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Mathieu Pordoy subtil accompagnateur et chef de chant, ou le pur art du charme (suite)…

12avr

Le récent beau CD « Mozart – R. Strauss – Lieder« , avec Sabine Devieilhe _ Erato 5054197948862, enregistré à l’Opéra de Paris au mois de juillet 2023 (ainsi que le 5 janvier 2024, à Boulogne-Billancourt, pour « Morgen« , avec le violon de Vilde Frang : écoutez-le ici)… _confirme une nouvelle fois, et si besoin encore en était, le très grand talent du pianiste Mathieu Pordoy, comme accompagnateur (ou chef de chant) hyper subtilement attentif : cette fois dans un beau récital, bien composé, de Lieder et Mélodies de Mozart et Richard Strauss…

Sur ce talent amplement confirmé déjà de Mathieu Pordoy, cf mes détaillés articles des 19 décembre 2019 « « ,

21 juin 2023 « « ,

et 22 juin 2023 « « .

Et voici un lien au très précis commentaire intitulé « L’évidence » qu’en a donné le 29 mars dernier sur le site de ForumOpera Charles Sigel…

Sabine Devieilhe : Lieder de Mozart et Richard Strauss

29 mars 2024
L’évidence

En somme c’est Zerbinetta et la Reine de la nuit chantant le lied. Avec tant de facilité apparente, de naturel, d’évidence que, pour un peu, on en oublierait d’admirer…

Réussite parfaite à laquelle concourt à égalité le piano de Mathieu Pordoy, très coloré, jamais lourd, et d’une variété de toucher infinie, partenaire idéal _ oui _ respirant à l’unisson de la voix. Tous deux dans une prise de son magnifique, équilibrée et brillante.

Chez Sabine Devieilhe, c’est peut-être la maîtrise de la ligne qui émerveille d’abord (outre l’intonation d’une justesse évidemment jamais prise en défaut). Ce legato qui ne faiblit jamais et traduit l’immobilité de Die Nacht (Strauss), l’effroi de l’avancée d’une nuit engloutissant toutes choses. Tout cela impliquant une maîtrise, un souffle, un placement de la voix de haute volée. Au seul bénéfice finalement de l’esprit du lied, de cette incertitude blême où est plongé l’auditeur. Le sens du poème est donné in extremis : « O die Nacht, mir bangt, sie stehle Dich mir auchOh, j’ai peur que la nuit t’arrache aussi à moi. »

…Mathieu Pordoy et Sabine Devieilhe © Steve J. Sherman

C’est le premier Strauss de l’album, la plage 2. Je suggère d’écouter juste après le premier des Mozart mélancoliques, la plage 9, l’étonnant An die Einsamkeit (À la solitude). Mélodie ou lied ? On peut en discuter. Plutôt lied, je crois, puisque c’est un état d’âme. Et Mozart y semble, en sol mineur, préfigurer Schubert. Pas de prélude au clavier (Mathieu Pordoy, si délicat, si attentif _ oui, oui). Mozart expose tout de suite la ligne musicale, une mélodie reprise trois fois (en principe quatre, l’une des strophes est ici coupée) sur un texte un peu sentimental (de Johann Timotheus Hermes, romancier à succès) que la musique transfigure. Et puis la transparence du timbre, les ornements légers des reprises, le dépouillement pour ne pas dire l’effacement de l’interprète, le sentiment pur… C’est très beau et tout simplement, oui, évident.

De la même façon, pour revenir à Strauss, Waldseligkeit (Béatitude en forêt) semble en lévitation avec ces notes tenues inépuisables sur un souffle sans fin, ces montées sur les sommets, ces longues paraboles qui semblent s’envoler toujours plus haut avant de redescendre vers le dernier vers (« Da bin ich ganz nur DeinLà je suis tout à toi »). Technique vocale souveraine mise au service de l’expression.

Strauss en 1902 © D.R.

En lévitation

Lévitation, le mot reviendrait naturellement sous la plume pour évoquer l’effet étrange, un peu hypnotique, que crée Meinem Kinde, regard émerveillé porté sur un enfant qui dort. On cherche les explications : est-ce le tempo lentissime, le timbre si limpide, les passages impalpables en kopfstimme (sur Sternlein), l’intensité de certains forte (sur segne, umher, ou Liebe) sans parler des spirales obsédantes du piano ?

