Quand le roi est nu _ comment classer les livres ? au rayon « Poésie » ?..

— Ecrit le vendredi 3 octobre 2008 dans la rubriqueHistoire, Littératures, Philo”.

Sur « Nous étions voués à souffrir de ce savoir ainsi (Carnets de Pietrasanta) » de Jean-Paul Michel _ aux Éditions La Cabane.

Un épatant et salubre (tout) petit livre par la taille (d’à peine plus de huit pages), sur la situation (de grande urgence) de notre présent, et de ses « valeurs » à l’envers, ainsi que les mensonges « en batteries » (médiatiques pour commencer) qui les accompagnent, et les « authentifient »…

L’ayant reçu au courrier, avec une dédicace amicale, je le lis ;

et m’en réjouis fort : enfin des vérités énoncées sans façon sur les impostures qui règnent ! et mettent tout « à l’envers », jusqu’au sens même des vies…

Et de passage à la librairie Mollat,

j’en parle _ pour le conseiller vivement ! _ au rayon « Philosophie et Sciences Humaines ».

Ils ne l’ont pas à ce « rayon » ;

mais en recherchant (un peu _ et très vite) sur l’archivage-classement (méthodique) de l’ordinateur,

nous découvrons où se niche l’oiseau rare :

au rayon « Poésie » _ conformément à ce qu’implique _ m’est-il dit, et dans les deux rayons (Merci Isabelle ! Merci Olivier !) _ la production jusqu’ici de cette maison d’édition (La Cabane).

Et de fait, sur la quatrième de couverture, se lit : « La poésie qui vaut

est le point le plus haut de l’objectivité de la vérité : elle est, en acte, la dernière Justice. Sa solitude est une force, qu’aucune machine ne pourra réduire. Le temps est venu de prendre au sérieux la sublime Préface à un livre futur. Hölderlin : « habiter en poète ». Rimbaud : « La charité est cette clé ». » Fin de citation de cette quatrième de couverture.

Je ne suis pas sûr que cet extrait (emprunté à la page huit) soit le passage le plus significatif,

le plus fort,

le plus urgent de ce cri tout entier d’urgence qu’est ce petit livre de Jean-Paul Michel ;

qui m’a semblé

_ par sa vérité ! toute simple : celle de l’enfant dans « les habits neufs du roi » du conte d’Andersen _

de première nécessité

face aux mensonges des micros (obligeamment tendus vers)

et caméras (obséquieusement tournées) vers les complices _ sinon, directement, les auteurs, même _ des « barbaries » et des « crimes »

que « couvre » quotidiennement,

dans toute leur échelle de « gravité »,

la « société de l’information » (ligne 3).

Voici l’accroche, page 5, je cite

en re-mettant en page à ma façon _ et pas à celle de Jean-Paul Michel _ ce qui dans l’original tout simplement (et classiquement prosaïquement) se tient :

« Nous sombrons sur les radeaux d' »évidences économiques »,

de méprises

fatales quant à l’autre

et de ressentiments.

Dans la transparente « société de l’information », aucune ignorance n’est plus possible touchant les barbaries et les crimes. Les vieux espoirs sèchent. C’est demain.

La patience des peuples _ en face,

dirais-je, pour ma part, si je puis me le permettre ici _

est admirable. Inimaginable leur capacité de souffrir,

de s’adapter au pire,

de ruser une dernière fois.

Heureusement le football donne un Objet aux Héros suburbains !

La vie se découvre Jeu !

Le sérieux des entreprises, Jeu !

Les faux-semblants de la politique, désespoir et Jeu !

_ Bien peu, pourtant à en tirer la juste conséquence. On voudrait que nous médisions des Arts !

Que nous renoncions à parier une autre fois sur quelques formules de beauté et de joie très hautes. 

Quelles fautes logiques !

Les télévisions du village mondial

ont déjà vendu la mèche. Le social télévisé ? La niaiserie et l’Enfermement modernes.
_ Un tour nouveau est promis aux conflits de pouvoir : la lutte
pour les écrans. »
Fin de cette « première intervention »…


Plus loin, en « picorant » :

« Rien ne résistera sinon l’idée d’une dignité. Les gangs s’entre-déchirent déjà férocement. Ils recourent à tous les moyens de chantage et d’extorsion, montent des guet-apens, téléguident des attentats, des assassinats, des terreurs. L’anonymat leur est naturel. Ils pervertissent les signes

_ comme Orwell le dégageait si souverainement en 1948, en son lucidissime « 1984« …

Les langages doivent être ré-éprouvés. Les mots finissent par se contredire.
Les assassins prétendent dire le droit ;

les criminels parler au nom de la justice ;

les lâches, par le nombre, faire Loi.

« Ré-éprouver«  étant l’affaire de l’artiste,

comme, déjà, de quiconque, en parlant,

« crée » (ou « re-crée ») sa phrase

_ ainsi que nous l’apprend Noam Chomsky…

« Honneur des hommes ! Saint langage !« ,

clame aussi le grand Paul Valéry !

Toutes les vieilles certitudes humaines sont menacées _ en effet ! _,

le vieil honneur humain _ oui !

Les écrans sont des indices sûrs de fragilité

et d’inexistence ;

la télévision _ encore sa presque omniprésence au cœur de ce qui reste de « foyers » (dé-composés !) _,

un trou noir qui détruit toute particule de réalité qui l’approche.

Nous n’en pouvons plus des abandons, des désertions, des renoncements _ c’est tout à fait cela !

Voilà que les écrivains se battraient maintenant pour qu’on les filme ! »

Et un tout petit peu plus loin :

« Jetterions-nous l’interdit sur de si folles folies

_ « Ulysse & Achille, Héraclite, Empédocle, Socrate, Augustin, Spinoza » viennent d’être « cités »… _

au nom d’un peu de « réalisme » ? Nous voilà saisis par la noria des ambitions ordinaires.

Les métiers. Les bénéfices. Les convoitises _ ces douleurs qui n’auront su se convertir, travestir, renier,

incapables d’aller à

la transfiguration

qui les eût sauvées !

L’enfer est ici très proche _ Ces souffrances fermées sur elles-mêmes

_ narcissiquement auto-complaisantes _, partout !

Cette canaillerie intéressée qui triomphe dans toutes les classes !

Ces méchancetés !

Ces mensonges, à chaque instant, pour survivre !

Se composer un visage tolérable ? Comme le masque est alors un aveu ! »

Et :

« L’ambition va rarement avec l’honneur, le désintéressement, l’apothéose d’une belle fin.
Tout ce qui vit

ne veut que survivre. C’est cela, l’Enfer.
Durer encore un peu dans l’inexistence
_ parfaitement ! quelle justesse de précision de formulation !

La vertu appelle la haine plus sûrement que le crime. Le crime _ lui _ rassure.
Le désintéressement blesse insupportablement le vouloir-vivre ordinaire

_ sans « noircir le tableau« , précise Jean-Paul Michel lui-même (page 8).

Qu’est, alors, ce « savoir ainsi »,

repris dans le _ et pour faire office de _  titre :

« Nous étions voués à souffrir de ce savoir ainsi«  ?

La réponse vient promptement pages 10 et 11 :

« La politique vise trop bas. Le « réalisme » qui soutient les partis les condamne à la répétition et l’ornière

_ faute d’assez de « champ », pour l' »élan »…

Ils se piétinent l’un l’autre.

Ouvrir le champ

_ car tel l’acte poïétique (= artistique) _ ;

ouvrir le champ est magie

_ opérante.

Le réel est de notre côté » :

voici la vérité

à toujours plus sonorement _ glorieusement ! _ faire rayonner,

à grand rire joyeux de gorge déployée,

clair et tranquille !..

en des œuvres…

Le texte très précis met les points sur les i (page 11) :

« Les artistes seuls de ces derniers siècles ont pressenti la vérité

touchant ce que pourraient

des hommes.

Le grand nombre, pressé d’aller aux fatalités du petit sérieux, les a considérés comme

des exceptions pittoresques

quand il fallait les regarder comme

le vrai en acte

_ absolument ! en son « ouvrance » :

soit la misère avaricieuse du « pittoresque »

(tout juste bon pour les week-ends, les loisirs : la vacance !..)

versus la générosité splendidement pleine du « vrai en acte« 

d’une vie vraiment _ en vérité ! _ humaine…

Là-dessus, sur l' »ouvrance »

_ afin d’ouvrir (tout) ce qui nous est (en soi, ou par d’autres ; en nous, comme devant nous) fermé ;

ce dont sont bien incapables (!) les seuls « gestionnaires de moyens » (= technocrates, à leurs calculettes d’économistes si contents et fiers d’être si opérationnellement « rationnels »…)

monopolisant aujourd’hui, en « tenant » le haut du pavé médiatique, les pouvoirs (sociétaux), dont, d’abord, celui des cordons de la bourse, l’argent,

tellement aveugles sur les fins, premières comme dernières, qu’ils sont, ces techniciens (non artistes) technocrates _ ;

sur l' »ouvrance », donc,

lire aussi,

outre la si puissante (actualisante : sub specie æternitatis) « Éthique » de Spinoza,

« La joie spacieuse _ essai sur la dilatation » de Jean-Louis Chrétien…

Fin de l’ouverture bibliographique.

Tel est donc cet « ainsi » du savoir vrai, non menteur et désintéressé _ sinon de l' »essentiel », du « fondateur » ! _, des artistes,

sur lequel pointe l’expression du titre de cet ouvrage important de Jean-Paul Michel.

« Ce qui demeure, les poètes le fondent« ,

rappelait, en sa solitude (à saules) de la rive (herbeuse) du Neckar, à Tübingen,

en sa parole, Hölderlin…

C’est ni plus ni moins que du langage de la vérité quant au réel

(qui est nôtre ;

et que nous « partageons », tous)

qu’il s’agit donc bien ici, en ce beau livre ;

et pas de quelque « poésie »

à (pittoresquement) « placardiser »…


D’où la difficulté, certes, de « classer » les livres,

que ce soit parmi les divers rayons d’une (grande) librairie ;

ou que ce soit

en sa propre bibliothèque (personnelle) ;

en évitant si possible les « placards »

Un tel livre

_ que ce « Nous étions voués à souffrir de ce savoir ainsi (Carnets de Pietrasanta) » de Jean-Paul Michel _

ne doit en aucune façon être « placardisé », me semble-t-il…

Là-dessus _ rangements, « placards » _,

parmi de récentes parutions,

lire :

Jacques Bonnet : « Des bibliothèques pleines de fantômes » , aux Éditions Denoël ;

Enis Batur : « D’une bibliothèque l’autre« , aux Éditions Bleu autour ;

et, pour une autre façon de « régler » (!) la question :

George Steiner : « Ceux qui brûlent les livres« , aux Carnets de L’Herne…

Soit, en tout cela, encore et toujours, in fine,

une question de « style »

Titus Curiosus, ce 3 octobre 2008

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