Posts Tagged ‘Pierre Degott

Le très enthousiasmant CD « Amazone » de Léa Désandré et l’Ensemble Jupiter chroniqué par ResMusica

28oct

Excellente surprise ce matin, 28 octobre,

de découvrir sur le site de ResMusica, et sous la plume de Pierre Degott,

une chronique du splendide CD « Amazone » (Erato 0190295065843), de Léa Désandré avec l’Ensemble Jupiter sous la direction de Thomas Dunford,

intitulée « Enthousiasmant récital de Lea Desandre et de l’ensemble Jupiter« 

_ cf mon article du 17 octobre dernier : _

que je m’empresse de donner ici avec mes farcissures, en vert...

Enthousiasmant récital de Lea Desandre et de l’ensemble Jupiter

Dans un programme varié, innovant et _ très _ original _ à partir de la thématique de la mythologie des Amazones : qui en a eu l’idée ? Léa Désandré ? Cf aussi ceci, à la page 279 du livre d’Alain Bertrand, L’Archémythe des Amazones, paru aux Presses universitaires du Septentrion… Je remarque au passage que si cet ouvrage d’Alain Bertrand cite bien l’opéra « Mitilene, regina delle Amazzoni« , de Viviani, donné à Parme en 1681, il ne cite pas l’opéra « Mitiliena, regina dell’Amazzoni » (sic), de Giuseppe De Bottis, donné à Naples en 1707 _, la jeune cantatrice nous fait découvrir le passionnant univers des amazones. Un récital comme on aimerait en entendre plus souvent _ absolument !

Quinze numéros enregistrés en première mondiale _ mais oui ! _, voilà qui n’est _ certes _ pas banal _ ce serait bien intéressant de dégager les raisons d’une pareille anesthésie de curiosité musicale (et musicologique), ces dernières décennies… _ même pour un récital d’airs d’opéras baroques. Et cela est d’autant plus vrai quand le programme se détache par sa cohérence et son unité thématique _ c’est tout à fait juste ! Belle idée, donc _ à qui donc en revient le mérite ?.. à l’artiste Léa Désandré ? _, que celle de rassembler sur un CD différents extraits d’ouvrages français et italiens consacrés aux grandes amazonesde la mythologie gréco-romaine… Si l’on connaissait depuis peu l’opéra de Vivaldi Ercole sul Termodonte, qui permet de croiser les figures d’Hippolyte et d’Antiope, on espère _ ardemment ! _ découvrir bientôt les intégrales de Mitilene, regina delle amazzoni de Giuseppe de Bottis, Marthésie, première reine des amazones de Destouches, ou encore les opéras de Pallavicino, Provenzale, Schürmann ou Viviani, dont de précieux extraits nous sont proposés ici. Les dernières décennies du XVIIᵉ restent décidément encore mal connues _ à qui la faute ?… Aux producteurs de spectacles d’opéras et concerts ? Aux éditeurs de CDs et DVDs ?.. _ des amateurs d’art lyrique, et il est _ vraiment _ temps de combler ce _ déplorable _ vide _ culturel…

La qualité des textes de présentation de Yannis François et Marion Bet, contribue au bonheur général _ avec, tout de même, une fâcheuse erreur d’attribution, avec la confusion des compositeurs Danican Philidor, père et fils : l’auteur de la Mascarade des Amazones, donné à Marly, en 1700, et dont trois extraits (à écouter et regarder ici) constituent la plage 9 de ce magnifique CD, n’est pas André Danican Philidor (1652 _ 1730), le père, mais bien son fils Anne Danican Philidor (1681 – 1728), le fondateur de la très remarquable institution de concerts, à Paris, du Concert spirituel (1725 – 1790)… ; cf mon article du 17 octobre dernier : … ;

ainsi que l’incertitude, mais c’est à vérifier, du titre même de l’opéra du napolitain Giuseppe De Bottis (1678 – 1753), donné à Naples, au Teatro San Giovanni de’ Fiorentini, le 26 février 1707 : peut-être pas Mitilene, regina delle Amazzoni, comme pour l’opéra du florentin Giovanni Buonaventura Viviani (1638 – 1692), donné à Parme en 1681, puis au palais royal de Naples, le jeudi 13 novembre 1681 (ainsi en sont conservées à Naples, les partitions manuscrites : « la partitura è conservata in I-NC. ms. 32.2.38« ), mais Mitiliena, regina dell’Amazzoni… ;

le rapport de « reprise avec modifications » qui existe entre les deux livrets d’opéra, celui de 1681 (œuvre du cavalier milanais Teodor, ou Giulio, Barbò) pour le compositeur florentin Viviani, et celui de 1707 (attribué par la notice du CD au père jésuite Andrea Perrucci, décédé à Naples le 6 mai 1704…), utilisé par le compositeur napolitain Giuseppe De Bottis, est précisé de manière très détaillée au chapitre VI (« Talestri, Alessandro Magno e la « valorosa » discendenza« ) de l’ouvrage d’Andrea Garaviglia « Il Mito delle Amazzoni nell’opera barocca italiana« , publié à Milan en 2015, dans une partie précisément intitulée « Mitilene (1681 et 1707) : virago »spagnole » a Napoli«  (aux pages 172 à 183), et plus particulièrement de la page 180 à la page 183 :

« Al inizio del Settecento, dopo quasi un trentennio, l’opera viene riproposta sulle scene napolitane, nell febbraio 1707 _ le 26 _ con revisione musicale di Giuseppe De Bottis, e con una serie di modifiche drammaturgiche necessarie ad aggiornarla ai nuovi gusti teatrali » (…) « Nella Mitilene revisionata, le caratterizzazione delle Amazzoni è piu eroica : esse, infatti, rispetto ai personnagi maschili, subiscono la maggior parte delle modifiche, sia nei versi che nella musica «  (…) « L’accentuazzione del carattere bellicoso delle Amazzoni e coerente con la dedica del libretto settecentesco a una donna, alla duchessa Carlotta Colonna, nipote di Lorenzo Onofrio Colonna, nel cui teatro si representò « La Caduta del regno delle Amazoni » (1690)« 

Fin de l’incise.

Rien à redire _ ou presque _ au niveau de l’interprétation, et l’on se délectera des grâces vocales _ magnifiques ! _ de Lea Desandre, capables de suggérer les émotions les plus diverses, des éclats de rire de Lucillo dans l’opéra de Provenzale Lo schiavo di sua moglie aux langueurs amoureuses de Thalestris _ dans la Mascarade des Amazones, d’Anne Danican Philidor, donnée à Marly en 1700… _ ou aux fureurs guerrières de Mitilène _ dans les opéras Mitilene, regina delle Amazzoni, donné à Parme, en 1681, de Giovanni Buonaventura Viviani (Florence, 15 juillet 1638 – Pistoia, décembre 1692) et Mitilena, regina dell’Amazzoni, donné à Naples, le 6 février 1707, de Giuseppe De Bottis (1678 – 1753). La virtuosité ébouriffante _ mais jamais gratuite : toujours parfaitement en situation dramatique, en sa splendide réalisation musicale… _ de la jeune cantatrice n’a d’égal que la noblesse de sa diction _ oui ! et c’est très important ! _ et de ses phrasés _ parfaits. Entourée pour l’occasion de Cecilia Bartoli et de Véronique Gens, partenaires qui font figure ici de bonnes marraines _ mais le talent propre de Léa n’en a désormais plus besoin… _ mais aussi d’inspiratrices, Lea Desandre a en effet de qui tenir _ certes… Avec des instrumentistes _ excellents _  comme Jean Rondeau au clavecin, ou Thomas Dunford au luth – sans compter la présence tutélaire _ est-elle bien nécessaire ? _ de William Christie pour une pièce de clavecin de Louis Couperin, certes un peu perdue _ étrangement, en effet ; bizarrement exécutée ici avec mollesse !.. _ dans un tel entourage –, l’ensemble Jupiter s’affirme comme une des plus belles phalanges de musique ancienne qu’il nous soit donné d’entendre aujourd’hui. On l’aura compris, on attend de nombreuses suites _ absolument !!! _ de ce disque enthousiasmant _ oui ! Les territoires à découvrir semblent _ mais oui : avis aux chercheurs vraiment curieux… _ véritablement infinis.

Francesco Provenzale (1624-1704) : « Non posso far » et « Lasciatemi morir, stelle crudeli » extraits de Lo schiavo di sua moglie.

Francesco Cavalli (1602-1676) : Sinfonia extraite de Ercole amante.

Giovanni Buonaventura Viviani (1638-c.1693) : « Muove il piè, furia d’Averno » extrait de Mitilene, regina delle amazzoni.

Giuseppe de Bottis (1678-1753) : « Io piango… Io peno », « Che farai misero core », « Lieti fiori, erbe odorose » et « Sdegno all’armi, alle vendette » extraits de Mitiliena, regina dell’ amazzoni.

Georg Caspar Schürmann (1672/3-1751) : Sinfonia et « Non ha fortuna il pianto mio » extraits de Die getreue Alceste.

Carlo Pallavicino (c.1630-1688) : « Vieni, corri, volami in braccio » et « Sdegni, furori barbari » extraits de L’Antiope.

Anne Danican Philidor (1681-1728) : Marche, « Venez, troupe guerrière », « Puisque tout est tranquille » et « Combattons, courrons à la gloire » extraits des Amazones.

Louis Couperin (c.1626-1661) : Passacaille en ut.

André Cardinal Destouches (1672-1749) : « Faible fierté, gloire impuissante », « Ô Mort ! Ô triste Mort » et « Quel coup me réservait la colère céleste ? » extraits de Marthésie, première reine des amazones.

Marin Marais (1656-1728) : « L’Amériquaine », extrait de Suitte d’un goût étranger.

François Couperin (1668-1733) : L’Amazone, 10ème Ordre en ré, extrait du Second livre de pièces pour clavecin.

Antonio Vivaldi (1678-1741) : Sinfonie, « Onde chiare che sussurrate » et « Scenderò, volerò, griderò » extraits de Ercole sul Termodonte RV 710.

Léa Désandré, mezzo-soprano ; Cecilia Bartoli, mezzo-soprano ; Véronique Gens, soprano ; William Christie, clavecin ;

Ensemble Jupiter, direction : Thomas Dunford.

1 CD Erato.

Enregistré du 24 au 30 septembre 2020 à la Chapelle Corneille, Rouen

et le 14 février 2021 à La Diacosmie – Opéra Nice Côte d’Azur _ pour le duo avec Cecilia Bartoli, à la plage 5 du CD.

Textes de présentation et traduction des textes chantés en français, anglais et allemand.

Durée : 75:15

Assurément cette splendide réalisation-ci de Léa Désandré et Jonathan Dunford,

avec l’Ensemble Jupiter,

ainsi que la re-découverte de pans magnifiques si étrangement délaissés jusqu’ici, des véritablement magiques répertoires d’opéras italiens, mais aussi français, du Baroque des XVIIe et XVIIe siècles,

nous fait désirer et attendre avec beaucoup d’impatience, leurs réalisations à venir !!!

Ce jeudi 28 octobre 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

A nouveau à propos de Sylvain Sartre et Les Ombres, et leur enregistrement de la tragédie lyrique Sémiramis d’André Cardinal Destouches

21août

En forme de complément à mon article de lundi dernier 16 août ,

cet autre article-ci, en date de jeudi 19 août, sur le site de ResMusica, et sous la plume de Pierre Degott,

intitulé, lui, À la découverte de la Sémiramis de Destouches,

consacré lui aussi au double CD de cet opéra de Destouches, par l’Ensemble Les Ombres, sous la direction de Sylvain Sartre.

Le voici :

À la découverte de la Sémiramis de Destouches

Intéressante réalisation qui permettra de mieux connaître l’état de la tragédie lyrique française entre Lully et Rameau _ c’est tout à fait cela !

Ressuscitée au festival d’Ambronay en 2018, de manière à marquer le tricentenaire de la création de l’ouvrage, la tragédie lyrique d’André Cardinal Destouches Sémiramis fut ensuite donnée à l’Opéra Royal de Versailles avec une distribution légèrement renouvelée. C’est l’enregistrement de cette représentation qui nous est aujourd’hui proposé en disque.

