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Le Ravel à fuir (!!!), glacial et d’âge glaciaire, du piano trop mécanique de Keigo Mukawa : faire le test comparatif de l’enlevé et merveilleux « Rigaudon » du délicat et délicieux « Tombeau de Couperin »…

30mai

Ce n’est bien sûr pas tout à fait pour rien qu’en sa notice intitulée « L’homme Ravel : une dualité séduisante« , aux pages 13 à 16 de son double album Etcetera KTC 1816 « Keigo Mukawa – Maurice Ravel – Complete Works for Solo Piano«  _ enregistré au Chichibu Muse Park Music Hall  _,

Keigo Mukawa prononce rien moins que 6 fois le bien significatif qualificatif de « froid« ,

et qu’il utilise aussi 2 fois l’image éminemment répulsive de « sculpture de glace » pour qualifier son abord personnel du génie ravélien :

« À l’âge de treize ans, j’ai commencé à travailler sa « Sonatine« , c’était la première œuvre de Ravel que j’étudiais, et l’impression que me faisait sa musique _ voilà ! _ était celle d’une « sculpture de glace froide« . Probablement était-ce la texture de la musique, si précise, si réglée comme une mécanique parfaite _ voilà _, ou bien cette sonorité ferme construite avec des accords dissonants si bien calculés _ voilà encore _, qui m’ont évoqué cette sensation de froideur.

Plus tard, je suis entré au conservatoire de Paris en 2014 , là même où Ravel avait fait ses classes. J’ai pu étudier ses œuvres, en profondeur, et les jouer de nombreuses fois lors des concerts. Et même si Ravel est devenu le compositeur pour lequel j’éprouve le plus de sympathie, cette image de sculpture de glace n’a pas varié« …

Mais cette fâcheuse impression ne quitte pas hélas non plus l’auditeur que je suis de ce double CD de Keigo Mukawa, que, sur la foi malencontreuse de divers critiques musicaux _ par exemple Émilie Munera et Rodolphe Bruneau Boulmier, en leur émission En pistes ! de France Musique, ou Bénédict Hévry, le 7 mai dernier, sur le site de ResMusica en un article laudatif intitulé « Keigo Mukawa dans une éminente et fervente somme ravélienne«  ; mais aussi Bertrand Boissard, à la page 98 du numéro du mois de mai 2024 de Diapason ; ou encore Gérard Belvire, à la page 93 du numéro du mois de juin de Classica… _ je désirais vivement découvrir et connaître, et écouter :

or l’impression tout bonnement désastreuse que j’en ai à l’audition, est d’être livré ici à la tronçonneuse glacée et sans esprit de Glenn Gould débitant à la furibonde décérébrée les fugues mécaniques de Jean-Sébastien Bach, ou, pire encore, massacrant sans pitié les délicieuses délicates sonates pour piano, vives d’esprit, de Mozart…

J’ai donc procédé à un test comparatif _ qui a tant plu à mon petit-fils Gabriel, très fan de ce Rigaudon de Ravel… _ du preste et à jamais juvénile « Rigaudon » (dédié aux frères luziens Pierre et Pascal Gaudin _ beaux-frères de la cousine de Maurice : Magdeleine Hiriart-Gaudin… _) de cette merveille de finesse qu’est « Le Tombeau de Couperin » :


_ voici donc à écouter ici ce qu’y donne, en un podcast de 3′ 28, l’Assez vif de ce Rigaudon sous les doigts un poil balourds et mécaniquement tricotteurs _ sans esprit, et dénués de charme, et de fantaisie et malices et humour, si raveliens…  _, et surtout incomparablement trop lents pour la prestesse enjouée et mutine d’un rigaudon de ce basque mince et bondissant, et infiniment vif d’esprit, qu’était Maurice Ravel _ comparez avec les autres interprètes choisis ci-après… _, de Keigo Mukawa… 

_ et maintenant, sous les doigts bien plus justement mutins _ à la luzienne ! j’aime beaucoup, beaucoup ! _ de Martin James Bartlett, en ce podcast de 3′ 05…

_ ou encore, par Alexandre Tharaud, en un podcast magnifiquement preste et juvénile _ bravo ! bravissimo ! c’est à la perfection senti ! _ de 3′ 01…

_ et aussi par Bertrand Chamayou_ pas mal du tout non plus ! _ en un podcast de 3’06…

_ et encore par l’excellent Steven Osborne, en un podcast bien preste et alerte, lui aussi _ et comme il le faut !.. _, de 3’01…

Et maintenant faites votre choix !!!


