Il nous a fallu attendre presque trois longues années pour avoir des nouvelles d’Anne-Laure Bondoux, l’un de ces auteurs dont on attend fébrilement, impatiemment, le nouvel opus. Trois longues années hantées par la question de savoir ce que cette romancière aussi inclassable que talentueuse allait nous offrir. Le cadeau est à la hauteur de l’attente, généreux, bouleversant et totalement imprévisible…
L’autre moitié de moi-même est certainement le texte le plus personnel et le plus douleureux qu’Anne-Laure Bondoux nous ait livré, autobiographique presque malgré elle. Confrontée à ce qui peut arriver de pire à un écrivain à savoir l’impossibilité d’écrire, d’inventer, de se plonger dans une fiction et d’en développer situations et personnages, la romancière perd pied, au point de croire (à tord) avoir écrasé un enfant en tricycle avec sa voiture. Dès lors, il va lui falloir affronter ses propres démons, aller au fond du gouffre, exhumer des secrets, libérer la parole de ses proches et tenter de dire l’indicible, ce qu’elle s’était soigneusement caché à elle-même ou ce qu’on lui avait sciemment dissimulé. C’est un texte intense et intime, délicat et puissant qu’ Anne-Laure Bondoux offre à ses lecteurs, s’étonnant elle-même de céder à ce genre de l’autofiction si éloigné d’elle jusque là. Si elle s’expose » en maillot de bain », avec pour seule protection celle qu’offrent la mise en mots et le travail d’écriture, l’auteure du sublime Temps des miracles affronte sans détours sa part d’ombre et offre à ses lecteurs une réponse toute personnelle à l’incontournable question : « Pourquoi écrivez-vous ? »