Lecteur éminemment curieux et actif,
je recherche, par delà la spécificité singulière _ absolument légitime _ de chaque opus,
la cohérence autobiographique présente en creux dans les divers récits successifs, de 1959 à 2020, d’Edith Bruck.
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Laquelle témoigne magnifiquement, en son œuvre entier d’écrivain, œuvre de poésie comprise, de ce qu’il a fallu, à sa personne, en toute la substantialité la plus à vif et intime de sa chair, surmonter d’épreuves terribles, en sa survie _ entre le 8 avril 1944, la rafle des Juifs par les gendarmes à Tiszabercel, et le 15 avril 1945, la libération par les Américains du lager de Bergen-Belsen, où Edith Steinschreiber et sa sœur Adel étaient encore (après Auschwitz, Dachau, Kaufering, Landsberg, une première fois Bergen-Belsen, Christianstadt, et après la marche de la mort, leur retour, épuisées, à Bergen-Belsen), internées _, puis vie _ et encore survie, d’une autre façon _, à partir de son retour chez elle, au village hongrois de Tiszabercel, à l’automne 1945, à l’âge de 14 ans _ Edith Steinschreiner est, en effet, née à Tiszabercel, au nord-est de la Hongrie, le 3 mai 1931 _,
en tenant compte aussi de données biographiques disponibles, recherchées complémentairement ailleurs qu’en sa seule œuvre publiée :
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ainsi, par exemple, dans la très utile très récente « Brève chronologie » que, avec l’aide même de l’autrice, René de Ceccatty vient de donner _ et à la suite de sa lumineuse et lucidissime préface, très justement intitulée « La poésie, plutôt que la prière« , en introduction splendide (aux pages 5 à 26) à l’anthologie de poèmes choisis et traduits par lui-même, intitulée « Pourquoi aurais-je survécu ?« … _, aux pages 27 à 30 de cet indispensable recueil « Pourquoi aurais-je survécu ?« .
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Afin de surmonter, en lecteur curieux donc et tenace que je suis, quelques blancs, ainsi que _ et peut-être surtout _ quelques variations de nominations de personnages cruciaux de ses divers témoignages,
à commencer par les prénoms des frères et sœurs, mais aussi les noms des divers compagnons et époux de celle qui a, faute de recevoir une écoute vraiment réceptive à sa parole, a appris à « parler au papier » qui, lui, sait l’écouter fidèlement, ainsi que, en intense et profond exigeant, voire implacable, dialogue de vérité, lui « répondre vraiment » ;
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les uns et les autres de ces _ et ses _ « proches » étant, je le remarque, nommés diversement dans ces récits successifs ;
et tout particulièrement le récent, en 2020, et sublime, « Le Pain perdu« ,
mais aussi dans diverses ressources biographiques annexes, glanées de-ci, de-là, au fil de recherches documentaires complémentaires de ma part de lecteur actif _ cf mon article du 11 janvier dernier : Sources-ressources pour des précisions biographiques concernant Edith Bruck, sa famille, ses proches, et quelques autres personnes, rencontrées en 90 années de vie (1931 – 2021), en son exigeant parcours de survie et d’écriture…
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Ainsi
Lili (née à Tiszabercel, le 24 décembre 1920),
Magda (née à Tiszabercel, le 22 septembre 1922),
Ôdön (né à Gava, le 13 janvier 1925),
Adel (née à Tiszabercel, le 12 mas 1927),
Laszlo (né à Tiszabercel, le 16 août 1929),
les deux frères et les trois sœurs d’Edith Steinschreiber, née, elle, le 3 mai 1931 _ et non pas 1932, comme mentionné dans son « Qui t’aime ainsi« , de 1959 : pour quelles raisons donc ?.. _, à Tiszabercel,
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apparaissent-ils, dans le récit de « Chi ti ama cosi » de 1959, sous les prénoms de :
Leila, pour Lili,
Margo, pour Magda,
Peter, pour Ôdön,
Eliz, pour Adel,
et Laci, pour Laszlo ;
