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juin 17

Un inédit de Jean-Luc Coudray : voyage habité vers Mars

Planète MarsJean-Luc Coudray, l’auteur du tout récent Dialogues avec Satan, ne nous en a pas voulu de le suspecter d’un commerce avec le diable, ni de notre honteuse dénonciation de ses chevauchées nocturnes à travers la ville endormie dans lesquelles il doit puiser son étrange inspiration. Il sait aussi, on le lui a dit, que nous le défendions avec constance, certains de son talent unique et de son humour intelligent et paradoxal. A notre demande de nous offrir, pour ce jeune blog, un petit texte inédit, il n’a pas hésité longtemps : un bref colloque avec ses démons familiers et voilà que nous arrive ce petit texte stellaire et impertinent. Nous espérons qu’il vous donnera envie d’aller goûter à la saveur universelle de ses courts récits dont voici un merveilleux exemple.
radis

VOYAGE HABITÉ VERS MARS

Pour le premier voyage habité vers la planète Mars, les autorités pensèrent au Major. Son insensibilité psychologique le protégerait de la panique ou de la dépression pendant les longs mois de trajet dans le vide. Sa paranoïa lui assurerait la vigilance nécessaire pour repérer toute intrusion extraterrestre dans le programme. Son dévouement à la hiérarchie était plus fiable que les moteurs de fusées les plus sophistiqués. Bon soldat, servile et courageux, il était de ceux sur qui les États peuvent investir. Il partit seul, accompagné de robots à roulettes, sous l’œil permanent d’une caméra, dans le rien que l’on nomme espace, confiné dans un astronef aussi oppressant qu’un sous-marin. Pendant que des équipes aux salaires importants rectifiaient, depuis la Terre, seconde après seconde, sa trajectoire, les télévisions de la NASA montraient le major, tantôt ronflant bruyamment, obligeant les terriens à couper le son, tantôt feuilletant des magazines pornographiques qui troublaient les techniciens. Au bout de quelques mois, le major avait grossi, dormait quatorze heures par jour, baillait le reste du temps, se bâfrait de choucroutes lyophilisées et fixait la caméra avec les yeux globuleux d’un crapaud dont l’apesanteur aurait modifié l’ADN. Quand l’engin se posa sur le sol martien, le Major dormait et ne descendit pas. À l’engueulade de la Terre, il répondit en menaçant d’atterrir au retour à Cuba. Après plusieurs jours, la retransmission télévisuelle montra le Major ouvrir la porte de l’aéronef, se rouler dans le sable de Mars la mitraillette à la main, se cacher derrière une dune, effacer ses traces. Il avait reprogrammé les robots qui le couvraient en tirant dans toutes les directions. L’une des balles toucha la caméra et l’image s’éteignit. Lorsque, un an plus tard, le Major revint sur Terre, le Président de la République lui posa immédiatement la question :

“Y a-t-il de la vie sur Mars ?

– Il y en avait.” répondit le Major.

1 commentaire

  1. chaize.R.

    M. le Dr Coudray est vraiment un écrivain étrange et on a le plus grand mal à savoir où le ranger. Je le trouve surtout très poétique tout en étant très logique et c’est cette association qui le rend si particulier. On verra avec ce Satan si son univers garde intacte sa drôle de force.

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