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déc 19 2008

Pourquoi j’ai choisi «L’Affaire Tournesol» par Didier Michelet

tournesol.jpgCe choix est celui de l’âge mûr. A l’âge auquel j’ai découvert les aventures de Tintin, je n’aurais probablement fait le même choix car ce n’est pas l’album qui fait le plus rêver un enfant. Au contraire, cet album, est, me semble-t-il, le plus « réaliste » en ce qu’il est un thriller politico-scientifique, une aventure d’espionnage, dont l’intrigue n’est que le décalque de la réalité d’une époque totalement marquée par la guerre froide.
C’est le récit le plus haletant, le plus dense, le plus concentré de tous les albums de Tintin. C’est un scénario de roman d’espionnage qui pourrait être porté à l’écran tel quel. Certains metteurs en scène utilisent aujourd’hui la bande dessinée pour la préparation de leurs tournages : une fois de plus Hergé fait ici preuve de son génie en livrant un album immédiatement transposable au cinéma avec tous les ingrédients d’un film d’action.
Toutes les aventures de Tintin sont le théâtre de poursuites, de bagarres, de renversements de situation, desquels le héros sort toujours indemne car il sait tout faire, peut conduire les engins les plus extraordinaires et bénéficie toujours, au moment critique, du coup de pouce salvateur d’un deus ex machina particulièrement attentionné.
Dans « L’Affaire Tournesol » tout est plausible. Il n’y a pas de situation totalement invraisemblable, les décors, les voitures les scènes nous sont familiers (à l’exception des voitures Bordures) et l’ensemble est moins extravagant que de nombreux films dont J.P. Belmondo est le super héros.
Mais ce scénario ne se limite pas celui d’un film d’action. Il fait référence à une réflexion particulièrement d’actualité dans cette période de l’après-guerre, sur la responsabilité des scientifiques dans le sillage d’Oppenheimer. Et si l’invention de Tournesol est potentiellement aussi terrifiante que la bombe atomique, l’on comprend bien sa hantise de voir ses plans tomber dans des mains Bordures ou autres qui en feraient une arme de destruction massive. L’affrontement entre les blocs Est contre Ouest dans les années 50 – 60 donne à cet album un relief tout particulier en ce qu’il aborde des questions de fond qui mettent en jeu la survie de la planète. Dire qu’il y a plusieurs niveaux de lecture de l’œuvre d’Hergé est une banalité : L’Affaire Tournesol me semble en être l’illustration la plus forte.
Cet album est également annonciateur d’un thème qui fera l’objet de tout un album quelques années plus tard : avant « Les Bijoux de la Castafiore », il marque l’irruption des media (presse écrite et actualités télé et filmées) et souligne leur impact sur les foules, mues par une curiosité pas toujours très saine, avec les phénomènes de masse qui en résultent.
J’ai également un faible pour le personnage que je préfère dans la galaxie Tintin, le Capitaine Haddock, qui, l’espace de quelques planches au début du récit, s’est acheté une conduite de gentleman farmer qui lui fait arborer un gilet rayé du plus bel effet, en harmonie avec une résolution (passagère) de renoncer aux aventures pour mener une vie de châtelain rangé concluant ses promenades en campagne par un sérieux whisky (on ne peut pas renoncer à tout en même temps)…
Enfin, la lecture « sérieuse » de L’Affaire Tournesol ne fait pas de cet album une histoire moins plaisante que les autres aventures de Tintin, grâce au nombre et à la qualité des gags qui émaillent le récit à un rythme aussi effréné que celui de l’action.

Didier Michelet, soixante ans…

 

 

Visuel : © Hergé/Moulinsart 2008

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