Grâce à de nombreuses réalisations récentes (Issé, Callirhoé…), la musique de Destouches nous est aujourd’hui _ un peu plus _ familière, et il est plaisant de retrouver ici la production de cet élève de Campra, que l’on pourra entendre comme le maillon manquant _ voilà _ entre la tragédie lyrique de Lully et celle plus tardive de Rameau. En 1718, le public de la Régence avait déjà besoin que l’austère déclamation des premiers chefs d’œuvre du genre soit pimentée d’airs ou d’ariosos italiens au style plus léger et à la scansion moins rigide. De fait, le discours musical ne cesse de faire alterner entre eux, dans un flux presque continu, de larges pans de récitatifs et de jolies petites arias de belle facture. Le chœur joue également une place importante, et l’on note une orchestration riche et variée, notamment pour les parties dansées.

Nous n’irons pas, cela dit, jusqu’à crier au chef d’œuvre pour cet ouvrage de belle tenue, qui a toutefois le mérite de témoigner des goûts de son époque, autant pour une musique noble, efficace et raffinée que pour une intrigue respectant à la lettre les canons de la tragédie classique. Voltaire, en 1748, écrira sa propre Sémiramis. On connaît par la suite l’intérêt porté par d’autres compositeurs _ dont Rossini, par exemple _ à l’histoire de la reine de Babylone.

La distribution réunie sur ce CD est de belle qualité, même si elle ne parvient pas à susciter l’enthousiasme de l’auditeur pour l’ouvrage. La mezzo-soprano Éléonore Pancrazi (Sémiramis) est ainsi dotée d’une belle voix richement timbrée, dont la tessiture semble correspondre à celle de la créatrice du rôle, la grande Marie Antier. Le chant reste cependant trop monochrome pour évoquer les tourments d’un personnage d’une grande complexité psychologique, rongé à la fois par l’ambition et la culpabilité. Emmanuelle De Negri, dans le rôle plus conventionnel d’Amestris, montre davantage de capacités à colorer le verbe, et son soprano frais et lumineux se déploie avec bonheur dans les ariosos qui incombent à un personnage de nature essentiellement solaire.

Mathias Vidal en Arsane est lui aussi un spécialiste de ce répertoire, habitué comme il est des rôles de haute-contre à la française, et il se montre tout à fait à la hauteur de sa réputation même si son chant n’est pas entièrement exempt de quelques inflexions nasales. Du personnage central de Zoroastre, la basse Thibault de Damas propose un portrait extrêmement dramatique, et sans doute est-ce son engagement sans limite qui explique quelques petites fâcheries avec la justesse. Très belles prestations des solistes chargés des « utilités », notamment le soprano aérien de Judith Fa.

L’orchestre Les Ombres, dirigé par Sylvain Sartre, n’est pas sans quelques raideurs, mais cela est sans doute imputable à l’orchestration de Destouches qui est loin d’être parée des grâces instrumentales qui devaient quelques années plus tard être celles de Rameau. Le chœur du Concert Spirituel, en revanche, rend hommage à une écriture parfaitement maîtrisée. On se félicite en tout cas que l’ouvrage figure aujourd’hui au catalogue discographique _ certes.

André Cardinal Destouches (1672-1749) : Sémiramis, tragédie lyrique en cinq actes sur un livret de Pierre-Charles Roy.

Éléonore Pancrazi, mezzo-soprano (Sémiramis) ; Emmanuelle de Negri, soprano (Amestris) ; Mathias Vidal, haute-contre (Arsane) ; Thibault de Damas, baryton-basse (Zoroastre) ; David Witczak, baryton (L’Oracle / L’Ordonnateur des jeux funèbres) ; Judith Fa, soprano (Une Babylonienne / Une Prêtresse) ; Clément Debieuvre, haute-contre (Un Babylonien / Un Génie) ;

Chœur du Concert Spirituel (préparation du chœur : Hervé Niquet) ;

Les Ombres ; direction : Sylvain Sartre.

2 CD Château de Versailles Spectacles.

Enregistrés à l’Opéra Royal de Versailles le 4 mars 2020.

Notice de présentation en français, anglais et allemand. Durée totale : 127:38

 

Dont acte.

Ce samedi 21 août 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

Pour se repérer un peu dans le récent très riche coffret Birgit Nilsson de 31 CDs de Sony

20nov

Afin de se repérer

un peu

dans le récent très riche coffret Birgit Nilsson _ the great live recordings de 31 CDs de Sony,

ce fort bienvenu article de Resmusica, hier,

sous la plume de Pierre Degott :

BIRGIT NILSSON EN LIVE, 25 ANS DE SOMMETS LYRIQUES EN UN COFFRET


« Birgit Nilsson : the great live recordings ».