Maintenant, en y réfléchissant encore un peu,

il me semble que cette approche trop strictement mécanique (et froide) du piano de Ravel de la part du jeune Keigo Mukawa, tient à sa pourtant juste principielle obsession (de métier) d’atteindre la perfection technique nécessaire, en effet, à servir l’idéal d’interprétation la plus juste possible des œuvres tout spécialement de Ravel, mais qui, pour le moment du moins de son propre parcours d’interprète très justement exigeant à l’égard de lui-même _ Ravel lui-même n’ayant jamais été, lui, un parfait interprète, ni au piano, ni à la baguette de chef, de ses propres génialissimes œuvres… _, passe encore, pour le moment du moins, à côté de l’objectif absolument fondamental, et rédhibitoire sinon, de l’interprétation ravelienne : servir l’esprit le plus fin, tendre, chaleureux, insidieusement torride même, voilà, de l’œuvre de Ravel, par la médiation seulement, si je puis le dire ainsi, de la parfaite maîtrise obligée, certes, en effet, de la technique, mais qui n’en qu’un nécessaire moyen, un étai, et qu’il faut absolument, à l’interprète, apprendre à dépasser-transcender, faire complètement oublier à l’auditeur ; sinon l’interprète, encore besogneux, malhabile, en reste, en effet, à une rédhibitoire réfrigérante « sculpture de glace » de cette musique subtilissime de Ravel, au-delà de son obligée perfection technique ; en ne réussissant pas, lui interprète, à atteindre et surtout faire s’envoler-virevolter-tournebouler dans le charme le plus pur et aérien, l’esprit ludique, finement sensuel et même érotique, de la sublime fantaisie narquoise du génie français absolu de Maurice Ravel compositeur ; dans l’esprit, mine de rien très audacieux et moderne, franchement rieur et léger, leste (car délesté…), d’un Couperin, d’un Rameau, mais aussi d’un Mozart, et même encore du jeune Mendelssohn _ par-delà, à la Nietzsche, le tragique fatal de toute vie, qui s’y perçoit bien sûr aussi, en filigrane estompé d’un constant et bien présent arrière-fond, sensible à l’horizon rosé des plus beaux soirs d’été…

Ce jeudi 30 mai 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’épatant « Mozart – Sonates – Rondos » du plus ludique et jeune que jamais Jérôme Hantaï…

21mai

Jérôme Hantaï a beaucoup de talent, au piano forte désormais _ mais déjà en novembre 2004, il avait enregistré sur un pianoforte (Paris 1788) de Pascal Joseph Tasquin, un très réussi « Joseph Haydn – Sonates pour piano forte« , le CD Ambroisie AMB 9975 (écoutez ceci) ; puis, un tout aussi réjouissant « Haydn – Mozart – Sonates« , le CD Mirare MIR 456 ; cf mon article «  «  en date du 5 mai 2019… _, comme à la viole de gambe, jadis.

À preuve, une nouvelle fois,

un tout à fait épatant, éclatant d’humeur joyeuse contagieuse, « Mozart – Sonates – Rondos« , le CD Mirare MIR 730 _ enregistré à Hardelot les 10 et 11 février 2020… _ sur un piano anonyme du XVIIIe siècle restauré par Christopher Clarke.

Et dans Mozart !!!

….

Bravissimo, jeune maestro ! _ né en 1961… La bonne humeur, l’alacrité, tout comme Mozart, conserve…

Ce mardi 21 mai 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

La réjouissante fraîcheur du Mozart lumineux des double et triple Concertos avec Piano n°7 et n°10 des soeurs Mari et Momo Kodama (et Karin Kei Nagano, la fille de Mari et de Kent), en un jeu bien « à la française », avec l’Orchestre de la Suisse Romande sous la direction claire et sans affèterie de Kent Nagano…

