de la longueur et du style : du contrat de lecture (d’un blog)

— Ecrit le lundi 14 juillet 2008 dans la rubriqueBlogs, Philo”.

De la longueur et du style : de l’égard dans le contrat de lecture d’un blog

(petite méditation sur l’écriture
eu égard au sens du dire et à sa réception ;
et sur le conseil _ unanime _ de « faire court« )

A propos de l’écriture (longueur des articles, d’abord ;
puis, peut-être aussi, « style » des dits « articles » de ce blog),
ce mail du 6 juillet à 19h 37,
en réponse à un échange téléphonique de la matinée du vendredi précédent,
le 4…

« Je ne publierai les 2 articles sur « Jeudi saint » de Jean-Marie Borzeix
(aux Editions Stock au mois de mai 2008)
qu’en commençant par « prévenir »
de
leur longueur « a-normale »,
« excessive »…

ainsi qu’en donnant aussi
par anticipation
la réponse (à mon envoi de ces articles : « Ombres dans le paysage »
et « Lacunes dans l’histoire »)
de l’auteur, Jean-Marie Borzeix.

En plaçant,
en « avant-propos »
: « Au lecteur » (à la Montaigne en ouverture des « Essais« ),
un « avertissement«  avec un brin de fantaisie,
sollicitant un tant soit peu
de temps et patience
de lecture
(pour chacun des articles : chacun ayant, et devant avoir, son rythme) ;
soit la bienveillance
traditionnellement de mise,
mais ici
en une « époque » de « nouvelles » normes
_ et tenant, et comment, le haut-du-pavé _
de « temps compté »
et d’affichages (médiatiques !) de « ruptures » (dites _ ô la novlangue (de « 1984« , par George Orwell, en 1948) ! _ « modernité« ) ;

en plaçant
un « avertissement » sollicitant un minimum de bienveillance de la part de qui
va « donner de soi »

en s’exposant si peu que ce soit
(mais est-ce, et dans quelle proportion d’occurrences, peu ?)
à ce qu’il peut y avoir d' »intime » et intense en une lecture
_ et qui est ce pour quoi, au fond,
au bout du bout de tout,
j’aime,
quant à moi en-tant-que-lecteur,
me livrer à « ce vice impuni : » _ dit Valery Larbaud _
« la lecture » ;

tel un « avertissement«  à la Rabelais
à propos des « silènes » et de la « substantifique moëlle« 

du « Prologue » de « Gargantua« ,
su par cœur de tous les lycéens de France il n’y a pas si longtemps,
et que je ne résiste pas au plaisir de citer ici :

« Silènes étaient jadis petites boîtes,
telles que voyons de présent
_ 1534 _ ès boutiques des apothicaires,
peintes au dessus de figures joyeuses et frivoles,
comme de harpies, satyres,
oisons bridés, lièvres cornus, canes bâtées, cerfs limonniers

_ ah, l’avalanche des « listes » dont s’enchante aujourd’hui un Pascal Quignard,
l’auteur de ce si intense « Vie secrète » (aux Editions Gallimard en 1998) _,
et autres peintures contrefaites à plaisir pour exciter le monde à rire
(quel _ tel _ fut Silène, maître du bon Bacchus _ le dieu de l’enthousiasme) ;
mais au dedans l’on réservait les fines drogues
_ pharmaka, prononce Bernard Stiegler
en son « Prendre soin _ De la jeunesse et des générations » (aux Editions Flammarion, en février 2008) :
l’allusion rabelaisienne est donc on ne peut plus, cher Bernard, « pharmacologique »,
comme tu le montres si excellemment,
en « reprenant » le travail interrompu (par la mort, le 26 juin 1984) de Michel Foucault _,
comme baume, ambre gris, amomon, musc, civette,
pierreries et autres choses précieuses
 » ;