Mystères de l’interprétation… Qui se perpétueront dans la plage suivante, le fameux Morgen, ondulant, halluciné, avec ses longues tenues non vibrées, portées par le violon effusif de Vilde Frang, ses silences qui s’allongent, comme certains mots (« die Augen schauen ») s’étirent à l’infini _ écoutez- le ici… L’ineffable va bien à Richard Strauss… Lied extatique sur un poème de John Henry Mackay au sous-texte homosexuel : demain, Morgen, nous serons libres (c’est du moins ce que révèle _ en effet, à la page 12  du livret _ le commentaire de Richard Stokes).

Autre lied illustre, Ständchen (Sérénade), et sa prestesse, sur les guirlandes ondoyantes du piano : le sous-texte (pas tellement caché d’ailleurs) est ici ouvertement érotique _ oui _, jusqu’aux « Wonneschauen » de la fin, des frissons de bonheur au sens dépourvu d’équivoque. La voix se fait aussi légère que celle du rossignol (Die Nachtigall) qui assiste à la scène, tandis qu’une rose en rougit. Version parfaite d’un lied dont Strauss se plaignait déjà qu’il fût galvaudé, mais restitué ici dans toute sa fraîcheur amoureuse.

Sabine Devieilhe © Alice de Sagazan

Virevoltes

On classera aussi au dossier Zerbinetta l’invraisemblable Amor, qui tient du défi permanent et de l’équilibrisme dangereux : coloratures en cascades, trilles en batteries serrées, défilé de notes perchées, des contre-ut à foison …. Si la gageure est de faire croire que c’est facile, elle est tenue, comme en se jouant. De même pour Kling ! aérien et folâtre, qui semble répondre à la petite comédie de Schlagende Herzen (Cœurs battants) où Mozart semble préfigurer les ballades des Romantiques.

Ainsi va ce récital qui batifole entre fantaisie et mélancolie, comme pour attester, si besoin était, de la richesse de la palette de Sabine Devieilhe, et de la cyclothymie de Strauss, sans doute le dernier de ces Romantiques, qui passe incessamment de la virtuosité à la morosité, celle qu’il laisse s’épancher dans le Rosenkavalier, nostalgisant sans fin sur la fuite du temps (dans Winterweihe -Dédicace d’hiver) mais toujours amoureux (Ich schwebe – Je plane).

Érotisme fin-de-siècle

Les mélodies très Modern Style du cycle Mädchenblumen (Fleurs de jeunes filles), écrites en 1889, publiées en 1891, font partie de la première vague composée par Strauss, qui ne s’adonnera à l’exercice qu’épisodiquement. Ces quatre vignettes, sur des poèmes de Félix Dahn, filent la métaphore entre fleurs et petites jeunes filles, avec maintes arrière-pensées d’un érotisme à peine estompé et pas mal de doubles sens transparents. Strauss, faisant mine d’en rougir, écrit à son éditeur Eugen Spitzweg : « J’ai achevé un nouveau volume de lieder, mais ils sont très compliqués et constituent des expériences si curieuses qu’il me semble que je vous rendrais service en les refilant à un autre éditeur… »
Elles ont été enregistrées notamment par Edita Gruberova et Diana Damrau. Sabine Devieilhe les surpasse en aisance et en naturel (un naturel très sophistiqué, bien sûr). Les courbes serpentines et les modulations pastel de Kornblumen (Bleuets), le brio virevoltant de Mohnblumen (Coquelicots), les insinuantes allusions d’Epheu (Lierre) – « Denn sie zählen zu den seltnen Blumen, die nur einmal blühen – Car elles comptent parmi les fleurs qui ne fleurissent qu’une fois »-, l’érotisme torpide de Wasserrose (Nénuphar), sur le piano liquide de Mathieu Pordoy qui semble scintiller dans une lumière matinale… C’est un univers préraphaélite, voluptueux et diaphane dont Sabine Devieilhe varie constamment les couleurs et l’éclairage, aussi attentive au texte qu’à la musique.

Mozart par Joseph Lange © D.R.