07mai

La réjouissante fraîcheur d’un Mozart lumineux des double et triple Concertos avec Piano N°7 et N°10 (K. 242 et K. 365) des sœurs Mari et Momo Kodama (et Karin Kei Nagano, la fille de Mari et de Kent, pour le triple), avec l’Orchestre de la Suisse Romande sous la direction claire et nette, sans affèterie, de Kent Nagano,

tel est le beau cadeau quasi inattendu que le label Pentatone _ avec, toujours, une clarissime prise de son _ nous offre avec ce splendide, tout d’évidence, fluide et bien frappé, CD « Mozart & Poulenc – Double & Triple Piano Concertos » PTC 5187 202 _ enregistré au Victoria Hall de Genève au mois de mars 2023 _, sous les doigs de fées de ces trois dames _ en un jeu très pur et bien « à la française«  _,

avec aussi le cadeau d’un très réussi double Concerto, FP 61, de Francis Poulenc…

Bravissimo ! Et merci…

De tels lumineux_ clairs et purs _ Mozart nous font évidemment grand bien…

Ce mardi 7 mai 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Mathieu Pordoy subtil accompagnateur et chef de chant, ou le pur art du charme (suite)…

12avr

Le récent beau CD « Mozart – R. Strauss – Lieder« , avec Sabine Devieilhe _ Erato 5054197948862, enregistré à l’Opéra de Paris au mois de juillet 2023 (ainsi que le 5 janvier 2024, à Boulogne-Billancourt, pour « Morgen« , avec le violon de Vilde Frang : écoutez-le ici)… _confirme une nouvelle fois, et si besoin encore en était, le très grand talent du pianiste Mathieu Pordoy, comme accompagnateur (ou chef de chant) hyper subtilement attentif : cette fois dans un beau récital, bien composé, de Lieder et Mélodies de Mozart et Richard Strauss…

Sur ce talent amplement confirmé déjà de Mathieu Pordoy, cf mes détaillés articles des 19 décembre 2019 « « ,

21 juin 2023 « « ,

et 22 juin 2023 « « .

Et voici un lien au très précis commentaire intitulé « L’évidence » qu’en a donné le 29 mars dernier sur le site de ForumOpera Charles Sigel…

Sabine Devieilhe : Lieder de Mozart et Richard Strauss

29 mars 2024
L’évidence

En somme c’est Zerbinetta et la Reine de la nuit chantant le lied. Avec tant de facilité apparente, de naturel, d’évidence que, pour un peu, on en oublierait d’admirer…

Réussite parfaite à laquelle concourt à égalité le piano de Mathieu Pordoy, très coloré, jamais lourd, et d’une variété de toucher infinie, partenaire idéal _ oui _ respirant à l’unisson de la voix. Tous deux dans une prise de son magnifique, équilibrée et brillante.

Chez Sabine Devieilhe, c’est peut-être la maîtrise de la ligne qui émerveille d’abord (outre l’intonation d’une justesse évidemment jamais prise en défaut). Ce legato qui ne faiblit jamais et traduit l’immobilité de Die Nacht (Strauss), l’effroi de l’avancée d’une nuit engloutissant toutes choses. Tout cela impliquant une maîtrise, un souffle, un placement de la voix de haute volée. Au seul bénéfice finalement de l’esprit du lied, de cette incertitude blême où est plongé l’auditeur. Le sens du poème est donné in extremis : « O die Nacht, mir bangt, sie stehle Dich mir auchOh, j’ai peur que la nuit t’arrache aussi à moi. »

…Mathieu Pordoy et Sabine Devieilhe © Steve J. Sherman

C’est le premier Strauss de l’album, la plage 2. Je suggère d’écouter juste après le premier des Mozart mélancoliques, la plage 9, l’étonnant An die Einsamkeit (À la solitude). Mélodie ou lied ? On peut en discuter. Plutôt lied, je crois, puisque c’est un état d’âme. Et Mozart y semble, en sol mineur, préfigurer Schubert. Pas de prélude au clavier (Mathieu Pordoy, si délicat, si attentif _ oui, oui). Mozart expose tout de suite la ligne musicale, une mélodie reprise trois fois (en principe quatre, l’une des strophes est ici coupée) sur un texte un peu sentimental (de Johann Timotheus Hermes, romancier à succès) que la musique transfigure. Et puis la transparence du timbre, les ornements légers des reprises, le dépouillement pour ne pas dire l’effacement de l’interprète, le sentiment pur… C’est très beau et tout simplement, oui, évident.