et à propos de la « substantifique moëlle« , aussi
_ qui ne connaît l’expression ? _,
pour laquelle,
tel le chien de Platon, au livre II de la « République » : « la bête du monde plus philosophe« ,
dit un peu plus loin Rabelais,
a « cassé » l’os, de ses dents curieuses _ fouilleuses et gourmandes ! _
dit Rabelais en son « Prologue de l’auteur » de « Gargantua » :
l’image de la moëlle étant empruntée
à Saint-Jérome ;
et celle des Silènes
à l’intervention d’Alcibiade au « Banquet » de Platon,
via Erasme :
« Socrate _ maître démonique : ironique et évanescent _ est on ne peut plus pareil à ces silènes qui se dressent dans les ateliers de sculpteurs,
et que les artisans représentent
_ musiciennement : ce n’est pas innocent _ avec un syrinx ou un aulos à la main ;
si on les ouvre par le milieu,
on s’aperçoit qu’ils contiennent en leur intérieur
des figurines de dieux
 »
_ soit tout une esthétique d’acheminement
(inventant en se souvenant),
un peu dans le lointain de notre actualité
d’impatience (agressive, plutôt que gourmande !)
et des « normes » majoritaires de blogs d’Internet !!!) ;

en plaçant en « avant-propos » à mon article, donc,
un « avertissement »
un tant soit peu humoristique
à l’égard des mal voyants ou/et peu endurants
(ils sont en nombre, jusque parmi les plus bienveillants,
préférant « tirer » l’article sur papier ! pour le lire,
quand ils ne remettent pas à un « un peu plus tard«  un peu moins bousculé
qu’un présent qui trop se précipite  _ et en est « cabossé » _,
le « temps«  même « de lire » attentivement l’article) ;

peu endurants, donc, de la pas assez confortable « lecture sur écran »
_ livre et librairie ont ainsi en puissance un très bel avenir _
d’articles
dépassant un format « standard »
(c’est-à-dire habituel :
ce qui déjà varie passablement de l’un à l’autre ;
et qui peut « faire » aussi bien _ cf Aristote, l' »Ethique à Nicomaque » (par exemple dans l’édition G-F) _ heureuse « vertu »
que « vice » malencontreux !!! ;

et qui agacerait,
par cet excès de temps nécessaire,
au point de la mettre « à bout » (et faire « bouillir »),
cette « réserve » de patience (de lecture) d’aucuns :

« perdre » son lecteur,
en amenant

_ voire « acculant » (par « harcèlement » : la mode du terme donnant à penser…) _
à « rompre » d’entrée le contrat de lecture,
est de très mauvais goût !!!

combien je le sais !
_ Yves Michaud l’a encore tout récemment gentiment « rappelé » à mon attention _

à l’instar de cet art de la conversation
(orale)
_ cf l’anthologie remarquable de Jacqueline Hellegouarc’h « L’Art de la conversation »
(du Père Dominique Bouhours, « Les Entretiens d’Ariste et d’Eugène« , en 1671,
à l’Abbé André Morellet, « De la conversation« ,
publié en 1812, mais rédigé très vraisemblablement en 1778),
en passant par le chevalier de Méré, Madeleine Scudéry et François de Callières,
anthologie très éclairante (d’un siècle : 1671-1778) parue en août 1997 dans la collection des Classiques Garnier _ ;

à l’instar de cet art de la conversation, donc,
qui n’est ni plus ni moins que l’égard
de sertir joliment la parole à venir de l’autre,
de l’interlocuteur !
de celui auquel on s’adresse
et que l’on va, l’instant qui suit, à son tour, écouter nous adresser à son tour la parole ;

il en va tout
de même
de l’auteur-écrivant vis à vis _ en cette situation de regards qui se donnent, sans rien figer _ de son lecteur ;
lecteur en acte de lecture déjà,
et pas seulement en puissance ;
ni le livre, ni l’article,
ne devant « tomber des mains », « sortir des yeux »,
exaspérer (« mettre hors de soi »)
;

ne pas trop « tirer », donc, « sur la corde »
ultra-sensible de la bienveillance principielle du lecteur

_ n’était-ce pas, là aussi, le premier geste rhétorique (de l’auteur)
que la captatio benevolentiae ? _ ;

c’est toujours, toujours,
ici comme ailleurs,
une affaire de rythme… ;

cet « avertissement »
(à placer en tête des-dits deux articles un peu « longs »
_ « étude critique » les qualifie Jean-Marie Borzeix
en un courriel du 12 juin à 15h08 _),
cet « avertissement« , donc,
sera du genre :

« ne s’engager » en la lecture de cet article
qu’en excellente forme (physique),
en « bon état » (de curiosité),
et avec un équipement neurologique et sensitif
(chaussures, vêtements, lunettes, fauteuil)
adéquat
pour « endurer » plusieurs pages d' »attention intensive« ,
mettant à un peu rude épreuve
qui s’engage sur cette piste « sportive »,
voire « ultra-sportive »
même si elle n’est pas « compétitive »
(on n’y mesure rien,
on n’y délivre nul diplôme,
il ne s’agit ni d’un concours, ni d’un examen,
tout y est libre,
dédié au seul plaisir
_ sans bénéfice, gain, profit, intérêt autre que lui : gratuit ! _
de lire…
) ;

cet « avertissement » ne sera ni bégueule, ni snob :
il porte seulement sur quelques unes des conditions de la liberté (du lire) :
un peu comme pour accéder à l’enchantement proustien
_ ou à l’enchantement montanien
(la situation _ et l’impérial régal _ de « Lire les Essais » est identique à celle de lire « la Recherche« …) _,
il est nécessaire d’entrer (passer le portail),
suivre
et poursuivre la lecture
de dizaines, centaines, milliers de pages qui en toute (double) générosité (de donner _ sans regarder à compter ! _ son temps) se succèdent, au fil des heures, et journées ou nuitées,
que cela _ lire _,
en « prenant » et « occupant », de fait,
« demande », « requiert », « nécessite » on ne peut plus effectivement (en vis-à-vis d’un symétrique écrire) :
on doit franchir, disons les cinquante premières pages de « Combray« ,
en « ouverture » de « Du côté de chez Swann« ,
qui n’est lui-même, un peu artificiellement

(pour des raisons éditoriales de division en « volumes » ;
ainsi que de poids _ on ne peut plus physique ! _ du livre entre les mains du consentant lecteur,
qui a fait l’effort de se procurer _ en l’achetant, le plus souvent _, le-dit livre ;
on peut ici se reporter aux remarques « grammatologiques » de Bernard Stiegler _ passim, dont, par exemple, « Prendre soin » _,
à partir, notamment, de Sylvain Auroux :
« La Révolution technologique de la grammatisation« , publié aux Editions Mardaga, en 1993 _ actuellement non disponible
fin de l’incise) ;

qui n’est lui-même, ce « Du côté de chez Swann« ,
que le seuil
de l’enchantement infini
_ symétrique (du côté de la lecture) du « tant qu’il y aura de l’encre et du papier » (du côté de l’écriture) de l’auteur :

Montaigne, Proust
même « infinie » (= vitale-mortelle-d’éternité) affaire : de générosité ! _ ;

qui n’est lui-même, ce « Du côté de chez Swann« , que le seuil de l’enchantement infini, donc,
de « A la recherche du temps perdu » :
car telle est l’œuvre en son entier (et unité indivisible : le reste _ fragments _ n’en étant qu’éléments, pièces, pierres _ de construction _ d’élévation du bâtiment) ;
les titres la « découpant » (en « volumes » physiques, donc),
n’en constituant que des scansions un peu commodes,
tels des chapitres, si l’on veut, de ce méga-livre :
telles des étapes d’un chemin (de découverte et initiation : sans peut-être même assez d’une vie pour l’accomplir ; et s’y trouver, « dans le temps  » !) à une échelle un peu inhabituelle,

tenant, à la fois et en même temps, de ce qu’offrent, en matière d' »aides au regard« , le télescope et le microscope ;
on se repose un moment en une pause, en une halte, ne serait-ce que grâce à la « tourne » (et aux points) ;
pour mieux « reprendre », « poursuivre », « aller » plus loin et jusqu’au bout (à l’infini, donc, selon le jeu d’échos des « rétentions » et « protentions » de ce qui peu à peu s’élabore et s’élève en ce jeu de « renvois » des miroirs de l’expérience, de la mémoire, et des œuvres aimées : c’est là le propre des livres majeurs…).

