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fév 27

Le roman des étudiants – Prix France Culture / Télérama – Billet n°3

À l’occasion de l’édition 2014, France Culture et Télérama ont décidé d’encourager et de soutenir les jeunes qui aiment lire et faire lire, avec le soutien d’un réseau de libraires indépendants. Ces étudiants, rencontrés à la librairie Mollat, nous envoient gentiment leur coup de cœur que nous voulons partager avec vous.

Voici celui d’Anne Bernex :

Réparer les vivants de Maylis de Kerangaléditions Verticales

« Le corps de Simon sera restauré » : cette phrase prononcée à mi-parcours du récit, neutre, clinique
a pourtant le respect du vivant qui s’achemine vers un ailleurs. C’est l’histoire d’une résurrection,
au seuil du deuil et au delà de la compassion. Loin du drame psychologique, l’ouvrage dévoile une
deuxième histoire, des vies en une : celle des autres corps auxquels le jeune homme fauché par un
accident de la route donnera, par la voix des siens, ses organes.
Lire de Kerangal est éprouvant parce que la tension n’est jamais relâchée. C’est être emmené par
une écriture vive parce que puissante, vivante, sur un sujet sensible où d’autres auraient préféré la
description précise et mesurée du calcul des opérations. Son sujet, Simon Limbres, visage d’enfant
et corps d’athlète, l’auteur l’accompagne avec amour et pudeur. De ses héros, les malades en attente
d’un cœur, la famille du défunt, le personnel hospitalier (qu’elle sait nous rendre attachant parce
qu’elle y voit le passionné avant l’homme en blouse ou le chanteur avant l’infirmier) elle fait
ressortir l’humanité. Le travail de l’écrivain sur ce point est remarquable, par son absence de
jugement sur la décision du père et de la mère, leur laissant un temps de repos, de rage aussi et,
chose rare, des silences.
On dit « veuf » pour celui qui perd sa femme, « orphelin » pour celui qui perd ses parents mais il n’y a
aucun mot pour nommer la perte de son enfant. Maylis de Kerengal en a trouvé plusieurs,
magnifiques de justesse ; ils seront familiers à ceux passés par les couloirs froids, intimidants de
l’hôpital et ses heures de visite. Au fil des pages, en prenant parti pour la deuxième vie de Simon,
Maylis de Kerengal a réussi un tour de force inédit : elle a giflé la mort.

 

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