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Vu sur Arte « Secrets et mensonges » de Mike Leigh (1996) : un chef d’oeuvre d’humanité !

11juin

Il y a déjà quelques jours, mon épouse a regardé sur la chaîne Arte le film « Secrets et mensonges » de Mike Leigh (en 1996),

dont elle est sortie, le film terminé, venir me dire _ larmes aux yeux _ qu’elle n’avait jamais vu un si beau film de sa vie…

Ce lundi 12 juin,

alors que j’achevais à mon bureau ma toute première lecture de l’admirable « Les Airs de famille : une philosophie des affinités » (paru aux Éditions Gallimard au mois de janvier 2012) de François Noudelmann _ cf la vidéo (de 9′ 26) de la lumineuse présentation de ce livre par François Noudelmann pour la librairie Mollat, en date du 5 juin 2012 _,

mon épouse vient me prévenir que le film de Mike Leigh repasse cet après-midi même sur la chaîne Arte, à la télévision _ en voici la bande-annonce (de 1′ 48) ; une brève présentation de quelques séquences représentatives du film (en 3′)) ; ainsi que les multiples occurrences de « sweetheart » (en 2′ 44)…

Je viens donc le regarder à mon tour, toujours, donc, sur Arte ;

et à mon tour je ressors de sa vision en larmes _ de bonheur !!!

Quel admirable portrait d’humanité !

Ce lundi 12 juin 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Denis Diderot (1713 – 1784), entre Marivaux (1688 – 1763) et Laclos (1740 – 1803) ou Sade (1740 – 1814) : la verve grave de l’inspiration (« Jacques le fataliste ») du magnifiquement justissime « Mademoiselle de Joncquières » (2018) du grand Emmanuel Mouret

01jan

Les visions successives du DVD du film « Mademoiselle de Jonquières » (de 2018) d’Emmanuel Mouret

m’ont plus que ravi : enchanté !

Par rapport à la pétulante veine disons marivaldienne de la plupart des précédents films d’Emmanuel Mouret,

celui-ci,

librement inspiré du récit concernant Madame de la Pommeraye, un des récits annexes présents au sein du virtuose « Jacques le fataliste et son maître » _ publié en son intégralité, en traduction allemande, en 1792 ; et en l’original français, en 1796 _ de Denis Diderot (Langres, 5 octobre 1713 – Paris, 31 juillet 1784),

présente une veine tout aussi jubilatoirement alerte mais un soupçon plus grave _ on pourrait même ajouter philosophique, mais à mille lieues du moindre didactisme sentencieux ! ; car nous sommes bien là dans la verve étincelante des éblouissantes « Lettres à Sophie Volland » du cher Denis Diderot : le plus fin, juste et subtil de tous les philosophes français des Lumières… _ ;

une veine qui n’est ni celle du génie de notre très cher Marivaux (Paris, 4 février 1688 – Paris, 12 février 1763),

ni celle du superbe et très marquant Choderlos de Laclos (Amiens, 18 octobre 1740 – Tarente, 18 septembre 1803) _ dont « Les Liaisons dangereuses«  paraissent à Paris le 23 avril 1782, un peu plus de 2 ans avant le décès de Diderot, le 31 juillet 1784 _,

ni, non plus celle de Donatien-Alphonse-François de Sade (Paris 2 juin 1740 – Charenton, 2 décembre 1814)… 

En ce siècle des Lumières français,

Denis Diderot (1713 – 1784) est donc exactement de la génération intermédiaire entre celle de Marivaux (1688 – 1763), et celle de Laclos (1740 – 1803) et Sade (1740 – 1814)…

À un moment-clé, donc, de ces Lumières françaises, qui vont mener, aussi, au sanglant épisode de l’effarant impérialisme _ bien moins fin, bien moins subtil, et surtout bien moins juste _ de la vertu sous la Terreur robespierriste…

« Modération, modération« , prononce le passionné mais sage, au final, marquis des Arcis _ comme une esquisse d’auto-portrait de Diderot lui-même… _

dans ce fin, subtil, juste, et très réjouissant film « Mademoiselle de Jonquières » du brillantissime, toujours, Emmanuel Mouret, plus que jamais expert ici en ce très fin et délicat rendu cinématographique _ un subtilissime art du vibrant ballet des infra-postures, des micro-traits des visages, des paroles, qu’elles soient effectivement prononcées ou bien tues et masquées, gardées pour soi ; et surtout de l’éloquence des silences saisis, oui, en l’éclair d’à peine un quart de seconde, à l’image du film : ainsi de la brévissime déglutition finale de Madame de La Pommeray souriant (mais jaune…) à l’ultime image du film, contredisant ce que celle-ci vient juste, mensongèrement, à soi-même ; mais s’en abuse-t-elle ? probablement même pas…, d’énoncer à sa confidente, témoin et amie (mais pas complice)…_ du bien difficile et périlleux, sans blesser, « art d’aimer« …

Voir ici les 2′ de la bande-annonce du film,

même si celle-ci, loin de mettre le focus sur ce qui est l’essentiel tant pour Denis Diderot que pour Emmanuel Mouret, égare un peu le cinéphile _ comme le philosophe…

Bravo !

et infiniment merci à Emmanuel Mouret pour ce merveilleux travail d’adaptation cinématographique du subtil chef d’œuvre de Diderot !!

Ce dimanche 1er janvier 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

« Une recherche injuste  » : un échange de courriels en réponse à l’envoi de mon article « A propos de notre cousin argentin Adolfo Bioy Casares (1914 – 1999) et de sa descendance : « Bioy Casares, l’homme qui aimait les femmes »… »

25juil

Voici une réponse qui n’a pas manqué de me surprendre, suite à l’envoi à quelques parents et amis s’intéressant d’un peu près à Adolfo Bioy Casares, de mon article du 21 juillet dernier : .

Il s’agit là de la réponse d’une amie universitaire émérite, et éminente connaisseuse de l’œuvre de Bioy,

à ce courriel mien de présentation de mon article, que, pour commencer, voici :

« La question que m’a adressée hier soir mon cousin toulousain Bioy à propos de l’identité de la mère de Marta Bioy, m’a fait revenir au dossier de la naissance de celle-ci, le 8 juillet 1954.


Où Marta Bioy est-elle née ? À New-York ? En Suisse ? À Pau ? À Paris ?.. Là-dessus, les pistes sont bien brouillées…
Et les témoignages des fils du Dr Edouard Bioy, palois, n’arrangent rien à cette élucidation…
Adolfito était, il est vrai, un expert en mirages…
Voici donc l’article que je viens d’en tirer :
À suivre…« 

Et voici maintenant la réponse un peu surprenante :

« Je pense que les cousins français n’ont aucune information sur cette naissance et que leur vision de Bioy, comme tous les souvenirs personnels, n’est pas disons « historique » . Bioy lui-même avait refusé de répondre et à _ son fils adultérin _ Fabiàn _ né à Buenos Aires le 15 août 1963 _ et à ma chère amie Noemi ULLA _ Santa Fé, 1940 – Buenos Aires, 22 mai 2016. Silvina _ Ocampo, l’épouse de Bioy : leur mariage a eu lieu à Las Flores le 15 janvier 1940 _ avait élevé cette fille _ Marta Bioy _ née d’une liaison d’Adolfo ou d’une naissance « impure » comme on disait autrefois dans la famille Ocampo.
 Personnellement j’admets parfaitement cette recherche, mais je la trouve disons injuste, car toute famille a droit à ses secrets.
Fabiàn m’a dit n’avoir jamais compris que Bioy était son père, et que cela le rasait profondément d’avoir à répondre aux questions de cet ami de la famille qui tous les vendredis téléphonait pour lui demander ce qu’il avait étudié, si le latin marchait, etc ; et c’est un copain qui lui a dit : « Mais tu ne comprends pas que Bioy est ton père« …
Dans une de mes familles amies, un beau jour l’ami de la famille, petit industriel aux belles Jaguar, s’est révélé l’amant de la mère depuis de longues années, et a « enlevé » cette dernière à son mari et à ses enfants parce qu’il était veuf sans enfants depuis huit jours.
Alors par pitié, vous saurez tout aux Enfers antiques ou dantesques, mais ne nous jouez pas les Pandore.
La vérité, quelle farce ! » 

À méditer…

Un écrivain qui laisse un énorme Journal posthume, ou des Mémoires,

et pas seulement des récits de fiction,

est un auteur qui se livre peu ou prou au public.

Et qui doit forcément s’attendre à ce qu’existent bientôt des recherches posthumes sur ce qu’il a raconté et publié de lui…

La famille d’un tel écrivain n’est pas tout à fait dans la situation de la plupart des familles…

Surtout vingt ans après le décès de l’écrivain _ lui-même fils unique _,

25 ans après le décès de sa fille Marta,

et 15 ans après le décès de son fils Fabiàn _ décédé sans descendance…

Quant aux trois enfants de sa fille _ Florencio Basavilbaso Bioy, Victoria Basavilbaso Bioy et Lucila Frank Bioy _,

ils demeuraient en liens suivis avec la mère naturelle de leur mère : il n’y avait donc pas là de secret pour eux…

Ce dimanche 25 juillet 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

A propos de notre cousin argentin Adolfo Bioy Casares (1914 – 1999) et de sa descendance : « Bioy Casares, l’homme qui aimait les femmes »

21juil

Suite à une question, hier soir, de mon cousin Bioy de Toulouse,

à propos de la question de l’identité problématique de la mère de Marta Bioy Ocampo (New-York, 8 juillet 1954 – Buenos Aires, 4 janvier 1994),

et en complément de mon courriel du 8 septembre 2021 :

« J’en apprends pas mal en lisant la biographie de Silvina Ocampo par Mariana Enriquez La Hermana menor :

ainsi, page 86,
c’est à Pau _ la ville où est domicilié le cousin le Dr Edouard Bioy (Buenos Aires, 18 mai 1908 – Pau, 23 novembre 1999) _, en septembre 1954, qu’Adolfito et Silvina prirent en charge _ sic _ la petite Marta,
née le 8 juillet précédent, à New-York, semble-t-il, du moins officiellement ; mais très vite les choses se passent à Paris, cet été-là 1954.
 
La mère biologique de Marta, Maria Teresa von der Lahr _ peut-être vit-elle encore, à Bogota… _,
qui épousera ensuite le colombien Alfonso de Narvaez (décédé à Bogota le 4 juillet 2010 ; sa veuve lui survit ; j’ignore sa date de naissance…),
allaite l’enfant.
 
De même qu’elle va s’en occuper assez longtemps, quand ils seront _ Adolfito, Silvina et la petite Marta _ de retour, tous, à Buenos Aires,
ainsi qu’en témoigne Jovita Iglesias, pages 86-87 de _ l’indispensable _ Los Bioy.
 
Tout cela est passionnant !« ,

je viens de découvrir, ce mati,  cet article assez récent (de l’argentin real politik du 3 mai 2020) : Bioy Casares, el hombre que amaba a las mujeres

3 DE MAYO DE 2020 | CULTURA

Perfil de un escritor

Bioy Casares, el hombre que amaba a las mujeres

Hará una treintena de años, escuché o leí una anécdota, probablemente falsa, relacionada a Adolfo Bioy Casares, y que resume mejor que ninguna otra el donjuanismo inolvidable y el espíritu de sutileza _ les deux ! _ del autor de “Guirnaldas con amores”.

por:
Juan Basterra

La anécdota en cuestión -una anécdota al uso de Casanova-, era la siguiente : Bioy había decidido concluir tres relaciones amorosas paralelas _ voilà ! _ con mujeres de la alta sociedad porteña, amigas entre sí. El escritor era un hombre casado -esto era conocido de todos- y las mujeres pertenecían al mismo grupo de relaciones que la mujer de Bioy, la escritora y pintora  Silvina Ocampo.

Silvina estaba informada perfectamente de la triple aventura de su marido, y Bioy se sentía mortificado. El asunto merecía un examen : las tardes compartidas en la vastedad del gran salón con  ventana a la plaza San Martín de Tours  no eran sencillas, y Bioy, que era un hombre compasivo a su manera, sentía vergüenza de esa suerte de promiscuidad elegante y del destino ingrato al que condenaba a sus amigas. Las tres mujeres fueron invitadas entonces, telefónicamente, a una conversación importante en el café “La biela”, a pocos metros del departamento de dos pisos que Bioy y Silvina compartían en la calle Posadas. El escritor no acudiría nunca a la cita, pero las mujeres, que coincidirían a la entrada del café a las 17.00 en punto –dando muestras de la   puntualidad proverbial que su encantador amigo les había enseñado- coincidirían también en algo mucho más importante  y que delataría la presencia del amante ausente : todas ellas pedirían té sin limón, una costumbre que Bioy había adquirido en sus mocedades europeas. Las tres amigas no pudieron evitar mentar el origen de esa delicada costumbre, y así, cada una de ellas, supo de la existencia de Bioy en la vida de las otras.

Algunos años después de esta aventura, Bioy, que había sido también amante durante mucho tiempo de una de las sobrinas de Silvina Ocampo, Silvia Angélica García Victorica, fue padre de Marta Bioy, una niña nacida el 8 de julio de 1954, en Pau, Francia _ et pas New-York ? En tout cas, mes cousins palois n’ont jamais rien su de cette prétendue naissance paloise de Marta Bioy… : cf ce mot de l’un d’eux, par retour de courriel à mon mail du 8 septembre 2018 : « je suis étonné par cette affirmation de « prise en charge à Pau », son cousin Edouard  a toujours évoqué le sujet en disant, c’est vrai, qu’à la suite de leur voyage en Europe, ils sont revenus en Argentine avec Marta ( créant le doute car ils ne parlèrent pas d’adoption à l’époque) et l’enfant aurait été ramenée de Suisse. Voilà la version paloise!« …  _, y cuya madre biológica era la argentina María Teresa von der Lahr. Bioy y Silvina adoptaron a la niña unos meses después _ où et quand précisément ? Cela est forcément très vague… _ y volvieron con ella a Buenos Aires. Silvina nunca reprochó a Bioy el enorme desliz del que fuera responsable, y amó a esa hija adoptiva como a la más amada de las hijas que la vida no pudo darle. Para la época del nacimiento de Marta Bioy, su padre tenía casi cuarenta años, y Silvina, apreciablemente mayor, cincuenta.

Nueve años después del nacimiento de su hija Marta, Bioy fue padre _ en 1963 _ de un niño, Fabián, concebido en una relación clandestina con una mujer casada, Sara Josefina Demaría Madero. Bioy reconocería a su hijo muchos años después y viajaría frecuentemente con él a Europa. A la muerte de Bioy, el hijo actuaría como albacea testamentario y organizaría el enorme material bibliográfico relacionado a su padre. Los dos hijos habidos de relaciones extramatrimoniales fueron acaso  el símbolo perfecto de ese amante prolífico que alguna vez declararía: “Las mujeres fueron esenciales en mi vida. Es cierto, caramba, no me porté del todo bien con todas, pero siempre he querido pensar que a mi lado han sido felices”.

Pero Bioy no fue solamente un seductor empedernido ; fue, también, hay que decirlo, un amante desdichado. En el verano del año 1950 conoció a Elena Garro, esposa de Octavio Paz, en una gala efectuada en el fastuoso hotel “George V” de París. Bioy tenía treinta y cuatro años y Garro treinta y dos. El flechazo fue inmediato, porque Bioy, en esa época, era una suerte de Adonis criollo _ oui _, además de inteligente y muy rico, y Elena, una joven hermosa, liberal y sumamente original en sus elecciones vestimentarias. Bioy se enamoró de Elena, y la relación estuvo sujeta a los vaivenes de las vidas matrimoniales de los dos. El epistolario publicado pocos meses antes de la muerte de Bioy es un testimonio desgarrador de las inconstancias y los desencuentros en los asuntos de Cupido, y nos permite advertir claramente la particular falta de sincronía entre los deseos y las realizaciones concretas en la vida de casi todos  los seres. Poco tiempo después de su segundo encuentro, en la primavera parisina de 1951, Bioy escribe: “Mi querida, aquí estoy recorriendo desorientado las tristes galerías del barco… Sin embargo, te quiero más que a nadie. Desconsolado, visito de vez en vez tu fotografía. Has poblado tanto mi vida en estos tiempos que si cierro los ojos y no pienso en nada aparecen tu imagen y tu voz… Debo resignarme a conjugar el verbo amar, a repetir por milésima vez que nunca quise a nadie como te quiero a ti, que te admiro, que te respeto, que me gustas, que me diviertes, que me emocionas, que te adoro….”. Un poco después, en una carta fechada el 5 de noviembre, declara: “…A mi vuelta me encontré con tus cartas del 26 y 27 de octubre: las más cariñosas que me has mandado desde hace tiempo. Tal vez te di lástima con mi tristeza…”.

