, et sans le moindre effort, trilles, mordants et vocalises, s’autorisant des incartades _ mais jamais folles _ autant dans le suraigu que dans les tréfonds du registre de basse. Le spectaculaire « Tu m’involasti un regno » extrait de l’Antigono de Mazzoni fait entendre une vocalise sur rien moins que trois octaves. Cerise sur le gâteau, Spyres sait également dire un texte et son interprétation de « J’ai perdu mon Eurydice », dans un excellent français, est une des plus émouvantes qu’on ait pu entendre ces dernières années _ mais oui ; et en quel admirable français !

Un tour de force vocal, donc, qui rappelle que virtuosité technique et expressivité _ voilà _ ne sont en rien incompatibles. On aura rarement été autant convaincu par un récital d’airs baroques, autant pour la variété des airs sélectionnés que par la maîtrise de la technique vocale et par celle de l’art de la diction _ oui !!! _ et de l’interprétation _ admirable. Il Pomo d’oro, dirigé ici par , est un ensemble instrumental aujourd’hui bien connu _ pour sa régulière excellence !! Tout comme le soliste, il montre sa parfaite adéquation _ oui _ aux différents styles _ très divers _ représentés sur ce programme à l’éclectisme rare _ oui _ pour un enregistrement estampillé « baroque ». Sa contribution _ voilà _ au succès de l’entreprise se doit d’être dûment signalée.

Contra-tenor.

Jean-Baptiste Lully (1632-1687) : « Cessons de redouter » et Passacaille extraits de Persée.

Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : « E il soffrirete … Empio per farti guerra » extrait de Tamerlano.

Antonio Vivaldi (1678-1741) : « Cada pur sul capo audace » extrait de Artabano, re de’ Parti.

Leonardo Vinci (1690-1730) : « Si sgomenti alle sue pene » extrait de Catone in Utica.

Nicola Porpora (1686-1768) : « Nocchier, che mai non vide » extrait de Germanico in Germania.

Domenico Sarro (1679-1744) : « Fra l’ombre un lampo solo » extrait de Achille in Sciro.

Baldassare Galuppi (1706-1785) : « Vil trofeo d’un alma imbelle » extrait de Alessandro nell’Indie.

Gaetano Latilla (1711-1768) : « Se il mio paterno amore » extrait de Siroe, re di Persia.

Johann Adolf Hasse (1699-1783) : « Solcar pensa un mar sicuro » extrait de Arminio.

Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : « Cessez de ravager la Terre » extrait de Naïs.

Antonio Maria Mazzoni (1717-1785) : « Tu m’involasti un regno » extrait de Antigono.

Christoph Willibald Gluck (1714-1787) : « J’ai perdu mon Eurydice » extrait de Orphée et Eurydice.

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : « Se di lauri » extrait de Mitridate, re di Ponto.

Niccolò Piccinni (1728-1800) : « En butte aux fureurs de l’orage » extrait de Roland.

Michael Spyres, ténor ;

Il Pomo d’oro, direction : Francesco Corti.

1 CD Erato.

Enregistré du 15 au 22 septembre 2020 à la Villa San Fermo de Lonigo (Italie).

Notice de présentation en anglais, français et allemand.

Durée : 72:54

 

Voilà pour ces articles annotés.

Le CD enfile ses 14 airs dans l’ordre _ presque, à une exception près : les airs de Vivaldi (en 1716) et de Haendel (en 1724), intervertis dans l’ordre du CD, pour une raison qui m’échappe… _ strictement chronologique de leur création (ou composition, pour l’air de Mazzoni qui n’a pu être créé à Lisbonne à cause des destructions du terrible tremblement de terre, alors que l’opéra « Antigono » était en répétitions..) :

_ 1682, pour l’air extrait de « Persée » de Lully, créé à Paris le 18 avril 1682

_ 1716, pour l’air extrait d' »Artabano, re de’ Parti » de Vivaldi, créé à Venise le 18 janvier 1716

_ 1724, pour l’air extrait de « Tamerlano » de Haendel, créé à Londres le 31 octobre 1724

_ 1728, pour l’air extrait de « Catone in Utica » de Vinci, créé à Rome le 19 janvier 1728

_ 1732, pour l’air extrait de « Germanico in Germania » de Porpora, créé à Rome en févrierl 1732

_ 1737, pour l’air extrait d' »Achille in Sciro » de Domenico Sarro, créé à Naples le 4 novembre 1737

_ 1738, pour l’air extrait d' »Alessandro nell’Indie » de Galuppi, créé à Mantoue le 14 janvier 1738

_ 1740, pour l’air extrait de « Siroe, re di Persia » de Gaetano Latilla, créé à Rome  le 12 janvier 1740

_ 1745, pour l’air extrait d' »Arminio » de Hasse, créé à Dresde, le 7 octobre 1745

_ 1749, pour l’air extrait de « Nais » de Rameau, créé à Paris le22 avril 1749

_ 1755, pour l’air extrait d' »Antigono » d’Antonio-Maria Mazzoni, répété, mais non créé, à Lisbonne en octobre 1755

_ 1762, pour l’air extrait d' »Orphée et Eurydice » de Gluck, créé à Paris le 5 octobre 1762

_ 1772, pour l’air extrait de « Mitridate, re di Ponto » de Mozart, créé à Milan le 26 décembre 1772

_ 1778, pour l’air extrait de « Roland » de Piccinni, créé à Paris le 27 janvier 1778.

Un CD indispensable.

Ce vendredi 5 mai 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un nouvel enthousiasmant CD de Zefiro et Alfredo Bernardini : « Grand Tour a Venezia _ Heinichen Lotti Pisendel Veracini Vivaldi Zelenka », le CD Arcana A 534

22déc

Alfredo Bernardini, hautboïste _ je l’avais découvert et admiré vivement lors de Masterclasses, chez Philippe Humeau, à Barbaste _, dirige avec brio, panache, vivacité et élégance son toujours excellent Ensemble : Zefiro.

Et voici que, de Zefiro et Alfredo Bernardini, paraît un nouveau CD Arcana, A 534,

qui nous offre un très beau programme autour des rapports entre la cour de Saxe (et ses musiciens : Pisendel, Heinichen, Zelenka)

et la Cité de Venise (avec Vivaldi, Veracini, Lotti).

 

Voici ce que dit de ce très beau CD, sur le site de Crescendo, Christophe Steyne,

en un article du 17 décembre dernier, intitulé « Influence croisée entre Venise et la cour de Dresde : Zefiro tire un feu d’artifice » :

Influence croisée entre Venise et la Cour de Dresde : Zefiro tire un feu d’artifice !

LE 17 DÉCEMBRE 2022 par Christophe Steyne

Grand Tour a Venezia.

Francesco Maria Veracini (1690-1768) : Ouverture no 6 en sol mineur. Georg Pisendel (1687-1755) : Concerto pour violon no 2 en ré majeur JunP I.7. Antonio Lotti (1667-1740) : Sinfonia de l’opéra Ascanio. Johann David Heinichen (1683-1729) : Concerto pour deux hautbois en mi mineur Seibel 222. Jan Dismas Zelenka (1679-1745) : Ouverture a 7 concertanti en fa majeur ZWV 188. Antonio Vivaldi (1678-1741) : Concerto per l’orchestra di Dresda en sol mineur RV 577.

Zefiro. Alfredo Bernardini, direction et hautbois. Paolo Grazzi, hautbois. Lorenzo Cavasanti, Emiliano Rodolfi, flûte à bec. Alberto Grazzi, basson. Cecilia Bernardini, Claudia Combs, Ayako Matsunaga, Monika Toth, Rossella Croce, Ulrike Fischer, Isotta Grazzi, Matilde Tosetti, violon. Stefano Marcocchi, Teresa Ceccato, alto. Gaetano Nasillo, Sara Bennici, violoncelle. Riccardo Coelati Rama, violone. Francesco Corti, clavecin, positif. Evangelina Mascardi, luth.

