Acheter le langage, selon Pascal Chabot
Jeudi prochain 20 septembre,
au Studio Ausone à 18 heures,
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j’aurais le grand plaisir de recevoir Pascal Chabot,
pour son très judicieux L’Homme qui voulait acheter le langage,
qui paraît aux Éditions PUF…
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Pascal Chabot _ remarquable philosophe bruxellois _
est l’auteur du passionnant Global burn-out,
qui m’avait très vivement impressionné en 2013.
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Voici l’article que Le Monde des Livres de jeudi dernier
consacre à L’Homme qui voulait acheter le langage
sous la plume de Roger-Pol Droit.
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Figures libres. Pour parler, abonnez-vous au forfait langage
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La chronique de Roger-Pol Droit, à propos de L’Homme qui voulait acheter le langage, de Pascal Chabot.
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LE MONDE | 13.09.2018 à 07h45 • Mis à jour le 13.09.2018 à 09h48
Par Roger-Pol Droit
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L’Homme qui voulait acheter le langage. Drame philosophique, de Pascal Chabot, PUF, 110 p.
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Nous parlons à nos téléphones, à nos enceintes connectées. Nous leur donnons des ordres. Nous commandons à la voix services, informations, produits. Le monde nous obéit. Pour désigner cette activité, on utilise encore le vieux verbe « parler ». Le mot fut associé, naguère, à quantité de pratiques langagières – délires amoureux, chants poétiques, démonstrations théoriques, exhortations politiques… S’il demeure le même, les registres sont radicalement distincts.
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Quand nous nous adressons aux autres humains, c’est pour séduire ou menacer, instruire ou distraire, faire obéir ou désobéir… entre autres. En revanche, lorsque nous donnons des instructions à Siri, Google Assistant et compagnie, nous accomplissons uniquement des actes suivis d’effets, qui sont autant d’opérations monétisables.
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Tel est le point de départ de la courte pièce de théâtre – « drame philosophique » – intitulée L’Homme qui voulait acheter le langage, que signe aujourd’hui Pascal Chabot, philosophe inventif à qui l’on doit déjà plusieurs essais et fictions. Son intuition : la logique du développement numérique risque de disqualifier toute parole simplement évocatrice, ou purement descriptive, qu’elle soit poétique ou scientifique. Il ne resterait que les actes linguistiques efficaces, directement opérationnels, capables d’agir sur le monde, passant des commandes, transmettant des ordres, énonçant des faits.
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Le progrès n’étant que « le devenir banal de l’impensable », il suffit de faire un dernier pas pour parachever le cauchemar. Imaginons qu’on élabore l’algorithme qui répondra avec discernement aux formulations floues de chacun. Votre phrase « Je veux passer une journée tranquille » débouchera aussitôt sur des propositions commerciales ajustées à votre profil – habitudes, consommation antérieure, parcours préexistants… Le concepteur de cette monstruosité sera devenu maître du langage.
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Capitalisme linguistique
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Il pourra désormais certifier le devenir-chose des mots. Et vendre des abonnements donnant le droit de parler pour obtenir ce qu’on veut. Ceux qui n’y auront pas accès croupiront dans le silence. Sans forfait langage, tu parleras pour ne rien dire. « Consommer, c’est parler avec effet » – telle est la loi du nouveau monde qui se met en place. Ce soir, tout est au point. Il n’y a plus qu’à lancer l’opération. L’univers ancien sera bientôt terminé, sauf si…
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L’excellente et instructive fantaisie imaginée par Pascal Chabot se déroule dans le sous-sol d’un aéroport. Au dehors, un ouragan cataclysmique, comme celui qui a ravagé Saint-Martin il y a un an. Dans la spirituality room, où les voyageurs de toutes confessions peuvent se recueillir, dialoguent un homme et une femme qui s’aimèrent dix ans plus tôt. Il serait malvenu d’en dire plus. Inutile de dévoiler les péripéties du dialogue et surtout le dénouement.
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Il suffira de dire que Pascal Chabot met en lumière le récent capitalisme linguistique en estuissant les épousailles des GAFA et de Wittgenstein (« Si un signe n’a pas d’usage, il n’a pas de signification« , dit son Tractatus logico-philosophicus, 3 328). Ce divertissement autour d’une question cruciale de notre époque n’est pas seulementt amusant et bien ciblé. Il fait peur autant qu’il séduit. Il donne à réfléchir. Il contribue sans doute à ouvrir la philosophie. Mais d’abord à nous ouvrirr les yeux.
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Ce samedi 15 septembre 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa
Tags: langage, Pascal Chabot