Pudeurs mozartiennes

Juste après, La violette de Mozart (Das Veilchen) semblerait bien frêle et bien chaste en comparaison… Écrasée par le pied d’une bergère étourdie… Ce pourrait être une bluette très Hameau de la Reine. Par le simple (?) jeu des harmonies, Mozart lui prête la mélancolie d’une réflexion sur la vie et la mort, très troublante. D’autant plus quand elle s’illumine de la fausse candeur du timbre de Sabine Devieilhe. Une mélodie composée en 1785, l’année des 20e et 21e concertos… C’est Mozart lui-même qui ajouta aux vers de Goethe sa propre conclusion : « Das arme Veilchen ! Es war ein herzige Veilchen – La pauvre violette ! C’était une violette pleine de cœur », prétexte à une fin abrupte qui laisse étonné. Tant d’arrière-plans en 2’30’’…

Moins profonde, Das Traumbild (Vision en rêve) est une gentille romance en mi bémol majeur très semblable à Die Einsamkeit, dont elle n’a peut-être pas la mélancolie. Là encore une phrase musicale revient quatre fois (l’une d’elles coupée aussi). Curieux de penser qu’elle a été composée à Prague le 6 novembre 1787 neuf jours après l’achèvement de Don Giovanni.
De l’été de la même année, An Chloe, n’a elle aussi que l’attrait d’une romance -mais une romance de Mozart, tout de même ! De l’une comme de l’autre Sabine Devieilhe fait de très jolies choses (les vocalises de la coda d’An Chloé sont d’une grâce impalpable _ regardez-et écoutez…). Chapeau bas devant le toucher _ oui _ de Mathieu Pordoy qui touche son piano (un Steinway on suppose) comme il ferait d’un piano-forte, pour ne pas dire un clavicorde _ c’est dire…

Mathieu Pordoy et Sabine Devieilhe © Steve J. Sherman

Mais l’étonnant, c’est que le même jour qu’An Chloé (24 juin 1787) Mozart écrit aussi ce qui passe pour être le premier vrai lied jamais composé, Abendempfindung (Sentiment du soir), point de départ d’une aventure qui ne s’achèvera qu’avec Malven, composé par Strauss à Montreux le 23 novembre 1948 (donc après les Quatre derniers lieder).
Le mot important ici, c’est Empfindung. Méditation morose sur la vie et surtout la mort. Que Sabine Devieilhe effleure comme sans y toucher, le charme de la voix estompant (de façon très mozartienne) la gravité sous l’apparente légèreté. Un bref rallentando suffisant à changer fugitivement le climat _ écoutez-ici…

On n’aura garde d’oublier quelques miniatures au fini parfait, Oiseaux, si tous les ans, une des deux seules mélodies de Mozart en français et Komm, lieber Zither, komm, petite chose écrite pour voix et mandoline, dont le plus étonnant est qu’elle fut composée alors qu’il était tout entier à l’écriture d’Idomeneo.

Enfin on saluera les débuts précoces au disque de Lucien Pichon, qui vient ponctuer l’exquis Das Kinderspiel de Mozart de sa voix de tout petit garçon qui fut à bonne école avant même de naître… et rien n’est plus charmant que le rire de sa mère l’écoutant.

Mathieu Pordoy est toujours subtil, fin et élégant : c’est ce que je désirais souligner…

Bravo !!!!

Ce vendredi 12 avril 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Une découverte musicale (et discographique) majeure, le CD « Karel Husa – Music for Prague » du Prague Symphony Orchestra dirigé par Tomas Brauner : le CD Supraphon SU 4294-2…

13fév

Je sors bouleversé de plaisir de l’écoute du CD « Karel Huss – Music for Prague » du Prague Symphony Orchestra dirigé par Tomas Brauner,

le CD Supraphon SU 4294-2, enregistré à Prague, en la salle Smetana de la Maison municipale, en novembre et décembre 2020 et janvier 2021,

un CD que j’avais dare-dare commandé à mon disquaire préféré aussitôt après avoir lu l’article « Le Pragois de New-York » _ en l’occurrence le magnifique, et bien trop méconnu (en France du moins), compositeur tchèque Karel Husa (Prague, 7 août 1921 – Apex, Caroline du Nord, 14 décembre 2016) _ du toujours _ ou presque _ aussi fin et lucide _ à l’oreille musicale si avisée _ Jean-Charles Hoffelé, en date du 15 janvier dernier, sur son excellent site Discophilia…

