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mar 16

Adulte à présent

A Douala, ce jour de février 2008, la tension est palpable chez la famille Mpodié. Le père, l’un des leader du CNR se prépare pour une grande manifestation pacifiste qui dira la volonté de tout un peuple de sauvegarder sa constitution tout en s’insurgeant contre la vie chère qui étrangle les camerounais. Auprès de lui, sa femme, sa fille aînée et la cadette un « mètre 67 et de jolies tresses faites de l’avant-veille ». Alors que la foule marche, redoutant l’arrivée de la police, la jeune fille s’immobilise : un mouvement de foule disperse l’ordre et soudain la peur et les soldats qui mettent en joue. « Les membres de sa famille éparpillés.Ici et là. Sa famille gisante ».

Désormais seule au monde avec pour seul compagnon Bienvenu qui s’occupe de l’intendance de la famille, la cadette cherche en vain des raisons de vivre, de croire alors que les rebelles profitent du chaos qui vide les rues. La guerre civile ne lui laisse que le choix de l’exil et grâce à un ami de son père c’est New-York qui l’attend. Dans l’avion, elle rêve du Prince Charmant, qui seul pourrait porter un baume sur ses blessures. A l’arrivée, c’est Rotting Paris qui l’accueille en son sein, quartier de misère et de violence et chez la famille Steen où elle est hébergée, rien ne semble indiquer que ses blessures pourront être pansées. C’est sans compter la présence discrète du fils, celui par qui le miracle va arriver…

La cadette et le fils : deux ados sans nom qui n’en sont que plus universels. Deux ados qui se découvrent du bout des doigts, du bout des yeux, rattrapés par la violence du monde qui un instant les paralyse, les bombarde de questions. Il leur faut réagir parce que leur vie en dépend et qu’à ce moment, ils n’ont plus qu’un chose à faire : devenir adultes, à présent.

On aurait envie de tout dire de ce roman éprouvant de tension où l’amour semble être la planche de salut la plus solide qui soit pour dépasser toutes les douleurs qui assaillent les personnages. Dans ce monde qui ne fait pas de cadeaux, qui cogne et fait mal et dont Edgar Sekloka s’efforce de rendre compte dans une langue inventive et musicale qui accèlère ou adoucit le tempo selon la tension dramatique, la cadette et le fils s’inventent un langage, une place, une vie. Pour son deuxième roman après l’excellent Coffee, Edgar Sekloka confirme avec Adulte à présent son talent d’écrivain avec un art de la composition et du rythme qui doit certainement à ses dons de slameur. Les mots se frottent, résonnent, percutent ou caressent et illustrent parfaitement ces existences cabossées et combatives de deux ados mis à mal peut-être sauvés par l’amour…





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