Archives du mois de décembre 2008

Sur le « rencontrer » _ philosophique : le point de vue du « prof de philo »

10déc

Pour prolonger l’article précédent, à propos de Portraits de maîtres _ les profs de philo vus par leurs élèves, sous la direction de Jean-Marc Joubert & Gibert Pons, aux Editions du CNRS (paru au mois d’octobre 2008),

ce message à Frédéric Brahami, en accompagnement de l’envoi de mon article précédent _ « de ce que c’est qu’un « maître » de philosophie _ quand s’effondre l’Ecole » _ où je cite des extraits _ passionnants ! _ de sa contribution à ce livre (aux pages 139 à 142) :

 De :   Titus Curiosus

Objet : Article sur « Portraits de maîtres »
Date : 10 décembre 2008 06:48:37 HNEC
À :   Frédéric Brahami

Etat des lieux provisoire
sur le recueil « Portraits de maîtres _ les profs de philo vus par leurs élèves » (aux Editions du CNRS).

Je pense que je rédigerai un article plus synthétique
_ ainsi que « critique » _
sur ce « recueil » de témoignages un peu inégal, dans sa diversité,
en même temps que nécessaire
quand l’École est menacée ;

et le rôle que peuvent jouer
des profs de philo
,
qui n’auront pas nécessairement de « disciples »,
mais marqueront tout de même; et peut-être en profondeur,
pour leur vie d' »homme »
(et « non in-humain », comme le dit Bernard Stiegler dans « Prendre soin 1« )
quelques uns des « élèves »
que l’institution scolaire
leur a permis
_ donné l’occasion, explosive parfois _ de « rencontrer »…

Voici un lien pour mon  article
« de ce que c’est qu’un « maître » de philosophie _ quand s’effondre l’Ecole »

D’autre part, voici ce que j’ai pu écrire _ et qui avait paru sur le site Ars Industrialis de Bernard Stiegler le 5 avril 2007 _
sur le « point de vue » du « prof de philo » (de Terminale, au lycée) quant au « rencontrer » ses élèves
dans l’activité du « philosopher »
du (simple) cours de philo…


Je cite un « passage » de l’article…

Bien à toi
(où en es-tu de ton travail sur les Maistre, Bonald, etc… ?
car j’ose l’attendre, depuis que tu m’en as parlé !..),

Titus

Voici _ sans retouches _ l’extrait de cet article de mars-avril 2007 :

Ce régime assez divers de tonalités diverses de « rencontres », je l’éprouve particulièrement pour ce qui me concerne dans mon métier et mon travail, au quotidien, de professeur de philosophie, avec la diversité _ grande _ de mes élèves _ et des progrès que j’en attends, que j’en espère, et qui me ravissent quand ils se sont en effet _ car cela, mais oui, arrive ! _ comme hegeliennement réalisés (= passés de la puissance à l’acte). Même si j’œuvre _ heureusement ! _ à plus longue échéance que celle de l’examen de fin d’année _ et de ses statistiques habilement manipulées pour la galerie, qui on ne peut plus complaisamment, et avec courbettes, s’y laisse prendre.

La classe de philosophie est cependant, et en effet, pour moi, sans contrefaçon aucune pour quelque galerie que ce soit _ les élèves à ce jeu n’ont heureusement pas, eux la moindre fausse complaisance ! _ un vrai lieu d’activité permanent _ et donc privilégié, éminemment chanceux, selon, bien sûr, l’inspiration des jours, et de chacun, et de tous ; tous ayant droit à la parole et plus encore à l’écoute, ainsi qu’à la critique bienveillante, encourageante, joyeuse, mais aussi exigeante, des autres, et d’abord, bien sûr du professeur, responsable de l’entité « classe » et de sa « vérité » _ un lieu, donc, de rencontres, un lieu vibrant et aimanté de sens, un lieu électrique où doit progresser, et progresse la conscience…

Entrer dans la classe, s’approcher de la chaire, et après avoir déballé l’attirail plus ou moins nécessaire ou contingent, après « l’appel » _ au cours duquel je m’avise avec soin de l’état de chacun par ce qu’annonce son visage, son teint, sa posture, ainsi que la voix qui répond, mais d’abord de son regard, en avant de tous les autres signes _, et dans l’échange vivant de nos regards, commencer à parler. A convoquer le sens _ « Esprit, es-tu là ? Viens ! Consens à descendre parmi nous, et en nous : et à nous animer de ta raison !« _, à partir de notre commun questionnement, notre socratique _ et « pentecôtique » ? _ dialogue.

Voilà qui réclame infiniment de présence, c’est-à-dire d’attention, de ré-flexion, de chacun et de tous _ et d’abord du professeur, qui conduit les opérations. Un exercice exigeant. A l’aune de l’idéal de la justesse. Et sur un mode le plus joyeux possible _ le professeur, tout le premier, doit être le plus constamment possible en grande forme !