J’aime tellement Prague,

sa musique,

et l’art profond et juste de ses musiciens _ allez donc écouter un des concerts quotidiens du Rudolfinum ; et ne manquez pas de passez, aussi, devant la Villa Amerika de Dvorak ; et la Villa Bertramka des amis Dussek de Mozart, au cours de vos promenades enchantées en cette vaste cité magique où souffle l’Esprit vrai…

LE PRAGOIS DE NEW YORK

Karel Husa vivait depuis 1954 aux États-Unis lorsque les chars soviétiques mirent fin au Printemps de Prague _ l’année précédente, au moment de ce qui avait été nommé « le printemps de Prague« , j’avais décovert avec mes prents et mon frère la partie tchèque de la Tchécoslovaquie… Dans son exil américain où il était un compositeur fêté, honoré par le prix Pulitzer, devenu une figure majeure _ rien moins ! _ de la scène musicale contemporaine outre-Atlantique, la blessure n’en fut que plus vive. Il avait commencé à répondre à une commande de l’Orchestre d’Harmonie du Collège Ithaca en composant un concerto pour instruments à vent, où il recherchait de nouveaux alliages sonores. L’œuvre se métamorphosa en une vaste protestation dictée par les événements tragiques qui ensanglantaient la capitale de la Tchécoslovaquie. _ qui a pu l’oublier de ceux qui en ont été les contemporains ?..

Husa étendit l’année suivante la Music for Prague au grand orchestre symphonique, couleurs plus diffractées, élargissement de la palette expressive, creusement de l’espace sonore, la virulence de l’original pour ensemble d’instruments à vents s’était muée en un requiem sans mots _ un bouleversant chef d’œuvre majeur de la musique du XXe siècle ! Cette œuvre qui devint l’emblème de son art _ celui de l’oeuvre musical du compositeur Karel Husa, s’entend _ marquait aussi un point de non-retour : le compositeur s’y engageait sur la voie d’une abstraction lyrique _ voilà _ qu’illustre la 2e Symphonie _ de 1983, elle _ par laquelle Tomáš Brauner ouvre _ très brillamment _ son disque.

Partition énigmatique qui ne craint pas l’assèchement : la maîtrise des formes et des canons hérités du Baroque – Husa édita quelques maîtres du Grand Siècle français – conduit à des paysages sonores lunaires _ voilà _  que l’Interlude de Music for Prague annonçait déjà.

Les Trois Fresques (1947) remontent à l’époque du séjour parisien _ important _, lorsque Karel Husa prenait des cours de composition avec Arthur Honegger et Nadia Boulanger, étudiant la direction d’orchestre avec André Cluytens.

Leurs orchestrations raffinées mais sombres souvent, leur motorisme, une certaine inquiétude fébrile montrent en germe cet art singulier _ voilà ! _ qu’il est temps de redécouvrir _ par ce merveilleux CD-ci _ : interprétations parfaites – les Fresques sont enregistrées en première mondiale – qui laisse espérer que Tomáš Brauner et son orchestre continueront d’explorer le catalogue symphonique d’un compositeur en passe _ bien à tort ! _ d’être oublié.

LE DISQUE DU JOUR

Karel Husa (1921-2016)


Symphonie No. 2
« Réflections »

Trois fresques
Music for Prague 1968

Orchestre Symphonique de Prague
Tomáš Brauner, direction

Un album du label Supraphon SU4294-2

Photo à la une : le chef d’orchestre Tomáš Brauner –
Photo : © Ondřej Melecký

Quel plaisir de musique !!!

Ce mardi 13 février 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Suite du brillantissime parcours Mozart de Maxim Emelyanychev avec l’excellentissime il pomo d’oro : un merveilleux CD jaune après le splendide CD rouge…

28déc

Après le splendide CD rouge Aparté AP 307 _ cf mes 2 articles « «  et «  » des 3 et 4 février derniers _,

voici aujourd’hui un merveilleux CD jaune Aparté AP 328, comportant les symphonies n° 29 en la majeur K. 201 et n° 40 en sol mineur K. 550, entrecoupées par le concerto pour hautbois et orchestre en ut majeur K. 314, avec le hautboïste Ivan Podyamos, par le formidable Maxim Emelyanychev dirigeant le décidément excellentissime il pomo d’oro…

Avec le commentaire toujours bien affuté qu’en donne sur son site Discophilia l’excellent Jean-Charles Hoffelé, sous le titre « Mozart II » :

MOZART II

La retenue pourra surprendre. Guido Cantelli commençait la 29e Symphonie dans un grand soleil, Maxim Emelyanychev qui l’a choisie pour ouvrir le second volume de son intégrale _ voilà ! _ la débute dans un clair-obscur qui donne le ton : l’Allegro moderato gardera, dans son tempo savamment soupesé, cette ombre _ voilà… _ que personne à vrai dire, de Böhm à Harnoncourt, n’y a osée. L’Andante plussoiera, dix minutes !, chantant comme un nocturne, archets légers, mais phrasés un peu nostalgiques, une petite sérénade sous une lune voilée.

