Plossu voyage (en Italie, et à Rome) avec Granet : une présentation-regard de l’aixois Alain Paire de l’Expo aixoise, au Musée Granet, « Italia discreta »…
02mai
Un charmant texte-regard de l’aixois Alain Paire sur l’Exposition aixoise, au Musée Granet, intitulée « Italia discreta« ,
et rassemblant des œuvres de François-Marius Granet et de Bernard Plossu,
deux arpenteurs tranquilles et passionnés _ et pudiques _ des mêmes discrètes beautés romaines…
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Plossu voyage avec Granet
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Petits formats, affnités et cousinages : sous les combles du musée d’Aix, un photographe intuitif croise un lointain précurseur de l’impressionnisme.
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En préambule, on félicitera chaleureusement les conservateurs du musée, Pamela Grimaud et Bruno Ely qui ont inventé les séquences de cette exposition. L’équation n’était pas simple à résoudre, François-Marius Granet est le fls d’un maçon aixois qui découvre Rome en 1802. C’est un novateur discret, son goût pour les ruines et les vedute relève pour partie de l’Ancien Régime. Né en 1945, Bernard Plossu se considère comme un enfant de la Beat Generation et de la Cinémathèque de Paris. Pour ses apprentissages de jeune artiste, il cite Robert Bresson, Vittorio de Sica et Pasolini. Cette union libre n’était pas évidente, de grands écarts d’âge et d’époque séparent les protagonistes. L’insatiable passion qu’ils éprouvent pour les voyages et les séjours en Italie ne suffisait pas pour qu’ils dialoguent.
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Avec ses poutres et ses découpes d’espaces inattendus, la structure de l’ultime étage du musée _ le Musée Granet _ de la rue Cardinale est propice. Ce dossier impliquait des rapprochements rigoureux, de l’élégance et de la précision, rien qui soit lourd et démonstratif. La surprise et l’enchantement sont au rendez-vous, les petits et les moyens formats se succèdent : souvent minuscules, une centaine de noirs et blancs accompagnent les teintes assourdies de vingt tirages Fresson _ qui me plaisent personnellement tant… Chez Granet, voici soixante lavis rehaussés de brun, des aquarelles et des dessins fnement encadrés. Dans les photographies, exception faite pour quelques silhouettes furtives – des jeunes femmes, les passagers d’un bus, l’apparition d’une robe de moine – les présences humaines sont _ comme le plus souvent dans l’oeuvre de Plossu _ infimes. La précarité, la ferveur ou bien la légèreté peuvent surgir. On est sur un col de haute-montagne, dans les jardins de la Villa Adriana, en Toscane, ou bien à Vérone. Une fois de plus, voici « ce qu’on ne peut toucher autrement qu’en prenant des photos », l’improbable « courant d’air doux » désigné par Denis Roche quand il commentait Le _ plossuien _ Voyage mexicain : Guillaume Geneste en est témoin, Plossu « dépose tous les jours… un peu plus qu’il ne prend ».
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On chemine parmi les chemins de crête, les arrière-cours, les placettes et les ruelles de l’accrochage. On ne capte pas une totalité _ mais toujours des interstices _ : les strates, les réponses et les détails de ces miniatures sont innombrables. Les rênes du sismographe _ du cadrage _ sont fermement tenues, Plossu confesse les éventuelles lacunes de son inventaire : des interlocuteurs qu’il rencontrera plus tard, les Dolomites pris par la neige, Urbino qui l’a toujours fasciné, la ville natale de son arrière-grand-mère.
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Pour mieux comprendre l’Italie, des livres et des peintures
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L’Italie est captivante. Elle ne se donne pas immédiatement. Appréhender et traduire les particularités d’un territoire procède aussi de la lecture. En vitrine, confectionnée avec des livres modestes que Plossu affectionne, une bibliothèque intime se dévoile : on aperçoit des pages de garde griffonnées, Cesare Pavese, Vincenzo Consolo, ou bien Antonio Tabucchi en édition de poche, des ouvrages dont les titres et les maquettes suscitent immédiatement l’adhésion, Les routes de poussière de Rosetta Moy, Un hiver à Rome d’Elisabetta Rasy _ notre amie romaine _, La mer couleur de vin de Sciascia. Dans une seconde vitrine, des références picturales indiquent que la liberté la plus farouche, les décentrements et les impulsions natives n’empêchent pas une acculturation de tous les instants. Plossu connaît bien _ en effet _ la peinture métaphysique italienne avant Mussolini. Pas seulement Corot, Morandi ou De Chirico.
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Une exposition dédiée à celle qui vient de partir _ Françoise…
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Granet vécut en Italie pendant presque 25 ans. En son époque, Rome était une cité meurtrie et déclinante de 130.000 habitants qu’il parcourait à cheval ; les monuments antiques étaient envahis par les herbes et les troupeaux. Des vues de campagne, des tours crénelées, des couvents, des fragments du Colisée envahis par les arbres fgurent parmi ses motifs de prédilection. Avec davantage de liberté et de subjectivité, une attention _ voilà, et ses saisies au vol _ identique se manifeste chez Plossu. Ce qui le distingue de ses prédécesseurs, ce sont les accélérations et les coupes de son tempo, la rapidité-fugacité _ Kairos complice _ de ses intuitions : des jeux d’ombres et de rêve, la lumière et la mémoire transforment le réseau des apparences.
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Une personne lui manque _ désormais _ infiniment. Pendant la visite de presse, ou bien au téléphone, Bernard Plossu raconte sobrement son déchirement et son immense chagrin. Sa compagne depuis 1980, Françoise Nunez, la mère de ses deux enfants, l’a quitté le 22 décembre 2021. Un cancer a précipité sa vie, elle avait 64 ans. Une complicité rigoureusement magique leur permettait de travailler ensemble. Plossu repérait parmi ses planches-contact les images qu’il fallait développer, Françoise Nunez dont on évoquera l’œuvre photographique dans un autre article, traduisait magistralement les nuances des tirages de Bernard : « Elle avait l’intelligence du gris » .
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Alain Paire.
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Jusqu’au 30 août, Italia discreta, musée Granet, Aix-en-Provence, ouvert du mardi au dimanche, de 12 h à 18 h,
Catalogue, éditions Filigranes, 29 euros.
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Ce lundi 2 mai 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa