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nov 04 2010

Exclusif : le discours de Muskar XII prononcé lors de l’inauguration de l’Esplanade du Professeur Tournesol

Françaises, Français,

Bordelaises, Bordelais,

Syldaves, Syldaves,

Tintinophiles, tintinologues, tintinolâtres, et tintinomaniaques, je vous adresse l’amical salut du peuple du royaume du pélican noir. M. le Maire de Bordeaux, on ne pouvait choisir de meilleur lieu que celui-ci pour honorer le professeur Tournesol. Ici, au pied de ce temple tout entier dédié à la science. Ici, sur les bords de ce fleuve Garonne, dont les eaux baignent Bordeaux ; comme celles de la Wladir et du Moltus se rejoignent à Klow. Ici, sur les bords de ce fleuve dont les eaux coulent toujours un peu plus vers l’Ouest… la direction favorite du professeur. Ici, sur le quai même dont est parti, il y a quelques années, le Pachacamac, sur lequel était alors détenu le professeur. Oui, je suis aujourd’hui en mesure de révéler, après l’ouverture, dans le souci de transparence qui caractérise le royaume de Syldavie, des archives royales,  ce que nombre d’entre vous soupçonnaient déjà. En raison, hélas, des graves tensions entretenues de manière permanente par l’expansionnisme bordure, M. Hergé a été dans l’obligation de modifier dans ses ouvrages, certains noms de lieux, ou de travestir certains faits, pour des raisons de sécurité, et cela dans l’intérêt supérieur de la Syldavie. C’est pourquoi, de manière tout à fait fantaisiste, et pour tromper la clique des espions bordures, le nom de « SAINT NAZAIRE » a été substitué à celui de Bordeaux. Si le rétablissement de la vérité est aujourd’hui envisagé par la fondation Moulinsart, il s’agit toutefois d’une tâche très lourde, qui suppose la rectification de tous les albums actuellement en circulation. La priorité a donc été donnée à un premier chantier plus facile à mener, consistant à abattre les deux pavillons disgracieux qui avaient astucieusement permis, là aussi pour des motifs de sécurité, de camoufler le château de Moulinsart, sous le nom de Cheverny.

En honorant le professeur Tournesol, la ville de Bordeaux répare une terrible injustice.

Car la ville de Bordeaux va être la première à donner au professeur sa juste place (juste esplanade, plutôt). Elle sera probablement rapidement imitée, puisqu’il est question, à Paris, pour des raisons bien compréhensibles, de remplacer la statue du zouave du pont de l’Alma par celle du professeur Tournesol. Les choses n’ont évidemment pas été faciles ; mais repoussant d’une oreille sereine les objections de certains, la commission de viographie agissant avec hardiesse sous l’impulsion de son maire éclairé a tranché la question. Il avait été envisagé dans un premier temps de débaptiser la place de la Bourse, ou l’esplanade des Quinconces dont la dimension était en apparence davantage à la hauteur du génie du professeur. Cela n’a pas paru encore suffisant. Le chantier que vous apercevez au loin est celui du nouveau pont de Bordeaux ; dont la construction s’explique uniquement par la volonté d’assurer une desserte satisfaisante à l’esplanade qui dans un instant sera baptisée du nom du professeur Tournesol. C’est d’ailleurs en considération de ce but admirable, que l’UNESCO a décidé d’autoriser cette réalisation, en dépit des contraintes liées au classement de la ville au patrimoine mondial. C’est à plus d’un titre qu’il convient de saluer ce geste.

Chacun sait ici l’immense savant qu’a été le professeur Tournesol. Nombre de ses inventions ont modelé notre environnement quotidien. Son génial modèle de gazogène, comme aussi ses travaux sur l’additif N14 ont joué un rôle décisif dans l’évolution de la filière automobile, et l’apparition des premiers moteurs verts. On comprendra que là encore, le souci de tromper les espions bordures ait conduit M. Hergé à déguiser avec prudence certains des plus formidables travaux de ce génie scientifique. Mais les lecteurs avertis auront compris le rôle qu’a pu jouer la révolutionnaire machine à brosser les vêtements du professeur dans le développement de la micro informatique. Les allusions transparentes contenues dans plusieurs ouvrages successifs nous permettent également d’imaginer ce que la téléphonie sans fil doit au professeur Tournesol. Chacun sait ici que c’est grâce à un des sous-marins de poche inventés par le professeur Tournesol qu’a finalement pu être maîtrisée la très grave pollution du golfe du Mexique. L’énumération des réalisations admirables du professeur pourrait toutefois  rapidement devenir lassante, tant la fécondité de son génie a su s’incarner dans les objets les plus étonnants.

Mais ce que nous devons saluer surtout en Tryphon Tournsol, c’est le savant responsable, qui met la science au service exclusif du progrès de  l’humanité. A l’heure où la Bordurie, en dépit des remontrances de la communauté internationale tente de se doter de l’arme atomique, il faut garder à l’esprit l’exemple du professeur Tournesol ; apôtre de l’utilisation pacifique de l’atome. Le moteur atomique conçu par le professeur n’a été mis au service que d’une conquête pacifique, celle des espaces intersidéraux. En lui ouvrant les portes de la lune, il a permis à la main de l’homme d’aller là où elle n’avait jamais mis le pied. Mais c’est le sacrifice volontaire, au nom de l’intérêt supérieur de l’humanité, du terriblement destructeur émetteur à ultra-sons qui à lui seul mérite l’hommage rendu aujourd’hui à cet immense savant.

Dans ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui « l’affaire Tournesol » le rôle de la Syldavie a parfois été mal compris. L’occasion est donc bonne de dissiper un malentendu persistant. Il doit être clair aux yeux de tous que le seul objectif poursuivi par la Syldavie a été d’éviter qu’une telle invention ne tombe entre de mauvaises mains. La maîtrise par la belliqueuse Bordurie de cette effrayante technologie aurait eu en effet des conséquences terribles, non pas seulement pour la pacifique Syldavie, mais pour l’Europe, et même la planète toute entière. Car la Bordurie reste hélas, encore aujourd’hui, le dernier obstacle à la paix en Europe orientale, et à l’entrée de la Syldavie au sein de l’Union. Celle-ci est pourtant indispensable, pour permettre à son peuple de vivre au sein de frontières sûres, et reconnues.

Mais le moment solennel est désormais arrivé. Alors que les paroles de l’hymne syldave, si magnifiquement interprété par les chœurs de l’Opéra de Bordeaux viennent de retentir à vos oreilles, il reste à dévoiler devant vos yeux le monument à la gloire du professeur Tournesol. Une plaque en marbre des Zmyhlpates, qui porte le glorieux nom de Tournesol ; oeuvre du sculpteur Ottokar Almazout de toute beauté qui est un fils du pays dont nous sommes fiers et que moi, Muskar XII, Roi de Syldavie, vais avoir l’honneur, la fierté et l’orgueil de dévoiler à l’instant devant vous, solennellement

Son Altesse Sérénissime Muskar XII

Bordeaux le 16 octobre 2010

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