Archives du mois de mars 2009

Rebander les ressorts de l’esprit (= ressourcer l’@-tention) à l’heure d’une avancée de la mélancolie : Jean Clair

27mar

L’excellente collection « L’Un et l’autre » (de Jean-Bertrand Pontalis, aux Éditions Gallimard) propose le quasi annuel « Journal » de Jean Clair, sous, cette fois, le titre de « La Tourterelle et le chat-huant«  _ après, en 2006, « Journal atrabilaire« , et, en 2007, « Lait noir de l’aube » (sous-titré « Journal« ), dans la même excellente collection. Auxquels (journaux) on peut aussi adjoindre une récente re-collection d’articles : « Autoportrait au visage absent » (sous-titré, lui, « Écrits sur l’Art (1981-2007)« , paru le 20 mars 2008…

« La Tourterelle et le chat-huant » est bien sous-titré : « Journal 2007-2008 » : il s’étend du « Printemps » 2007 à « l’Été » 2008…

Jean Clair me plaît beaucoup : un de ces contemporains lucides, et donc (très) importants, parmi le tout-venant, en foule, de tous les vains et imposteurs « pondant » mécaniquement tant de « pavés » occupant (pour les « peupler », en piles, de leurs ombres « rassurantes ») tant de rayons et tables de librairies et bibliothèques, que réclament à ces pseudo « auteurs » les éditeurs en place ; en direction des (gros) « besoins » du tout-venant du lectorat : « ça » « part » si « bien », comme des petits pains et de la viennoiserie… Bref : une parole de vérité enfin ! dans le désert (assourdissant : c’est le but recherché !) des babillages et, pires, mensonges (qui parviennent à faire « prendre des vessies pour des lanternes » à ceux qui, tout bonnement, « le » demandent : une fonction première de ce en quoi consiste le très volontairement sans consistance _ = « léger » _ « loisir » de masse…).

Je lis donc Jean Clair dès qu’il paraît : et je découvre, non sans surprise ici, que l’achevé d’imprimer de celui-ci, « La Tourterelle et le chat-huant« , date _ déjà ! _ du 7 janvier 2009 ; et qu’il a même paru le 22 janvier… : non seulement je ne l’avais pas encore déniché (sur une table…) ; mais nulle mention de quelque journal que ce soit, en quelque article _ ni même à mon écoute, en tout cas, de France-Culture _, ne me l’avait si peu que ce soit « signalé »… Mais, l’important, est de le lire ; et « maintenir » le contact _ voire la conversation _ avec ce veilleur vigilant-ci, qu’est Jean Clair (né le 20 octobre 1940 à Paris : il a donc soixante-neuf ans) ; comme avec quelques autres : tel un Michel Deguy (cf l’immense « Le sens de la visite » !..)…

Pour le titre de cet opus-ci, « La Tourterelle et le chat-huant« , il fait référence aux images du père (cf « La Tourterelle« , pages 168 à 172 _ que renforce l’illustration de couverture du livre : la photo de la partie centrale d’« une stèle funéraire attique » représentant un père faisant cadeau d’une tourterelle à son fils ; et « l’oiseau évoquait la fidélité, la transmission, le passage« , page 170 ; la stèle, quant à elle, étant visible au Musée archéologique d’Athènes), et de la mère (cf « Les Chouans« , pages 187 à 201), l’un du Nivernais (et Morvan), l’autre du Maine.


« Ma mère est née à Blandouet, un village minuscule d’une centaine d’habitants à cheval entre la Sarthe et la Mayenne _ Blandouet tombant du côté (« départemental ») de la Mayenne… Après la Révolution, les Mainiaux demeurèrent Blancs, et les Sarthois, dèjà tournés vers Paris, devinrent plutôt favorables aux Bleus. Il suffisait donc de quelques mètres _ en cette « vallée de l’Erve« , « une sorte de réserve zoologique, demeurée à l’écart du monde moderne« , page 194 _, et d’une haie au bout d’un champ pour passer de la paix des pâtis à la guerre des partisans, et de la sécurité au danger. J’ai toujours été sensible aux frontières, dans ce qu’elles ont de très réel et de très imaginaire« , peut-on lire page 191… « Cet isolat géographique, abandonné de l’Histoire, n’avait plus de sens, mais il restait parcouru de signes, que la tradition, sans discontinuer, avait enseigné à lire, dans sa terre et dans son ciel« , écrit-il, page 194.

Vers le « milieu des années 60« , « les haies furent abattues sur ordre des technocrates de Paris, qui se vengeaient sans doute de ces bouseux arriérés qui n’avaient pas aimé la République. Le lacis impénétrable de talus et d’écrans végétaux qui, pendant des siècles, des bandes de chouans aux colonnes de Leclerc, avait protégé les hommes n’existait plus. Le remembrement livra en fait le pays à mille fléaux bibliques, l’inondation ou la sécheresse, le vent d’ouest balayant désormais les terrains et, l’eau n’étant plus ni drainée ni contenue, l’érosion des terres, les insectes et la vermine qui pullulèrent, faute d’oiseaux pour les gober. Sans nichée dans les haies, sans tourterelles _ la revoici, celle un jour donnée par le père (et mal préservée par le fils)… _ et sans chouans désormais, les nuits _ et bien davantage : dans les pensées _ devinrent silencieuses, et les jours, eux, devinrent infernaux, avec le fracas des machines et la puanteur chimique _ alleluiah, saint Monsanto _ des engrais et des pesticides _ ou davantage que « la fin des terroirs« , expression donnée page 193…

« Quand je suis revenu récemment dans ces pays d’enfance, j’ai eu le sentiment que ces haies, qui autrefois bordaient le regard et le gardaient de la peur irraisonnée de l’infini, n’avaient été détruites que dans le but stratégique de laisser l’homme à découvert _ une expression à méditer…

J’ai mesuré le désastre spirituel _ certes _ né de ce bombardement _ non militaire, ni aérien _ dont le pays semblait avoir été l’objet, où toutes les fermes, jadis si frileusement et douillettement cachées dans les buissons, étaient désormais, l’une après l’autre, exposées au regard de tous, et ces champs rasés jusqu’à la croûte, désormais entourés de barbelés comme s’ils avaient été minés _ oui… J’ai eu un choc profond. C’était comme si , devant cette terre dont on avait arraché la toison végétale et qu’on exposait, rasée et frissonnante, à la curiosité des étrangers, je me fusse trouvé devant ma mère, nue et tondue (…), et j’en ai éprouvé une immense honte _ pour les responsables de cette faute-là : de trahison…

De l’autre côté, maintenant, page 196 :


« Mon père, dans la Nièvre _ pour continuer dans les départements _, c’était tout autre chose. Ce n’était pas l’âge de la découverte de l’agriculture, c’était _ plus en amont encore… _ plutôt l’âge de fer. La première chose qu’on entendait _ musicalement, comme dans « L’Or du Rhin«  _ quand on arrivait au village, c’était le bruit répétitif _ en ritournelle _ du marteau de la forge et le chuintement puissant et sourd du soufflet… » Etc…

« J’ai longtemps préféré le pays maternel, son aspect closier _ dans l’enfance _, ses fées, ses garous et ses sorts, et surtout ces écrans de haies, comme les coulisses du théâtre ouvrant sur des mystères, ou dessinant capricieusement, selon les saisons, les limites et les lieux, et que l’humidité enveloppait d’un voile _ pudique.

Plus tard, c’est le pays paternel que j’ai aimé, parce qu’à l’inverse il dépliait _ et déployait _ l’horizon, l’étirait et le haussait jusqu’aux monts du Morvan, sur les flancs desquels ne poussaient guère que des chênes _ et des digitales pourprées.


J’ai dû composer _ comme tout un chacun ; lire le « côté de chez Swann » et « le côté de Guermantes » dans « La Recherche«  _ avec ces deux origines _ tant qu’il n’y a pas encore de totale uniformisation !!! _, sans trop trahir l’une ou l’autre, et sans rien mépriser d’aucune _ « trahir« , « mépriser«  : le temps est-il venu qui les impose à tous ?.. Dès que je suis allé au lycée pourtant, j’ai eu l’impression de commencer de trahir. Quoique je fisse, je passais à l’ennemi. Cela n’a pas cessé » _ pages 200-201 : la thématique d’une certaine fidélité est chevillée au corps et à l’âme de Jean Clair…

Et maintenant que « j’aurai commencé de voir se tarir le pétrole, laissant prévoir un futur qui sera le retour au temps d’avant les moteurs que j’ai connu« , « il n’est pas difficile de prévoir celui où, comme aux premiers temps, on se tuera pour la possession d’un point d’eau«  _ pages 201-202 : la paix est affaire d’harmonie et de respect de la justesse de l’autre…

Jean Clair va alors terminer ce chapitre (de « l’hiver » 2007-2008) :

« J’ai vu, à des gens économes et fins, s’imposer _ ce mot qui m’est spontanément venu quelques lignes plus haut… _ une manière de vivre grossière et gloutonne, vu un médiocre vinaigre _ de marque brevetée et largement diffusée dans la (très) grande distribution, de par le monde _ remplacer un cidre _ artisanal proprement, lui _ délicieux, et la grossièreté _ et c’est un doux euphémisme : cf le son toujours plus haut du ton de nos bons Bigard reçus avec cérémonie (et baisers de l’onction sainte) jusques au Vatican… _ du prime time des télévisions prendre en peu de temps la place de la méditation commune du soir _ en effet : le décervelage et la crétinisation à la place de la construction du sens par l’écoute réciproque de chacun et de tous les présents parlant en pesant les mots.

J’ai vu aussi, sinistre codicille _ et bien davantage : Hegel l’avait-il pré-conçu ? avec son « Art : chose désormais du passé«  _ à cet acte de décès, l’art perdre peu à peu son sens et sa valeur _ critères décisifs, pourtant _, éclatant pourtant dès l’apparition des premières sépultures _ et l’option sur une « durée » (et des filiations)… J’ai vu le Louvre se vendre ; et les jardins de Versailles se remplir d’immondices _ et ce statut des œuvres d’Art est capital, bien sûr !!! La boucle se ferme. J’ai mangé mon pain blanc _ celui de l’oncle boulanger du Morvan (magnifiquement évoqué pages 198-199)… Ainsi s’achève, page 202, cet important chapitre à propos des « Chouans« …

Le premier chapitre du livre (« Le Livre de ma vie« , au « printemps » 2007 _ Jean Clair a soixante-six ans _, pages 13 à 23 ), dénote fort symptomatiquement un moment (ou passage) me semble-t-il important, en son parcours vital (d’homme né en 1940)… En effet, il dénote et indique, du moins est-ce ainsi que je l’interprète, un certain « fléchissement », comme « mélancolique », quant à l’importance de l’« appétit du moment et le goût des découvertes«  (en la personne de l’auteur), sur lesquels _ « appétit«  et « goût«  _ s’ouvre, avec le chapitre, le livre ; soit cette nouvelle « tranche » (« printemps » 2007 – « été » 2008) du « Journal » de Jean Clair…


Évoquant son goût des livres, des œuvres, des villes, des pays _ jusqu’à la pressante envie de même s’y « installer pour mieux la connaître« , du moins la ville (page 13) : « lecteur de Balzac, je deviens balzacien, et lecteur de Stendhal, stendhalien. Voyageur en Patagonie _ décidément la Patagonie de « La Liebre dorada » de ma cousine Silvina Ocampo fait ces temps-ci des ravages : Jean Clair, comme Claude Lanzmann (dans son « Lièvre de Patagonie«  ; cf mon précédent article, du 22 mars : « A propos d’un auteur majeur d’aujourd’hui : Roberto Bolaño _ succès (justifié) et ambiguïtés (extra-littéraires) du succès » _ ;


Voyageur en Patagonie, je suis prêt à me faire Patagon _ page 14.

Mais
_ immédiatement _ cette curiosité et cette gourmandise sont (qualifiées de) docilité, complaisance, lâcheté, inconstance, en un mot des trahisons _ soit un mot (et une pensée) qui va (ou vont) revenir… Avec ce développement-ci, tout de suite :


« Rendre compte d’une œuvre, c’est l’épouser _ déjà ? et dans quelle mesure ?… _, c’est se couler en elle, c’est partager _ mais à quel point ? même, au-delà de la sympathie et de l’empathie, un amour : un amour est-il nécessairement fusionnel ? ce n’est pas du tout mon avis… Ni « d’identification » : encore moins !!! _ ;

c’est partager _ un peu ; beaucoup ; passionnément ; à la folie ; ou (quasiment) pas du tout, aussi ! _ ses élans et ses angoisses, c’est adopter ses causes et c’est vouloir ses fins. C’est s’identifier à quelqu’un qui vous est étranger _ Jean Clair ne connaît guère ici la gradation des mesures… Il devrait re-lire davantage Montaigne, qui n’est pourtant pas moins passionné que lui !… On prend la couleur _ mais pour combien de temps ? et dans quelle mesure ? Est-ce forcément « à la folie » ? Non !.. _ d’un corps qui n’est pas le sien _ à en être « vampirisé », en quelque sorte ?.. Non !