De la même façon, pour revenir à Strauss, Waldseligkeit (Béatitude en forêt) semble en lévitation avec ces notes tenues inépuisables sur un souffle sans fin, ces montées sur les sommets, ces longues paraboles qui semblent s’envoler toujours plus haut avant de redescendre vers le dernier vers (« Da bin ich ganz nur DeinLà je suis tout à toi »). Technique vocale souveraine mise au service de l’expression.

Strauss en 1902 © D.R.

En lévitation

Lévitation, le mot reviendrait naturellement sous la plume pour évoquer l’effet étrange, un peu hypnotique, que crée Meinem Kinde, regard émerveillé porté sur un enfant qui dort. On cherche les explications : est-ce le tempo lentissime, le timbre si limpide, les passages impalpables en kopfstimme (sur Sternlein), l’intensité de certains forte (sur segne, umher, ou Liebe) sans parler des spirales obsédantes du piano ?

Mystères de l’interprétation… Qui se perpétueront dans la plage suivante, le fameux Morgen, ondulant, halluciné, avec ses longues tenues non vibrées, portées par le violon effusif de Vilde Frang, ses silences qui s’allongent, comme certains mots (« die Augen schauen ») s’étirent à l’infini _ écoutez- le ici… L’ineffable va bien à Richard Strauss… Lied extatique sur un poème de John Henry Mackay au sous-texte homosexuel : demain, Morgen, nous serons libres (c’est du moins ce que révèle _ en effet, à la page 12  du livret _ le commentaire de Richard Stokes).

Autre lied illustre, Ständchen (Sérénade), et sa prestesse, sur les guirlandes ondoyantes du piano : le sous-texte (pas tellement caché d’ailleurs) est ici ouvertement érotique _ oui _, jusqu’aux « Wonneschauen » de la fin, des frissons de bonheur au sens dépourvu d’équivoque. La voix se fait aussi légère que celle du rossignol (Die Nachtigall) qui assiste à la scène, tandis qu’une rose en rougit. Version parfaite d’un lied dont Strauss se plaignait déjà qu’il fût galvaudé, mais restitué ici dans toute sa fraîcheur amoureuse.

Sabine Devieilhe © Alice de Sagazan

Virevoltes

On classera aussi au dossier Zerbinetta l’invraisemblable Amor, qui tient du défi permanent et de l’équilibrisme dangereux : coloratures en cascades, trilles en batteries serrées, défilé de notes perchées, des contre-ut à foison …. Si la gageure est de faire croire que c’est facile, elle est tenue, comme en se jouant. De même pour Kling ! aérien et folâtre, qui semble répondre à la petite comédie de Schlagende Herzen (Cœurs battants) où Mozart semble préfigurer les ballades des Romantiques.

Ainsi va ce récital qui batifole entre fantaisie et mélancolie, comme pour attester, si besoin était, de la richesse de la palette de Sabine Devieilhe, et de la cyclothymie de Strauss, sans doute le dernier de ces Romantiques, qui passe incessamment de la virtuosité à la morosité, celle qu’il laisse s’épancher dans le Rosenkavalier, nostalgisant sans fin sur la fuite du temps (dans Winterweihe -Dédicace d’hiver) mais toujours amoureux (Ich schwebe – Je plane).

Érotisme fin-de-siècle

Les mélodies très Modern Style du cycle Mädchenblumen (Fleurs de jeunes filles), écrites en 1889, publiées en 1891, font partie de la première vague composée par Strauss, qui ne s’adonnera à l’exercice qu’épisodiquement. Ces quatre vignettes, sur des poèmes de Félix Dahn, filent la métaphore entre fleurs et petites jeunes filles, avec maintes arrière-pensées d’un érotisme à peine estompé et pas mal de doubles sens transparents. Strauss, faisant mine d’en rougir, écrit à son éditeur Eugen Spitzweg : « J’ai achevé un nouveau volume de lieder, mais ils sont très compliqués et constituent des expériences si curieuses qu’il me semble que je vous rendrais service en les refilant à un autre éditeur… »
Elles ont été enregistrées notamment par Edita Gruberova et Diana Damrau. Sabine Devieilhe les surpasse en aisance et en naturel (un naturel très sophistiqué, bien sûr). Les courbes serpentines et les modulations pastel de Kornblumen (Bleuets), le brio virevoltant de Mohnblumen (Coquelicots), les insinuantes allusions d’Epheu (Lierre) – « Denn sie zählen zu den seltnen Blumen, die nur einmal blühen – Car elles comptent parmi les fleurs qui ne fleurissent qu’une fois »-, l’érotisme torpide de Wasserrose (Nénuphar), sur le piano liquide de Mathieu Pordoy qui semble scintiller dans une lumière matinale… C’est un univers préraphaélite, voluptueux et diaphane dont Sabine Devieilhe varie constamment les couleurs et l’éclairage, aussi attentive au texte qu’à la musique.