Car ici et maintenant, en cette salle de classe, tout _ ou presque _ se met à tourner autour du règne de la parole. Qui doit être aussi, bien sûr, ou plutôt devenir le règne de la pensée : sommée _ ou plutôt invitée, encouragée _ de s’interroger, de réfléchir, de méditer. Afin d’oser, en confiance, à s’essayer à juger. Et puis justifier ses raisons.

Dans l’espace public et protégé de la classe, qui comprend, entre l’espace formidablement libre de ses murs, et dans une acoustique qu’il faut espérer adaptée, l’échange de nos paroles, de nos phrases, s’essayant et se mesurant, par l’effort du « penser » à la justesse ardemment désirée du bien pesé, du bien jugé, du bien pensé…

Emmanuel Kant : « Penserions-nous bien et penserions-nous beaucoup, si nous ne pensions pas pour ainsi dire en commun avec d’autres, qui nous font part de leurs pensées et auxquels nous communiquons les nôtres ?«  (dans « La Religion dans les limites de la simple raison » _ vigoureux opuscule contre la censure). Soit une rencontre avec l’idéal de vérité et de justesse du jugement, dans l’échange à la fois inquiet et joyeux du « juger ».

De même que pour Montaigne, instruire, c’est essentiellement former le jugement. Exercice pédagogique exigeant.

Voilà ce qu’est la rencontre pédagogique philosophique.

Entre nous. Autour de la parole. Autour de, et par l’échange _ et cette « rencontre » de vérité. Et pour _ c’est-à-dire au service de _ la réflexion, et dans la tension vers sa justesse. Chacun, comme il le peut. Avec un style qui va peut-être se découvrir, pour chacun. Car, « le style, c’est l’homme même« , nous enseigne Buffon en son « Traité du style« .

Comment accéder à « son » style ? Comment accomplir une œuvre qui soit vraiment « sienne » _ et sans se complaire dans de misérables égocentriques illusions ? Là, c’est l’affaire d’une vie, pas seulement d’une année de formation de philosophie.

Celle-ci peut et doit encourager et renforcer un élan _ même si elle n’est pas capable de le créer de toutes pièces _ ainsi que l’aider de conseils à ne pas s’égarer dans de premières voies qui aliéneraient ; afin de découvrir soi-même, en apprenant à le tracer, pas à pas et positivement, son propre chemin. « Vadetecum« , recommandait Nietzsche dans « le Gai savoir » à qui désirait un peu trop mécaniquement devenir son disciple, le suivre : « Vademecum, vadetecum« … La réussite du maître, et c’est un paradoxe bien connu, c’est l’émancipation _ autonome _ de l’élève.

J’adore, pour cela, cette situation « pédagogique », bien particulière, sans doute, à l’enseignement de la philosophie _ ou plutôt du « philosopher » : « on n’enseigne pas la philosophie, on enseigne à philosopher« , disait encore Kant, après Socrate, et d’autres. C’est que c’est un art, et pas une technique. Un art un peu « tauromachique » _ c’est-à-dire n’hésitant pas à s’exposer mortellement à la corne du taureau _, à l’instar de la mise en danger qu’évoque si superbement Michel Leiris dans sa préface à « L’âge d’homme« .

Situation particulière encore, aussi, peut-être, à ma pratique personnelle _ si tant est que j’ose une telle expression _ de cet enseignement « philosophique », tel que je le conçois, comme je l’ai bricolé, cahin-caha, tout au long de ces années, avec les générations successives d’élèves. Car j’ai aussi bien sûr beaucoup appris d’eux, par eux, avec eux, dans ce ping-pong d’une classe vivante, où vraiment, avec certains, sinon tous, nous nous « rencontrons »par le questionnement vif et exigeant de la parole.

Comme j’ai moi-même au lycée vraiment rencontré mon professeur de philosophie de Terminale, Madame Simone Gipouloux : un modèle d’humanité, dans toute sa modestie, et son sourire _ parfaitement intact dans son grand âge _, une personne simplement épanouie dans une gravité joyeuse.

Avec les élèves : voilà, j’aime ça.


Ainsi est-ce une grande chance pour moi que d’avoir _ et d’être rétribué pour cela _ à « rencontrer » ainsi, en mon service hebdomadaire, mes élèves…

En partie indépendamment de son efficacité, certes assez inégale, je prends à cet effort un plaisir important. Mieux : une joie portante. Une vivifiante jeunesse.