Jean Clair commente alors, toujours page 14 : « Pareil subterfuge s’utilise souvent quand on ne peut faire œuvre soi-même, ni savoir qui on est _ le processus me paraît un tout petit peu plus complexe et subtil, quant à moi…

La comparaison avec le jeu amoureux _ l’expression (« jeu » avec « amoureux« ) retient l’attention _ s’imposera d’elle-même _ voyons donc voir un peu de près !.. Faute de s’habiter soi-même _ l’objectif d’une vie d’adulte !.. _, on habite autrui _ mais cette « vampirisation » par « identification » est-elle un amour authentique ? Je ne le pense pas du tout ! _, on le hante _ fantomatiquement ! _, au hasard des rencontres, des attractions, des magnétisations, des gravitations, que deux corps mis à proximité exercent l’un sur l’autre. Dans le désarroi de ne pas _ encore un peu mieux _ se connaître soi-même, on se projette _ certes, et selon diverses gradations ; mais un tel « transfert » est-il déjà de l’amour ? Non ! Il y a « erreur » ici, cher Jean Clair, sur la « marchandise »… _ au gré des circonstances, dans l’être qui passe à votre portée. Et puis, franchi le coin de la rue, l’attraction _ loin des yeux… _ se défait, l’affinité se tourne en avulsion _ le joli mot ! _, on se détache, on s’éloigne _ on n’aime plus ; plus du tout ! On s’était trompé… Pardon !.. Perdu au départ _ dans cette pseudo « identification«  (« projection« ) à quelque autre _ plus éperdu au retour _ d’Ulysse en sa patrie, mais que n’habite aucune Pénélope _, quand on voudra réintégrer son corps _ l’attaque est sévère…


Avec alors, page 15, cette « leçon »-ci :


Ces phénomènes ectoplasmiques _ ou fantômatiques _, ces pseudopodes d’un noyau qui n’existait qu’à peine, vident le peu de substance qui demeurait _ par quel miracle : la force d’inertie de croiser parfois (sans vraiment rencontrer) quelque reflet de soi dans le miroir d’un couloir ou d’une salle-de-bains ?.. _ en vous. L’empathie est chose profondément mélancolique _ et Jean Clair en ressent la menace, en son soixante-sixième printemps…


Si j’ai erré jadis docile au milieu de mes semblables comme _ tiens donc ! serait-ce là un aveu d’endurci célibataire ?  _ au milieu des objets, des livres et des lieux, c’est que je les ai cru longtemps _ comme ceux-là… _ disponibles _ sous la main, en quelque sorte… : mais ce n’est pas là le statut d’un amour (= un sujet)…

Mais s’éprendre de quelqu’un, ce n’est pas se fondre en lui par un élan de curiosité que l’on voudrait d’admiration ou d’amour. Ce n’est pas non plus _ et même encore moins ! _ s’imposer à lui _ tel Don Juan à ses « conquêtes » _ par l’idée avantageuse que l’on se fait de soi. Ce n’est pas aimer être aimé _ Pouah !  Ce n’est pas non plus se porter infatigablement et indistinctement _ en effet : il y a là péril ; celui de l’appel des sirènes… cf Pascal Quignard : « Boutès«  _ vers tout _ c’est beaucoup ! et beaucoup trop ! il y faut un peu plus de discernement !.. _ ce qui n’est pas soi.


S’attacher est chose si grave _ en effet ! _, parfois si douloureux _ pas de dilettantisme ici ! _ qu’elle est d’un autre ordre _ ou d’une autre mesure _ que la _ simple _ curiosité, la rencontre _ anodine, du moins _, le hasard _ qui ne serait que quelconque… ; et sans pouvoir s’en extirper ! _ du moment ; et moins encore le mélange des organismes _ qui s’en tiendrait au « getting off » dont traite joliment et justement Daniel Mendelsohn en sa très belle et si riche (en ses conclusions : sur les filiations…) « Étreinte fugitive » (cf mes deux articles des 8 et 9 février : « Désir et fuite _ ou l’élusion de l’autre (dans le “getting-off” d’un orgasme) : “L’Étreinte fugitive de Daniel Mendelsohn » et « Daniel Mendelsohn : apprendre la liberté par l’apprendre la vérité : vivre, lire, chercher« )…


Avec ce beau et juste passage-ci, mais mis au passé (page 16) :

« La liberté, cette liberté qu’on attache aujourd’hui _ dans les mœurs ayant cours en général ? _ pour refuser de s’attacher, n’est qu’une subtile _ pas tant que cela ! plutôt grossière, au contraire ! _ illusion _ ça oui ! en effet !!! Bienheureuse servitude au contraire, celle qui nous attache à ceux dont nous avons été _ voilà le passé : composé… _ épris, lors même que le désir _ de quelques saisons, surtout : courtes, et passagères ?.. _ la passion se sont éteints ou morts _ une passion vraie cesse-t-elle vraiment ? Ici, lire Claudio Magris : « Vous comprendrez donc » (et mon article du 1er janvier 2009 : « Le bonheur de venir de lire “Vous comprendrez donc”, de Claudio Magris« )… Non !… _, ou simplement que les hasards de la vie les ont éloignés _ momentanément : car ils nous sont perpétuellement co-présents !.. _ de nous. Quels qu’aient été les joies, les plaisirs _ mieux les distinguer encore ! qu’en les accolant _, mais aussi les griefs ou les souffrances _ bien sûr : guerre au dilettantisme ! _, nous demeurons _ ad vitam æternam… _ en quelque sorte les _ sacrés (même laïquement : aussi !) _ dépositaires, les responsables _ ayant à en « répondre » ! _ les témoins _ à jamais _ de ceux dont nous avons partagé la vie. On ne reprend pas ce qui a été donné _ quelle misère (d’âme : terrible !) ce serait !.. Nous demeurons responsables. Jusqu’à la mort, on appartiendra _ quel formidable cadeau ! quelle inépuisable richesse ! et force !.. Une grâce !!! _ à ceux qu’on a aimés«  _ pourquoi Jean Clair l’écrit-il donc au passé (composé ; et au futur antérieur) ?..


L’ombre de la dépression pointe, me semble-t-il, sur le passage (page 16) qui suit : « Il est vrai, pour revenir au monde répété des choses _ ou objets ; après celui de la rencontre et de l’amour (espéré ou approché) des humains (ou sujets) _, que je n’ai plus _ à soixante-six ans alors, dit Jean Clair _ la même fébrilité, la même curiosité à découvrir des villes, des paysages ou des objets. A la petite échelle d’une vie _ à quel âge Lucrèce a-t-il donc conclu ses (similaires) remarques terminales du « De Natura rerum » ?.. _, il arrive des moments où l’impression est forte que l’on a déjà goûté à un fragment _ exemplaire _ de ces formes, cueilli un grain de ces couleurs, saisi une pensée de ces saveurs _ tous vocables éminemment lucrétiens (et épicuriens, donc) _, absorbé un atome _ et là, ce n’est plus du tout niable ! _, et que les retrouver ainsi, en un autre lieu et dans un autre temps plus long _ Montaigne, lui aussi, le redit encore au final magnifique de son « De l’expérience« , au chapitre ultime et testamentaire (chapitre 13) du dernier livre (le livre III) de ses « Essais« … _, n’apportera rien de plus à nos sens et à notre intelligence« , page 17 _ sinon que Montaigne est beaucoup moins _ pour ne pas dire pas du tout !!! _ atteint, lui, de ces premiers soupçons de « mélancolie » que Jean Clair, ici…


Et ce : « Je m’avoue satisfait, résigné peut-être« , toujours page 17.

Et, page 18 : « Cette quête qui m’a fait goûter à peu près à tout, soulève en moi _ du moins ce jour-là, à la table d’écriture _ une fatigue inattendue. (…) Que faire quand il n’y a plus rien à découvrir ? _ vraiment ? Pour ma part, je ne ressens pas pareille fatigue (de vivre)… La durée d’une vie est parfaitement adaptée à l’étendue de notre planète » _ Montaigne le re-dit, lui aussi, après Lucrèce…


Mais, voici alors ce remède, peut-être, ou du moins cette « solution de repli », page 21 (de ce même premier chapitre « Le Livre de ma vie« , qui court de la page 13 à la page 23) :

« Plutôt que de jouir ainsi de l’immortalité triste des Struldbruggs _ au cours de son troisième « voyage« , le Gulliver de Jonathan Swift a l’occasion de rencontrer dans l’île de Luggnagg des êtres dont l’appétit de vivre demeure « modéré » parce qu’ils gardent sous les yeux l’exemple terriblement dissuasif des Struldbruggs, les immortels horriblement décrépits, affligés de toutes les infirmités physiques et mentales, et condamnés à l’irrémédiable « atroce perspective de ne jamais en finir«  _, il serait préférable de bouquiner désormais, peut-être, en tirant du rayon _ déjà probablement « bien choisi », en sa bibliothèque personnelle _ un livre au hasard. Qu’il soit ou non « le livre de ma vie » alors importe peu. Tout livre fera l’affaire. Lire recèle en soi, comme simple exercice mental, sa propre vertu, indépendamment _ même ! _ de ce qu’on va lire . Dans la lecture _ en tant qu’acte esthétique (cf le livre sur cette « opération essentielle »-là : « L’Acte esthétique« , de Baldine Saint-Girons) _ se cache quelque chose qui dépasse la simple réception _ en effet _ de contenus«  _ bien sûr !!!


Et envisageant alors la situation d’enfermement de la prison _ « comme si la prison était à l’homme d’aujourd’hui, au prisonnier politique, au militant incarcéré, ce qu’avaient été à l’homme de foi, dans des temps religieux, la solitude et le silence de la cellule » !.. _, Jean Clair débouche sur cette conclusion-ci, page 22 :

« L’enfermement forcé donnerait à la lecture une attention _ voilà le terme (et la faculté) capital(e) !.. _ que le monde extérieur s’ingénie _ malicieusement mu par ses infiniment plus grossiers intérêts (quantifiables et quantifiés, eux) _ à dissiper _ distraire et dissoudre, dans de beaucoup plus vains divertissements ; détruire, jusqu’au rien ; sinon l’acheter… _ ; et apporterait là, de manière assurément plus brutale _ par cette réclusion imposée (en cette hypothèse, ou vue de l’esprit, à laquelle Jean Clair laisse aller vagabonder son « imagination », ici…) _, ce « calme d’arrière-boutique » dont parle _ si merveilleusement, encore _ Montaigne, où s’établit « notre vraie liberté » _ celle d’épanouir vraiment le meilleur de nos facultés…


Et Jean Clair de commenter, page 23 _ et c’est là-dessus que j’aimerais faire porter le poids (de force) de ce modeste article :

« Que de simples signes encrés sur un papier aient pouvoir, quoi qu’ils racontent, d’entraîner loin le lecteur et de le faire léviter en un espace autre, ce sont là des ressorts _ oui ! _ singuliers de l’esprit, trop peu étudiés des spécialistes de l’âme ou du cerveau. Ce qu’il y a de plus spirituel en nous s’enracine dans l’encre grasse et dans le bois de la feuille » _ très vraisemblablement, en effet…

Avec ce dernier détail, raffiné : « Dans la Chine ancienne, détruire un papier écrit passait pour un sacrilège« .

Affaiblir _ et ruiner ! _ les forces de l’esprit, tel est _ bien _ le sacrilège.


Que nos dirigeants passent enfin pour les co-auteurs de ce qu’ils promeuvent… Hitler et Staline auraient-ils sournoisement
_ ou pas : il en est (et pas mal) de fort « décomplexés », parmi ceux de cette « espèce », par les temps qui courent... _ finalement gagné ?.. Ce Staline qui confiait au général De Gaulle : « A la fin, c’est toujours la mort qui gagne…« 

Au-delà de quelques passagers accès de tentation de se se laisser  descendre _ en la décade de sa « soixantaine » (puisqu’il est né en 1940) _ à une « maladie » de la « mélancolie »,

la réflexion de Jean Clair ici s’attache, me semble-t-il, à dessertir l' »essentiel » (de l’exister) des scories qui le cachent, le couvrent, l’enlisent et l’encalminent, cet « essentiel ».

Sa lecture _ celle de ses divers « Journaux« _ est donc ici un soin important au service d’une meilleure santé de la civilisation :

une lecture (active) de salubrité publique, tout simplement…


Titus Curiosus, ce 27 mars 2009


En post-scriptum,

cette remarque, pages 122-123, à propos de Rome et de Julien Gracq, et qui me comble de satisfaction (à propos des « fermetures » de Gracq) :

« Je lui en ai toujours un peu _ seulement… _ voulu, non de s’habiller comme moi d’un tissu un peu triste, comme en portent les professeurs et les employés d’administration, mais de n’avoir rien compris à Rome _ ici, proprement, je jubile : cf l’affligeant et consternantissime à cet égard « Les Sept collines« , à la librairie José Corti _, au point de s’égarer dans ses places et ses rues ; et de s’en agacer _ « s’égarer » et « s’agacer«  ne constituant, encore, que de gentillettes vétilles eu égard au degré d’insensibilité atteint par Julien Gracq face au charme (intense ; mais si doucement, pourtant) prenant de Rome (qui n’est encore rien, en matiére de « charme », face à celui ô combien plus furieux de Naples !) : un cas (angevin ? : cf aussi Joachim du Bellay et son « Plus mon petit Liré que le mont Palatin« … pour ce natif de Saint-Florent-le-Vieil, des rives de la Loire, qu’est Julien Gracq) ; à un tel degré de « froideur », un cas pathologique d’anesthésie, à mes yeux, pour le dire net ! _, quand son attirance _ toute d’intellect ? _ pour De Chirico et les surréalistes comme son goût pour les machineries de théâtre des opéras eussent dû au contraire le préparer _ Jean Clair est ici on ne peut plus urbain… _ à ces issues dérobées, à ces illusions d’espace, à ces fausses sorties, et à ces ouvertures triomphales que la ville vous ménage, par exemple autour de la Piazza Navona _ ou de celle du Panthéon, celle de Sant’Ignazio, ou de Campo dei Fiori… : que d’enchantements !.. Au printemps 1968, son ami Jünger _ lire le journal d’Ernst Jünger « Soixante-dix s’efface« , le volume premier : « 1965-1970« _ avait aussi visité Rome _ séjournant de mars à mai à la Villa Massimo, l’académie allemande à Rome, dans le quartier au sud de la Via Nomentana (quartier-jardin profus d’outre Porta Pia que personnellement j’aime beaucoup) _, et consigné avec passion _ lui _, jour après jour ses découvertes. Que n’avait-il emmené Julien Gracq avec lui ? » _ même si pour ma part, je suis un peu plus pessimiste que Jean Clair quant au « cas Gracq »… Mais pour ce qui est de Jean Clair lui-même, la « curiosité«  (et le goût de « ses découvertes« ) lui demeure un vecteur portant encore très important…


Et cette si juste remarque aussi, dans le court chapitre « L’Art de la conversation« , page 113 :

« Avant de commencer d’écrire, j’ai pris l’habitude de lire quelques pages de mes écrivains préférés, pour _ poïétiquement, dirais-je _ me laver l’oreille du charabia _ journalistique _ du jour, et me mettre dans le ton juste _ c’est capital ! _, comme un musicien s’accorde _ oui ! _ sur le premier violon avant de commencer à jouer«  _ il y à tant à prendre en exemple dans les pratiques si sages de la musique ; et du goût musical, si poli…

Et sur ce point du caractère « musical » de l’écriture (de tout vrai beau livre !), je me permets de renvoyer au si beau livre de François Noudelmann « Le toucher des philosophes _ Sartre, Nietzsche, Barthes au piano«  (cf mon article du 18 janvier dernier : « Vers d’autres rythmes : la liberté _ au piano aussi _ de trois philosophes de l’”exister« ) ; livre qui vient, aussi, de recevoir, le 6 mars, le « Grand Prix des Muses »… Bravo !