Béla Bartók (1881-1945) : Le Château de Barbe-Bleue ;

Richard Wagner (1813-1883) : Lohengrin, Tristan et Isolde (trois versions), extraits de La Walkyrie, Siegfried, Le Crépuscule des dieux et Tristan et Isolde ;

Giacomo Puccini (1858-1924) : Turandot ;

Richard Strauss (1864-1949) : Salomé, Elektra (deux versions), La Femme sans ombre.

Birgit Nilsson, soprano.

De multiples solistes dont Théo Adam, Régine Crespin, Dietrich Fischer-Dieskau, Jess Thomas, Leonie Rysanek, Astrid Varnay, Jon Vickers, Wolfgang Windgassen, etc.

Orchestre symphonique de la radio suédoise, directions : Ferenc Fricsay et Sergiu Celibidache ;

orchestre du festival de Bayreuth, direction : Hans Knappertsbusch, Eugene Jochum, Wolfgang Sawallisch et Otmar Suitner ;

orchestre du Metropolitan Opera, direction : Leopold Stokowski, Karl Böhm, Herbert von Karajan ;

orchestre du Wiener Staatsoper, direction : Karl Böhm ;

orchestre symphonique de la RAI de Rome, direction : Leonard Bernstein ;

orchestre national de l’O.R.T.F., direction : Karl Böhm ;

orchestre de l’Opéra d’État de Bavière, direction : Wolfgang Sawallisch ;

orchestre philharmonique royal de Stockholm, direction :Stig Rybrant ;

orchestre de l’Opéra de Sydney, direction : Charles Mackerras.

31 CD. Sony Classical. 88985392322.

Enregistré de 1953 à 1976.

Notice de présentation trilingue (anglais, allemand et français)


Birgit Nilsson a enchanté la scène lyrique internationale pendant près de trente-cinq ans. Cette compilation de ses plus beaux enregistrements sur le vif _ voilà _ était la meilleure façon de célébrer _ oui _ le centième anniversaire de la naissance de l’immense soprano wagnérienne.

Ce sont presque vingt-cinq de la carrière de Birgit Nilsson qui sont documentés dans ce formidable coffret, lequel propose des enregistrements sur le vif peu connus de la grande soprano dramatique. Des années de jeunesse suédoises, Sony aura retenu une intéressante version chantée en allemand du Château de Barbe-Bleue de Bartók, qui annonce déjà tout le potentiel d’une voix à la solidité et la fiabilité hors du commun. Les débuts à Bayreuth, qui remontent à l’été 1954 après que Birgit eut fêté ses trente-six ans, permettent de faire entendre une juvénile mais déjà héroïque Elsa de Lohengrin, flanquée des formidables Astrid Varnay, Hermann Uhde et Wolfgang Windgassen ; on reconnaîtra dans le rôle anecdotique du Héraut le tout jeune Dietrich Fischer-Dieskau, partenaire qui sera également une génération ans plus tard un émouvant Barak de La Femme sans ombre. La première Isolde de 1957, dans laquelle la grande Birgit presque quadragénaire était entourée des trois Wolfgang wagnériens de l’époque – Windgassen en Tristan, Sawallisch à la baguette et Wagner à la mise en scène – marque les débuts glorieux de la soprano suédoise dans un rôle où nous la retrouverons à Vienne en 1967 face à l’élégant Jess Thomas, puis à Orange en 1973 aux côtés du Tristan véritablement halluciné de l’immense Jon Vickers. La comparaison des trois versions atteste à la fois la maîtrise absolue des moyens, mais également l’accroissement de l’implication dramatique _ oui _ dans un rôle dont Nilsson était la seule véritable titulaire dans les années 1960 et 1970. On gardera néanmoins une petite préférence pour la célèbre version de Bayreuth de 1966, disponible ailleurs, qui bénéficie également de la direction de Böhm mais qui permet en outre d’entendre l’extraordinaire Brangäne de Christa Ludwig, à l’époque où la grande mezzo rêvait de s’illustrer dans le rôle-titre de l’opéra. Des incarnations de Nilsson en Brünhild, Sony permet d’entendre trois scènes finales du Crépuscule des dieux, enregistrées à près de vingt ans d’intervalle, ainsi que la fin du troisième acte de Siegfried. Pour ce rôle emblématique de la carrière de Nilsson, la pièce de résistance est fournie par la remarquable Walkyrie du Met, dans laquelle Rudolf Bing avait imposé à Karajan une Brünhild dont le chef allemand ne voulait guère ; Régine Crespin, qui avait triomphé dans le rôle à Salzbourg peu de temps avant, retrouve donc à New York la Sieglinde chère à son cœur. De la propre Sieglinde de Nilsson, le coffret propose de larges extraits enregistrés à Bayreuth en 1957 – quelques jours après la première Isolde – face au Siegmund encore ténor de Ramón Vinay. Des rôles straussiens de Nilsson, Elektra fut sans doute le plus mémorable, la perversité adolescente de Salomé ne convenant guère aux grandes sopranos wagnériennes, Gwyneth Jones et Leonie Rysanek incluses. Avec la teinturière de La Femme sans ombre, Nilsson trouva en fin de carrière un nouveau rôle entièrement à sa mesure, autant sur le plan dramatique que vocal.