Même si pour certains, voire beaucoup d’entre ces élèves _ et au pire, mais c’est quand même très rare, une classe entière : alors quel boulet ! _ rien, ou pas grand chose, vraiment ne se passe, rien d’intéressant n’advient durant tout ce temps. Pas d’étincelle, pas de lueur s’allumant au moins dans la prunelle de l’œil, pas d’enthousiasme, pas de progrès… Les dieux, qui sont « aussi dans le foyer«  _ ainsi que le montrait du geste Héraclite cuisinant_, se taisant désespérément alors, n’inspirant aucune pensée, n’éveillant aucun éclair d’intelligence, désertant tristement les tentatives d’échanges… « Le grand Pan » est mort pour ceux-là. Je n’aurai pas réussi à éveiller-réveiller ces dormeurs d’Éphèse… C’est aussi, en partie, le lot de cet enseignement, il faut en convenir. On se console en se disant qu’on sème _ et qu’on aura semé _ pour l’avenir…

Mais c’est déjà, objectivement, le jeu statistique de la vie, en dépit des occasions qui nous sont encore offertes _ pour combien de temps, les budgets se réduisant ? _ par la configuration des espaces et constructions scolaires et des emplois du temps… Jeu statistique aidé, accéléré ou retardé, par l’évolution _ ce mot trop souvent trompeur _ politico-économique des « structures »… L’acteur, se démenant, échouant parfois à dynamiser, à sa modeste mais nécessaire place et par sa modeste mais nécessaire contribution, le système pourtant maintenu en état, et qui continue à présenter une apparence _ rassurante ou illusoire ? _ de solidité… Pour combien de temps ? Et avec quelles énergies ?

Dans la vie, c’est pareil : j’aime « rencontrer », j’aime « échanger », j’aime cette situation électrique de « désirs » (= curiosités) « croisés » _ même, et c’est la règle, de fait comme de droit, peu érotisés : cela m’arrange, je suis plutôt un chaste.  Cela n’empêchant pas une vive et permanente dimension « esthétique » du vivre, de l’ordre même du jubilatoire _ jusqu’à l’éclat de rire joyeux…

Même si la plupart du temps, je dois en convenir, j’ai le sentiment de croiser pas mal d’ombres. Et pas de celles, errantes, qui enchantent de leurs émois le monde musical si pleinement vivant d’un François Couperin.

Etc…

Fin du message à Frédéric Brahami.


Titus Curiosus, ce 10 décembre 2008

De ce que c’est qu’un « maître » de philosophie _ quand s’effondre l’Ecole…

07déc

Sur le passionnant et riche _ à foison _ « Portraits de maîtres _ les profs de philo vus par leurs élèves« ,
recueil d’une pléïade de contributeurs

_ d’Alcibiade (et Pierre Laromiguière, Jules Lagneau et Alain) à Frédéric Brahami, Barbara Stiegler et Pierre Bergounioux parmi un peu plus d’une soixantaine) _,
sous la direction de Jean-Marc Joubert & Gibert Pons, aux Editions du CNRS (paru au mois d’octobre 2008)

Un témoignage non seulement très riche, mais plus que nécessaire et sans prix

à un moment _ comme il en est d’assez « récurrents » (de la part de ceux que « trop penser » dérange !) _ de particulière « déconstruction » de l’Ecole, sous divers prétextes (vertueux) d’efficacité et économie

en temps de compétitivité commerciale exacerbée et de « vaches (particulièrement) maigres » (pour certains ; pas pour tous…)…

Après _ au chapitre d’entrée : « Quelques maîtres du passé » _ de fort beaux et très puissants textes issus des plumes de Platon (« le portrait de Socrate par Alcibiade« , in « Le Banquet » de Platon),
de Taine (le portrait de « Pierre Laromiguière » (1756-1837), in « Les Philosophes classiques en France » d’Hippolyte Taine _ 4ème édition en 1876 à la Librairie Hachette),
d’Alain (des « Souvenirs concernant Jules Lagnaud« , in « Les Passions et la sagesse » d’Alain)
et de Georges Bénézé (« Généreux Alain« ),
ainsi que de Michel Alexandre (« Rencontre d’Alain« , in un numéro spécial d' »Hommage à Alain » de la N.R.F? en 1952 ;

la principale partie concerne les « Maîtres d’ici » _ 59 articles _ ;
suivie d’un appendice « Quelques maîtres d’ailleurs » (qu’en France, et au nombre de 4)…

« Profs de philo » ? « Maîtres« ? L’intuition de départ de Jean-Marc Joubert
_ « Directeur du département de Lettres Modernes de l’ICS« , à La-Roche-sur-Yon _
allait vers les premiers ;

mais le titre _ « bien meilleur » ! (page 9) _ de « Portrait de maîtres » lui a été suggéré par son ami
_ « et complice » : co-animateur de l’entreprise éditoriale ; critique d’art, photographe, et professeur de philosophie au lycée d’Ussel & à l’Université de Limoges ; dont le préambule est de belle qualité… _
Gilbert Pons :

les articles des contributeurs ayant tendance à se focaliser plus ou moins sur ce « qualificatif » _ toujours un peu problématique _ de « maître », envers un élève ;

ou envers un disciple ;
depuis que nous avons appris, de Kant
(dans la « Critique de la raison pure« ) que :

« On ne peut apprendre aucune philosophie ;
car où est-elle,
qui la possède
et à quoi peut-on la connaître ?

