Un magnifique exemple de la quintessence de l’art musical français : le double CD Ramée des « Six Concerts à deux Flûtes Traversières sans Basses » de Michel Pignolet de Montéclair (vers 1710)
Les flûtistes Marie-Céline Labbé et Marion Treupel-Franck présentent en un double CD Ramée Ram 1102 une réalisation enthousiasmante de finesse, profondeur, poésie, de « Six Concerts à deux Flûtes Traversières sans Basses« , de Michel Pignolet de Montéclair : « de l’Académie Royale de Musique. Ces Concerts dont les Pièces sont les unes dans le goût François et les autres dans le goût Italien, ne conviènent pas moins aux Violons, Violes et autres Instrumens, qu’aux Flûtes Traversières« , prévenait celui qui les publiait ainsi, entre 1721 et 1724 : le neveu même du compositeur, l’éditeur de musique François Boivin…
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« Cela ne nous livre malheureusement aucun indice sur la date de composition des quelques 64 pièces que comptent ces six concerts. Tout au plus, nous savons que Montéclair _ 1667-1737 _ avait utilisé le Rondeau du troisième concert dans ses Leçons de musique divisées en quatre classes parues en 1710« , nous prévient, page 23, la notice, rédigée par Germain Saint-Pierre.
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Qui précise excellemment : « Les Concerts à deux flûtes traversières sans basses se situent dans une lignée inaugurée en 1709 avec les Suites de Pièces à deux flûtes traversières de Michel de La Barre, compositeur et premier grand flûtiste français.
Particulièrement prisé des Français en cette première partie du XVIIIe siècle _ les dernières du long règne de Louis XIV, roi de 1643 à 1715 _, ce genre musical inspira de grands compositeurs _ en effet : tout ce répertoire est sublime ! _, tels Hotteterre, Philidor et Boismortier, auxquels nous devons un grand nombre de recueils consacrés à ce répertoire » _ d’une exquise, simple et profonde délicatesse.
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« Les pièces sont pour la plupart des mouvements de danse et portent souvent des noms évocateurs, révélant le goût des Français pour la musique descriptive : Badinage, L’Italienne, Les Ramages, Le Papillon, Le Moucheron. Plusieurs sont empreintes de mélancolie : le Dialogue et La Françoise du quatrième concert, ainsi que la Plainte en Dialogue du second concert. D’autres sont au contraire d’une gaieté résolue : L’Angloise et La Rieuse du quatrième concert.
Grâce à des échanges de voix très savants, Montéclair invite les flûtistes à faire preuve dans leur jeu d’une grande complicité _ telle celle d’une conversation (de musique) : dont tout l’art (suprêmement raffiné : cf ici les analyses de Marc Fumaroli) est de toujours donner le beau rôle à l’interlocuteur… _, éveillant un désir d’osmose, suscitant un élan de confidence , de tendresse, une émotion toute baroque _ mais à la française ! Il invite à se dépasser, à s’oublier pour rejoindre l’autre, se fondre en lui dans un monde intangible, pour regagner la terre ferme l’instant suivant grâce à une mélodie connue, une basse bien affirmée, qui donnent aussitôt de danser« …
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Et le livrettiste d’excellemment commenter, au final de sa juste notice, page 24 :
« Cet enregistrement vise à combler un _ très étonnant, pour de si belles musiques !!! _ vide malheureux dans la discographie actuelle _ en effet ! Peu d’enregistrements depuis ceux, merveilleux, de Frans Bruggen, Barthold Kuijken et Philippe Allain-Dupré : sinon ceux, maintenant (magnifiques !), de François Lazarévitch… _ et à susciter l’intérêt pour l’œuvre de Montéclair.«
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Pour conclure : « Partir à la découverte de ce compositeur, c’est tout d’abord s’émerveiller devant la beauté de cette musique subtile, s’attacher à elle pour finalement se l’approprier, de la même manière que, partant à la recherche de nos propres racines, nous éprouvons un jour cette satisfaction toute simple, malgré tout _ presque _ indicible _ ne jamais renoncer ! _, de retrouver l’être que nous sommes avec ses besoins _ ou désirs _ tellement légitimes d’aimer, de partager, de vouloir laisser quelques traces à la postérité.«
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Ce merveilleux double CD Ramée Ram 1102 : « Six Concerts à deux Flûtes Traversières sans Basses« , de Michel Pignolet de Montéclair,
par la grâce subtile et profondément poétique de Marie-Céline Labbé et Marion Treupel-Franck, sur deux flûtes traversières (392 Hz) de Rudolf Tutz, à Innsbruck, d’après Jean-Hyacinthe Rottenburgh, à Brusselles, vers 1730,
y réussit superbement pour le bonheur de notre écoute !
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Très chaudement recommandé !
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Titus Curiosus, ce 6 septembre 2011