Fin de l’incise sur les conditions propices à cette liberté du lire.

Et je reprends (enfin ! Ouf !!!) la citation de mon mail du 6 juillet à 19h37 _

je ne publierai les 2 articles (ou « études critiques« ) sur « Jeudi saint » de Jean-Marie Borzeix
qu’en commençant par « prévenir » – « avertir » le lecteur de leur longueur
(excessive, en effet),
même pour qui pratique une méthode de lecture « attentive intensive »
_ la capacité d’attention et de persévérance de lecture sur écran
a des limites,
et même pour un têtu (avec ascendances bretonnes et basquaises,
entre autres caboches), comme moi ;

et en soulignant les vertus de patience et d’endurance requises
_ Kant dit, lui, « vaillance » et « courage » (du devenir « majeur« ),
versus « paresse » et « lâcheté » (du désirer demeurer « mineur« ,
en son « Qu’est-ce que les Lumières ? » de 1784),
nous rappelle Bernard Stiegler en son « Prendre soin » _
afin de « découvrir » et « assimiler » jusqu’au bout la « matière » de ces deux articles « à venir » :
« Ombres dans le paysage : pays, histoire (et filiation) »
et
« Lacunes dans l’histoire » : par-là même annoncés.

Et en les « aérant », encore, si possible, ces articles,
de photos
(de Bernard Plossu,
quand il sera de retour
de ses actuelles « campagnes »-randonnées photographiques,
sur le terrain de l’altérité désirée
du rencontrer…) ;
toujours, toujours la respiration et le rythme…

J’ai « réagi » aux remarques saines de H.D.D. en rédigeant quasiment instantanément
l’article « Attraverso Milano » : sec
et avec en regard surtout
la très belle photo : « fabuleuse« , de « l’invito alla mostra » …

L’Art est un silence (non vide) appelant _ voire défiant _ réponse en écho
à ses interstices
et par son élan : il déplace par son souffle.
Il est vent
_ et ensemence en mobilisant.
D’aucuns disent « esprit« .
Ou « Et le verbe fut » : mais cela n’est vraisemblablement pas qu’une seule fois (et au passé simple) : le « génie » a vocation, en relais au « divin », à, lui aussi, souffler ; même si, pour lui, les suites (filiations) sont un peu plus improbables, fragiles _ fondamentalement incertaines _, et souvent « manquées »… Mais quand ça vient, l' »œuvre » vraie donne confiance. Et aux autres aussi.

Paul Eluard :
« l’artiste est moins celui qui est inspiré
que celui qui inspire
 » :
sourcier de buissons de désirs
en ritournelles…

Et sur la « ritournelle« , Gilles Deleuze s’est merveilleusement exprimé…

D’autant mieux, je reprends le fil de ma remarque sur un tempo plus « saccadé », que
pour l’article « Attraverso Milano…« ,
j’ai simplement recopié un échange rapide de mails (du mois de mai)…

Et voilà presque, à nouveau, un article…

Bien à vous,

Titus Curiosus »

_ c’était le 6 juillet à 19h37 ;
et c’est maintenant le 9 à 7h17,
ou 18, ou 19, et même 20…
« Tout coule« , dit Héraclite ; ou,
pour Andrew Marvell
« But at my back I always hear
The winged charriot of Times running near
« …

Et à la relecture, le 11 juillet à 9h01…

Commentaires récents

Posté par Berlol
Le 15 juillet 2008

Merci de ces incises et reprises précises — qui m’ont donné et pris vingt bonnes minutes de lecture. Et encore, sans cliquer sur les liens, juste à suivre en esprit les ramifications et bifurcations. Je vais de ce pas remonter et faire travailler ma souris…

Le 7 juin 2009

[…] “de la longueur et du style : du contrat de lecture (d’un blog)“, dès le 14 juillet 2008 _ il faudrait toutefois lui “injecter” quelques “respirations“… ; […]

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