On ne peut qu’apprendre à philosopher ?« 

Nietzsche, lui, nous donnant à entendre, par son Zarathoustra,
ou ailleurs _ ainsi dans la préface du « Gai savoir« ,
que l’unique sagesse à « gagner »
est, non de « suivre » la voie de son maître,
mais de « découvrir la sienne
 » :
« Vademecum _ si tu veux vraiment me suivre _, vadetecum » _ c’est toi-même qu’il te faut « découvrir » et apprendre à « inventer »-« suivre »…

How to teach
how to learn


A titre d’exemple, ce petit échange hier
_ j’ai commencé par « grapiller », en relevant les noms de maîtres personnellement connus ;
ainsi que de leurs élèves, que je connais aussi _
avec un des contributeurs : l’excellent Frédéric Brahami :

De :      Titus Curiosus
Objet :     Camille Pernot
Date :     6 décembre 2008 19:30:33 HNEC
À :       Frédéric Brahami


Quel bel (et juste) article sur ce que peut être le « charme » d’un enseignement philosophique,
à travers ce superbe portrait de Camille Pernot,
cher Frédéric !


Pour moi qui ose écrire sur la « délicatesse » du « rencontrer » _ et son « non-art » !

cf le titre de ma conférence samedi prochain à Aix, à la NonMaison : « pour un nonart du rencontrer » !.. _,

….

de même que je me suis risqué à quelques remarques-réflexions sur l’intime (à travers le beau livre de Michaël Foessel « La Privation de l’intime« )
cf mon article du 11 novembre : « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la démocratie »


et sur le « care«  _ et la traduction (discutable…) de « sollicitude » _ (à travers le livre de Fabienne Brugère : Le Sexe de la sollicitude)
cf mon article du 26 novembre : « pour prolonger la conférence d’hier soir de Fabienne Brugère »


quelle magnifique leçon, cher Frédéric…

Je ne sais si se trouve encore aisément « La politesse, et sa philosophie« 

_ parue au PUF, en 1996 _,
mais voilà quelque chose qu’il me plairait assurément de déchiffrer bien attentivement.

Merci pour ton (pas petit) talent (d’attention) !

Bien à toi,

Titus

Sur la conférence bordelaise _ à mon initiative _ de Bernard Sève,
encore ceci :
l’article du 14 novembre : « Jubilatoire conférence hier soir de Bernard Sève : sur le tissage de l’écriture et de la pensée de Montaigne »


La réponse de Frédéric :

De :       Frédéric Brahami
Objet :     Rép : Camille Pernot
Date :     6 décembre 2008 21:28:16 HNEC
À :      Titus Curiosus


Merci à toi. Tu sais que M. Pernot est mort, je suppose.
à un de ces jours, peut-être
fred


Et la mienne :

De :       Titus Curiosus
Objet :     Notices (sur Camille Pernot)
Date :     6 décembre 2008 22:25:12 HNEC

À :       Frédéric Brahami

J’ignorais que M. Pernot était mort :
les notices du livre sont si rudimentaires, qu’elles en sont, carrément, « déficientes ».
Tout au plus, peut-on le deviner, car la notice (page 372) emploie pour M. Pernot l’imparfait…

Je vais rédiger un article demain sur mon blog mollat
sur ce livre (« Portraits de maîtres« )

à la fois symptomatique de notre présent,
et bel hommage à ce qui demeurait encore de « qualitatif » (à travers les personnes de ces « maîtres« ) dans l’Ecole
qu’on est en train présentement d’allégrement démolir…


J’ai plaisir en tout cas à lire certains « portraits » _ notamment de ceux que j’ai pu connaître personnellement (Ferdinand Alquié, Eric Blondel, Etienne Borne, Bernard Bourgeois, François Dagognet, Jacques Derrida, Christiane Menasseyre, Jean-Claude Pariente, André Pessel) _,
de même que l’écriture et le style (de penser) de certains des « portraitistes », dont toi (et Pierre Bergounioux, Barbara Stiegler, Frédéric Worms)…

Titus

En fait, la table des matières fournit quelques dates (de naissance et de décès) ; mais pas systématiquement !..