El cazador había sido cazado : Bioy mismo lo reconocería ante sus amigos y su amada.

Elena Garro moriría en la más profunda pobreza el 22 de agosto de 1998. Diez años antes, en un viaje a México, Bioy estuvo tentado de verla, pero no lo hizo. Acaso haya pensado lo mismo que uno de los personajes de sus cuentos: “Vernos tal vez nos probaría que el pasado pasó y que nos hemos convertido en otros”.

Bioy Casares murió el 8 de marzo de 1999, seis años después que Silvina Ocampo y siete meses después que Elena Garro. Sobrevivirlas mucho tiempo más, le hubiese parecido la mayor de las descortesías.

(www.REALPOLITIK.com.ar)

A cela, j’ajoute ici le fait qu’au décès de son mari colombien Alfonso de Narvaez, décédé à Bogota le 4 juillet 2010,

au faire-part de la veuve de celui-ci, Maria Teresa von der Lahr, en date du 6 juillet 2010,

s’ajoutait, ce même 6 juillet 2010) le faire-part commun des trois enfants de Marta Bioy (et petit-enfants de Maria Teresa von der Lahr), Florencio Basavilbaso Bioy, Victoria Basavilbaso Bioy et Lucila Frank Bioy…

Un témoignage bien précieux du lien qui demeurait bien effectif entre ces trois petits-enfants et la mère naturelle de leur mère Marta Bioy, Maria Teresa von der Lahr…

 

Ce mercredi 21 juillet 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

« Dark », d’Edgardo Cozarinsky, ou comment l’irruption d’un « Hollywood sauvage et sans sous-titres » dans la vie d’un adolescent argentin accouchera d’un écrivain et cinéaste

12août

Poursuivant ma lecture des récits d’Edgardo Cozarinsky,

après Loin d’où

_ cf mon article du 8 août dernier : Admirable Loin d’où d’Edgardo Cozarinsky  _,

je viens de lire Dark (publié en 2016 ; et chez Grasset en traduction française, le 11 janvier 2017) ;

et commenterai ici la très juste critique qu’en a donné l’excellent Mathieu Lindon

dans le Libération du 20 janvier 2017:

Edgardo Cozarinsky, mineur de bas-fonds

EDGARDO COZARINSKY, MINEUR DE BAS-FONDS

Dark est un roman d’aventure et d’apprentissage _ oui, mais qui n’est pas vraiment ni une éducation sentimentale, ni sexuelle : seulement une importante ponctuation, durablement marquante en ses impacts à long terme, de la prime jeunesse _ auquel, indépendamment des faits précis, on _ c’est-à-dire nous, lecteurs _ accorde un caractère si autobiographique _ pour ce qui concerne le lien de l’auteur même à son personnage principal, qui s’auto-prénomme fictivement Victor en la fiction, et qui sera devenu un auteur « soixante ans plus tard« , au présent même du récit, en 2015 ou 16… _ qu’on le lit comme une vaste réponse _ de l’auteur à soi-même, d’abord : mais qui demeure ouverte, béante ; encore non classée… _ à la fameuse question : «Pourquoi écrivez-vous ?» _ oui. L’intrigue _ du passé de jeunesse rapporté _ se déroule dans les plus ou moins bas-fonds de Buenos Aires dans les années 50 _ oui ; un certain nombre de lieux (bars, bouis-bouis, bordels, cinémas, etc.) sont évoqués (et ainsi visités), en divers quartiers et faubourgs de la ville. Il y a deux personnages principaux. L’un apparaît sous deux avatars : âgé, il est dénommé «le vieil écrivain» ; adolescent, «poussé par un désir de fiction» _ l’expression, en effet très significative, se trouve à la page 28 _, il dit s’appeler Victor à l’autre héros, un inconnu _ inquiétant autant que fascinant du début à la fin _ quadra ou quinquagénaire, Andrés _ qu’un autre personnage, Franca (une croate), nommera plus loin, à la page 68, « Fredi«  _, qui lui adresse la parole dans un bar _ « l’Union Bar, aujourd’hui démoli, au coin de la rue Balcarce et de l’avenue Independencia« , à Buenos Aires (page 23, pour être précis dans la localisation)… «L’écrivain ne sait pas _ et ne s’en soucie guère ! _ si la chronologie de ce qu’il essaye _ c’est important : la tentative demeure toujours fragmentaire et partielle, grandement lacunaire _ de raconter _ rétrospectivement _ respecte celle des faits rappelés» _ page 65 ; « En revanche, il sait que la mémoire efface plus qu’elle ne garde. L’imagination, rusée, récupère tout ce que la mémoire a effacé et l’attrape _ très heureusement _ dans les filets de la fiction«  : ce que personnellement je nomme, en lisant bien Marie-José Mondzain, « l’imageance« . Et tel est bien le point (de ce récit) qui me paraît crucial !.. Pour le principal, il n’y a pas trop de doute, s’il s’agit _ pour l’auteur, suggère fortement le critique _ de faire comprendre _ tout en délicatesse, et sans la moindre lourdeur ; avec beaucoup de raccourcis ! et toujours fragmentairement _ comment l’adolescent est devenu _ voilà ! _ l’écrivain. Victor a aussi une cousine _ Cecilia, de trois ans plus âgée que lui. «Et avec ça, comment tu te débrouilles ?» demande-t-elle après quelques regards sur la braguette de son cousin _ page 47. C’est elle qui l’aidera «à atteindre _ in concreto _ la prestance _ purement technique _ nécessaire» _ page 48 _, lui indiquera «les mouvements qu’il trouverait très vite spontanément», et il se souviendra du «parfum de sa cousine, qui imprégnait draps et oreiller, et que de toute sa vie il ne retrouverait en aucun autre» _ pages 48-49. Andrés est au courant, car l’adolescent et l’homme mûr acquièrent vite une intimité _ entre eux deux _ reposant sur la vie _ passablement _ aventureuse _ et c’est peu dire ! _ de celui-ci, sur les découvertes _ à connotations érotiques, bien qu’indirectes, tout particulièrement _ qu’il propose à son jeune ami. Andrés est un homme à femmes, apparemment _ selon ses dires et ce qu’en laissent paraître aussi ses actes _, qui ne déteste rien tant que les hommes à hommes, mais un mystère, quand même _ c’est sûr ! _, pèse sur l’intensité de sa relation _ complexe à qualifier frontalement _ avec l’adolescent _ ce qui pose aussi, forcément, question : que cherche-t-il à ménager, et pour quelles raisons, en le jeune homme ?

Edgardo Cozarinsky est né en 1939 à Buenos Aires _ de parents et grands-parents émigrés d’Europe de l’Est _ qu’il quitta en 1974 pour Paris. Enrique Vila-Matas le présente ainsi en 2003 dans Paris ne finit jamais _ page 164 _, après avoir écrit le rencontrer souvent au cinéma : «Cozarinsky, un borgésien tardif selon Susan Sontag _ ?!? _ , était un exilé argentin qui semblait avoir fini par se sentir à l’aise dans son rôle _ un rôle ? ce n’est guère juste !… _ de personne déplacée _ ?!? Cf plutôt, outre les pages qu’il lui consacre en son indispensable Mes Argentins de Paris, l’article de René de Ceccatty Edgardo Cozarinsky, le voyageur sans terre cité en mon article du 8 août dernier : Admirable Loin d’où d’Edgardo Cozarinsky. Ecrivain et cinéaste _ c’est très important ! l’imageance et le fictionnel ne sont pas que littéraires ou romanesques, mais aussi cinématographiques !!! _, il vivait entre Londres et Paris, j’ignore où il vit maintenant, je crois qu’il ne vit plus qu’à Paris _ écrivait alors Vila-Matas, en 2003. Je me souviens que je l’admirais parce qu’il savait concilier _ voilà _ deux villes et deux activités artistiques […], je me souviens aussi que j’avais vu certains de ses films et lu son essai sur Borges et le cinéma, ainsi que son étude sur le ragot comme procédé narratif et d’autres textes, tous très captivants. Dix ans après avoir quitté Paris, j’ai admiré tout particulièrement son livre Vaudou urbain [traduit chez Bourgois, ndlr], un livre d’exilé, un livre transnational dans lequel il utilise une structure hybride […] A noter aussi cet étonnant dialogue entre l’auteur et un supposé interwiever, au chapitre 3 (pages 20 à 22 de Dark) : Dialogue sur le «kintsugi» dans Dark, avant qu’on en vienne à l’histoire de Victor et Andrés : «C’est l’art japonais qui consiste à remplir les fissures d’un objet brisé, de porcelaine par exemple, avec de la résine où on a dilué de la poudre d’or. Au lieu de dissimuler la fente, on la souligne avec une substance lumineuse, qui a parfois plus de valeur que l’objet même. C’est ainsi qu’on ennoblit l’objet : au lieu de cacher les cicatrices de sa vie _ expression à relever ! _, on les exhibe. – N’est-ce pas ce que fait _ rabouter-repriser et embellir-ennoblir… _ tout romancier avec sa propre vie ? – C’est ce qu’il tente de faire» _ page 22. L’expression « exhiber les cicatrices de sa vie«  est bien sûr à mettre en rapport avec l’expression ultime du texte, page 142 : « surnagent les restes d’un naufrage« 

Sexe, politique, exotisme, il s’en passe, dans Dark, et sous diverses perspectives _ plus ou moins intriquées, mais toujours très sobrement traitées. C’est cette multiplicité des points de vue qui fait aussi l’écrivain, qui en fait un privilégié, comme Andrés _ ou Fredi _ le dit à l’adolescent _ pages 98-99. «Ce pays _ l’Argentine des années cinquante _ est un cas désespéré. […] Mais ne te gâche pas la vie avec la politique, toi tu t’en sortiras, tu fais des études, tu auras une profession, qui sait, si ça se trouve tu deviendras un écrivain célèbre, respecté. Moi, en revanche, je suis un type qui n’est que de passage _ à jamais un migrant _, je l’ai toujours été et le serai toujours. Va savoir où je me retrouverai demain. Toi, si l’ordure t’éclabousse, tu t’en débarrasseras rien qu’en secouant les épaules. Moi, elle se colle à moi, elle me marque, si je ne fais pas attention elle m’écrase.» Alors, pour que «surnagent les restes d’un naufrage» _ c’est sur cette expression-ci que se termine justement le livre, page 142 _, il faudra que l’adolescent devienne écrivain _ et s’essaie, à sa façon singulière, tâtonnante, à « retrouver » à raviver-rédimer, tel le Proust de la Recherche, son propre « temps perdu«  _ cet écrivain qui, dans les premières pages du texte, victime d’une crise de panique, résiste à s’en remettre à un psy de quelque obédience que ce soit, «comment confier son âme à quelqu’un qui n’a pas lu Dostoïevski ni saint Augustin» _ page 8 _, prêtant à certains une inculture exagérée. On prétend que chacun se souvient de la première fois où il a dit «je t’aime». Mais la tâche de l’écrivain est à la fois plus simple et compliquée : il s’agit ici de remettre en scène la première fois où il a entendu _ entendu se dire à lui, jeune homme _ ces mots _ ici : « Je t’aime, morveux !« , page 139 _, dans quelles circonstances, avec quelle oreille, et quel autre mot _ « morveux« , donc… _ accompagnait cette très étrange déclaration _ in extremis : Andrès et Victor ne se reverront jamais plus de leur vie.

Mathieu Lindon 

Edgardo Cozarinsky
Traduit de l’espagnol (Argentine) par Jean-Marie Saint-Lu. Grasset, 142 pp.

Mathieu Lindon, je remarque, n’évoque ni le Vautrin, ni le Lucien de Rubempré, ni le Rastignac, de Balzac

dans cette genèse de cet écrivain _ et de sa sexualité, aussi… _ qu’est Edgardo Cozarinsky.

Il faudrait lire ou relire ici aussi Edmund White, qui lui aussi, a croisé notre auteur,

et en parle _ un peu…

Ce dimanche 12 août 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

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