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et, dans le récit du « Pain perdu » de 2020, sous les prénoms, cette fois, de
Mirjam, pour Lili (la Leila de Qui t’aime ainsi),
Sara, pour Magda (la Margo de Qui t’aime ainsi),
David, pour Ôdön (le Peter de Qui t’aime ainsi),
Judit, pour Adel (l’Eliz de Qui t’aime ainsi),
et Jonas, pour Laszlo (le Laci de Qui t’aime ainsi)…
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En attendant impatiemment la (re-)parution prochaine, le 21 janvier prochain, de la traduction française _ « Qui t’aime ainsi« , en Points _ du « Chi ti ama cosi« , paru le 1er janvier 1959 aux Éditions Lerici _ actives de 1927 à 1967, et à l’impressionnant catalogue... _,
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j’ai très attentivement lu _ et cherché à en décrypter le plus méthodiquement possible les noms… _ une sélection de pages de ce texte en italien accessibles sur le net…
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Et cela, en partie afin de rechercher, tout spécialement, quel est ce « cugino » d’Edith _ côté Bieber, la famille de sa mère ? ou bien côté Steinschreiber, la famille de son père ? Côté Bieber, je le découvrirai un peu plus tard… _, qui nous est présenté là sous le nom du « mio cugino Tibi » _ qui a aussi une sœur, prénommée, en ce récit de 1959, Magda ; et c’est bien là son prénom effectif : Gerson Deutsch et sa soeur Magda Deutsch, étant en effet les enfants d’Helen Bieber (Tiszakarad, 7 août 1880 – Auschwitz, mai 1944) et de son époux David Deutsch (Tolcsva, 17 septembre 1884 – Auschwitz, mai 19944) ; Helen Bieber, une des sœurs Bieber de la mère d’Edith, née Berta Bieber (Tiszakarad, 1er février 1895 – Auschwitz, mai 1944)… _, son _ très beau, mais assez brutal : « lui qui m’avait dépucelée d’un seul coup, ce qui m’avait rappelé l’abattage kasher, où l’on égorgeait la poule d’un seul geste et on la jetait encore sanglante dans la cour de la synagogue ! Est-ce que le sang le dégoûtait ? Pourquoi cette violence sans la moindre caresse ? Était-ce lui qui voulait punir en moi toutes les femmes, ou était-ce moi qui voulais me punir moi-même ? Pourquoi l’ai-je laissé faire ? Était-ce moi qui voulais jeter aux orties ma vie inutile, ma jeunesse dans un monde devenu bestial, mes seize ans _ « quindici« , lit-on dans le « Chi ti ama cosi« de 1959 _ défendus de toutes mes forces, et qui me méprisais ? À moins que je l’aie aimé ? Étais-je malade ? Ou assoiffée d’amour, parce qu’il y avait un être pour lequel j’existais, qui me désirait, même s’il avait d’autres maîtresses, et qui jouissait de son plaisir en ignorant le mien. Pourquoi ? Pourquoi ?« , lisons-nous à la page 101 de l’admirable « Le Pain perdu » de 2020… _ tout premier amant, à Podmokly _ un village de Bohème situé non loin de Pilsen _, en Tchécoslovaquie, quand Edith avait 15 ans, et Tibi, 23 : en 1946…
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Se pourrait-il _ oui ! _ qu’il s’agisse là, pour ce « molto bello, alto e biondo« _ mais « poco intelligente« … _ « cugino Tibi« ,
du cousin _ côté Bieber _ Gershon Deutsch (Krompachy, Slovaquie, 16 février 1922 – Brooklyn, 20 septembre 2009),
un des fils de la tante Helen Bieber (Tiszakarad, 27 juin 1892 -Auschwitz, mai 1944) _ et son époux David Desider Deutsch (Tolcsva, 17 septembre 1884 – Auschwitz, mai 1944) : Tolcsva, dans la vallée de la rivière Bodrog (un affluent de la Tisza), est le village voisin d’Olaszliszka… _ :
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Helen Bieber, une des sœurs de Berta _ nommée « Frida, Friduska (en hébreu Deborah)« , à la page 14 du « Pain perdu« ... _ Bieber (Tiszakarad, 1er février 1895 – Auschwitz, mai 1944),
elle-même l’épouse de Sandor Sulem Shalom _ « nommé Adam, Shalom en hébreu« , à la page 18 du « Pain perdu… _ Steinschreiber (Tiszakarad, 1895 – Dachau, 1945), et la mère d’Edith, ses trois sœurs et ses deux frères Steinschreiber…