Bien sûr,
les initiateurs de ce très beau projet ont _ un peu aléatoirement _ reçu réponse, ou pas, des « élèves » (de « maîtres« ) qu’ils avaient sollicités ;
et de qualité un peu variable ;
certaines
_ et même beaucoup _ sont magnifiques :

outre celles de Barbara Stiegler (« la philosophie comme discipline érotique« ) à propos de son professeur (en khâgne à Henri IV, en 1990) Pierre Jacerme _ pages 255 à 259 _ ;
et de Frédéric Brahami à propos (du « charme _ proprement _ philosophique« ) de Camille Pernot _ pages 139 à 142 _,
sur le « charme philosophique », donc :

en cette dernière, de Frédéric Brahami, je relève ceci :

« Le trait le plus marquant

_ du « charme proprement philosophique » de Camille Pernot _

en était l’identité de la précision et de la distance.
(…) C’était la précision elle-même qui mettait à distance l’objet du cours. Je me souviens d’une séance sur l’animal chez Descartes.
(…) A mesure que l’exposé doctrinal se construisait dans une rigueur sans faille, c’étaient les failles de Descartes qui venaient au jour.
Ce n’était pas l’incantation des grands mots attendus et bien-pensants sur la nécessité de penser par soi-même,
mais la droiture intellectuelle,
la netteté de la précision,
l’attachement au détail toujours reporté à l’ensemble,
qui engendrait, par la pure efficacité de l’analyse, la distance critique.
 »

Ou, à propos de David Hume :
« Ainsi le mot obvious

ne signifiait-il plus évident, comme les traducteurs sont plus ou moins obligés de le rendre :
s’y manifestait toute une philosophie de la rencontre,
de l’apparaître,
de l’événement même ;

et la phrase que Hume avait ironiquement écrite dans un anglais scrupuleusement facile et apparemment transparent,
se métamorphosait en une autre phrase, dans laquelle les catégories fondamentales, comme celles d’évidence et de vérité,
se détachaient de leur ancrage classique,
de leur milieu « cartésien »,
et devenaient inquiétantes par leurs implications.

L’évidence n’avait plus rien à voir avec la saisie tranquille d’une intuition intellectuelle indubitable par un esprit maître de soi,
elle résultait de la force d’une rencontre
qui faisait violence à l’esprit
en lui imposant son autorité.

C’était d’une efficacité parfaite, parce que c’était encore l’union des qualités contraires :

la profondeur de la pensée dans la transparence« …

Quelle acuité, cher Frédéric !

Et, en conclusion de l’article de Frédéric, encore ceci :

« Il peut paraître paradoxal de parler de l’enseignement d’un maître de philosophie en témoignant de l’efficacité de son charme

_ philosophique !
Le charme relève de la magie, de la fascination,
de tout ce contre quoi, en somme, lutte la philosophie.

La philosophie, c’est la raison ; et la raison désenchante le monde. C’est vrai.

Mais ce n’est vrai que d’une vérité générale, cela ne vaut que dans les manuels scolaires.
Car nous savons tous,
nous qui avons été marqués par un professeur,
que la philosophie n’a pris un sens vivant pour nous
que par la force affective qu’enveloppait une présence.

L’intelligence de l’acuité n’est pas sèche ;
et la distance elle-même,
ce qu’on appelle en anglais
carelessness,
est un délicat affect philosophique.« 

Fin

_ superbe (parce qu’aussi belle que juste, et juste que belle !) _

de l’article de Frédéric Brahami, page 142.

Quant à la contribution de Barbara Stiegler (à propos des « séances » de cours _ « musicales » !.. _ de Pierre Jacerme,

je lis (page 256) :

« Du côté de la partition,

nous avions toujours accès au meilleur,
c’est-à-dire aux plus grands textes.
Du côté de l’interprétation, ce que nous entendions ressemblait à une lente rhapsodie,
apparemment libre et décousue.
Pierre Jacerme savait prendre son temps
pour laisser venir sa lecture,
qu’il semblait inventer devant nous,
comme un pianiste invente chaque fois son interprétation, ici et maintenant,
et ce en dépit des innombrables
« répétitions » qui le prémunissent seulement de l’improvisation
et jamais de l’invention.


La parole de Pierre Jacerme ne visait ni les effets (du théâtral),
ni le brio ou la virtuosité (du prétoire),
ni l’autorité (de la parole politique).

C’était la parole lente
et comme étouffée
d’un travailleur souterrain,
s’épuisant à forer les profondeurs d’une question
jusqu’à atteindre son point brûlant et incandescent
: les contradictions en fusion,
constituant, pour lui et nous, la seule matrice possible de la pensée philosophique.


Parce qu’il n’ y avait jamais de « message » dans la séance que nous vivions,
parce qu’en un sens il n’y avait aucune « démonstration » défendant une thèse positive avec les ressources habituelles de l’argumentation rationnelle,
parce que ce à quoi nous assistions
était bien plutôt un forage des profondeurs à la recherche des tensions internes du sous-sol,

la matière sonore qui coulait dans nos oreilles
ressemblait plus à de la lave en fusion
qu’à un cours structuré
avec ses parties et ses sous-parties, ses arguments et ses contre-arguments.