Mai 2021. Livret en anglais, français, italien. TT 66’11. Arcana A534

Survivance et prolongement de la peregrinatio academica, le voyage d’initiation que les jeunes gens de l’aristocratie _ d’abord anglaise, puis, plus largement, européenne _ devaient effectuer dans les hauts-lieux de la culture européenne _ en Italie, tout particulièrement… _ contribuait à la formation politique et artistique des élites. C’est dans ce cadre pédagogique que Frédéric-Auguste Ier de Saxe (1670-1733) envoya en 1716 son fils à Venise pour son Cavaliertour, qui dura six mois. L’orchestre de la Cour de Dresde attirait les meilleurs musiciens de l’époque ; Frédéric-Auguste II (1696-1763) en emmena quelques-uns lors de son séjour dans la cité sérénissime, qui accueillait quelques compositeurs natifs (comme Vivaldi ou Lotti) ou de passage (Veracini, né à Florence et devenu organiste de la Basilique San Marco, Heinichen arrivé de Leipzig). Ce brassage marqua les œuvres, tant leur style que leur facture, stimulée par les brillants virtuoses de la Cour saxonne, tel le hautboïste Johann Christian Richter qui inspira au Prete rosso ses créations pour anches les plus ardues _ voilà. Certains compositeurs se plièrent au goût de cette Cour _ polono-saxonne… _, que séduisait le style français. D’autres y furent même ensuite invités, comme Heinichen que le fils ramena avec lui, mais aussi Lotti convié par Auguste le Fort l’année suivante, puis Veracini en 1720.

C’est cet extraordinaire réseau d’échanges et d’émulation qu’illustre le présent album _ voilà _, lançant un pont entre Dresde et Venise, et révélant les influences croisées entre ces deux majeurs foyers artistiques. Parfois sous forme d’hommage revendiqué, ainsi le Concerto per l’orchestra di Dresda où l’auteur des Quatre Saisons exploite un vertigineux laboratoire a molti strumenti (deux flûtes, deux hautbois, basson, cordes) conclu par un impétueux allegro. La même ivresse s’empare de l’étourdissante Folie qui parachève l’Ouverture a 7 concertanti de l’excentrique _ génialissime _ Zelenka, le fantasque Bohémien !

Le programme compte aussi un Concerto pour deux hautbois d’Heinichen, qui abondera le répertoire de la Cour par divers opus poly-instrumentaux, auxquels Reinhard Göbel consacra un remarquable double-album (Archiv, 1992). Le style français prisé par August der Starke est sensible dans la Sinfonia de l’opéra Ascanio ; or l’on s’étonne un peu que ce CD ait choisi celle des six Ouvertures de Veracini qui corresponde le moins à cette dilection. Le Concerto pour violon de son industrieux rival Georg Pisendel (une dissension qui poussa son confrère italien à se défenestrer !) révèle certes la diversité des faveurs musicales en vogue dans la « Florence de l’Elbe », dont témoigne le Gemischter Stil.

Depuis les vinyles de Nikolaus Harnoncourt, la discographie et les concerts viennent périodiquement enrichir l’hommage à cette Hofkapelle qui, jusque la Guerre de Sept ans, put resplendir aux oreilles des Princes-Électeurs de Saxe et souverains de Pologne _ voilà. Un récent _ superbe ! _ CD d’Alexis Kossenko à l’Abbaye de Royaumont _ le CD Aparté AP 258 _ en revigorait le faste par des moyens gargantuesques. Peut-être moins gourmand, d’un trait plus sec qui resserre la trame rythmique et aiguise les lignes, Alfredo Bernardini et son incisif _ oui : ultra-vivant ! _ ensemble Zefiro font ici assaut de tout le zèle imaginable. Des phrasés expressifs quoique drus arment une interprétation aussi précise que chatoyante. Des vertus augurées dans un récital « Dresden » enregistré en novembre 2016 pour le même éditeur _ le CD « Dresde 1720«  Arcana A 438 _, dans une veine chambriste. Tous les coups sont permis pour faire revivre l’éclat et le théâtre _ voilà _ de ces pages. On ne saurait distinguer un pupitre ou un moment tant le travail d’équipe signe un triomphe collectif _ oui, comme il se doit pour ces concerti con  molti istromenti On en sort épaté. La captation dynamique et haute en couleurs _ oui _  achève de nous combler. Admirable de bout en bout _ tout à fait ! Il y a deux ans au Réfectoire des moines, l’attelage Les Ambassadeurs / La Grande Écurie dressait une table de rois. Zefiro tire aujourd’hui le feu d’artifice qui magnifie ce festin.

Son : 9 – Livret : 9,5 – Répertoire : 9-10 – Interprétation : 10

Christophe Steyne

À comparer aussi avec les très récentes étincelantes réussites de Julien Chauvin (et son Concert de la Loge) et Amandine Beyer (et ses Gli Incogniti) en ce même brillantissime répertoire…

Ce jeudi 22 décembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

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