Hier,
en avant-propos à la table ronde
que j’allais modérer à l’Institut Cervantes de Bordeaux, à 18 heures,
dans le cadre de la semaine d’hommages
que l’Association des Amis de Bioy Casares _ dont je suis le président _, a l’honneur de réaliser à Bordeaux,
à l’occasion du vingtième anniversaire de la mort du grand écrivain qu’a été Adolfo Bioy Casares (Buenos-Aires, 15 septembre 1914 – Buenos-Aires, 8 mars 1999),
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l’écrivain argentin Edgardo Scott (Lanus, 1978)
_ qui allait participer à cette table-ronde de « Regards croisés sur Bioy« , avec Silvia Renée Arias et Stella-Maris Acuna ;
et qui a été l’organisateur de l’hommage, à la Bibliothèque Nationale argentine, à Buenos-Aires, en 2014, à l’occasion du centième anniversaire de la naissance de Bioy _
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m’a adressé le canevas _ très remarquable, et passionnant ! _ suivant
de son intervention,
afin de m’aider à organiser ma modération à venir de cette table-ronde _ enthousiasmante _ :
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Bioy-Bordeaux
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Je serai bref. C’est quelque chose, la brièveté, que Bioy a apprécié et qu’il apprécierait sûrement ici. Citant l’écrivain polonais Witold Gombrowicz, lorsqu’il a donné une conférence en espagnol à Buenos Aires, je dirai: « mon français est un enfant balbutiant de trois ans à peine. »
Vingt ans se sont écoulés depuis la mort de Bioy, qui avait la précision et la prudence de mourir avec le vingtième siècle. Et pourtant, nous sommes ici en France, au pays de ses aînés, vingt ans plus tard, pour parler de lui et de ses livres. Le contexte idéal pour un conte fantastique.
Comme vingt ans se sont écoulés depuis sa mort et que j’ai dit que cela allait être bref, je vais réduire à dix le nombre de points sur lesquels je concentre mon regard, ce regard, partiel, sur Bioy.
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1. La première chose est que bien que, comme je l’ai dit, Bioy soit mort avec le XX siècle, en 1999, il est l’auteur du meilleur livre publié par la littérature argentine au cours de ce siècle, au cours de ces deux premières décennies. C’est le livre qui regroupe ses quatre décennies de conversations avec Borges, tel que nous le connaissons, le Borges de Bioy. Ce livre a été publié à titre posthume en 2006, il compte 1664 pages et est, comme je l’ai dit, le meilleur livre qui ait donné à la littérature argentine au cours de ce siècle. Bioy devient donc un auteur non seulement contemporain, mais actuel. Et ce n’est vraiment pas un livre sur Borges. C’est un livre sur la littérature et l’amitié. Ou sur l’amitié et la littérature.
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2. Que signifie écrire à l’ombre de Borges? Ou plutôt, que signifie écrire dans l’ombre d’un autre? Il est toujours considéré comme une honte, un avatar malheureux et pitoyable. Dommage, dirions-nous, déplorant le destin de Bioy d’avoir écrit et publié à l’ombre de Borges. Le premier qui a toujours écarté cette interprétation était Bioy lui-même, qui ne le regrettait jamais, bien au contraire. Et en vérité, nous oublions qu’écrire à l’ombre, c’est écrire dans la pénombre, peut-être dans l’obscurité, écrire derrière certaines lumières qui peuvent aveugler ou confondre le regard. Eloge de l’ombre, a écrit Tanizaki. Ils disent que Macedonio Fernández a écrit à la main dans un placard, et avec une bougie. Écrire à l’ombre, c’est écrire presque en cachette, en résistance. Bioy est consciente de cette situation et en a tiré pleinement parti.
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3. Comme je l’ai dit, vous devez penser et juger Bioy en tant qu’auteur actuel. Et en tant que tel, il est un auteur diversifié, complexe et sophistiqué. Ce n’est pas l’auteur de la marque déposée. Que serait un auteur de marque déposée? L’auteur de la marque déposée serait l’auteur qui est toujours le même. Cela se répète dans tout son travail, parfois toute sa vie, avec la même voix, généralement avec les mêmes obsessions sacrées, et qui construit, comme on dit, un monde reconnaissable. Bioy n’est pas cet auteur. Je le répète, Bioy n’est pas cet auteur. Et c’est là une autre des conditions qui font de lui un auteur de ce siècle également.