Mozart par Joseph Lange © D.R.

Pudeurs mozartiennes

Juste après, La violette de Mozart (Das Veilchen) semblerait bien frêle et bien chaste en comparaison… Écrasée par le pied d’une bergère étourdie… Ce pourrait être une bluette très Hameau de la Reine. Par le simple (?) jeu des harmonies, Mozart lui prête la mélancolie d’une réflexion sur la vie et la mort, très troublante. D’autant plus quand elle s’illumine de la fausse candeur du timbre de Sabine Devieilhe. Une mélodie composée en 1785, l’année des 20e et 21e concertos… C’est Mozart lui-même qui ajouta aux vers de Goethe sa propre conclusion : « Das arme Veilchen ! Es war ein herzige Veilchen – La pauvre violette ! C’était une violette pleine de cœur », prétexte à une fin abrupte qui laisse étonné. Tant d’arrière-plans en 2’30’’…

Moins profonde, Das Traumbild (Vision en rêve) est une gentille romance en mi bémol majeur très semblable à Die Einsamkeit, dont elle n’a peut-être pas la mélancolie. Là encore une phrase musicale revient quatre fois (l’une d’elles coupée aussi). Curieux de penser qu’elle a été composée à Prague le 6 novembre 1787 neuf jours après l’achèvement de Don Giovanni.
De l’été de la même année, An Chloe, n’a elle aussi que l’attrait d’une romance -mais une romance de Mozart, tout de même ! De l’une comme de l’autre Sabine Devieilhe fait de très jolies choses (les vocalises de la coda d’An Chloé sont d’une grâce impalpable _ regardez-et écoutez…). Chapeau bas devant le toucher _ oui _ de Mathieu Pordoy qui touche son piano (un Steinway on suppose) comme il ferait d’un piano-forte, pour ne pas dire un clavicorde _ c’est dire…

Mathieu Pordoy et Sabine Devieilhe © Steve J. Sherman

Mais l’étonnant, c’est que le même jour qu’An Chloé (24 juin 1787) Mozart écrit aussi ce qui passe pour être le premier vrai lied jamais composé, Abendempfindung (Sentiment du soir), point de départ d’une aventure qui ne s’achèvera qu’avec Malven, composé par Strauss à Montreux le 23 novembre 1948 (donc après les Quatre derniers lieder).
Le mot important ici, c’est Empfindung. Méditation morose sur la vie et surtout la mort. Que Sabine Devieilhe effleure comme sans y toucher, le charme de la voix estompant (de façon très mozartienne) la gravité sous l’apparente légèreté. Un bref rallentando suffisant à changer fugitivement le climat _ écoutez-ici…

On n’aura garde d’oublier quelques miniatures au fini parfait, Oiseaux, si tous les ans, une des deux seules mélodies de Mozart en français et Komm, lieber Zither, komm, petite chose écrite pour voix et mandoline, dont le plus étonnant est qu’elle fut composée alors qu’il était tout entier à l’écriture d’Idomeneo.

Enfin on saluera les débuts précoces au disque de Lucien Pichon, qui vient ponctuer l’exquis Das Kinderspiel de Mozart de sa voix de tout petit garçon qui fut à bonne école avant même de naître… et rien n’est plus charmant que le rire de sa mère l’écoutant.

Mathieu Pordoy est toujours subtil, fin et élégant : c’est ce que je désirais souligner…

Bravo !!!!