Bref,
nous étions comme des chairs ayant à organiser le flux, elles-mêmes en première personne,
situation hautement philosophique

que je retrouvais quelques années plus tard,
précisément dans ces termes,
du côté de Nietzsche décrivant les amours de Dionysos et d’Ariane
« …

« Car il s’agissait, en effet, d’amour.
Je me souviens que Pierre Jacerme lui-même nous avait montré avec insistance,
commentant le
« Ménon » de Platon,
que la philosophie ne pouvait être qu’une
« discipline érotique ».

L’éros devait, pour que la séance se déroule, exister de part et d’autre :
du côté du texte et de son interprétation,

qui avaient besoin d’oreilles aimées et amies qui les entendent et les reçoivent,
du côté des oreilles elles-mêmes, qui avaient besoin d’aimer le flux saturé de contradiction
pour le supporter
et prendre le risque de s’y exposer.


Or, comme dans le « Ménon« , l’éros n’allait pas sans les conflits violents d’un corps à corps.
Comme dans toute pratique érotique,
nous faisions l’expérience,
parfois pénible et douloureuse,
d’une haute circulation affective.

(…) Cette circulation affective
avait de tout autres enjeux que psychologiques.
Elle prenait sens
sur le fond d’une pratique intensive de l’
« amour du lointain ».

Avide de lointain et d’étranger,
Pierre Jacerme s’efforçait de nous initier par intermittences à la lumière dépaysante des contrées les plus lointaines
:
celles notamment des
« primitifs » d’Océanie et d’Asie, deux continents qu’il connaissait et qu’il aimait,
et qui jetaient leur lueur lointaine
et, pour nous,
« tout autre »,
sur la Grèce et sur l’Occident.


Je découvris plus tard que cet effort
prolongeait fidèlement l’ambition de Nietzsche :
« Enseigner l’éloignement vers l’étranger (« Entfremdung« ) dans tous ses sens »,
en vue de « creuser des fossés » brisant « l’égalisation » des modes de pensée (in « Fragment posthume« , 1855 36 (17) )

Je ne voudrais _ non plus que ne pourrais _ conclure cet article
sans
saluer tendrement Simone Gipouloux,
mon professeur de philosophie de Terminale,
qui m’a donné ce même désir (de l' »amour du lointain« ) du philosopher,
comme sens de la non-inhumanité ;

ainsi que le cher souvenir de Jean-Marie Pontévia,
maître en æsthétique

cf, qui demeurent, ses « Ecrits sur l’Art et Pensées détachées » (aux Éditions William Blake and Co)…

Titus Curiosus, ce 7 décembre 2008

Sur la vie (et/ou la « philosophie ») d’un blog

02déc

Quelques intéressants _ significatifs _ échanges de messages à propos d’articles du blog sur la « vie d’un blog » (ou sa « philosophie »)…

De :   Titus Curiosus

Objet : A propos d’autres arts que la musique
Date : 30 novembre 2008 09:21:18 HNEC
À :   jpc
_ amateur passionné d’Inde !

Ces 2 articles-ci (des 28 et 29 novembre) :

« Ce que j’apprends d’un blog : l’expo “la photo américaine à la BNF” sur le passionnant blog “Amateur d’Art”, de (ou par…) “Lunettes rouges”, sur le site du Monde »

et

« Ce que j’apprends d’un blog (2) : confirmation qu’il commence enfin (!) à se dire que le roi (d’”Art”) est nu »

Pour penser un peu à d’autres choses que les attentats de Bombay…

De :   jpc

Objet : Rép : A propos d’autres arts que la musique
Date : 1 décembre 2008 12:55:13 HNEC
À :   Titus Curiosus

Excellent, ton deuxième article.

Mais, à lire les commentaires

_ vraisemblablement celui de « cul d’ours occidental » :

« Crève, Occident, crève… Je suis très fatigué par l’achat d’une voiture d’occasion… Crève, Occident… Oui, je préfère l’église au musée, oui, je veux prier, je veux ressentir, je veux me révolter… Crève, Occident… Une bonne guerre, tu vas l’avoir, la raison se pourrit… « Personne n’a pu donner une définition de l’Art, Môssieu ! » – non. De l’amour, non plus ; de Dieu, non plus ; de moi, non plus ; de l’électricité, de la lumière, non plus. Ah, les beaux arguments. De mon cul, non plus. Crève, Occident. Du courage, du courage, le néant (der thal) est là devant nous, allez, allez, est-ce que j’en ai des solutions, moi ? œuvrez, priez, adorez, sanglotez, faites n’importe quoi, mais cachez-vous, cachez-vous, éjaculez un bon coup avant de crever, trouvez-vous, « Trovarsi« , « Connais-toi toi-même« , à bas la réussite, à bas la gloire (je sais : « Ils sont trop verts » _ ces raisins-ci !), et MEMENTO MORI, souviens-toi que tu dois mourir, mais crève, crève vite, dans ta lumière interne, n’oublie pas que le Jugement Dernier, pas la télé, pas la critique, pas les articles, le vrai Jugement Dernier, c’est toi qui te le donneras, si tu es encore un peu lucide, sur ton lit de mort… MAIS AVANT TOUT, CREVE… » _

au texte polémique que tu analyses, j’ai l’impression que c’est peine perdue.