A propos d’un auteur majeur d’aujourd’hui : Roberto Bolaño _ succès (justifié) et ambiguïtés (extra-littéraires) du succès

22mar

 Ce matin, en parcourant la presse sur le net,

ce courriel à Bernard Plossu, passionné du Mexique :

Un article intéressant sur un écrivain important, Roberto Bolaño, dans El Pais du 22-3-09.

Je n’ai pas lu Bolaño encore ;
son plus grand livre, semble-t-il, est « 2666 » : un pavé énorme
; qui demande beaucoup de temps…

Il a vécu pas mal de temps au Mexique ; et aborde la question du degré phénoménal de sa violence.
Rien que cela devrait t’intéresser personnellement…

Peut-être l’as-tu déjà lu…

Titus

Voici l’article : « El enigma universal de Roberto Bolaño » _ les gras sont de ma responsabilité (de lecteur qui intervient)…


http://www.elpais.com/articulo/cultura/enigma/universal/Roberto/Bolano/elpepucul/20090322elpepicul_1/Tes

REPORTAJE

El enigma universal de Roberto Bolaño…

Nuevas obras explotan el éxito _ deux termes significatifs, en ce sous-titre de l’article _ planetario del autor chileno, muerto en 2003
LOLA GALÁN – Madrid – 22/03/2009

A Roberto Bolaño no le cambió el éxito. No le llegó a tiempo _ certes ! Cuando murió, a los 50 años _ c’est bien jeune… _, víctima de una cirrosis hepática _ ce n’est pas non plus tout à fait anodin _, el 15 de julio de 2003, tenía una decena de obras de culto, que le permitían, todo lo más, vivir con holgura _ expression intéressante _ de la literatura. Ahora, seis años después de su muerte, su nombre de escritor está en boca de todos. Se reeditan sus libros, se le dedican ensayos y artículos, se adaptan sus novelas para el teatro, se estudian como guiones de posibles filmes. Es el éxito _ et mondial, planétaire… _ con mayúsculas. Un vendaval que lo ha trastocado todo, aunque a su principal responsable no puede ya _ forcément… _ afectarle.


Nacimiento:          1953
Lugar:          Santiago de Chile

Echevarría: « Nada de lo que se publique va a sumar al escritor »
El éxito no pudo cambiar su vida, pero ha alterado el mundo que le rodeó
Bolaño ha provocado silencio entre los escritores del ‘boom‘ _ pour quelles raisons (qui soient vraiment de fond) ?..
« No está claro cuántos días estuvo detenido en Chile« , dice Montané

Lo que saboreó antes de morir, apreciado por la crítica, consagrado, incluso, como el mejor escritor latinoamericano de su generación, fue una celebridad a escala humana, por decirlo así _ oui… ; après, c’est l' »in-humain »… Su novela « Los detectives salvajes«  _ « Les Détectives sauvages » _, tejida con los mimbres de su experiencia juvenil en México, había sido la clave de ese ascenso, a partir de 1998, que se tradujo en dos premios importantes, el Herralde y el Rómulo Gallegos. Eso le proporcionó muchos más lectores y una cuenta bancaria saneada, después de una década de penuria económica, y mil oficios de sudaca que diría él.

El éxito con mayúsculas, su inscripción en una liga superior de autores, en la que sólo caben nombres como el de Gabriel García Márquez o Jorge Luis Borges, entre los latinoamericanos, le llegaría con una obra póstuma, « 2666« . O, mejor dicho, con su edición norteamericana, que llegó a las librerías el año pasado. Una obra monumental, la más ambiciosa y compleja, según los críticos, que le ha abierto las puertas de la celebridad _ ici, faire la part entre les raisons littéraires de ce succès, et les autres, devient assez intéressant…

Su traductora, Natasha Wimmer, tardó años en verterla al inglés. Preguntada por la dificultad del lenguaje de Bolaño, crecido en México, Wimmer, respondía al magazine del New York Times: � »Vivió veintitantos años en España, y se aprecia muy bien la influencia del español castellano, al menos tanto como la del español de México« �.

Novela del año para la revista Time, ponderada por la archifamosa Oprah Winfrey, « 2666 » ha sido elegida mejor libro de ficción por el prestigioso Círculo Nacional de Críticos Literarios de Estados Unidos.

Juan Villoro escribe en el prefacio de un libro de entrevistas sobre el autor, publicado en Chile : �« Como tantos grandes, Roberto Bolaño corre el albur _ dangereux pour l’auteur _ de convertirse en mito pop« �. De lo que no hay duda es de que es un fenómeno literario generador de millones de dólares. Una mina de oro susceptible de ser explotada _ voilà le mot… Porque si el éxito _ posthume de « 2666« , et via les États-Unis _ no pudo cambiar a Bolaño _ l’individu de chair : forcément ! _, ha cambiado al menos el mundo que rodeó al escritor, nacido el 28 de abril de 1953 en Santiago de Chile, y afincado en España a partir de 1977.


Su legado literario, en manos de su viuda, Carolina López, ha pasado a ser gestionado por el todopoderoso Andrew Wylie, el agente más famoso, y más temido, del panorama literario mundial. Wylie está inventariando _ le mot est intéressant _ el archivo del escritor, en busca de nuevas joyas. De momento, se ha anunciado ya la publicación de un libro, « El Tercer Reich« , y se habla de otras dos nuevas, « Diorama » y « Los sinsabores del verdadero policía » o « Asesinos de Sonora« .

Su albacea oficioso, el crítico Ignacio Echevarría, amigo íntimo de Bolaño, cree, sin embargo, que las obras en papel, el material que está siendo examinado ahora por la viuda del escritor y por Wylie,« es una parte arqueológica«  de su obra.« Nada de lo nuevo que se publique va a sumar al escritor que es ya« , dice _ soit la différence entre l’homme (mortel) et l’artiste (au destin plus large qu’une éphémère, mortelle, vie)… Obviamente, no opina lo mismo su viuda _ ah ! les veuves (et les « ayant-droit ») d’écrivains !!! On connaît ainsi (un peu) les péripéties de l’héritage littéraire de Borges : par exemple un certain contentieux entre Jean-Pierre Bernès et Maria Kodama : peut-être en voie d’apaisement-réglement… _, que vive todavía en Blanes, con los dos hijos de la pareja, Lautaro, de 18 años, y Alexandra, de 8. López declina, amablemente, hablar con este periódico. En un correo electrónico explica que necesita preservar la intimidad de sus hijos. No quiere entrar en cuestiones personales. ¿A quién puede importarle que antes de morir Bolaño la pareja estuviera prácticamente separada? Y, sin embargo, interesa. La revista chilena Quépasa dedicó recientemente un reportaje a la � »compañera final« � del escritor, la catalana Carmen Pérez de Vega.

La vida y la obra de Bolaño apasionan a un público cada vez más amplio, a medida que su obra escala en la lista de superventas. Y sus novelas son fuente de nueva inspiración. El Teatro Lliure presentó el año pasado una versión dramatizada de « 2666« . Y se habla de una posible adaptación al cine. « 2666« , un relato dividido en cinco partes, donde se mezcla el humor con la fantasía desbordante, y el inventario pormenorizado de los asesinatos de mujeres en Ciudad Juárez _ plus que jamais d’actualité, hélas, à l’aune (terrible !) du réel, en 2009 !!! _ , contiene todos los ingredientes necesarios para interesar al séptimo arte. Si « Los detectives salvajes » _ « Les Détectives sauvages » _ � »cambió el paradigma del escritor latinoamericano« �, según Echevarría, « 2666« , la novela del mal, ha provocado una verdadera deflagración en la sociedad lectora estadounidense.

Jorge Herralde, director y fundador de Anagrama, la editorial que ha publicado sistemáticamente la obra de Bolaño a partir de 1996, se explica el éxito del autor por un conjunto de factores.« Susan Sontag descubrió « Estrella distante«  _ « Etoile distante » _, editada por New Direction, en 2004, y no cesó de alabarla. Sontag era una entusiasta de la literatura _ oui ! _ y una propiciadora _ magnifique ! _ de grandes triunfos« �, dice el editor _ en effet ! Susan Sontag est une personnalité majeure, par son intelligence et sa générosité. Son œuvre (majeure !) est publiée en France par son amie Dominique Bourgois ; tout dernièrement, encore, en octobre 2008 : « Garder le sens, mais altérer la forme » ; après « Temps forts« , en avril 2005Ahí empezó la onda Bolaño _ oui : sa célébrité éditoriale et auprès du lectorat _, que con « Los detectives« … _ « Les Détectives sauvages » _ dio un salto enorme, porque fue designada novela del año, y con « 2666 » llegó al máximo, a la apoteosis, editada por Farrar, Straus & Giroux. La fuerza, la profundidad de Bolaño, su prosa adictiva, y su« mordaz examen del mal« �, según la crítica estadounidense, �han hecho el resto. La fascinación de Bolaño por la relación entre crimen y arte, su interés por la investigación detectivesca, su curiosidad de forense ante el horror y el mal, ha llevado a los críticos a compararle con Cormac McCarthy _ l’auteur désormais bien connu (et célébré de par le monde) de « De si jolis chevaux«  et de « La Route« 

Pero si ese era el Bolaño escritor, el Bolaño real _ une distinction bien intéressante, et nœud de cet article _, nieto de gallego, era, en cambio, una persona tímida, que creía en la bondad _ encore un terme décisif ! _ del buen escritor. Apasionado lector, devorador de cine y de programas de televisión � »siempre mejor la tele que un best seller« , solía decir �, cultivador de un cierto talante rebelde. En más de una entrevista, Bolaño recomendaba a sus lectores jóvenes que robaran los libros, sin más.

Sobre sus años en México, adonde la familia se trasladó desde Chile, cuando él apenas tenía 15 años, creó casi _ ah ! _ una leyenda. Los elementos más vívidos de aquella etapa, han quedado atrapados en « Los detectives salvajes«  _ « Les Détectives sauvages » _, una novela por la que deambula el autor, convertido en « Arturo Belano« , y su amigo Mario Santiago, transmutado en « Ulises Lima« . Bolaño reconoció siempre una deuda profunda con México, donde sintió la llamada de la escritura, y se hizo poeta.

Bruno Montané Krebs lo conoció en ese país, en 1974, y se hicieron amigos. Montané aparece en « Detectives » _ « Les Détectives sauvages » _, convertido en « Felipe Müller » _ ce nom a très certainement à voir avec le Filip Müller, auteur du très important « Trois ans dans une chambre à gaz d’Auschwitz« , aux Éditions Pygmalion ; et témoin majeur du film « Shoah » de Claude Lanzmann…« En la obra de Roberto no habrá más de un 30% de material real, el resto es pura invención. Conviene tenerlo en cuenta« �, dice _ et le point est aussi très important, quant au sens de ce qu’est « écrire », puis, en aval, « lire », de la littérature ! _  el poeta chileno, afincado en Barcelona. � »A Roberto lo frecuenté en Barcelona. Cuando se trasladó a Blanes [a comienzos de los años ochenta], ya nos veíamos menos. Pero hablábamos mucho por teléfono. Roberto era excelente conversador por teléfono, sobre todo cuando llamaba él« �.

Herralde y Echevarría le recuerdan como un tipo con gran sentido del humor, muy divertido. Trabajaba en un estudio bastante modesto, en Blanes, en la Costa Brava. En horario nocturno. Con un paquete de cigarrillos a mano e ingiriendo litros de infusiones con miel, � »porque no podía beber otra cosa« �. A Bolaño le inspiraba la música, pero nada de autores clásicos. Solía escuchar rock duro a través de los auriculares _ un point à « méditer » : son rapport au réel (et à l’époque) allait-il jusqu’à un tel degré (par l’exclusion des œuvres d’« autores clásicos«  et l’exclusivité de « rock duro« , veux-je dire ; moi qui y trouve tant, en cette force de beauté du classicisme...) de masochisme ?.. Cela pourrait, peut-être (!..) donner à comprendre un des facteurs, parmi d’autres (plus objectifs, peut-être), de sa disparition prématurée ; de sa mort trop jeune ; de la « maladie » mortelle qui put si vite le porter à son « tableau de chasse« … Je pense ici, à l’exemple, en un sens tout contraire, de Susan Sontag, face à la maladie, et en son combat acharné, et à répétition, contre la maladie de la mort : lire ses très grands  « La maladie comme métaphore«  et « Devant la douleur des autres«  ; ainsi que le témoignage si beau de son fils, David Rieff, « Mort d’une inconsolée : les derniers jours de Susan Sontag« ..

Roberto Bolaño pertenecía a una generación que creció esperanzada con la revolución cubana y como chileno, vio un horizonte de cambio en el Gobierno de Salvador Allende. En 1973 atravesó América, de México a Santiago, en autobús y en autoestop, mochila al hombro, para contribuir con su granito de arena a aquella revolución pacífica. Pero en Santiago le pilló el golpe de Pinochet y fue detenido. Un encuentro con dos viejos compañeros de estudios convertidos en policías le permitió ser liberado ocho días después. Y regresar a México en avión. Allí reemprendió su carrera y fundó el infrarrealismo _ à noter… Un experimento de rebeldía literaria, inspirado en el dadaísmo, radicalmente contrario a los grandes escritores institucionales, a los santones del régimen. � »Detestábamos a Octavio Paz« �, declaraba Bolaño en una entrevista a la televisión chilena, en 1999, �pero es un gran poeta, y un ensayista de los más lúcidos� _ la distinction demeure d’importance !..


Aquella etapa le sirvió a Bolaño para construir su propio mito _ comment l’interpréter ? � »La mayor parte de lo que cuenta es verdad, aunque no está claro cuánto tiempo estuvo detenido en Chile« �, corrobora Montané. Después de todo, Bolaño adoraba a Borges, un maestro de la recreación inventada _ et l’ami de mon cousin Adolfo Bioy Casares : qui la pratiquait allègrement, lui aussi : seul (cf, par exemple, cette sélection de ses « romans« , chez Robert Laffont ; le plus célèbre étant, peut-être, « L’Invention de Morel » ; mais lire aussi « Le Songe des héros » ; et « Le Héros des femmes« ) ; ou à deux plumes, et maintes fois : cf, par exemple, « Les Chroniques de Bustos Domecq« ), avec Borges ; qui la pratiquait, donc, cette « recreación inventada« , en sa « fiction » ; de même que la pratiquait, et à quel degré de sublime, son épouse, Silvina Ocampo (cf « Ceux qui aiment, haïssent« )… Au passage, j’indique (encore !) que le titre de l’autobiographie de Claude Lanzmann, « Le Lièvre de Patagonie« , est empruntée à un titre de récit de ma cousine Silvina : « La liebre dorada« , traduit en français par Elisabeth Pagnoux… Fin de l’incise familialo-littéraire ; et retour aux retombées sonnantes et trébuchantes de la célébrité nouvelle de Roberto Bolaño Había leído dos veces toda su obra, y casi todos los libros publicados sobre él. Pero distinguía los trucos y las trampas en su personalidad _ ah ! Adoraba el malditismo de poetas adolescentes como Rimbaud y Lautreamont, pero tenía claro que eran vidas extremas que no quería para su hijo _ ce qui s’appelle « faire la part des choses »… Qu’en est-il, alors, et plus généralement, du rapport de la fiction au réel ? Et quelles sont les diverses fonctions de cette fiction ? Rêver peut-être (à la Hamlet : « To die, to sleep ? Perchance to dream ?..« )… Sont-elles bien toutes « équivalentes » ?.. L’auteur de l’article, Lola Galán, semble se le demander assez fortement…

De la fauna literaria no tenía buena opinión.« La escritura es un oficio poblado de canallas y de tontos, que no se dan cuenta de lo efímero que es« �, declara en la misma entrevista de la televisión chilena, realizada en su primer viaje a la patria, tras 25 años de ausencia.

Fue una ocasión perfecta para opinar de todo, especialmente de literatura, y de autores chilenos. Bolaño, que admiraba a Nicanor Parra _ dont l’œuvre la plus connue est « Poemas y antipoemas » ; né le 5 septembre 1914, il appartient à la famille Parra ; dont on connaît, entre autres membres : Roberto, Violeta, Angel, Isabel et Eduardo (« Lalo ») _, fue bastante duro con sus compatriotas. Se despachó a gusto contra algunos de los más destacados. Ya lo había hecho _ ya = déjà _ con los autores del famoso boom y, sobre todo, con la larga secuela de los que transitaron esos caminos trillados con enorme fortuna. Sus declaraciones despreciativas no fueron pasadas por alto. � »Es curioso que salvo Jorge Edwards _ l’auteur du « Poids de la nuit » et de « L’Origine du monde » qui ont été traduits en français… _ y, mucho más tarde, Vargas Llosa _ bien mieux connu en France ; cf, par exemple, « La Ville et les chiens«   _, ninguno de los autores del boom haya dicho una palabra de Bolaño« �, comenta Herralde.

Enrique Vila-Matas _ de lui, vient de paraître en français, le 12 mars, « Journal volubile«  _, que frecuentó al chileno a partir de 1995, dice que se dio cuenta de la grandeza de Bolaño, �« cuando leí « Estrella distante«  _ « Etoile distante » _ y « Los detectives salvajes«  _ « Les Détectives sauvages« . Junto a Jorge Edwards, presenté este último libro en Barcelona, en 1999, y allí ya expuse por escrito mi percepción de estar ante un genio de la literatura« �. Por eso no oculta su extrañeza ante otro fenómeno ligado al autor chileno. � »Siempre me ha llamado la atención el poco interés que ha despertado Bolaño entre una gran parte de los escritores españoles. Es una indiferencia que hay que encuadrarla dentro de esa falta de interés que sienten normalmente los escritores españoles hacia sus propios colegas, y más aún si son latinoamericanos« �.

Puede ser. Tampoco Roberto Bolaño se anduvo con muchas diplomacias. Criticó a muchos autores consagrados sin importarle lo más mínimo hacerse enemigos. ¿Qué pensaría ahora de esta consagración global? ¿Cómo juzgaría las nuevas obras que tiene en cartera su agente norteamericano? Seguramente con satisfacción, pensando al fin y al cabo en la seguridad económica de sus hijos _ beaucoup de lucidité et d’humour (ou d’ironie ?) en cet article…


Titus Curiosus, ce 22 mars 2009


En appendice, et pour le plus simple plaisir,

voici « La Liebre dorada« ,

conte de Silvina Ocampo :

En el seno de la tarde, el sol la iluminaba como un holocausto en las láminas de la historia sagrada. Todas las liebres no son iguales, Jacinto, y no era su pelaje, créeme, lo que la distinguía de las otras liebres, no eran sus ojos de tártaro ni la forma caprichosa de sus orejas; era algo que iba mucho más allá de lo que nosotros los hombres llamamos personalidad. Las innumerables trasmigraciones que había sufrido su alma le enseñaron a volverse invisible o visible en los momentos señalados para la complicidad con Dios o con algunos ángeles atrevidos. Durante cinco minutos, a mediodía, siempre hacía un alto en el mismo lugar del campo ; con las orejas erguidas escuchaba algo.

El ruido ensordecedor de una catarata que ahuyenta los pájaros y el chisporroteo del incendio de un bosque, que aterra las bestias más temerarias, no hubieran dilatado tanto sus ojos; el antojadizo rumor del mundo que recordaba, poblado de animales prehistóricos, de templos que parecían árboles resecos, de guerras cuyas metas los guerreros alcanzaban cuando las metas ya eran otras, la volvían más caprichosa y más sagaz. Un día se detuvo, como de costumbre, a la hora en que el sol cae a pique sobre los árboles, sin permitirles dar sombra, y oyó ladridos, no de un perro, sino de muchos, que corrían enloquecidos por el campo.

De un salto seco, la liebre cruzó el camino y comenzó a correr ; los perros corrieron detrás de ella confusamente.
_ ¿Adónde vamos? _ gritaba la liebre, con voz temblorosa, de relámpago.
_ Al fin de tu vida _ gritaban los perros con voces de perros.

Este no es un cuento para niños, Jacinto; tal vez influida por Jorge Alberto Orellana, que tiene siete años y que siempre me reclama cuentos, cito las palabras de los perros y de la liebre, que lo seducen. Sabemos que una liebre puede ser cómplice de Dios y de los ángeles, si permanece muda, frente a interlocutores mudos.

Los perros no eran malos, pero habían jurado alcanzar la liebre sólo para matarla. La liebre penetró en un bosque, donde las hojas crujían estrepitosamente; cruzó una pradera, donde el pasto se doblaba con suavidad; cruzó un jardín, donde había cuatro estatuas de las estaciones, y un patio cubierto de flores, donde algunas personas, alrededor de una mesa tomaban café. Las señoras dejaron las tazas, para ver la carrera desenfrenada que a su paso arrasaba con el mantel, con las naranjas, con los racimos de uvas, con las ciruelas, con las botellas de vino. El primer puesto lo ocupaba la liebre, ligera como una flecha ; el segundo, el perro pila ; el tercero, el danés negro ; el cuarto, el atigrado grande ; el quinto, el perro ovejero ; el último, el lebrel. Cinco veces la jauría, corriendo detrás de la liebre, cruzó el patio y pisó las flores. En la segunda vuelta, la liebre ocupaba el segundo puesto, y el lebrel siempre el último. En la tercera vuelta, la liebre ocupaba el tercer puesto. La carrera siguió a través del patio; lo cruzó dos veces más, hasta que la liebre ocupó el último puesto. Los perros corrían con la lengua afuera y con os ojos entrecerrados. En ese momento empezaron a describir círculos, que se agrandaban o se achicaban a medida que aceleraban o disminuían la marcha. El danés negro tuvo tiempo de levantar un alfajor o algo parecido, que conservó en su boca hasta el final de la carrera. La liebre les gritaba :
_ No corran tanto, no corran así. Estamos paseando.

Pero ninguno la oía, porque su voz era como la voz del viento.

Los perros corrieron tanto, que al fin cayeron exánimes, a punto de morir, con las lenguas afuera, como largos trapos rojos. La liebre, con su dulzura relampagueante, se acercó a ellos, llevando en el hocico trébol húmedo que puso sobre la frente de cada uno de los perros. Éstos volvieron en sí.

_ ¿Quién nos puso agua fría en la frente? _ preguntó el perro más grande _, y ¿por qué no nos dio de beber?
_ ¿Quién nos acarició con los bigotes? _ dijo el perro más pequeño. Creí que eran las moscas.
_ ¿Quién nos lamió la oreja? _ interrogó el perro más flaco, temblando.
_ ¿Quién nos salvó la vida? _ exclamó la liebre, mirando a todos lados.
_ Hay algo distinto _ dijo el perro atigrado, mordiéndose minuciosamente una pata.
_ Parece que fuéramos más numerosos.
_ Será porque tenemos olor a liebre _ dijo el perro pila rascándose la oreja. No es la primera vez.

La liebre estaba sentada entre sus enemigos. Había asumido una postura de perro. En algún momento, ella misma dudó de si era perro o liebre.

_ ¿Quién será ese que nos mira? _ preguntó el danés negro, moviendo una sola oreja.
_ Ninguno de nosotros _ dijo el perro pila, bostezando.
_ Sea quien fuere, estoy demasiado cansado para mirarlo _ suspiró el danés atigrado.

De pronto se oyeron voces que llamaban :
_ Dragón, Sombra, Ayax, Lurón, Señor, Ayax.

Los perros salieron corriendo y la liebre quedó un momento inmóvil, sola, en el medio del campo. Movió el hocico tres o cuatro veces, como husmeando un objeto afrodisíaco. Dios o algo parecido a Dios la llamaba, y la liebre acaso revelando su inmortalidad, de un salto huyó.

Musique et peinture en vrac _ partager enthousiasmes et passions, dans la nécessité et l’urgence d’une inspiration

21mar

Beaucoup d’articles en suspens, à l’écriture réservée, mise en quelque sorte sous le coude, dans l’attente de davantage de disponibilité à l’écoute d’une authentique inspiration-respiration (pour l’écriture d’un article : on n’écrit ni n’importe comment ; ni n’importe quand ! il faut que la rencontre de l’énergie et de l’inspiration, face à l’objet, face à l’œuvre, soit bien là !!! et puisse « se donner » au partage, par l’écriture…).

Par exemple, demeurent ainsi « en attente » (de rédaction) un article sur le superbe album « Hammershøi« , par Felix Krämer, Naoki Sato, et Anna-Birgitte Fonsmark, aux Éditions Hazan (paru au mois de septembre 2008 ; et à l’occasion d’une exposition rétrospective de l’œuvre de Vilhelm Hammershøi (1864-1916) à la Royal Academy of Arts, à Londres et au National Museum of Western Art, à Tokyo, de juin à septembre, puis septembre à décembre 2008) ;

ou un autre sur le passionnant (!) travail de peinture _ en cours, lui : une très grande découverte, pour moi ! allez très vite y regarder !!! _  de « Didier Lapène« , aux Éditions Le Festin, à l’occasion d’une exposition panoramique très complète de l’œuvre réalisé à ce jour par ce jeune artiste, du 18 décembre 2008 au 31 mars 2009  _ il est encore temps de s’y rendre et de la découvrir sur les cimaises !_ au Musée des Beaux-Arts de Pau, par Guillaume Ambroise, Vincent Ducourau, Dominique Vasquez, Jacques Battesti, Olivier Ribeton et Dominique Dussol, aux Éditions Le Festin (paru au mois de décembre 2008).

Deux albums de peinture tout à fait « essentiels », si je puis dire ; et qui nous « parlent » de ce que « peindre » continue, pour un artiste-plasticien, de « vouloir dire »…

Vilhelm Hammershøi, artiste danois, né le 15 mai 1864 et mort le 13 février 1916 à Copenhague ; et Didier Lapène, artiste français (et gascon), né le 20 mai 1964 _ exactement un siècle plus tard que Vilhelm Hammershøi _, à Aureilhan, Hautes-Pyrénées, et demeurant dans les Pyrénées-Atlantiques ; à Biarritz tout particulièrement…


De même pour pas mal d’articles de musique

« s’impatientant »…

Ainsi me suis-je promis _ peut-on, dixit l’ami Charles Ramon, ou ne peut-on pas, se faire une promesse à soi-même, seul, ou devant témoins ? peut-on, dixit l’ami Jean-Philippe Narboux, se faire un cadeau à soi-même ? : ce furent des questions, l’autre soir, au dîner convivial qui a suivi la conférence de l’amie Sophie Guérard de Latour (« De la citoyenneté multiculturelle à la république des différences« , à la Bibliothèque municipale de Bordeaux, le mardi 17 mars) _ ;

ainsi me suis-je promis de consacrer quelques articles à quelques grands CDs de musique :

d’abord, le très beau CD Alpha Rameau « Que les mortels servent de modèles aux dieux…« , une « suite » composée d’extraits des opéras « Zoroastre«  (« Opéra en cinq actes Représenté pour la première fois par l’Académie Royale de Musique, le 5 décembre 1749 et remis au Théâtre le mardi 4 Janvier 1756 » sur un livret de Louis de Cahusac), et « Zaïs«  (« Pastorale héroïque » de Jean-Philippe Rameau, composée, elle aussi, sur un livret de Louis de Cahusac : « la pièce comporte un prologue et quatre actes ; et a été créée à l’Académie Royale de Musique le jeudi 29 février 1748« ) ; qu’interpète, cette riche « suite » _ tout en contraste de « couleurs » : côté « ombres », pour « Zoroastre » ; côtés lumières, pour « Zaïs« … _, l’Ensemble Ausonia, que dirige l’excellent Frédérick Haas (avec Mira Glodeanu, comme premier violon et « maître de concert« ) ; et Eugénie Warnier, soprano, et Arnaud Richard, basse _ tout à fait convaincants ! :

un choix très intelligent et fort judicieux de pièces orchestrées et chantées (et dansées !!!)

