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Du cliché de l’inapproprié idéologique « devoir de mémoire » au plus juste historiographique « roman national », un courriel à propos de la « table ronde » d’hier soir à l’Amphi Montesquieu de l’IEP de Bordeaux sur la complexité de bien faire comprendre les méthodes et les enjeux de la « Fabrique de l’Histoire » par les Historiens d’Histoire presque contemporaine…

25nov

Suite à mon assistance hier soir (de 17 à 19 h), à l’Amphithéâtre Montesquieu de Bordeaux, à une Table-ronde _ à partir de questions préparées pour cette rencontre par des étudiants de Sciences-Po _ autour de l’exposition « Gurs 1940 » consacrée à ce qu’est « Le devoir de mémoire« , de la 39e saison des « Rencontres Sciences Po Bordeaux – Sud-Ouest« ,

et dont les invités étaient les historiens Annette Wieviorka (née en 1948),  Sébastien Ledoux (né en 1971), et Alain Chouraqui (né en 1949),

voici le courriel que je viens d’adresser ce matin dès 8 h, à son modérateur, Christophe Lucet…

Comme je vous ai glissé à la va-vite au terme de votre table-ronde d’hier soir,
c’était plutôt « Gurs 1940 » qui m’avait incité à venir écouter cette table-ronde réunie à l’Amphi Montesquieu…
En tant que philosophe,
vice-président de la Société de Philosophie de Bordeaux,et autour de mon blog Mollat « En cherchant bien« , ouvert le 3 juillet 2008,
et aussi fils d’un père assistant du Pr Georges Portmann (de 1939 à 1942), et passé (en tant que « T. E.« ) par Gurs en 1942-43,
je me suis beaucoup intéressé à la démarche historienne…
Cf le podcast  écoutable de mon entretien du 25 mars 2010 avec Emmanuelle Picard à propos de son remarquable « La Fabrique scolaire de l’histoire » ;
C’est surtout Alain Chouraqui qui hier soir m’a impressionné : je lirai son « Vertige identitaire » et son « Pour résister ».
Et j’ai compris que c’était surtout les travaux de Sébastien Ledoux
(surtout « Le Devoir de mémoire : une formule et son histoire », mais aussi, plus secondairement, et c’est un peu dommage, « La Nation en récit »)
qui avaient servi de base à l’organisation de cette table-ronde…
J’aurai préféré un regard bien plus critique des étudiants sur _ et le mot est très juste _ cette « formule », bien trop exploitée par les médias et les pouvoirs, de « devoir de mémoire »…
Et là-dessus les vigoureuses très bienvenues mises au point d’Alain Chouraqui ont été tout à fait éclairantes ;
mais ont-elles suffi à bien faire comprendre au public biberonné aux formules ressassées des medias la nécessité de mettre bien plus clairement en critique cette malheureuse expression (idéologisée) de « devoir de mémoire » ? ;
c’est aux « témoins » que s’impose le devoir de témoigner,
et pas aux autres, qui ne sont pas des témoins !
Et pour ce qu’il en est de la compréhension véridique de l’Histoire passée,
c’est là ce qui appartient essentiellement, au fil des jours de leurs travaux s’enrichissant de leurs mutuelles critiques, aux démarches très exigeantes de ce travail très méthodique des historiens sérieux ;
qui ont à intégrer aussi, en effet, à leur matériaux (les documents, les archives),
et en les passant soigneusement au crible de leur critique (pardon du pléonasme !), ces indispensables « témoignages » des « témoins »
_ dont l’« ère » s’achève, chaque fois, au décès du dernier témoin direct, pour reprendre l’expression d’Annette Wieviorka, dans son important « L’ Ére du témoin », paru en 1998…
Là-dessus, et pour la Shoah, mettre l’accent sur l’admirable et extraordinaire recueil de témoignages _ souvent d’outre-tombe (tombes qui, dans ces cas, n’ont pas existé !) _ de Saul Friedlander, dans les 2 tomes de son « L’Allemagne nazie et les Juifs » : un indispensable absolu !
Cf aussi le formidable recueil de témoignages cette fois de témoins indirects et encore vivants de la Shoah par balles du Père Patrick Desbois : «  Porteur de mémoires » 
Et sur l’histoire de l’Ukraine,
lire l’excellent et indispensable Timothy Snyder, en commençant par son indispensable lui aussi « Terres de sang _ l’Europe entre Hitler et Staline »…
Et sur l’historien et le témoignage,
font justement autorité les travaux subtils et lucidissimes de Carlo Ginzburg, dont « Le fil et les traces » et « Un seul témoin », traduits par notre ami le philosophe Martin Rueff…
Bien à vous, Monsieur Lucet,
Francis Lippa
vice-président de la Société de Philosophie de Bordeaux
P. s. :
et ici un lien à la vidéo de mon entretien de mardi dernier 22 novembre avec Pascal Chabot sur son « Avoir le temps » (ainsi que sur l’ensemble de son parcours de penser le réel en philosophe),
pour l’ouverture, à la Station Ausone, de la session 2022-2023 de notre Société de Philosophie de Bordeaux, dont le président est Pierre Crétois (de l’université Bordeaux-Montaigne).
Un philosophe, spécialisé en épistémologie des sciences humaines, aurait pu être utile aux étudiants de Sciences-Po pour préparer avec un degré supplémentaires d’acuité cette table ronde…
Et à la formule trop convenue et surtout inappropriée de « devoir de mémoire », l’expression (et pas le mot) de « roman national » aurait pu être judicieusement substituée…
Ce vendredi 25 novembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa
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