Si le coffret ne privilégie pas le versant italien, non négligeable, de la carrière de Birgit Nilsson, ce dernier est néanmoins représenté par ce qui fut pour la grande soprano, avec Isolde et Brünhild, le rôle des rôles : la Turandot de Puccini. De toutes les versions disponibles sur le marché, Sony a choisi celle dirigée par Léopold Stokowski qui propose en prime le partenaire attitré de l’époque, Franco Corelli, juste après ses propres débuts retentissants au Met. À leurs côtés la délicieuse et délicate Liu d’Anna Moffo, elle aussi presque débutante. Soirée de rêve, magnifiée par un orchestre incandescent !

Si le live a souvent le défaut de mettre à nu les faiblesses des chanteurs, cela est tout le contraire pour Birgit Nilsson, à qui le studio d’enregistrement inspirait souvent une certaine froideur. Sur le vif, la vaillance légendaire de ce pur airain n’est à aucun moment prise en défaut, et si la robustesse de la quinte aiguë laisse l’auditeur pantois, ce dernier se laissera également envelopper par la richesse des nobles phrasés inspirés à la cantatrice par l’urgence et la magie de la représentation _ voilà. Nilsson était l’une des rares sopranos de l’époque à tenir, sans s’époumoner dans les aigus, la tessiture relativement grave de la Léonore de Fidelio. Les fureurs d’Elektra, les émois de Brünhild devant la naïve candeur de Siegmund, le fléchissement de Turandot au troisième de l’opéra face aux ardeurs de Calaf sont autant de moments d’exception qui marqueront à jamais la mémoire de tout amateur d’opéra qui se respecte.

L’environnement musical est de surcroit de la première qualité de bout en bout, et avec des chefs comme Karajan, Böhm, Jochum, Sawallisch et d’autres, l’auditeur sera à la fête tout au long de cet indispensable coffret. Sans doute en raison de la moindre qualité de son orchestre, Leonard Bernstein n’atteint pas dans Fidelio les sommets qu’il allait atteindre à l’Opéra de Vienne quelques années plus tard. Jochum, en revanche, est suprême dans Lohengrin, et Karajan nous gratifie, avec Crespin, Vickers et Martti Talvela, d’un des plus beaux troisièmes actes de La Walkyrie. Et quand les autres partenaires s’appellent Rysanek, Windgassen, Resnik, Theo Adam, on savoure son bonheur. Un quart de siècle de sommets lyriques en un seul coffret, cela ne se refuse pas _ en effet !

 


On ne peut que regretter l’absence,

ces vingt dernières années-ci,

de guides discographiques sérieux et complets _ je veux dire, bien sûr, assez exhaustifs… _,

pour aider un peu _ à les parcourir, lire, chercher, fouiller un peu en profondeur et derrière les fagots, au calme chez eux _ les mélomanes curieux et passionnés

à un peu _ mieux _ se repérer

de manière à la fois analytique

_ assez précise et fouillée _

et synthétique

_ à titre de quelque chose comme un premier débrousaillage qui soit à la fois relativement fiable ainsi que presque complet…

Ce mardi 20 novembre 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

Chercher sur mollat

parmi plus de 300 000 titres.

Actualité
Podcasts
Rendez-vous
Coup de cœur