Une splendide redécouverte de Marco Horvat (et Faenza) : Charles Coypeau Dassoucy (1605 – 1677)

— Ecrit le mercredi 13 mars 2019 dans la rubriqueHistoire, Musiques”.

Les Éditions Hortus nous font un splendide cadeau musical

avec le merveilleux CD Hortus 169 des Airs à 4 Parties du Sieur Dassoucy,

de l’Ensemble Faenza

et son directeur Marco Horvat.

Airs à quatre parties du Sieur Dassoucy

 

Jusqu’ici,

Charles Coypeau Dassoucy (Paris, 16 octobre 1605 – Paris, 29 octobre 1677)

demeurait un nom

 à peine entr’aperçu en quelques textes

_ divers,

y compris autobiographiques ! : Les Aventures, Les Aventures d’Italie, Les Pensées, La Prison de Dassoucy… ;

ou de recueils poétiques siens : L’Ovide en belle humeur, Les Rimes redoublées…  _

du XVIIe siècle ;

ou l’image d’un musicien itinérant, accompagnant quelque temps _ en Languedoc _,

« un luth sur l’épaule et un sourire aux lèvres« , la troupe de L’Illustre Théâtre

dans le _ marquant ! _ film Molière (en 1978) d’Ariane Mnouchkine

Et voici que,

grâce à Marco Horvat,

la musique Dassoucy nous parvient enfin !

Ce qui me rappelle, très personnellement,

ma propre joie _ alors que je ne suis même pas musicien ! _ d’avoir participé _ par mon travail de recherche, en 1994-95, pour La Simphonie du Marais _ à donner à entendre _ au CD, en 1996 _

l’unique œuvre parvenue jusqu’ici _ un hapax donc ! _ d’un musicien contemporain de Dassoucy,

et mieux encore, et surtout, ami de lui :

 

le luthiste et chanteur Pierre de Nyert !

Et ayant accompli, comme Dassoucy, le voyage d’Italie !

Et pour des raisons totalement musicales :

y parfaire son art…

Pierre de Nyert fut aussi le maître de chant du grand Michel Lambert (1610 – 1696) le futur beau-père de Lully…

Ainsi que de la plupart des chanteurs de la cour…

Du bayonnais Pierre de Nyert

(Bayonne, 1597 – Paris, 1682, premier valet de chambre des rois Louis XIII et Louis XIV,

et choisi à ce poste par Louis XIII pour ses talents de luthiste et chanteur ! dont celui-ci désirait jouir en permanence auprès de lui),

il s’agissait

de l’air Si vous voulez que je cache ma flamme,

interprété par Bernard Deletré et La Simphonie du Marais, direction Hugo Reyne,

en le CD EMI Virgin Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, en 1996

_ dont je suis pour une très large part, par mes recherches, l’auteur du programme…



« Une redécouverte » :

ainsi intitule son texte de présentation dans le livret du CD Dassoucy

Marco Horvat :

« Si nous avons bien vocation _ oui ! _, en tant qu’interprètes de musique ancienne, à redonner vie _ voilà ! _ à des musiques oubliées, il est bien rare que nous ayons le plaisir d’accéder à des corpus jamais étudiés ni interprétés. (… Et)

la découverte d’œuvres non répertoriées est devenue rarissime. Quand cette découverte répond, de surcroît, à une attente de plusieurs décennies, l’émotion est alors à son comble.

C’est pourquoi le jour où Frédéric Michel _ claveciniste, pédagogue et chercheur infatigable _ m’envoya une copie numérique du dessus manquant des Airs à 4 Parties du Sieur Dassoucy _ partie de dessus offerte en 2015 à la Bibliothèque de l’Arsenal par Jean-Robert Henry ; ce livre d’Airs était paru chez l’imprimeur Ballard, en 1653 _, mon sang ne fit qu’un tour et je sus immédiatement qu’à moins d’une mauvaise surprise sur la qualité de cette musique, je me devais, avec Faenza, d’en réaliser l’enregistrement.

Le personnage de Dassoucy a _ en effet _marqué mon imaginaire d’adolescent, lorsque je l’ai « croisé » pour la première fois _ en 1978 _ dans le film Molière  d’Ariane Mnouchkine où on le voit accompagner quelque temps _ en 1655 _ la troupe de L’Illustre Théâtre, un luth sur l’épaule et un sourire aux lèvres« . (…)

Il est bien difficile _ faute de documents autobiographiques _ de se faire une idée _ un peu précise et riche de détails _ du vécu d’un musicien de l’Ancien Régime. (…) Les données biographiques sont rarement suffisantes _ en effet _ pour nous ouvrir une fenêtre sur leur intimité _ voilà. S’il n’est pas indispensable de connaître la vie d’un compositeur pour comprendre sa musique, il n’est pas indifférent de savoir qui il était, comme c’est le cas pour Dassoucy, bon vivant, joueur, colérique, moqueur, froussard ou fidèle à ses amis.

Il est _ ainsi _ plaisant de voyager avec lui _ en Languedoc, en Savoie, en Italie (Turin, Mantoue), à Rome _ d’auberges en demeures aristocratiques, passionnant de connaître _ aussi _ son avis sur d’autres compositeurs, ou son goût _ affirmé _ pour la musique populaire. (…)

Dans de nombreux extraits de son autobiographie, en plus de nous amuser par des descriptions cocasses, Dassoucy nous renseigne sur les conditions d’interprétation _ voilà _ de la musique de son époque. Mais là où son apport littéraire devient particulièrement touchant, c’est lorsque, tel un compositeur romantique avant la lettre _ en effet _, il entrouvre _ aussi _ pour nous les arcanes de la création artistique et nous en révèle les affres. (…)

Travailler sur les airs de Dassoucy tout en relisant ses mémoires m’a donné pendant quelques semaines l’illusion d’être plus proche de lui et a constitué un antidote au doute que je ressens bien souvent quant à la légitimité de nos interprétations, à nous musiciens du XXIe siècle qui ne pouvons (…) faire aux compositeurs du XVIIe siècle « l’honneur de les venir voir » » _ pour nous entretenir très pragmatiquement avec eux.

Les 7 pages _ pages 7 à 13 du livret _ du texte « Charles Coypeau Dassoucy » de Nathalie Berton-Blivet

sont bien sûr passionnantes

par leur irremplaçables précisions musicales !

On y découvre comment l’œuvre de Charles Coypeau Dassoucy (1605 – 1677)

se situe entre celles de ses prédécesseurs

que sont Pierre Guédron (1570 – 1620) et Antoine Boesset (1587 – 1643),

ou contemporains, tel Étienne Moulinié (1599 – 1676),

et la musique qui va naître sous le règne de Louis XIV… 

« L’enregistrement des Airs à quatre parties de Dassoucy que propose l’ensemble Faenza permet _ enfin _ de redécouvrir les talents d’un compositeur dont toutes les autres œuvres musicales sont aujourd’hui _ pour le moment _ perdues. Les Airs de 1653 virent le jour à une époque charnière _ voilà ! _, au cours de laquelle se généralisa la pratique de la basse continue _ c’est très important. Héritiers _ oui _ de la longue tradition de l’air de cour polyphonique, illustrée par des compositeurs tels que Pierre Guédron ou Antoine Boësset, certains airs comme Doux objets de mes sens ou le magnifique C’est trop délibérer, se caractérisent encore par une pensée contrapuntique. D’autres airs révèlent une pensée déjà plus harmonique, comme Vous m’ordonnez, belle Sylvie, une composition où les différentes voix évoluent de manière homophonique. Dassoucy, en musicien attentif au texte qu’il mettait en musique, veillait à ménager certains effets et savait particulièrement bien tirer parti de ces deux types d’écriture qui ne s’excluaient nullement. En témoigne l’air Il s’en va, l’amant infidèle, où la fuite est évoquée systématiquemùent dans la première partie par une écriture fortement contrapuntique, où les voix sont en décalage (Il s’en va, l’amant infidèle / Il fuit et sa rigueur cruelle), en fort contraste avec les affirmations Et vainement je suis ses pas / Refuse de voir mon trépas, lesquelles reposent sur une écriture plus harmonique. »

Cela s’entend fort bien.

Et nous avons bien dans l’oreille diverses interprétations de ces compositeurs du premier dix-septième siècle ;

ainsi, bien sûr, que de celles qui apparaissent en ce milieu du siècle en France,

notamment à la Cour du jeune Louis XIV… 

Un CD magnifique à tous égards

que ce CD Dassoucy !

Ce mercredi 13 mars 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

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