_ de la part de Frédérick Haas : cf ses choix, déjà remarquablement « intelligents », pour nous faire entrer avec délicatesse et clarté dans le massif si richement diapré et infiniment subtil et simple, tout à la fois, des « pièces de clavecin » (et les « Ordres« ) de François Couperin (CD Alpha 136 « Pièces de clavecin des Livres I & II » de François Couperin) _

qui nous donne enfin à ré-entendre un peu (!) de la musique de scène, sublime _ avec orchestres, solistes (aux deux créations, chantaient les très grands Jélyotte et Marie Fel : lui de Lasseube, en Béarn _ entre Oloron et Pau _ ; elle, bordelaise…) ; n’y manque (un tout petit peu) qu’un (petit) aperçu des chœurs, très heureusement présents, aussi, dans ces œuvres scéniques si festives… _ de Jean-Philippe Rameau :

quelle peine, voire quel scandale, de le (= l’œuvre de Rameau) donner _ sur la scène, à l’opéra, au concert et au disque _ si peu !.. Au moins, ce CD répare-t-il un brin pareille injustice !…

J’annonce aussi, ici, de futurs « aperçus » sur des CDs mettant merveilleusement en valeur deux très grands musiciens de « style français », venus, tous les deux, et chacun, du cœur de l’Europe centrale et orientale _ quand la France rayonnait de ses Arts… _ :

Georges Enesco et Bohuslav Martinů !

un magnifique CD de la musique du très grand Georges Enesco (Liveni, en Roumanie, 19 août 1881 – Paris, 4 mai 1955) : le CD « String Octet & Violin Sonata N°3 » de George Enescu _ en une magnifiquement inspirée version pour orchestre de Lawrence Foster, pour ce qui concerne ce chef d’œuvre qu’est l’Octuor (opus 7 _ il fut achevé de composer le 5 décembre 1900), par l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, que dirige Lawrence Foster, et Valeriy Sokolov, violon, et Svetlana Kosenko, piano : un CD Virgin Classics 50999 519312 2 2 _ quel immense chef d’œuvre que cet « Octuor » !!! ;

ainsi qu’un tout aussi magnifique double CD (+ un DVD) Bohuslav Martinů (né le 8 décembre 1890 à Polička, en Bohême, mort le 28 août 1959 à Liestal, en Suisse) : le CD Alpha 143 « H.36«  _ c’est son titre _, par l’Ensemble Calioppée, avec Karine Lethiec à la direction artistique,

et comportant l’inédit _ et pour cause ! _ « Trio à cordes n°1 _ H. 136« , ainsi numéroté au catalogue des œuvres de Martinů par Harry Halbreich (honorant, aussi, de sa présence le très beau DVD d’Olivier Segard présentant la découverte de cet opus disparu, de 1924, en l’occurrence le manuscrit original de Martinů, perdu (détruit ? ou volé ? lors de l’occupation de la Tchécoslovaquie par les nazis…), ayant été tout récemment retrouvé par hasard à la bibliothèque de Copenhague par la musicologue tchèque Eva Velicka) _ ; le sextuor « Musique de chambre n°1 (Fêtes nocturnes) _ H. 376« , de 1959 ; le « Quatuor avec piano _ H. 287« , de 1942 ; et le « Quintette à cordes _ H. 164« , de 1927 :

soit une « coupe » merveilleusement parlante (et chantante) de l’œuvre de musique de chambre de Martinů, au fil de ses années, de 1924 à 1959 ; et supérieurement représentative de son « goût français » : goût pour lequel Martinů était tout spécialement venu à Paris, se présentant « le 15 octobre 1923 chez Albert Roussel«  :

« Prévu pour trois mois, son séjour s’étendit à dix-sept ans _ précise le livret, page 13, sous la plume de Harry Halbreich _, jusqu’à ce que l’invasion de la France par les nazis le chassât vers l’exil américain. Plus tard, il devait expliquer : « Je ne suis pas allé en France pour y chercher mon salut, mais pour y vérifier _ on lit bien ! _ mes opinions. Je n’y ai cherché ni Debussy _ disparu le 25 mars 1918 _, ni l’impressionnisme _ musical _, mais les vrais fondements de la culture occidentale _ rien moins !!! _, qui à mon avis correspondent bien à notre propre caractère national _ tchèque _ qu’un labyrinthe de suppositions et de problèmes. » « Il voulait désigner par là la conception expressionniste et métaphysique d’essence germanique« , commente Harry Halbreich… Ce qui nous éclaire parfaitement sur le rayonnement alors du « style français »…

Enfin,

une toute récente découverte _ de pur plaisir _ et à quel degré ! _ :


le CD « Concerti & Ouvertüren«  _ rien que le mélange des langues (italien, français, allemand) dans ce terme d' »Ouvertüren » (!) est significatif de l’élégance d’une grande époque (de notre Europe) et de l’auteur remarquable que fut le compositeur Johann-Friedrisch Fasch (né à Buttelstädt, près de Weimar, le 15 avril 1688 et décédé à Zerbst le 5 décembre 1758) _ de Johann-Friedrich Fasch,

par le Kammererorchester Basel, que dirige exquisément, de son violon, Julia Schröder _ et avec le trompettiste Giuliano Sommerhalder, pour un concerto de trompette délicieusement virtuose… :

un CD Deutsche Harmonia Mundi 88697446412.

C’est là une musique festive pour la très brillante _ et délicate ; et délicieuse… _ cour des Princes d’Anhalt-Zerbst, en leur résidence de Zerbst _ dont le château a, malheureusement, été complètement détruit en 1945 : Fasch y avait été « maître de chapelle« , de 1722 à sa mort, en 1758 ; et le catalogue des œuvres de Fasch comporte à ce jour 96 « Ouvertures » et 68 « Concerti« … _ ; ou pour la plus brillante cour, encore _ royale !!! (deux princes-électeurs de Saxe ayant été successivement élus rois de Pologne aussi, alors : et ce fut l’apogée de la Saxe !) _, de Dresde _ ville dont on sait la terrible destruction lors du bombardement qui eut lieu du 13 au 15 février 1945 : « la ville fut pratiquement entièrement détruite par la Royal Air Force britannique et l’United States Army Air Forces » : cf le témoignage de Victor Klemperer en son (indispensable !!!) « Journal« ...


Cette musique de joie de Fasch est magnifiquement servie ici par une interprétation qui sait en rendre toute la vie _ les rythmes, les couleurs : dans les « suites » que sont les « Ouvertüren« , tout particulièrement : « à la française » ! _, et toutes les grâces. Quant au « Concerto » pour violon de ce CD _ en ré majeur, FWV L:D4a _, il fut écrit tout exprès pour Johann-Georg Pisendel (1687 – 1755), l' »élève » en Saxe de Vivaldi : à partir de janvier 1712 et jusqu’à sa mort, Pisendel travailla à la Chapelle de la Cour de Saxe à Dresde, d’abord comme violoniste, puis _ à compter de 1728 _ comme Kappelmeister ; le plus important des voyages qu’il fit pour se perfectionner, fut celui qui le mena en Italie en 1716 et 1717 : il put passer une année à Venise aux frais de son prince, et s’y lia d’une profonde amitié avec Antonio Vivaldi… Telemann, Bach, Vivaldi et le goût français _ soient « les Goûts réunis » de François Couperin… et Georg-Philipp Telemann _, étaient alors en verve, tant à la cour royale de Dresde qu’à celle, princière, de Zerbst-Anhalt… Des musiques qui, ainsi interprétées, n’ont certes pas pris une ride…

Je recommande donc très vivement, et en cette interprétation-là, cette « musique » toute de joie…


Titus Curiosus, ce 21 mars 2009

Du génie de l’interprétation musicale : l’élégance exemplaire de « maître » Gustav Leonhardt, par le brillant talent d’écriture (et perception) de Jacques Drillon

15mar

« Sur Leonhardt » de Jacques Drillon, aux Éditions Gallimard, ce mois de mars…

Soit un « Hommage à Gustav Leonhardt » _ à la façon de l' »Hommage à Rameau » de Claude Debussy _ de la part d’un très talentueux _ jusqu’à de petites « injustices », dirai-je, pour lui aussi ! (et nous allons le découvrir au passage) _ Jacques Drillon,

dont me manquent, tout personnellement, beaucoup _ je le mesure au plaisir fort de cette présente lecture ! _, l’incisivité et la voix, telle qu’elles pouvaient s’entendre, il y a de plus en plus longtemps, au fil des années, sur France-Musique : quelle qualité d’attention et d’écoute ; que de pertinence dans l’exploration des œuvres de musique ; avec aussi, quelquefois, quelques « sorties de route », quelques excès-emportements que l’on ne peut, ni ne doit partager : mais quel « jugement » _ pour ne pas être celui de Dieu ! _ est-il sans injustices ?.. Ce qu’on attend de la générosité d’un « critique »…

Probablement existe-t-il aussi,

de même qu’un « génie » de l’interprétation (musicale) _ dont Gustav Leonhardt nous offre un exemple (modeste : sans « vanité« , même si ce n’est pas sans « orgueil« , pour reprendre une formule de Danièle Huillet, page 109 : « Cet homme-là est d’un grand orgueil, mais est dépourvu de la moindre vanité masculine » : il est bien au-delà, en effet ; car sans « mépris » pour les autres, pour reprendre, cette fois, une expression de Jean-Marie Straub : « Je ne l’ai jamais vu montrer du mépris pour qui que ce soit. Mais du dégoût, face à certaines personnes, des haut-le-coeur, oui« , page 124…), parmi quelques autres _, un « génie » de la « critique » : inspirées… Merci, Jacques Drillon…

Et, forcément, de fait, juger, c’est nécessairement discriminer ; et élire : choisir et rejeter… Jacques Drillon _ qui retient fort justement l’expression nietzschéenne de « Grand style » (page 129) _, consacre aussi à « l’é-lection » quelques très belles pages (de 140 à 152) sur la « loi« , le »légal » et le « légitime« , le « legs« , le « relégué » et la « collégialité« … Avec la liberté de l' »improviser » que cela aussi implique… Et que doit enseigner _ et par l’exemple d’abord, et surtout : me voilà enfonçant des portes ouvertes… _ un vrai « maître« … La somme des notations sur « Gustav Leonhardt professeur » _ avec maints témoignages de ses élèves : Christopher Hogwood, Ton Koopman, Pierre Hantaï, Skip Sempé, Bernard Foccroulle, etc… _ est elle aussi d’une merveilleuse justesse… A part des enregistrements discographiques (qui demeurent !) et des souvenirs de concerts, aussi (qui dureront ce que dureront les mémoires qui les portent…), voilà _ l’enseignement (qui se transmet) _ ce qu’un interprète d’œuvres de musique peut en effet donner et laisser aux autres, à _ généreusement _ partager ; pour « rendre _ modestement et comme il se doit : au centuple !!! _ gloire » à la Création (dont celles des créateurs d’œuvres de musique, au premier, ou au second, chef…)…


Il s’agit ici _ je suppose que l’abrégé du titre (« Sur… » ; et « Leonhardt« , sans le prénom : au lieu de « A propos de Gustav Leonhardt » !!! _ la dédicace du livre est, aussi, « Pour Straub » !!! page 9) est du registre d’une pudeur un peu rogue : Jacques Drillon ne résistant pas toujours à jouer les chiens aboyeurs, ou les vilains petits garnements… _ du magnifique bijou d’analyse qu’est ce « Sur Leonhardt«  qui paraît ces jours-ci _ l’achevé d’imprimer est du 20 février 2009 _ dans la collection « L’Infini » des Éditions Gallimard.

C’est d’abord un éloge de l’élégance _ et des œuvres interprétées, d’abord (en faire une liste est dèjà un régal ! cf page 46) ; et de l’interprétation (de Gustav Leonhardt, donc) qui leur rend tout à la fois et justice et grâce !!! ainsi qu’on peut s’en rendre soi-même compte et au concert et à l’écoute des disques.


Pour cette liste de la page 46, je ne résiste pas au plaisir de la donner _ même si je puis m’empêcher d’y ajouter quelques noms _,

en l’intégrant dans le raisonnement où elle vient prendre place, le chapitre « L’Élégance«  ayant débuté page 43 :

« Pour avoir en relief une image du personnage _ « Leonhardt«  _, il faut superposer les deux photographies _ placées plus loin : aux pages 102 et 104 _ : hauteur et passion, mutisme et enthousiasme, solitude et transmission. Pose et sincérité. Orgueil et conviction. Élégance _ on peut encore y ajouter les devises en latin présentes (« deux cartouches en lettres d’or« ) sur le fronton de la demeure amstellodamoise du « maître », la maison dite de « Bartolotti, sur Herengracht« , citées page 162 : « Ingenio et assiduo labore«  et « Religione et probitate« 


On comprend que cet homme-là ait joué du clavecin. Son élégance le déplace brusquement. Il est un musicien, un musicien hollandais du XXe siècle. Parce qu’il est élégant, comme Mozart _ le fils _ était élégant, et Dürer, et Buñuel, et Matisse, et Hiroshige, et Spinoza _ j’ajouterai, plus loin, à propos de Spinoza, cet autre un peu notable amstellodamois, un mot de Gustav Leonhardt, lors d’une question que je lui posai lors d’échanges amicaux informels, à la suite d’un merveilleux de charme récital (privé) de clavicorde à Saint-Émilion, au château Soutard pour « inaugurer » le clavicorde de Maurice Darmon, très exactement _, et Debussy, et Fragonard, et Charles d’Orléans, et Pouchkine, et Nicolas de Staël, et Godard, et Pascal, et Moravia, et Poussin, et Soulages, et Josef von Sternberg, et Breughel, et Fouquet, et Lampedusa, Leonhardt intègre une sorte de confrérie, d’académie. L’élégance transcende les pays, les époques, les spécialités. L’élégance est une constellation : ses étoiles ont des noms, elles brillent, elles sont les unes à côté des autres et tournent sans fin _ du moins osons-nous l’espérer _ autour de la terre des hommes _ quand il y a (et demeure) de la civilisation… Il importe peu que Corneille ait écrit des pièces de théâtre et Le Nôtre dessiné des jardins. Il importe qu’ils aient été élégants. Gustav Leonhardt (…) est entré dans le monde de l’élégance par la porte du clavecin comme Madame de Lafayette par celle de la langue française _ il importe d’y être sensible… Beaucoup de portes, un seul monde _ faisant réellement (et vraiment !) « monde«  ; et pas faisant « désert«  ; et pas faisant vide ; et pas faisant rien ; « quand le désert (du nihilisme) croît«  Hokusai dessine un vieillard, François Couperin le fait entendre, Baudelaire le décrit, Visconti le filme. C’est presque le même vieillard, car le regard porté sur lui est pareillement élégant.


Voyez dans « Le Guépard« , lorsque le vieux prince _ Salina _ a un malaise au cours _ de la sublime scène, étirée et si dense et légère, à la fois, si intense et valsée : telle un moment d’éternité _ du bal, voyez la caméra qui refuse de s’approcher : n’est-ce pas Leonhardt vous refusant l’entrée d’une répétition : « Il ne faut pas montrer le travail, le travail est honteux ». L’élégance est une des « grandes attitudes humaines », aurait dit Mallarmé« , pages 46-47.