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4. Parce que, après tout, que serait un auteur de ce siècle? En principe, ne soyez pas un auteur du siècle dernier. Ne pas être un auteur du vingtième siècle. Ou seulement du vingtième siècle. Et cela n’a rien à voir avec Internet ou avec une utilisation particulière des nouvelles technologies, ni avec la promotion sur Instagram ou l’un des réseaux sociaux.
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5. Être un auteur du XXIe siècle et ne pas être un auteur du XXe siècle est, peut-être avant tout, et à la lumière du nouveau siècle, aller au-delà de l’idéologie. Pas la politique mais l’idéologie, la couche la plus superficielle de la politique, la surface la plus trompeuse de la politique. Bioy a écrit « Personne n’aime les gens autant que leurs haines« . L’idéologie est une variation de la haine ou, citant un illustre Français du XXe siècle, une passion inutile. Ce qui compte, c’est le style de l’auteur, c’est-à-dire la position. La position d’un auteur. S’il existe un trait qui définit le travail de Bioy, c’est bien l’intelligence. La lucidité Une lucidité extrême.
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6. Hier soir j’ai vu une interview de Bioy que je n’avais jamais vue. Contrairement à d’autres écrivains, et comme ce qui se passe dans ses livres, il n’est pas seulement fascinant de l’écouter à nouveau, c’est toujours nouveau, c’est toujours une nouveauté. Il y a toujours quelque chose d’autre. Dans cette interview, il a dit à un moment donné: « Nous sommes tous des héros, car nous devons passer par la mort« . Il le dit sans solennité et souriant avec son intelligence courtoise. En tant que messager ou médium qui ne peut éviter ce destin.
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7. Cette insistance de la mort dans l’œuvre de Bioy fait que le fantastique possède un drame particulier. Car ce qui est fantastique sera avant tout la possibilité d’éviter la mort. Dans L’Invention de Morel, dans Dormir au soleil, dans Le rêve des héros et dans tant d’histoires, l’apparition du fantastique est l’apparition de la magie ou du plus grand miracle: éviter la mort. Comme son admiré Stendhal, Bioy voyais dans la mort la plus grande cruauté et incompréhension. Mort et chagrin.
8. J’ai dit que j´allais être court et que je le serai encore plus. Une fois encore, je sens que Bioy le remercie. Au lieu de dix points, ce sera finalement huit. J’ai aussi parlé de l’ombre de Borges. Àpres avoir réfléchi, il n’y a pas d’ombre. Il y a des conditions de lecture. Borges est une condition pour lire le travail de Bioy, mais comme Bioy lest pour Borges ou Silvina. Finalement, Bioy ne voulait pas être immortel mais vivre un peu plus longtemps. Cent vingt, cent trente ans semblaient être un meilleur chiffre, plus raisonnable. Mais ce que je lis dans cette occurrence, c’est vivre plus. Vivre plus. C’est ce que la littérature permet. C’est ce que sa littérature permet.
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Mesa miradas cruzadas
Bioy siglo XXI o Bioy está vivo.
Voy a ser breve. Es algo que Bioy valoraba y de seguro agradecería. Además, citando al escritor polaco Witold Gombrowicz, cuando dio una conferencia en Buenos Aires en español, yo diré: mi francés es un niño balbuceante de apenas tres años.
Han pasado veinte años de la muerte de Bioy, que tuvo la precisión y la precaución de morir junto con el siglo XX. Y sin embargo estamos aquí en Francia, en la tierra de sus mayores, veinte años después, hablando de él y de sus libros. El trasfondo perfecto de un cuento fantástico.
Como son veinte años los de su muerte y dije que iba a ser breve, voy a reducir a diez los puntos en los que concentro mi mirada, esta mirada, parcial, sobre Bioy.
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1.Lo primero es que a pesar de que Bioy, como dije, murió con el siglo en 1999, es el autor del mejor libro publicado por la literatura argentina en este siglo, durante estas primeras dos décadas. Es el libro que reune sus cuatro décadas de conversaciones con Borges, como lo conocemos nosotros, el Borges de Bioy. Ese libro fue publicado en forma póstuma en 2006, tiene 1664 páginas, y es, como dije, el mejor libro que ha dado la literatura argentina en este siglo. Por lo tanto, Bioy se transforma en un autor no solo contemporáneo sino actual. Y en verdad no es un libro sobre Borges. Es un libro sobre la literatura y la amistad. O sobre la amistad y la literatura.
