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juil 01

Gagner la guerre en beauté

Gagner la guerreGagner la guerre est le premier roman de Jean-Philippe Jaworski, après le recueil de nouvelles Janua Vera, chez Les Moutons électriques. Et il y avait un bail que je n’avais pas lu un ouvrage de fantasy aussi réussi.

La République de Ciudalia (qui rappelle furieusement la Rome antique ) est en guerre contre le royaume de Ressine (qui pourrait nous rappeler l’Empire Ottoman). Au centre du conflit et de ses conséquences, Don Benvenuto, personnage que l’on suit à la première personne, assassin et  maître espion de Leonide Ducatore, l’homme le plus puissant de la république, va jouer un rôle décisif dans sa résolution. Et ce qui saute immédiatement aux yeux, dès les premières lignes, c’est l’excellente plume de l’auteur! Gouailleur, sarcastique, misogyne, voire raciste, don Benvenuto est un personnage qui permet à Jaworski de nous offrir des perles jubilatoires notamment dans les dialogues. Mais l’écriture soignée n’est pas la seule qualité de l’ouvrage : les nombreuses péripéties qui tombent sur le coin du museau du malheureux Don Benvenuto  (enfin il le cherche un peu quand même!) sont tellement haletantes que seule une grande fatigue due à l’heure (très) avancée de la nuit peut forcer le lecteur à fermer le livre.
L’univers que Jaworski met en place est extrêmement crédible et fouillé : on reconnaît là son expérience de créateur de jeux de rôles. Les descriptions des lieux possèdent une certaine force évocatrice,  d’autant plus que de nombreux détails nous semblent familiers . C’est peut-être le seul bémol que je ferai : on aimerait parfois qu’il y ait moins d’emprunts  au monde réel. Il y a une profondeur, une complexité psychologique qui est à souligner : en effet, la majorité de l’intrigue passe par la description des jeux de pouvoir entre états, les coups bas diplomatiques, la trahison, le chantage et tout cet imbroglio politique qui parfois donne le vertige, se tient finement, avec subtilité et nous évoque le fonctionnement  de la république romaine, au temps des luttes sournoises et retorses entre les sénateurs (enfin est-ce que ça a vraiment changé…). Ici pas de manichéisme à l’américaine, avec les gentils sauveurs de l’humanité d’un côté (Don Benvenuto n’a rien de Bruce Willis) et les vraiment très méchants ( « Je serai le maître du monde! Mouahahaha! ») de l’autre.
Et oui il s’agit bien de fantasy! Nos amis les elfes sont bien présents, des sorciers pas très jouasses aussi, mais seulement par touches, sans forcer le trait à rebours de nombreux auteurs de fantasy d’aujourd’hui…

Un auteur à suivre absolument et passionnément. Et dire que c’est son premier roman! En fait, c’en est même un poil agaçant!