Sur la réception par la critique de « Vêpres de la Vierge » de Monteverdi en Cinémascope, technicolor et relief, par Pygmalion : quelques écoutes un peu diverses…
Le double CD Harmonia Mindi HMM 902710.11 des « Vespro della Beate Vergine » de Claudio Monteverdi _ ce chef d’œuvre magistral et renversant de 1610, composé à Mantoue, mais destiné à Venise… _ par l’Ensemble Pygmalion de Raphaël Pichon, a reçu des appréciations un peu contrastées de la critique ;
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par exemple, sous la plume de Frédéric Degroote à page 84 du Diapason n° 726 de ce mois d’octobre-ci (3 étoiles),
et sous celle de Philippe Venturini à la page 84 du Classica n° 256 de ce même mois d’octobre (5 étoiles).
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Frédéric Degroote, dans Diapason :
« Dès le martèlement de l’invitatoire Deus in adjutorium, le ton est donné : celui d’un Vespro vocalement et orchestralement opulent, alignant plus de 35 choristes et 25 instrumentistes, sans compter les solistes.
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Tout dans sa relecture millimétrée est surligné en jaune fluo, à coups de vifs contrastes ou de superpositions d’instruments.
L’Ave maris stella accuse une lenteur à faire suffoquer les chanteurs ; l’Amen final, pourtant noté sans changement de tempo, s’étire davantage encore, dans un crescendo à l’extase superlative. Dans le Gloria Patri du Magnificat, Pichon passe outre les chiavette _ ces clefs indiquant qu’il faut transposer une quarte plus bas, et non jouer dans le ton écrit _ et se targue de faire chanter des sol aigus aux deux ténors pour « décupler l’impact émotionnel ». La fin prévue par Monteverdi semblant ne pas lui suffire, il calque sur le Fidelium animæ la toccata d’ouverture sous prétexte d’arguments doxologiques.
Si l’on s’étonne de ces libertés philologiques, on ne peut que louer la réactivité des forces en place pour défendre cette vision à la loupe, ce Monteverdi en réalité augmentée. Au moins cette expérience sonore, où règne un mysticisme de pacotille, reflète-t-elle fidèlement l’une des définitions que le chef donne des Vêpres de Monteverdi : « la première œuvre cinématographique de l’histoire de la musique« . Au point que l’on croit aisément être revenu d’un péplum« .
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Et puis Philippe Venturini, dans Classica :
« Depuis le concert de février 2019 à la chapelle royale du château de Versailles, capté puis publié en DVD par Château de Versailles Spectacles (…), Raphaël Pichon conserve une conception foisonnante et recueillie à la fois, nourrie du faste de l’église comme de la vitalité du théâtre, du tumulte du Tintoret comme de la richesse chromatique de Véronèse. L’effectif fourni du chœur (une trentaine de chanteurs) et la variété de l’orchestre, permettent de souligner _ et non pas surligner, ici _ les styles ancien et moderne, de distinguer les pièces polyphoniques chorales (les 5 psaumes) des motets solistes (les 4 concerti sacri annoncés sur la partition), d’éclairer cette « première œuvre cinématographique de l’histoire de la musique« .
Contrairement à René Jacobs (Harmonia Mundi, 1995), Gabriel Garrido (K617, 1999) ou Jordi Savall (Alia Vox, 1988), Raphaël Pichon ne recourt pas aux interpolations en grégorien, sauf pour la conclusion (Domine, exaudi orationem meam), qui récite la toccata d’ouverture, et insère le motet Sancta Maria, succurre miseris SV 328.
La prise de son généreuse d’Hugues Deschaux, permet de disposer d’une matière sonore onctueuse qui, heureusement, ne brouille pas la polyphonie et maintient les solistes dans un espace global.
Comme à son habitude, Raphaël Pichon prête attention au texte, que ce soit dans la torrentielle réponse à l’appel initial, les différents épisodes du Dixit Dominus (les temps forts bien marqués sur « conquassabit« , la fluidité du « De torrente« ), ou du Magnificat qui investit un vaste espace. La grâce surnaturelle du Nigra sum d’Emiliano Gonzales Toro, la sensualité du Pulchra es de Céline Scheen et Perrine Devillers, l’énergie du Fecit potentiam de Lucile Richardot, participent à cette « expérience de l’extase » _ orgasmique ? _ que cherche le chef« .
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Cf aussi l’article, uniment laudatif, lui, intitulé « Ode mariale » de Jean-Charles Hoffelé sur son site Discophilia, en date du 15 setembre dernier.
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ODE MARIALE
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En février 2019, la Chapelle Royale résonnait de fulgurantes Vêpres à la Vierge, Monteverdi investissait le temple du Grand Siècle sous la conduite ardente _ voilà _ de Raphaël Pichon. Ceux qui étaient présents ont gardé de cette aventure des souvenirs pour la vie, heureusement le label du Château de Versailles a publié la captation filmée de ces soirées historiques.
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Mais Raphaël Pichon est en constant « work in progress ». Adieu l’image, ces nouvelles Vêpres seront toute entières sonores, et gardent des solistes prestigieux des concerts de Versailles les seuls Lucile Richardot – son Fecit potentiam est historique -, Nicolas Brooymans et le saisissant doublé des ténors, Emiliano Gonzalez Toro et Zachary Wilder, le premier atteignant au sublime ici plus qu’encore qu’à Versailles pour Nigra sum.
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Adieux les mises en espaces, au Temple du Saint-Esprit à Paris, dans la roideur post-pandémique de janvier 2022, Raphaël Pichon réinvente « ses » Vêpres, assumant leur caractère disparate, les espaçant de plain-chant, dorant à force cornets et saqueboutes les icônes, et célébrant, dans une spatialisation savante qui songe toutes oreilles ouvertes aux espaces oniriques de San Marco _ forcément… _, les polyphonies gabrielliennes _ oui. La nudité des a capella adossés aux fastes des célébrations, tout rend compte des multiples visages de ces Vêpres qu’on sait composites.
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Miracle, elles coulent enfin d’une seule ligne, tour à tour ténue ou spectaculaire, comme elles ne l’avaient plus fait depuis la version princeps _ celle de 1964, celle de 1989 ? _ de John Eliot Gardiner, ce n’est pas sous ma plume un mince hommage à l’art de ce jeune homme qui n’aime se confronter qu’aux chefs-d’œuvre, l’année passée une Saint Matthieu bouleversante, aujourd’hui ces Vêpres éloquentes, à quoi pense-t-il pour demain ?
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LE DISQUE DU JOUR
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Claudio Monteverdi
(1567-1643)
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Vespro della Beata Vergine,
SV 206
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Pygmalion
Raphaël Pichon, direction
Céline Scheen, soprano
Perrine Devillers, soprano
Lucile Richardot, mezzo-soprano
Emiliano Gonzalez Toro, ténor
Zachary Wilder, ténor
Antonin Rondepierre, ténor
Étienne Bazola, basse
Nicolas Brooymans, basse
Renaud Brès, basse
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Un album de 2 CD du label harmonia mundi HMM 902710.11
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Photo à la une : le chef Raphaël Pichon – Photo : © DR
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Des regards tous trois intéressants,
en harmonie aussi avec ma propre écoute, impressionnée…
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Ce mercredi 18 octobre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa