La lumineuse tendresse du Requiem de Kerll, dans le magnifique album Requiems de Vox Luminis (CD Ricercar 368)
31août
En cette rentrée de l’automne 2016,
voici un merveilleux _ de tendresse et intimité ! _ Requiem de Johan Caspar Kerll _ Missa pro defunctis _, dans le CD Ricercar Requiems, par Vox Luminis, sous la direction de Lionel Meunier, et avec le concert de violes de L’Achéron, dirigé par François Joubert-Caillet ;
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à cette tendrissime Missa pro defunctis de Kerll (1627-1693), publiée en 1689 dans un recueil de cinq messes de Kerll intitulé Missae sex, cum instrumentis concertantibus, e vocibus in ripieno adjuncta unapro defunctis cum seq. Dies irae, et que Kerll destinait probablement à ses propres funérailles _ d’où ce sublime ton d’intimité, proprement enchanteur… _,
est ici adjoint le Kaiserrequiem de Johann Joseph Fux (1660-1741), composé en 1720 pour les funérailles de l’impératrice douairière Eleonore Magdalene von Pfalz-Neuburg (1655-1720), veuve de l’Empereur Léopold Ier de Habsbourg (1640-1705) _
exact contemporain et cousin germain de notre Louis XIV (1638-1715), car si Léopold Ier est fils de l’infante Marie-Anne d’Autriche (1606-1646), elle-même fille du roi d’Espagne Philippe III (1578-1621), Louis XIV, lui, est fils d’Anne d’Autriche (1601-1666) , la fille aînée de ce même Philippe III roi d’Espagne, et épouse de Louis XIII (1601-1643) _,
et « repris pour d’autres cérémonies funèbres de la cour, la dernière fois pour les funérailles de Charles VI _ 1685-1740, fils de Léopold Ier et de sa troisième épouse, Magdalene von Pfalz-Neuburg, devenu empereur en 1711, et père de Marie-Thérèse (1717-1780), pour laquelle il prit, préventivement, la Pragmatique sanction, en 1713 _ en 1740« , nous précise l’excellente notice de Jérôme Lejeune.
Cette fois, pour ce Kaiserrequiem de Fux, c’est l’Ensemble Scorpio Collectief _ avec 2 cornets muets, 2 trombones, un basson, 2 violons, une viole, un violone et un orgue _ de Simen van Mechelen, que s’adjoint Vox Luminis, toujours dirigé par Lionel Meunier.
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Achevant sa formation de musicien à Vienne, puis entré « comme organiste au service de l’archiduc Léopold Guillaume« , à Bruxelles, en 1646, Kerll est envoyé peu après, en 1648-49, se parfaire à Rome, principalement auprès de Giacomo Carissimi (1605-1674), maître de chapelle au collège germanique, et inventeur de l’oratorio.
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Ce n’est donc pas tout à fait un hasard si la lumineuse tendresse de la musique de Kerll n’est pas sans évoquer très fort, pour moi, la musique d’une très grande tendresse et intimité, aussi, d’un autre voyageur romain, un peu plus tard, vers 1664-1667 : Marc-Antoine Charpentier (1643-1704).
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Si la réputation de Charpentier d’avoir été l’élève à Rome de Giacomo Carissimi est peut-être erronée _ nul document jusqu’ici, en effet, ne l’atteste ; cf les remarques de Jean Lionnet en son passionnant article Charpentier à Rome (pages 71 à 83, in le recueil dirigé par Catherine Cessac Marc-Antoine Charpentier, un musicien retrouvé, publié aux Éditions Mardaga en 2005 ; y accéder ici _,
il n’en demeure pas moins que le séjour romain de Charpentier l’a mis dans le bain de compositeurs tels que Bonifazio Graziani (1604-1664), Francesco Foggia (1604-1688), Bernardo Pasquini (1637-1710), Giovanni Giacomo Branca (1620-1694) ou Mario Savioni (1608-1685), dans la musique desquels Jean Lionnet trouve _ partitions à l’appui en son article, très riche _ de communs accents avec la musique, si tendre, de Charpentier…
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Et plutôt que certains accents du Requiem de Mozart (en 1791 _ à Vienne, certes, mais bien longtemps après 1689, pour la Missa pro defunctis de Kerll, et 1720, pour le Requiem de Fux _) que perçoit, en son excellent livret, l’excellent Jérôme Lejeune, le maître d’œuvre de cette très belle collection Ricercar,
ce sont plutôt ceux _ si intimes et doux… _ de Marc-Antoine Charpentier qui viennent, en effet, à mon oreille ;
et me rappellent ce qui revient à Charpentier dans le beau CD EMI-Virgin, en 1995-96, Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, par La Simphonie du Marais sous la direction musicale de Hugo Reyne, dont je suis l’auteur à 90% du programme ;
CD pour lequel nous fumes invités en février 1996 à l’émission de France-Musique Les Imaginaires (ici de La Fontaine), avec Marc Fumaroili et Jacques Merlet…
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Cette douceur _ à la Marc-Antoine Charpentier, donc _ est aussi perceptible, encore, dans le Kaiserrequiem de Fux, de 1720, plus solennel, et ouvertement destiné, lui, à une cérémonie de cour.
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Ce CD Requiems de Vox Luminis (RIC 368) est ainsi parfaitement délectable…
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Titus Curiosus, ce 31 août 2016