Les paroles ne servent plus à rien, elles sont détournées et manipulées à des fins d’expressions narcissiques et laxatives.

Je t’admire de continuer à dire des choses tant il me semble que le silence est devenu la seule forme d’expression signifiante…


JP

Et ma réponse de ce matin :

De :   Titus Curiosus

Objet : Sur le silence « seule forme d’expression signifiante »
Date : 2 décembre 2008 05:37:11 HNEC
À :   jpc


A propos du silence,
voici les sujets de dissertation que je suis en train de corriger, justement :
Le silence a-t-il un sens ?
L’Art est-il un langage ?
Le langage permet-il de tout dire ?

cf aussi cette thèse de Wittgenstein : « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire » (in « Tractatus logico-philosophicus« )…
Les pistes de solution se trouvant du côté des différences entre « dire » (= « parler ») et « signifier » ;
soient les « chemins du sens »,
face à l’absurde, au vide, au rien au néant ; et au nihilisme _ « le désert gagne » (Nietzsche
, cette fois, in « Ainsi parlait Zarathoustra«  _ IV, « Parmi les filles du désert« ).

De même que face au bling-bling
_ et autres brillants paravents des « affaires » qui continuent de « tourner » et « fleurir » (= sont « florissantes ») ;
et, encore, « the show must go on« …

Titus

Et aussi, cet échange-ci, avec « Lunettes rouges » :

 De :   webmaster

Objet : [En cherchant bien…] Commentaire : « Ce que j’apprends d’un blog : l’expo « la photo américaine à la BNF » sur le passionnant blog « Amateur d’Art », de (ou par…) « Lunettes rouges », sur le site du Monde »
Date : 30 novembre 2008 19:23:39 HNEC
À :   Titus Curiosus

Répondre à :   lunettes.rouges

Merci de cette lecture de mon billet _ in « Ce que j’apprends d’un blog : l’expo “la photo américaine à la BNF” sur le passionnant blog “Amateur d’Art”, de (ou par…) “Lunettes rouges”, sur le site du Monde« .
C’est vrai que cette fois-ci j’ai eu des commentaires de qualité (ce qui n’est pas toujours le cas sur mon blog, même si ça y dérape rarement autant que chez Passou).
Et vive la curiosité !!!

Titus Curiosus

Objet : Rép : « Seventies »
Date : 30 novembre 2008 19:43:46 HNEC HNEC
À :   lunettes.rouges

Merci à vous !
Etablir de telles conversations un peu éclairées ; qui ne se contentent pas de squatter le blog

_ comme je trouve que c’est le plus souvent le cas, en effet, sur le blog de Pierre Assouline _
est, personnellement ce que je souhaite « réaliser » par ce blog du site de la librairie Mollat…

Donner le goût de découvrir des œuvres
me passionne, en essayant de se former le goût avec « honnêteté », l’esprit libre et ouvert, sans « esprit de chapelle »…


Cela dit,
découvrant hier matin le catalogue « 
Seventies » à la librairie Mollat,
j’ai été « un peu déçu » par le livre lui-même, car il ne suffit pas d’exposer les images d’une collection,
pour « réussir » un grand livre ;
il y faut une certaine « unité » ;
et/ou, du moins, la « patte » d’un regard d’artiste…


Ce qu’offrent maints albums de « grands » photographes, tels que Ray Metzker, Saul Leiter, Robert Frank, parmi des parutions récentes ;
et comme je l’ai entendu dire, viva voce,
et, mieux encore, vu pratiquer
par l’ami Bernard Plossu


Même si pas mal des photos retenues ici, en ce « Seventies« , sont effectivement splendides…
Je pense que je ne résisterai pas longtemps encore à l’achat de ce livre,
témoin d’une riche activité de collection,

Bien à vous,
vive la curiosité,
vivent les artistes !

Titus Curiosus


De :   lunettes.rouges

Objet : RE: [En cherchant bien…]
Date : 30 novembre 2008 19:50:06 HNEC
À :   Titus Curiosus

C’est le catalogue de l’exposition au CAPC, non ? Très pédagogique, mais pas
ébouriffant.
J’étais à Bordeaux ce week-end, principalement pour le festival au CAPC,
mais aussi vu la galerie ACDC devant l’école des Beaux-Arts et l’expo sur la
femme américaine « Portrait of a Lady » à la galerie des Beaux-Arts.