A cette liste d’« élégants« , j’ajouterai tout de suite, pour ma part, et Marivaux, et Ravel, et Antonioni, pour commencer… Vous y ajouterez les vôtres…

Je laisse au lecteur le soin de découvrir par lui-même l’analyse d’une merveilleuse finesse de précision à laquelle se livre, en ce chapitre, « L’élégance«  (de la page 43 à la page 101), Jacques Drillon. Je me limiterai à une seule notation, à partir de la remarque, page 53, que « c’est pourtant dans le rapport entre l’homme (ou l’œuvre) et l’Autre _ on notera la majuscule _ que se situe l’élégance _ comme la générosité, la politesse ou la séduction » _ ses très proches parentes… « Le grand point _ d’après l’article de Voltaire sur cet item dans « l’Encyclopédie » _, c’est que l’élégance ne fasse jamais de tort à la force » _ ou à l« autorité« , dirions-nous plutôt…

Page 56 : « Voltaire nous offre un terme intéressant : la force. Il dit que le discours doit avoir de la force _ celle de l’éloquence qui convainc _, et que l’élégance ne doit point l’affaiblir. L’art de Leonhardt est presque là. Non point que son élégance sache ne jamais nuire à la force de son discours : elle gît au contraire dans l’harmonie parfaite _ voilà le secret ; le si difficile à réussir _ de la  force et de la délicatesse, elle n’est point ajoutée à la force, elle la contient, elle est dans un passage _ tout musical ! _, dans une démarche, dans un rapport à l’Autre _ toujours avec la majuscule _, où force et délicatesse interviennent à parts égales, où il n’est pas permis de douter qu’elles peuvent s’ajouter, et même _ de fait ! et considérablement _ se multiplier ; de douter que l’auditeur peut le percevoir » _ avec jubilation !

« L’élégance _ de l’interprétation _ consiste à ne rien garder pour soi et à donner _ et pas seulement aux auditeurs _ tout ce que l’œuvre contient, par une juste évaluation _ oui ! celle de l’équanimité ! _ de la force et de la délicatesse qu’il faut y mettre« , page 56. C’est d’une justesse imparable.

Si Jacques Drillon rend _ au chapitre « Avec le temps » (pages 95 à 101) _ parfaitement justice à l’« évolution«  du jeu du « maître » _ qu’il détaille, au fil des ans, avec une belle précision _, il n’est toutefois pas tout à fait dénué d’injustice _ à la marge, cependant (et heureusement ! semble-t-il), nous ne manquerons pas d’aussi l’aborder… _ :

« Le clavecin de Leonhardt a peu évolué. Il s’était trouvé lui-même très tôt. Tout son système était là, prêt au développement, parce que son système n’était pas un système, mais plutôt une aptitude, ce qu’il appelle _ en parfaite modestie, mais oui… _ un « don » _ reçu, sans mérite (Leonhardt dit aussi, page 126 : « Toutes les bonnes choses sont données, je crois«  Pourtant, les années passant, certains traits se sont imperceptiblement modifiés _ comme s’est modifié le répertoire qui a glissé de Bach vers le non-Bach… _ expression en raccourci assez délicieuse : et en particulier vers le style français : des Couperin (Louis et François) à Rameau et Duphly… Jacques Drillon accorde de très belles pages aux styles de François Couperin et de Jean-Philippe Rameau, en regrettant, d’ailleurs (et combien justement !), que Gustav Leonhardt ne leur ait pas assez consacré (à François Couperin, tout particulièrement) de concerts, ni d’enregistrements au disque…

Cette inflexion ne s’est pas produite dans le sens qu’on aurait attendu ; à l’encontre de tous les autres, Gustav Leonhardt a montré une expressivité _ non expressionniste, qu’on se rassure ! pas d’anachronisme chez lui… _ toujours plus accusée _ c’est-à-dire éloquente. Une fougue plus adolescente, une tendresse plus indulgente, une précision plus acérée, une rythmique plus bondissante _ au service le plus strict (c’est-à dire « service » tout à la fois libre et rigoureux, ou rigoureux et libre, comme on voudra : comme le demandent, l’exigent ! les œuvres de ce style « baroque » !) des œuvres ; et pas de l’ego (romanticisant) du « mauvais interprète » (faisant _ avec vulgarité (quelques noms sont même alors donnés) _ assaut de virtuosité gratuite) ; que sont tant : qui n’ont pas été, eux, ses élèves… Pour les « meilleurs » des élèves de Gustav Leonhardt, je place au premier chef Pierre Hantaï et Élisabeth Joyé…


Phénomène sans doute unique dans l’histoire de l’interprétation _ d’où ce livre ! Il a acquis aussi une voix nouvelle, méditative et chercheuse : en plus _ mais oui ! _ de cette nouvelle jeunesse _ parfaitement ! _ que l’âge _ grande richesse pour qui apprend à le faire fructifierlui a conférée, Leonhardt semble parfois un vieux héros cornélien, noble et souverain, délivré des passions élémentaires _ avec leur coefficient, peut-être inévitable, de bassesse _, tout entier préoccupé d’ombre et de lumière«  _ de la musique elle-même : on comprend que Jacques Drillon cite comme sommet de l’élégance (et de son incomparable charme) en musique, François Couperin, avec Wolfgang Amadeus Mozart et Claude Debussy ; ainsi peut-on lire, au particulièrement fin et juste chapitre « L’Élégance« , ceci, page 77 : « François Couperin, que Gustav Leonhardt n’a pas assez joué, et qui est un des trois grands mystères de la musique, avec Mozart et Debussy, retrouve son charme et son aisance sous ses doigts » _ écouter aussi ici, à côté du « maître », et Élisabeth Joyé (CD Alpha 062 « La Sultane« ) et, plus récemment encore au disque (CD Mirare 027 « Pièces de clavecin« ), Pierre Hantaï…

Jacques Drillon propose ici, page 96, un exemple dans Byrd (cf le CD 073 Alpha « William Byrd« ) : « Dans Byrd, il pousse son langage instrumental à des extrémités interdites ; les autres, qui pourtant s’arrêtent bien en deçà, sont déjà dans l’excès, dans l’effet _ qui, de facto, plombe ! Quand il s’agit d’inégaliser légèrement les notes d’une simple gamme, on les sent _ trop : leur travail (sur soi) de jeu n’est pas (encore) assez abouti, accompli… _ qui travaillent, qui se concentrent ; Leonhardt, lui, atteint à la plus délicate subtilité sans trace d’effort. Leur gamme est admirable, la sienne est souveraine. Dans les passages rapides, son absence de précipitation _ seulement la justesse : il faut y advenir… _ est un art _ de l’interprète : invisible, effacé, avec politesse ; rien que la grâce (de la musique, de l’œuvre) est perceptible ! _ à elle toute seule. Il a tous les tons _ qu’il faut _ : la tendresse, la vivacité, l’humour, la violence, la hauteur, la simplicité… _ cette musique-ci est oxymorique, bien sûr, ainsi que, ou comme (n’en déplaise aux comptables !) le principal de la vie ! Et, dans Byrd, la nostalgie« …

Jacques Drillon poursuit l’analyse de l‘ »évolution » de l’interprétation de Gustav Leonhardt par la « direction d’orchestre » (pages 96 à 101) : alors qu’au début, comme dans la « Chronique d’Anna Magdalena Bach » (des Straub, en 1967 _ disponible en DVD…), « il s’agit plus d’une mise en place que d’une direction véritable« , « aujourd’hui, malgré les années, Leonhardt dirige vraiment, comme le vrai chef qu’il est devenu » (pages 96-97). « Les tempi ne se sont pas ralentis avec le temps _ comme pour un Klemperer, évoqué la phrase d’avant, par Jacques Drillon. Ils ne se sont pas accélérés non plus : la musique n’a pas changé entre 1960 et aujourd’hui. La différence entre un chef que j’ai nommé élégant et les autres, c’est qu’il ne tire pas le tempo de soi-même ; que le tempo n’est pas _ non plus _ conditionné par son état physique ou psychique ; mais qu’il est propre à la musique«  _ ou le Credo de Gustav Leonhardt, avec l’humilité de l’interprète probe et loyal, que fondamentalement, il est ! 

« A présent, toute l’énergie de Leonhardt chef d’orchestre va à la danse _ c’est ce qu’il faut, oui ! ce que cette musique commande ! Nul n’aurait pu prévoir _ sauf les oreilles les plus fines… _ que ce claveciniste calviniste _ presque une anagramme _ saurait faire danser un orchestre, ni même qu’il saurait trouver la danse partout où elle se cache, partout où on l’oublie. Partout où on la cache (« Ils ôtent de l’histoire que Socrate ait dansé », dit La Bruyère) » (pages 98-99).


« Leonhardt de ses angles rapides et raides _ il s’agit de sa gestuelle de chef, que Jacques Drillon vient de comparer, nous sommes page 100, à celle de Boulez _, fait respirer _ c’est essentiel ! _ tout le monde, monter et descendre le musicien comme un danseur décolle _ juste _ les talons dans les demi-pointes et se repose doucement _ tout est dans la délicatesse infinitésimale de la nuance. De ses yeux, de ses poignets, de ses doigts, il va chercher _ pour les donner à bien entendre : en relief _ tous les accents, et dans toutes les parties : il ne veut en manquer aucun, tout doit profiter _ ce n’est rien que son dû… _ à la danse. Son soin _ amoureux, oui _ du détail, qui fait de lui le claveciniste le plus dense _ Pierre Hantaï l’accompagnant sans doute ici en pareille « performance », en élève accompli de pareil maître (de clavecin), qu’il est, lui aussi… _, il le porte à l’orchestre : c’est une lecture polyphonique, articulée à l’extrême, propre à chaque voix. Bras vers l’avant, il ne cesse d’allumer ici et là des étincelles sonores _ la formule est d’une justesse brûlante _ que l’oreille perçoit aussitôt _ merci ! _, et ces impulsions minuscules soulèvent _ leibniziennement ; cf Gilles Deleuze : « Le Pli _ Leibniz et le baroque«  _ l’ensemble comme une respiration soulève _ en son rythme plus ou moins tranquille _ une poitrine« 

Jacques Drillon, « garnement » toujours juvénilement facétieux, laisse en blanc (!!!), page 95, le chapitre « L’Orgue » : « je ne comprends rien à l’orgue ; je ne dirai donc rien _ du tout ! _ du Gustav Leonhardt organiste« , indique-t-il seulement en note (de bas de page) ; ajoutant encore : « les spécialistes que j’ai pu consulter sur son art d’organiste sont tous restés tièdes, sceptiques ou hostiles. J’en ai donc conclu que Gustav Leonhardt devait sans discussion _ oh ! la jolie pirouette ! _ être considéré comme le plus grand organiste de son temps« 


Pourtant, il consacre de très belles pages à l’importance de la « non-rupture » de transmission de « leçons d’interprétation » par les organistes, familialement notamment, de cette musique dite « baroque » ; que Gustav Leonhardt a dû en partie par un travail de recherche infini, dans l’espace comme dans le temps, « re-créer » et « re-trouver », « re-constituer » ; ou, peut-être plus justement, « refonder«  _ la conclusion du livre met l’accent là-dessus : elle est intitulée : « le passé et la tradition«  ; avec ce mot magnifique, page 197, sur le « pouvoir » propre de la musique : « la musique est peut-être ce qui permet au rendez-vous _ avec la beauté (de l’ordre du kairos, ce « rendez-vous« ) _ de n’être pas manqué. Peut-être permet-elle _ d’abord à l’interprète, mais aussi à l’écouteur actif (en son « acte esthétique«  : cf Baldine Saint-Girons : « L’acte esthétique« …) _ de vivre aujourd’hui dans un passé _ avec ses beautés « à forces d’éternité », si j’ose pareille expression : et il le faut ! _ où l’on n’a pas vécu, et de fabriquer _ par ce biais de l’interprétation (tout artisanale ; et « soignée »…) de la musique _ un présent tout neuf _ éclatant de cette beauté radieuse, vive, et irradiante _, tandis que le présent des non-musiciens est _ lui, comparativement (mais « qui ne sait pas » _ « l’ignorant«  dit, quant à lui, Spinoza, face au « sage« _ est-il jamais « à même », seulement, de comparer ?) _ tout couvert de poussière et de moisissure. Peut-être que sa double inscription dans le temps _ vieille par l’âge _ de l’écriture du compositeur la notant à la volée, au jaillir de  son apparaître premier _ et actuelle par la production sonore _ de l’interprète « r-éveillant » par son interprétation l’œuvre écrite et héritée qui reposait, juste à peine assoupie… _ qui la fait exister _ et revivre _ ici et maintenant   _ donne à la musique ce _ magicien, thaumaturgique _ pouvoir-là« … On pénètre mieux par là le grand mot de Nietzsche (dans « Le Crépuscule des idoles« ) : « Sans la musique, la vie ne serait qu’une erreur«  : poussiéreuse et moisie…

« Dès lors que je joue, ou que je dirige _ dit Gustav Leonhardt, page 197 _, je ne suis plus ni dans le XXe siècle, ni dans le XVIIIe : je suis dans la musique. Telle est sa force, sa grandeur ; mais je n’y suis pour rien » _ c’est le dispositif qui le permet (et le nécessite). Il suffit de _ mais très activement ! seulement… _ s’y glisser.

« Il ne fait pas de doute _ commente Jacques Drillon, page 198 _ que la tradition, qui unissait _ en cet âge « baroque » _ les hommes dans un art commun, s’est perdue. Un fil ténu a continué _ cependant _ de relier les organistes _ à part, en confrérie, de tous les autres _ à leurs pères _ ou à leurs maîtres _, et leur a permis _ et quasi seulement eux… _ de savoir comment jouait Grigny et Titelouze, interpréter les ornements et le code graphique propres aux XVIIe et XVIIIe siècles _ « baroques », donc _, improviser _ un facteur capital de vie ! de liberté au sein de (et par) la règle !.. _ sur des thèmes donnés, les conservant _ eux, organistes _ dans une bulle de culture comme une bactérie dans la glace, et cela en dépit des bouleversements qui ont affecté leur instrument et leur langage _ à eux aussi. Ce petit monde _ de l’orgue : faisant « monde« , poétiquement, c’est-à-dire musicalement (et poïétiquement ») aussi… _ a survécu miraculeusement, comme dans une diaspora protectrice ; l’orgue a vécu au milieu de la foule comme en exil, le public _ a fortiori celui qui ne vient plus aux offices ; et n’a plus cette foi-là… _ en était pratiquement exclu, les créateurs s’en sont presque tous détachés : l’élite et le vulgaire l’ont laissé s’entretenir _ vivant, encore _ lui-même, résister à l’aventure du romantisme, de l’électricité, du sérialisme, de la variété _ de l’entertainment _ et de tout ce qui aurait pu le corrompre _ et détruire définitivement _ ; l’étude _ oui ! le travail étant indispensable à toute vraie compréhension ! _ des textes (…), la transmission orale _ condition elle aussi indispensable de vie (= qui soit vraiment vivante !.. ; et pas « moisie« …) _ des Commentaires _ en des « leçons » _, l’ont préservé _ cet orgue (avec sa tradition d’interprétation) _ de ces dangers comme elle a toujours _ ou souvent _ préservé les minorités menacées _ acharnées à survivre… Le maître savait, parce que le maître du maître lui avait enseigné. » Vive l’enseignement vivant ! Et honte à l’ignominie de ceux qui le sapent, l’étranglent, l’étouffent et le détruisent !