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2.¿Qué significa escribir a la sombra de Borges? O mejor dicho, ¿qué significa escribir a la sombra de otro? Se lo piensa siempre como una desgracia, como un avatar lamentable, penoso. Una lástima, diríamos nosotros, lamentándonos de la suerte de Bioy, por haber escrito y publicado a la sombra de Borges. El primero que siempre ha desestimado esta interpretación fue el propio Bioy, que nunca lamentó eso, por el contrario. Y en verdage, olvidamos que escribir a la sombra es escribir entonces en la penumbra, acaso en la oscuridad, escribir a resguardo de ciertas luces que pueden cegar o confundir la mirada. Elogio de la sombra, ha escrito Tanizaki. Dicen que Macedonio Fernández escribía adentro de un placard a mano, por supuesto, y con una vela. Escribir a la sombra es entonces escribir casi en la clandestinidad, en la resistencia. Bioy ha sido consciente de esa condición y la ha aprovechado al máximo.
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3.Como dije, hay que pensar y juzgar a Bioy como un autor actual. Y como tal es un autor diverso, complejo, sofisticado. No es el autor-marca registrada. ¿Qué sería un autor-marca registrada? El autor-marca registrada sería el autor que es siempre igual. Que se repite a lo largo de toda su obra, a veces toda su vida, con una misma voz, por lo general con las mismas y sagradas obsesiones, y que arma, como suele decirse también, un mundo reconocible. Bioy no es ese autor. Lo digo de nuevo, Bioy no es ese autor. Y esa es otra de las condiciones que lo vuelven un autor también de este siglo.
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4.Porque a fin de cuentas, ¿qué sería ser un autor de este siglo? En principio, no ser un autor del siglo pasado. No ser un autor del siglo XX. O sólo del siglo XX. Y eso no tiene que ver con Internet ni con un uso particular de las nuevas tecnologías, ni con promocionarse en Instagram o en cualquiera de las redes sociales.
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5.Ser un autor del siglo XXI y no ser un autor del siglo XX es, tal vez ante todo, y a la luz del nuevo siglo, superar la ideología. No la política sino la ideología, la capa más superficial de la política, la superficie más engañosa de la política. Bioy escribió « A nadie quiere tanto la gente como a sus odios ». La ideología es una variación del odio o, citando a un francés ilustre del siglo XX, una pasión inútil. Lo que importa es el estilo de un autor, esto es, la posición. La posición de un autor. Si hay un rasgo que define a la obra de Bioy es, sin dudas, la inteligencia. La lucidez. Una lucidez extrema.
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6.Anoche vi una entrevista de Bioy que no había visto. A diferencia de otros escritores, y al igual que lo que sucede con sus libros, no solo siempre es fascinante volver a escucharlo, siempre es novedoso, siempre es nuevo. Siempre hay algo más u otra cosa. En esa entrevista dice en un momento, « todos somos héroes, porque tenemos que pasar por la muerte ». Lo dice sin solemnidad y sonriendo con su bondadosa inteligencia. Como un mensajero o un medium que no puede eludir esa suerte.
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7.Esa insistencia de la muerte en la obra de Bioy hace que lo fantástico posea un particular dramatismo. Porque lo fantástico será, sobre todo, la posibilidad de evitar la muerte. En La invención de Morel, en Dormir al sol, en El sueño de los héroes, y en tantos cuentos, la aparición de lo fantástico es la aparición de la magia o el milagro mayor: la evitación de la muerte. Como a su admirado Stendhal, Bioy veía en la muerte la mayor crueldad e incomprensión. La muerte y el desamor.
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Un texte passionnant
et profond ;
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une excellente base pour nos échanges à l’Institut Cervantes hier soir.
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Ce mercredi 9 octobre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa
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Post-scriptum :
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Le Borges de Bioy _ soient les pages présentant le nom de Borges extraites (par Daniel Martino) du Journal complet de Bioy _ n’a pas été traduit en français.
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Honte à l’édition française !
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