De :   Titus Curiosus

Objet : Rép : « Seventies »
Date : 30 novembre 2008 20:02:37 HNEC
À :   lunettes.rouges

 Non, je parle de l’album « Seventies« , à la BNF…

Tant que j’y suis,
vendredi 12 décembre je visiterai avec Bernard Plossu ses 2 actuelles expos marseillaises.

A celle de la Charité (« Écrivains de rencontre« , avec Patrick Sainton

_ cf  http://www.vieille-charite-marseille.org/),

il a « intégré » le portrait qu’il a fait de moi l’année dernière, en septembre, lors du vernissage de son expo toulousaine.
Quand je ne suis qu’un « écrivant »…

Et le lendemain, le samedi 13 décembre (à 17 heures),
je donnerai une conférence à la NonMaison à Aix,
sur le sujet de « Pour un NonArt du rencontrer« …
Michèle Cohen doit y diffuser la séquence ferraraise de « Par-delà les nuages » d’Antonioni (en 1995)…

A suivre,
Titus

Et ce mot de Michèle Cohen à propos de l’article « Ce que j’apprends d’un blog (2) : confirmation qu’il commence enfin (!) à se dire que le roi (d’”Art”) est nu » : « vraiment magnifique » ; qui me va droit au cœur.

Titus Curiosus, ce 2 décembre 2008

Post-scriptum _ le 3 au petit matin :

Sur cet idéal d’un blog comme vraie « conversation« 

(= « conversation vraie » !..),

ce mot _ important ! _ de Solis (S. T.), posté le 3 novembre

_ à propos de ma lecture des “Promenades sous la lune” de Maxime Cohen, aux Éditions Grasset (en mon article « Sous la lune : consolations des misères du temps » du 24 octobre) :

Posté par Solis

Le 3 novembre 2008 :

« Impressionnante analyse

d’un livre qui mériterait plus de lecteurs, car, s’il “agace” parfois, il enthousiasme souvent.


Merci de votre lecture sans affectation ;

si chaque auteur pouvait s’honorer d’une poignée de lecteurs comme vous,

il trainerait moins d’aigreur dans les Salons

où l’on ne cause plus guère.


Que revienne l’âge de la conversation ! »

S.T.

Voilà : c’est à un tel

nouvel

« âge de la conversation« 

que j’ose avoir une foi de charbonnier (et « chevillée au corps », encore !..),

envers et contre tous les mépris

des nihilismes

qui se déchaînent,

digues, fragiles (et négligées d’être avec assez de soins « entretenues »),

rompues ;

et leurs cortèges

d’assourdissants vacarmes de blings-blings

qui les « accompagnent » de leurs carillons et fanfares

et sunlights aveuglants,

médiatiques, en renfort ;

afin de rien moins que

faire taire

les voix pas (encore assez) « impressionnées »,

ni « achetées »

_ telles celles serviles, « achetées », « du sérail » _ ;

afin de faire taire

les voix

de ceux qui doivent bien convenir

et crier

qu’en fait ce « roi

_ paon de parade _ est nu » :

écouter ici, sur « le paon« , le merveilleux chant _ en son plus « droit » ! _ de Maurice Ravel

(sur le texte d’une imparable justesse _ de vérité (cruelle ?) _ de Jules Renard !)

des « Histoires naturelles » (en 1906) :

« Il va sûrement se marier aujourd’hui.

Ce devait être pour hier. En habit de gala, il était prêt.

Il n’attendait que sa fiancée. Elle n’est pas venue. Elle ne peut tarder.

Glorieux, il se promène avec une allure de prince indien et porte sur lui les riches présents d’usage.

L’amour avive l’éclat de ses couleurs et son aigrette tremble comme une lyre.

La fiancée n’arrive pas.

Il monte au haut du toit et regarde du côté du soleil.

Il jette son cri diabolique :

Léon ! Léon !

C’est ainsi qu’il appelle sa fiancée.

Il ne voit rien venir et personne ne répond.
Les volailles habituées ne lèvent même point la tête..

Elles sont lasses de l’admirer.

Il redescend dans la cour,

si sûr d’être beau qu’il est incapable de rancune.
Son mariage sera pour demain.

Et, ne sachant que faire du reste de la journée,

il se dirige vers le perron.

Il gravit les marches comme les marches d’un temple, d’un pas officiel.

Il relève sa robe à queue

toute lourde des yeux qui n’ont pas pu se détacher d’elle.

Il répète encore une fois la cérémonie…« 

Choisir la version la plus âpre :

ni Gérard Souzay,

ni Susan Graham, qui me viennent d’abord sous les doigts, ne sont assez « nus », ici…

Camille Maurane me convient déjà mieux ;


il me faudrait mettre la main sur un José Van Dam,

tapi quelque part, en quelque récital,

selon mon (bon) souvenir…

Bref,

« ce roi est nu« …

Chercher sur mollat

parmi plus de 300 000 titres.

Actualité
Podcasts
Rendez-vous
Coup de cœur