Ce vendredi 12 avril 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Une découverte musicale (et discographique) majeure, le CD « Karel Husa – Music for Prague » du Prague Symphony Orchestra dirigé par Tomas Brauner : le CD Supraphon SU 4294-2…

13fév

Je sors bouleversé de plaisir de l’écoute du CD « Karel Huss – Music for Prague » du Prague Symphony Orchestra dirigé par Tomas Brauner,

le CD Supraphon SU 4294-2, enregistré à Prague, en la salle Smetana de la Maison municipale, en novembre et décembre 2020 et janvier 2021,

un CD que j’avais dare-dare commandé à mon disquaire préféré aussitôt après avoir lu l’article « Le Pragois de New-York » _ en l’occurrence le magnifique, et bien trop méconnu (en France du moins), compositeur tchèque Karel Husa (Prague, 7 août 1921 – Apex, Caroline du Nord, 14 décembre 2016) _ du toujours _ ou presque _ aussi fin et lucide _ à l’oreille musicale si avisée _ Jean-Charles Hoffelé, en date du 15 janvier dernier, sur son excellent site Discophilia…

J’aime tellement Prague,

sa musique,

et l’art profond et juste de ses musiciens _ allez donc écouter un des concerts quotidiens du Rudolfinum ; et ne manquez pas de passez, aussi, devant la Villa Amerika de Dvorak ; et la Villa Bertramka des amis Dussek de Mozart, au cours de vos promenades enchantées en cette vaste cité magique où souffle l’Esprit vrai…

LE PRAGOIS DE NEW YORK

Karel Husa vivait depuis 1954 aux États-Unis lorsque les chars soviétiques mirent fin au Printemps de Prague _ l’année précédente, au moment de ce qui avait été nommé « le printemps de Prague« , j’avais décovert avec mes prents et mon frère la partie tchèque de la Tchécoslovaquie… Dans son exil américain où il était un compositeur fêté, honoré par le prix Pulitzer, devenu une figure majeure _ rien moins ! _ de la scène musicale contemporaine outre-Atlantique, la blessure n’en fut que plus vive. Il avait commencé à répondre à une commande de l’Orchestre d’Harmonie du Collège Ithaca en composant un concerto pour instruments à vent, où il recherchait de nouveaux alliages sonores. L’œuvre se métamorphosa en une vaste protestation dictée par les événements tragiques qui ensanglantaient la capitale de la Tchécoslovaquie. _ qui a pu l’oublier de ceux qui en ont été les contemporains ?..

Husa étendit l’année suivante la Music for Prague au grand orchestre symphonique, couleurs plus diffractées, élargissement de la palette expressive, creusement de l’espace sonore, la virulence de l’original pour ensemble d’instruments à vents s’était muée en un requiem sans mots _ un bouleversant chef d’œuvre majeur de la musique du XXe siècle ! Cette œuvre qui devint l’emblème de son art _ celui de l’oeuvre musical du compositeur Karel Husa, s’entend _ marquait aussi un point de non-retour : le compositeur s’y engageait sur la voie d’une abstraction lyrique _ voilà _ qu’illustre la 2e Symphonie _ de 1983, elle _ par laquelle Tomáš Brauner ouvre _ très brillamment _ son disque.

Partition énigmatique qui ne craint pas l’assèchement : la maîtrise des formes et des canons hérités du Baroque – Husa édita quelques maîtres du Grand Siècle français – conduit à des paysages sonores lunaires _ voilà _  que l’Interlude de Music for Prague annonçait déjà.

Les Trois Fresques (1947) remontent à l’époque du séjour parisien _ important _, lorsque Karel Husa prenait des cours de composition avec Arthur Honegger et Nadia Boulanger, étudiant la direction d’orchestre avec André Cluytens.

Leurs orchestrations raffinées mais sombres souvent, leur motorisme, une certaine inquiétude fébrile montrent en germe cet art singulier _ voilà ! _ qu’il est temps de redécouvrir _ par ce merveilleux CD-ci _ : interprétations parfaites – les Fresques sont enregistrées en première mondiale – qui laisse espérer que Tomáš Brauner et son orchestre continueront d’explorer le catalogue symphonique d’un compositeur en passe _ bien à tort ! _ d’être oublié.

LE DISQUE DU JOUR

Karel Husa (1921-2016)


Symphonie No. 2
« Réflections »

Trois fresques
Music for Prague 1968

Orchestre Symphonique de Prague
Tomáš Brauner, direction

Un album du label Supraphon SU4294-2

Photo à la une : le chef d’orchestre Tomáš Brauner –
Photo : © Ondřej Melecký

Quel plaisir de musique !!!

Ce mardi 13 février 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

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