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oct 10

Hachoir

un hachoirUn livre où apparaît aussi souvent le mot hachoir ne peut forcément pas être mauvais et Brian Evenson réussit la performance dans son tout dernier roman d’utiliser cet accessoire avec une intensité qui donnerait le vertige à un boucher. Son incroyable roman ne se passe cependant pas dans une famille de charcutier, la viande qu’on y goûte est humaine et elle n’est pas servie dans de la vaisselle d’argent. Horrible, macabre, voilà bien deux adjectifs qui conviennent pour définir ce faux polar dont le héros a tous les airs du privé en rupture de ban, avec quelques clichés moqueurs à la clef. La différence, et elle est de taille, c’est que ce Kline (lire « klein » bien sûr) est handicapé ou plus précisément mutilé : pour échapper à un agresseur il s’est tranché la main avant d’abattre son poursuivant, fort de cette épouvantable diversion, de son autre main, armée celle-ci. Ce manchot volontaire déprime sec quand commence l’intrigue et il ne comprend pas pourquoi on le harcèle au téléphone pour l’inviter à rejoindre un groupe où sa double condition d’enquêteur et de mutilé le rend indispensable. Ayant trop résisté il est quasiment kidnappé par deux hommes de main très spéciaux, des mutilés qui avancent leurs « pertes » comme autant de médailles. C’est le début d’une incroyable histoire au coeur d’une improbable secte dont la hiérarchie se fonde sur le nombre de mutilations volontaires : plus on « diminue » de surface, plus on « grimpe » et le numéro dont chacun est gratifié correspond au nombre de membres manquants. Pour enquêter sur le meurtre du fondateur de la secte qui lui a valu cet internement, Kline qui n’est d’abor qu’un « Un », qui a impressionné tout le monde avec son histoire, va vite comprendre qu’il doit sacrifier des morceaux de lui-même pour avancer. Sa curiosité, démon dévorant qu’il ne parvient jamais à réfréner, l’entraîne alors dans une cascade d’aventures où le sang gicle à gros bouillon dans des scènes de grand guignol d’une effarante précision (rien à voir cependant avec la fameuse scène du Sacré Graal des Monty Python où le combat des chevaliers s’achève en boucherie hilarante…) . On se gardera d’en dire plus car il y a une intrigue, un mystère et une résolution. L’humour, tenu au cordeau, envahit de sa noirceur cette Confrérie des mutilés qui peut dès lors se lire comme un hommage excessif à toute une tradition littéraire trouvant ses racines dans le gothique anglais. On signalera enfin que ce troisième livre traduit de Brian Evenson est le troisième en France et qu’on le doit au talent d’éditeur de Claro et Hofmarcher dans leur collection Lot49.

Brian Evenson

 

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