Voilà énoncé le danger de perte sans retour (de savoir) qui nous _ aujourd’hui tout particulièrement, faute d’assez de souci pour le « soin«  _ pend au nez… faute d’un tel enseignement et d’exemples vivants… Et Jacques Drillon de citer Hannah Arendt (à propos de Walter Benjamin, in « Walter Benjamin«  aux Éditions Allia ; ou in « Vies politiques » (pages 244 à 306), en « Tel »-Gallimard : « Pour autant que le passé est transmis comme tradition, il fait autorité » _ voilà le mot important en une vraie culture (= vivante » !..) ; face à l’ignorance et l’irrespect crasses de la barbarie (tant déchaînée que rampante : cf ici Bernard Stiegler : « Prendre soin : de la jeunesse et des générations« )

Pour Jacques Drillon, « Leonhardt ne l’a pas renoué, ce fil«  _ page 199 _, mais « il a fondé une nouvelle tradition«  _ page 200. « Le prodige dont il s’est donc rendu capable _ et qui nous vaut ce livre-ci « Sur Leonhardt » en hommage _ : refonder, avant même de disparaître, et bien avant que de disparaître, une tradition _ de culture de beauté et de sens _ propre à être transmise _ et les effets (de beauté) ressentis, en une æsthesis _ comme si elle avait été millénaire, impérieuse comme une vérité révélée » _ comment l’interpréter ?.. Est-ce même héroïque, pour Jacques Drillon ?.. La conclusion du livre n’embouche certes pas les grandes trompettes ; mais est toute de discrétion et pudeur…

Et de conclure avec Hannah Arendt, page 201 : « La tradition transforme la vérité en sagesse, et la sagesse est la consistance _ le mot est assurément important _ de la vérité transmissible«  _ éprouvée en une émotion de beauté. Le reste n’étant qu' »inconsistance » : du côté de la poussière et du moisi (de tant de vies, cependant : sur quels autels sacrifiées ?..)…

Le livre de Jacques Drillon est riche d’aperçus « fouillés » tout à fait passionnants (!) sur des goûts de Gustav Leonhardt assez peu cultivés par lui, de facto, au disque, comme au concert (il en assure en moyenne une centaine par an !..) : en particulier ceux pour la musique de François Couperin et celle de Wolfgang-Amadeus Mozart (et le pianoforte) : le détail des analyses et de ces « aperçus » qu’ouvre ici Jacques Drillon est tout à fait remarquable ! Une mine !.. La lecture le découvrira avec jubilation. Mais le livre nous frustre aussi un peu en faisant un peu trop vite l’impasse sur le peu d’attraction du « maître » pour le répertoire _ qui me tient personnellement beaucoup à cœur ! _ des fils Bach (Wilhelm-Friedmann, Carl-Philipp-Emanuel, Johann-Christian) _ une question pourtant passionnante (au moment de ce que Gustav Leonhardt appelle, page 130, le stade de la « saturation«  d’un processus de « style » : il parle, plus précisément, de « sous-périodes«  d’une « époque stylistique« )… De même que le livre ne s’attarde pas assez, non plus, sur les réussites majeures (= éblouissantes !) du « maître » de l’interprétation « baroque », tant au concert qu’au disque : le répertoire (l’apparition _ aux « sous-périodes«  d’« origine«  et de « développement«  du Baroque, toujours page 130 _  des « Suites« ) allant de Girolamo Frescobaldi à Louis Couperin en passant par Johann-Jakob Froberger… Ou sur celui des maîtres allemands juste en amont de Johann-Sebastien Bach : Dietrich Buxtehude, Johann-Adam Reincken, Matthias Weckman, Georg Böhm, etc… Et qui a donné d’éblouissantes réussites _ tout particulièrement dans la récente production discographique du maître pour Alpha et Jean-Paul Combet… Si Jacques Drillon évoque fort bien le rôle tout à fait important de l’amitié de Gustav Leonhardt avec Wolf Erichson pour l’aventure de la production discographique des collections « Das Alte Werk«  et « Seon«  ; il se tait, c’est un peu dommage, sur le rôle tout aussi décisif de l’amitié de Gustav Leonhardt avec Jean-Paul Combet dans le devenir somptueux (d’accomplissement) de l’aventure discographique du « maître » _ « une rose d’automne est plus qu’une autre exquise« , a si justement chanté Agrippa d’Aubigné…  _ avec « Alpha« … C’est bien dommage : cette histoire reste donc à écrire…

Avant de conclure, deux (petits) motifs (personnels) de contestation, l’un à Jacques Drillon ; et l’autre à Gustav Leonhardt (extra musical : « philosophique », celui-là…) _ que je connais (un peu) personnellement tous les deux, pour les avoir rencontrés (un peu). Et j’attache beaucoup d’importance aux rencontres _ au point d’y avoir consacré un essai (« Cinéma de la rencontre ; à la ferraraise« …) ; et une conférence (à la galerie La NonMaison, à Aix-en-Provence, le 13 décembre dernier)…

Lors d’un salon « Musicora« , quand j’étais « conseiller artistique » un peu actif de La Simphonie du Marais (et Hugo Reyne), j’avais eu l’occasion de signifier en une bonne conversation (d’une demie-heure à peu près) à Jacques Drillon toute mon admiration tant pour ses émissions de France-Musique que pour ses livres :

il me semble aujourd’hui que la position de Gustav Leonhardt _ page 59 _ quant à ce qui est « admissible », ou pas, de la part des « metteurs en scène » d’opéra, cette profession parasite (qui n’existait pas à la période « baroque » _ là-dessus, on s’amusera bien à lire le plus que pittoresque « Théâtre à la mode » de Benedetto Marcello) _, aurait dû lui donner un peu plus à « penser » (= réfléchir) :

qualifier de « d’une violence inattendue«  la préface que Gustav Leonhardt offrit au très riche et très intéressant « Traité de chant et mise en scène baroques » de Michel Verschaeve (paru aux Éditions Zurfluh en 1997) ;

puis « expliquer » (!!!) par là « le panégyrique qu’il a pu faire d’un spectacle « à l’ancienne » (sic), avec quinquets, prononciation « restituée » (sic), ou plutôt « reconstituée » (re-sic), et acteurs face au public, « Le Bourgeois gentilhomme » monté par Benjamin Lazar _ et Vincent Dumestre ; et Mathilde Roussat pour la chorégraphie _ :

« C’était merveilleux et _ enfin ! _ normal _ déclare Gustav Leonhardt. C’est triste à dire, car ce spectacle était le fruit de beaucoup de travail, d’efforts, de connaissance ; mais le résultat était _ tout simplement _ normal = ce que les mises en scène d’œuvres de ce temps (ou « baroques ») devraient être ! selon Gustav Leonhardt et d’autres ; dont moi-même… Adapté _ avec probité et loyauté : à l’œuvre originale de Lully et Molière ; œuvre que connaît particulièrement bien Gustav Leonhardt, notamment pour en avoir réalisé un enregistrement discographique (avec « la Petite Bande », en 1988, pour Deutsche Harmonia Mundi). Une unité pour l’œil et pour l’oreille _ unité qui est un criterium absolu de toute œuvre d’art !

Ce qu’une note de bas-de-page de Jacques Drillon commente _ avec acidité _ comme un « jugement ahurissant » de Gustav Leonhardt : « Devant ce jugement ahurissant, à l’égard d’un spectacle dogmatique _ rien moins ! _, interprété par des comédiens entièrement mobilisés (!) par la prononciation, incapables de jouer (!) en même temps qu’ils parlaient, comme dirait Vialatte _ voilà l’autorité appelée en renfort _ : « on se frotte les yeux en se demandant des tas de choses »… Au lieu de citer ici Vialatte et de laisser planer on ne sait quels (un peu vilains) soupçons, Jacques Drillon ferait mieux de remettre en question son propre « ahurissement«  ; et ses origines : peut-être subjectives… La probité de Gustav Leonhardt souffrirait-elle de telles exceptions ?.. C’est peu vraisemblable, cher Jacques Drillon…

Pour ceux qui n’ont pas eu la chance _ de Gustav Leonhardt, Jacques Drillon (!), ainsi que moi-même _, d’assister, tous sens ouverts, à ce spectacle (au moins sa « générale »), il existe l’irremplaçable (et un peu durable, heureusement !) DVD Alpha 700 de cet « étonnant » « Bourgeois gentilhomme » ; ainsi que cet autre DVD, enregistré en janvier 2008, de « Cadmus et Hermione » (de Quinault et Lully ; toujours par l’équipe si heureusement pionnière de Benjamin Lazar et Vincent Dumestre : DVD Alpha 701) : chacun pourra en les découvrant se faire un peu mieux lui-même une idée de ce débat-ci ; et décider de ce que lui-même trouve « ahurissant«  et « normal«  quant à ces réalisations de spectacles complets (et unis : « pour l’œil et pour l’oreille« , selon la si juste expression de Gustav Leonhardt !) du « Baroque »…

Quant à mon interrogation (lors d’un intime merveilleux récital de clavicorde au château Soutard à Saint-Emilion, chez François des Ligneris) à Gustav Leonhardt _ dont j’ai rédigé une part du livret du récital d’orgue du CD Alpha 017 « L’orgue Dom Bedos de Sainte-Croix de Bordeaux« _, elle concerne son relatif « défaut d’accointance » avec la personnalité et la philosophie de la joie de Spinoza, celle-là même, philosophie de la joie, que cite (et fait sienne) Jacques Drillon en ce « Sur Leonhardt« , à la page 144 : « le passage de l’homme d’une moindre à une plus grande perfection » (que Jacques Drillon commente comme « un trajet, jamais _ tout à fait, absolument _ accompli, vers un absolu dont on se fait une représentation fantasmatique : la loi » ; et à la page 152 : « Je reconnais donc seulement trois sentiments primitifs ou fondamentaux : à savoir la joie, la tristesse et le désir« …

Sans doute que l’élégance de Baruch Spinoza  _ qui conclut son « Ethique » sur ces mots : « Tout ce qui est beau, est difficile autant que rare«  _ et l’élégance de Gustav Leonhardt empruntent des chemins, à Amsterdam même, qui ne se croisent peut-être pas toujours ; même « sub specie æternitatis« Tous deux nous y faisant pourtant _ et c’est merveille ! _ accéder (= monter, voler, planer) !

A la suite de la lecture de ce « Sur Leonhardt« , en me procurant dare-dare le DVD du film de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub « Chronique d’Anna Magdalena Bach« , de 1967 _ je rappelle, au passage, que la dédicace de ce « Sur Leonhardt » est « Pour Straub«  (sic) _, j’ai pu découvrir _ et avec quelles délices _ comment « devait » se filmer la musique pour être vraiment écoutée, sans risquer de voir son attention, pour rien (des brimborions ! et le Rien !), « distraite »…

Page 111, Jacques Drillon cite ce mot de Jean-Marie Straub : « Pierre Vozlinsky, qui s’occupait de la musique à la télévision, nous a dit : « moi vivant, on ne diffusera jamais ce film à la télévision. Parce que tout ce qu’on fait passerait pour de la merde »« . Et Jacques Drillon de commenter ainsi : « Pour la première fois dans l’histoire, il devenait acceptable de voir de la musique filmée » _ « en dehors des films avec les Marx Brothers », ajoutera Danièle Huillet, « ou de « Gentlemen Prefer Blondes«  » (in « Chronique d’Anna Magdalena Bach » _ « Petite Bibliothèque Ombres« )… On jugera de l’humour, le plus souvent fortement présent, sous la plume délicieuse de Jacques Drillon…


En complétant la vision de ce DVD par le petit livre de Louis Seguin, à la « Petite bibliothèque des Cahiers du Cinéma«  :
« Jean-Marie Straub, Danièle Huillet _ « Aux distraitement désespérés que nous sommes »« , j’ai découvert, page 299, cette belle phrase de Jean-Pierre Vernant, extraite de « Entre mythe et politique » :

« Aller à l’extrême limite de ce qu’on est, c’est-à-dire jusqu’au divin ; et c’est cette extrême altérité qui est l’élément essentiel. C’est par là qu’on se retrouve soi-même ; mais ce « soi-même » n’est plus un ego, c’est le cosmos, l’univers, le tout, Dieu, qui est la perfection… On fabrique sa propre identité avec les autres ; et avec de l’autre ; mais pas n’importe quel autre. C’est là qu’intervient l’amitié« 

Existe aussi, en effet, une amitié via les œuvres… Et c’est parfois même _ tout « intempestive« , « inactuelle« , qu’elle puisse (ou peut) être… ; ou bien, justement, parce que cela !!! _ la plus importante, au milieu de la foule, émiettée (faute d’assez de « consistance« ) de tant de personnes, de nos contemporains…

Par là, ce que nous donne _ de beauté et de sens _ l’interprète qu’est Gustav Leonhardt _ et qui sans sans lui, sans sa médiation d’interprète-ci, serait perdu (= non re-trouvé ; non « refondé« , puisque tel le concept ultime _ et, de fait, « fondamental » ! _ de Jacques Drillon, en sa conclusion) _ a une immense valeur… Qu’on essaie _ un homme averti en valant deux… _ de s’en aviser…

Titus Curiosus, ce 15 mars 2009

La temporalité du penser-chercher (libre) versus la logique comptable-et-compétitive (utilitariste) : la liberté (de la vérité) sous la pression du « réalisme » de la rentabilité

13mar

Un excellent article (et pétition) sur le blog « 24 heures Philo » (le riche et passionnant blog coordonné par François Noudelmann et Eric Aeschimann : Lien permanent) :

« Les revues prises dans le piège de l’évaluation«  par un collectif de « revues de sciences humaines » à la date d’hier, 12 mars, sur le site de Libération,

qui nous donne _ excellemment (et urgemment !) _ à réfléchir sur les enjeux de la temporalité dans ce qui se joue en ce moment sur ce que va devenir notre monde ; de quel côté va-t-il pencher ? :

Voici cette « communication » du collectif de « revues de sciences humaines » que je me permets d’assortir, as usual, de quelques commentaires « miens » :

Un débat très important agite, depuis 2008 au moins, la communauté internationale des chercheurs. Il concerne les revues et les modalités de leur classement, de leur notation et de leur évaluation. L’évaluation des revues n’est pas neuve (pensons par exemple au classement proposé par le CNRS en 2004), et les chercheurs sont familiers de la logique de hiérarchisation, plus ou moins formelle, qui sous-tend les pratiques scientifiques. Il nous semble même normal, sensé et essentiel que soient mises en valeur et distinguées _ car penser, c’est juger, distinguer, évaluer : critiquer, c’est-à-dire trier et choisir (retenir et écarter, et transmettre) _ les revues dont la qualité scientifique est reconnue par les professionnels de la recherche. Mais selon quels critères _ de fait ? de droit ? _ et selon quelles modalités ? Aujourd’hui, il nous paraît urgent de faire connaître notre position sur cette question, d’autant que la signification de la liste française de revues établie par l’AERES (Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur) s’est vue confortée par la réforme du statut de l’enseignant-chercheur promue par l’actuel gouvernement.