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De même que je me demandais si le tout premier éphèmère mari d’Edith, Milan Grün _ cf cette biographie-ci d’Edith Bruck _, est bien présent, ou pas, dans le récit de 2020, « Le Pain perdu » _ et après recherche attentive, il me semble bien que non : je ne l’y trouve décidément pas… _ ;
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quand son second éphémère mari, Dany Roth _ ibidem _, nous est présenté, lui, à la page 104 du « Pain perdu« _, sous le nom _ à la hongroise : le nom avant le prénom _ de « Braun Gabi » ;
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et le troisième encore plus éphémère mari _ ibidem : « un dénommé Bruck » : ce très bref mariage sur le papier avait eu pour seule fin, en effet, de permettre à Edith, redevenue, par son second divorce, célibataire, d’échapper à l’obligation à un retour à une résidence collective en un camp, en Israël… _, et dont Edith a conservé le nom pour sa signature d’auteur, Edith Bruck,
apparaît alors avec le diminutif de Tomi : « Tomi Bruck« , lit-on à la page 128 du « Pain perdu« …
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Quant à l’amour vrai de la vie d’Edith, Nelo Risi _ homme généreux et particulièrement désintéressé : ce qui est plutôt rare… _,
dans « Le Pain perdu« , il apparaît furtivement et merveilleusement, tout à la fin, aux pages 152 à 155,
sous son seul prénom de « Nelo » :
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Edith le rencontra _ cf son récit, à la page 152 _ au restaurant Otello de la via della Croce, à Rome _ ce fut le 9 décembre 1957 ; cf le beau poème intitulé « Rencontre 1957« , à la page 104 de l’anthologie « Pourquoi aurais-je survécu ?« , qui se clôt par ce vers libre : « le 9 décembre« … _ ;
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mais, suite aux difficultés de Nelo pour obtenir la légalisation officielle de son divorce d’avec celle, artiste peintre australienne, qu’il a nommée « Mitty » _ mais est-ce seulement là son vrai prénom ? Un certain flou semble ici étonnamment demeurer : Edith Bruck en a-t-elle elle-même connaissance ? Peut-être, probablement, tout de même… _,
le mariage officiel d’Edith et de Nelo ne put avoir lieu, au Capitole de Rome, que neuf années plus tard, seulement : le 17 mars 1966 _ cf la très brève remarque, et dépourvue de commentaire, de la page 154 ; et la date même de ce mariage romain n’est pas alors donnée _, célébré par Francesco Fausto Nitti _ « (1899-1974), une des grandes figures de l’antifascisme », indique la note de bas-de-page du traducteur, René de Ceccatty ; les témoins du marié étant son frère, Dino Risi (1916-2008), et son ami l’écrivain, scénariste, et plus tard réalisateur, Fabio Carpi (1925 – 2018) ; mais le récit du « Pain perdu » ne les mentionne pas ; quant aux témoins de la mariée, eux non plus non mentionnés, quels ils furent, je l’ignore à ce jour…
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À son seul amour vrai, Nelo,
Edith Bruck consacrera deux très beaux livres,
pas encore traduits en français :
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« La Rondine sul termosifone« , en 2017 ; et « Ti lascio dormire« , en 2018.
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Nelo Risi, né à Milan le 20 avril 1920, est décédé à Rome le 17 septembre 2015.
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Et même si, bien sûr, le principal _ poétique et existentiel _ est loin d’être là,
ce fond d’autobiographie historique très présent dans l’œuvre singulière et si marquante d’Edith Bruck,
passionne aussi le lecteur actif et curieux du réel que je suis…
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Ce jeudi 13 janvier 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa
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