Pourquoi ce projet de réforme, qui met les chercheurs dans la rue depuis bientôt deux mois, s’inscrit-il dans le prolongement direct de la création de l’AERES et de son classement des revues ? Parce qu’octroyer à l’AERES le monopole de l’évaluation des chercheurs consiste tout simplement à faire des revues les supports privilégiés de la discrimination et de la compétition entre chercheurs. Une fois la réforme adoptée, ces derniers seront jugés uniquement _ !!! _ sur le nombre de leurs publications _ !!! _ et sur la note attribuée _ !!! _, par l’AERES, à la revue dans laquelle ils auront publié. Pour le dire autrement, si un chercheur publie un texte dans une excellente revue spécialisée, mais mal (voire pas du tout) classée par l’AERES ou par son aîné l’ERIH (European Reference Index for the Humanities), il ne sera pas considéré _ labélisé ; officiellement ! _ comme un « bon » chercheur _ et ayant à trainer sur son front ce stigmate ! _, et verra son travail _ de facto lourdement _ confiné aux tâches enseignantes et administratives. Il n’aura donc plus l’occasion de mener à bien ses recherches _ on en mesure les effets ! _ et de les publiciser _ placardisées bel et bien qu’elles seront, par ce dispositif officialisé de censure…

Pourquoi cette réforme est-elle en totale inadéquation avec la manière dont fonctionnent _ actuellement _ nos revues ? Même si elles reposent sur le principe de la sélection et de la critique _ librement _ constructives _ la signature des articles n’engageant que l’autorité intellectuelle de leurs auteurs : mais c’est énorme ! _, les revues en sciences humaines et sociales n’ont absolument pas vocation à noter _ !!! : le nombre (= le quantitatif) évitant d’aller regarder un peu plus (et mieux) dans les coins ; c’est-à-dire de lire ! (= le qualitatif) _ les chercheurs ! Elles produisent _ créent _ et transmettent un savoir. Qu’elles soient spécialisées, généralistes, ou interdisciplinaires, leur objectif est d’informer la communauté scientifique _ curieuse _, de transmettre _ dans une perspective dynamique ouverte et libre !!! _ de nouveaux programmes de recherche _ à mener _, de poser des problèmes _ ils ne vont pas (ni jamais ! cf Bachelard, sur le « sens du problème » comme marque de l' »esprit scientifique » !) de soi ; et les « créer » est la première et essentielle mission, fondamentale et féconde, de « la recherche » ; qui deviendra, plus tard, un peu mieux « établie », « le savoir » : reconnu ; et même « la science » : admirée… _, de discuter _ toujours et indéfiniment !.. _ des méthodes _ indéfiniment en chantier _, de stimuler _ avec fécondité ouverte _ les interprétations, et non de récompenser ou sanctionner les individus _ réduits aux compétitions sans merci du (misérable) carriérisme…

La logique comptable et compétitive _ et c’est bien de son expansion impériale qu’il s’agit, hic et nunc !!! _ de l’actuelle réforme met à mal, tout particulièrement, le rôle des « comités de rédaction », qui travaillent en effet collectivement _ c’est important : il s’agit toujours d’un travail d’équipe ; et non de camarillas à la solde d’ambitions individuelles _ à l’élaboration d’une ligne éditoriale, en fonction de laquelle les articles sont sélectionnés ou non pour la publication. Les placer en position de faire le tri entre « bons » et « mauvais » chercheurs, c’est introduire, dans leur travail, d’autres considérations _ certes ! mortifères pour l’autorité de la recherche _ que celles qui président _ actuellement, pour l’essentiel _ à la ligne éditoriale de la revue. Or les membres d’un comité de rédaction ne sauraient être réduits à la fonction de froids _ lire Imre Kertész sur la logique de l’édition en régime totalitaire, in « Le Refus » : admirable !!! On peut lire aussi, du même, l’encore plus effrayant de réalisme « Liquidation » !!! _ administrateurs, fidèles _ l’adjectif est admirable ! _ aux critères de sélection _ on connait aussi ceux (« critères de sélection« ) d’Auschwitz : toujours de Kertész, lire, cette fois, « Etre sans destin« , à propos de l »instant décisif » (qui n’est pas celui de Henri Cartier-Bresson !.. _ dictés par la mode du moment _ on ne connaît que trop l’admirable constance et l’héroïque souci d' »autorité » et de « fondement » de telles pratiques !!! _ ou par une conception homogène et stagnante _ transie et cadavérisante ! _ des définitions de la scientificité. Une revue n’existe pas non plus sans le travail d’un comité de lecture _ ouvert et honnête, en ses exigences puissantes de « valeur » scientifique … _ dont l’avis consultatif ou le pouvoir décisionnel sont absolument cruciaux. Il revient en effet au comité de lecture de juger _ en toute liberté de l’esprit ; et, le plus possible, rien qu’elle !!! _ les articles répondant à l’appel à contributions lancé par une revue. Les choix de publication qu’effectue un tel comité n’ont rien de neutre _ chacun ses options, ses paris ; mais en toute honnêteté ! _, et il n’y a donc aucune raison pour qu’il en existe une forme unique _ officielle ! _ et supérieure _ ou totalitaire ! Là encore, se joue l’identité _ libre ! _ d’une revue.

La course à la publication, le risque de discriminations injustifiées _ sinon par de sordides intérêts carriéristes de quelques uns, cherchant à se faire un tout petit peu plus « malins » que les autres : le mot ne porte que trop bien le poids de son étymologie… _ et de renforcement des dissymétries, l’accumulation de critères de sélection mal ajustés aux situations spécifiques _ du « réel » en sa complexité : auxquels se confronte toute vraie honnête « recherche » _ : voilà ce que propose aujourd’hui le Ministère de la Recherche aux revues dont certaines sont pourtant mondialement réputées _ en effet : mais pour combien de temps ? si tels devenaient les nouveaux « handicaps » de la « compétition » ainsi organisée (ou truquée)… _ pour leurs qualités scientifiques et l’originalité _ essentielle ! _ de leur ligne éditoriale _ on sait ce que deviennent les « normalisations« … Voulons-nous d’une classification arbitraire des revues ? Voulons-nous que les revues soient instrumentalisées _ c’est de cela qu’il s’agit, avec cette machiavélisation tous azimuts galopante cf mon article du 11 novembre « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie » à propos de l’instrumentalisation de l’intimité, aussi, in « La privation de l’intime«  de Michaël Foessel…  _, pour ne plus devenir, en fin de compte, que les « chambres d’enregistrement » des ambitions individuelles des chercheurs ? Non, car cette logique compétitive et quantitative correspond mal _ le mot est faible ; et l’enjeu est capital !!! _ aux temporalités de la recherche en sciences humaines et sociales _ ainsi qu’ailleurs aussi ; en d’autres activités « à normaliser »… Faire du terrain, aller aux archives _ pour commencer _, formuler _ = créer en réfléchissant quasiment en permanence !.. _ de nouvelles hypothèses _ voilà le matériau « à créer » de base ! _, proposer _ aux pairs (en recherche) _ des interprétations, écrire _ oui ! _, et penser _ à tout moment du processus ! _, tout cela prend du temps ! A l’inverse, être condamné à publier à tout prix, n’importe où, n’importe quand, afin d’éviter la relégation _ normalisée (et totalitaire) _ dans la catégorie « mauvais chercheur », est tout simplement incompatible avec les exigences d’un travail de recherche honnête _ « honnête » : voilà le terme capital ; et ici, je me permets de renvoyer à l’essai décisif de Montaigne en ouverture de son dernier « livre » d’« Essais » : « De l’utile et de l’honnête » (livre III, chapitre premier) ; Montaigne, les « Essais » ; Machiavel, « Le Prince » : les classiques (ô combien critiques !) de la modernité.

Les mutations actuelles de l’Université font peser un grand nombre d’incertitudes sur l’avenir financier et matériel de la plupart des revues. Beaucoup d’entre elles étant liées à des institutions, des laboratoires, des centres de recherche, amenés à être restructurés si l’AERES et l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) en décident ainsi, elles risquent _ l’époque (des « réformes » et des « ruptures » affichées) est particulièrement dangereuse : que de « mises à mort » ! que de « casse » !.. _ clairement leur survie ! Il faudrait donc _ idéalement, d’abord _ mener une réflexion digne de ce nom _ avec un vrai débat : ouvert et « honnête » : mais c’est peut-être beaucoup demander là à certains de nos présents « élus » (munis, qu’ils sont, de l’onction de l’élection « démocratique » !)… _ sur les modes de subvention _ vitales _ des revues. D’autant que dans le contexte d’un tarissement évident des abonnements de bibliothèques et d’une baisse non moins évidente des ventes de « sciences humaines et sociales » en librairie, les revues se retrouvent confrontées aux questions de la numérisation et de l’édition électronique

En dépit de l’existence de portails comme Cairn et Revues.org pour la mise en ligne des revues « vivantes », ou Persée pour les anciens numéros de revues, la France accuse encore un certain retard dans le débat sur ces questions, faute de prise de conscience politique _ suffisante (et suffisamment opérante) _ sur le sujet. Et pour cause : le ministère de la Recherche nous dit que la revue va devenir le moyen central de l’évaluation des chercheurs, mais ne songe _ le terme est assez savoureux _ même pas à ce qu’est réellement une revue de sciences humaines et sociales ! Il en ignore farouchement _ dogme de la priorité commerciale « aidant »… _ les modes de fonctionnement, les usages, l’originalité éditoriale, les soutiens et modes de financement. Ceci, finalement, n’étonnera guère, puisque force est de constater que le gouvernement actuel veut engager à toute vitesse _ prendre de court toute velléité de résistance à la modernité de la part des corporatismes conservateurs, cela va de soi !.. ; c’est là le B-A BA des stratégies auxquelles forment les écoles commerciales _ la réforme de la recherche, sans même avoir pris le temps d’en connaître _ mais un ministère est-il un organe de « connaissance » ? ou d' »action » ?.. _ ni les acteurs ni les supports.


Nous exigeons que les revues ne soient pas transformées en instruments de contrôle des chercheurs, et appelons donc à une suppression des listes de revues AERES, dans le prolongement de la demande de moratoire du 9 février 2009 par les instances scientifiques du CNRS. Nous demandons que soient préservées la pluralité, la diversité et les spécificités des revues de recherche en sciences humaines et de sciences sociales.

Revues signataires : Actes de la recherche en sciences sociales, Annales du Midi, Champ Pénal, Clio. Histoire, Femmes et Sociétés, Communications, Etudes Roussillonnaises. Revue d’Histoire et d’Archéologie Méditerranéennes, Genèses. Sciences sociales et histoire, Gérer et comprendre, Hérodote, Interrogations, Journal des anthropologues, L’Homme, La Recherche en éducation. Revue électronique internationale francophone, Le Temps des médias, Politix, Revue d’histoire du XIXe siècle, Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, Revue du MAUSS, Revue Française de Socio-Economie, Ruralia, Tracés. Revue de Sciences Humaines, Travail, genre et société, Vingtième Siècle. Revue d’histoire.

Voilà

un problème éminemment concret et d’actualité toute pressante,

quand, aussi, tourne (un peu, semble-t-il…) le vent du « réalisme » _ outre Atlantique, d’abord : « Yes, we can« …

Intérêt (de l' »utile« ) versus vérité (de l' »honnête« ),

à l’aune de la curiosité (libre !) de la recherche.

Une tension de valeurs éminemment cruciale, chacun peut (et doit ! il y va du « destin » de la démocratie : rien moins !!!) en juger…


Je me suis référé en mon petit commentaire, outre Montaigne et Machiavel

(et Michaël Foessel : il faut aussi lire le très remarquable « La privation de l’intime » sur les dangers de l’impérialisme de l’instrumentalisation, rampant, « du plus quotidien » de nos vies !.. _ = l’intime : en danger de disparition, ou « pulvérisation » ! cf mon article du 11 novembre : « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie« …) ;

je me suis référé à l’œuvre _ si important ! _ d’Imre Kertész…

De lui, Imre Kertész, j’attends _ et « Dossier K.« , paru en français le 4 janvier 2008 ne m’a pas (encore) satisfait sur ce point : il est vrai que la traduction en français de ses oeuvres a toujours un peu de retard (par rapport à l’original, en hongrois, et à la traduction en allemand _ Imre Kertész résidant désormais surtout à Berlin…) ; un livre passionnant et nécessaire !!! _ ;

de lui, j’attends un avis d’expert : en menaces de liberté !!

cf et « Etre sans destin » et « Le Refus » ;

tout comme « Liquidation » et, admirable, « Le Drapeau anglais » _ recueil comportant le bouleversant parce que fondamental « Le Chercheur de traces » (qu’on trouve aussi, en cas d’indisponibilité du recueil, en édition séparée)…

j’attends un avis d’expert (de vérité libre !)

sur la cité démocratique capitaliste,

en ses derniers (récents et présents) « tournants », tout particulièrement…

Car le « réalisme » me paraît venir _ rien moins ! _ changer de sens…


Titus Curiosus, ce 13 mars 2009

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