Volonté trop nette de se singulariser ? En rien. Le jeune chef russe opte pour le demi-caractère, exactement l’esthétique de la 40e Symphonie qui referme l’album dans un geste plus conquérant certes, mais pas moins lyrique _ en effet. La cohérence du programme, qui mène de Salzbourg à Vienne, est évidente. La qualité de l’interprétation, et simplement du jeu des musiciens italiens, parle d’elle-même _ oui ; et c’est là tout à fait là le juste accent qu’il faut !

Ce Mozart-là, qui ne prend en compte que de manière indicative les principes de l’interprétation historiquement informée, est aussi surprenant dans le paysage d’aujourd’hui que divinement musical _ oui !!! _, ce qu’illustre un agreste Concerto pour hautbois, lyrique lui aussi, sur les pointes, avec un merveilleux soliste qui fait de sa cadence une aria que _ la délicieusement taquineDespina aurait pu chanter.

LE DISQUE DU JOUR

Wolfgang Amadeus Mozart(1756-1791)


Symphonie No. 29 en la majeur, K. 201
Concerto pour hautbois et orchestre en ut majeur, K. 314
Symphonie No. 40 en sol mineur, K. 550

Ivan Podyomov, hautbois
il pomo d’oro
Maxim Emelyanychev, direction

Un album du label Aparté 328

Photo à la une : le claviériste et chef d’orchestre Maxim Emelyanychev – Photo : © Tessa Posthuma de Boer

Ce jeudi 28 décembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Dans la filiation des Vents mozartiens, avec une pointe d’esprit plus acide : quelques oeuvres pour Vents de Bohème-Moravie de l’Entre-Deux-Guerres-Mondiales (1924 et 1929)…

10nov

C’est dans la filiation des Vents _ telle la merveilleuse « Gran Partita« , mais aussi des pièces beaucoup plus légères et très plaisantes… _ de ce Mozart qui s’est, d’ailleurs, tellement plu à Prague,

que l’Orsino Ensemble (avec l’apport de la clarinette de Peter Sparks, du basson de Llinos Owen, et du piano de James Baillieu _ tiens, tiens, le revoici, cet excellent pianiste... _) vient nous offrir un très plaisant « Echoes of Bohemia – Czech Music for Wind« , le CD Chandos CHSA 5348,

comportant,

outre le « Quintette » Op. 88 N°2 (de 1811-17) d’Antoine Reicha (Prague, 26 février 1770 – Paris, 28 mai 1836), trois œuvres de compositeurs tchèques composées en 1924 :

_ »Mladi« , de Leos Janacek (Hukvaldy, 3 juillet 1854 – Ostrava, 12 août 1928),

et 1929 :

_ le « Quintette«  Op. 10 de Pavel Haas (Brno, 21 juin 1899 – Auschwitz, 17 octobre 1944),

_ ainsi que le « Sextuor » H 174 de Bohuslav Martinu (Polička, 8 décembre 1890 – Liestal, 28 août 1959) ;

composées au mitan _ du moins pour nous… _ de l’entre-deux-guerres-mondiales…

Trois œuvres à la fois emplies d’un vent rapide et frais de joyeuse gaieté _ à la Mozart _, mais aussi mâtinées de pointes d’acidité et de quelques accents d’inquiétude morose ou narquoise _ un peu à la Gustav Mahler (Kaliště, 7 juillet 1860 – Vienne, 18 mai 1911), ce viennois qui a passé son enfance à Iglau (aujourd’hui Jihlava) en cette Moravie où paradaient festivement de martiales fanfares, aux échos si fréquents dans sa marquante musique…

Ces années 1924 et 1929, la patrie de ces musiciens se nommait « Tchécoslovaquie« .

Un CD original et bien intéressant,

qui nous touche par ces divers accents-là, entremêlés et fondus.

Ce vendredi 10 novembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Quelle musique donc écouter pour supporter de succéder, avec tant soit peu de succès, à l’enchantement jouissif d’un pur chef d’oeuvre ?..

03nov

Il est bien difficile, pour une œuvre à choisir d’écouter, de succéder, avec suffisamment de succès, au degré d’enchantement qui vient d’être éprouvé à la jouissance extatique voire orgasmique… _ d’un pur chef d’œuvre

_ et d’interprétation aussi…

Ou encore :

comment réussir à composer _ pour un concert ou pour un disque _ un programme d’œuvres dans lequel ne soit pas éprouvée une trop forte dépressurisation _ vraiment trop déceptive… _ de l’auditeur ?..

Telle est la question que je me suis posée à la suite de mes écoutes successives de l’enchanteur Mozart de Francesco Piemontesi,

d’une part _ cf mon article «  » du 31 octobre dernier… _ ;

et, d’autre part, du superlatif Vivaldi en 3 CDs de Giuliano Carmignola _ cf mes deux articles «  » et «   » des 1er et 2 novembre, avant-hier et hier 31 octobre derniers… _ qui ne cesse de me combler…

Quelle solution ai-je donc pu trouver à pareille nécessité de niveau de programme, ce jour ?..

Quel CD me suis-je proposé à écouter, face à tel danger/risque de dépressurisation de plaisir musical ?..

J’ai donc choisi d’une interprète violoniste elle aussi brillantissime, Isabelle Faust (), le CD « Solo » (Harmonia Mundi HMM 902678, enregistré à Berlin au mois d’avril 2020),

recommandé à la fois par ce très fin mélomane qu’est mon gendre Sébastien,

ainsi que par un Diapason d’Or du magazine Diapason n°727 de ce mois de novembre 2023, avec un article assez élogieux, à la page 98 de Jean-Christophe Pucek, qui a pris soin de comparer 5 des 6 morceaux choisis par Isabelle Faust avec des interprétations _ parues en des CDs de 1991, 2004, 2009, 2013 et 2023 _ d’autres violonistes :

 

_ de la « Fantasia » en la mineur (vers 1719) de Nicola Matteis le fils (ca. 1670 – 1737), une interprétation de Leila Schayegh, pour Glossa en 2023 _ Faust s’y montre « moins extravertie« , juge Pucek… _ ;

_ d’un choix d »Ayres for the violin » (de 1676) de Nicola Matteis le père (ca. 1650 – après 1713), une interprétation d’Hélène  Schmitt, pour Alpha en 2009 _ Faust s’y montre « moins contemplative« , juge Pucek... _ ;

_ de la « Sonate » en la mineur (vers 1725) de Johann-Georg Pisendel (1687 – 1755), une interprétation de Rachel Podger, pour Channel Classics en 2013 _ Faust s’y montre cette fois « plus solaire« , selon Pucek… _ ;

_ de la « Partita » n°5 en sol mineur (en 1715) de Johann-Joseph Vilsmayr (1663 – 1722), une interprétation de Gunar Letzbor, pour Arcana en 2004 _ et Faust s’y montre « plus flamboyante et relevée« , indique Pucek… _ ;

_ de la « Passacaille« en sol mineur dite « l’ange gardien« , extraite des fameuses « Sonates du Rosaire » (en 1684-1685) de Heinrich-Ignaz-Franz Biber (1644 – 1704), une interprétation de Reinhard Goebel, pour Archiv en 1991 _ Faust la joue « alla Goebel« , et y montre « un souffle et une ardeur invincibles« , pour Jean-Christophe Pucek, dans cet article de Diapason.

En revanche,

Jean-Christophe Pucek ne dit rien des « Amusements pour violon seul« , Op. 18 (de 1762)  de Louis-Gabriel Guillemain (Paris, 15 novembre 1705 – Chaville, 1er octobre 1770), telles qu’elles ont été interprétées et enregistrées _ « en première mondiale«  _ en 2002 par Gilles Colliard, en un CD EMEC E-054 _ un CD que je possède :  en effet, c’est depuis bien longtemps que je m’intéresse aux violonistes français contemporains de Jean-Marie Leclair (Lyon, 1697 – Paris, 1764), dont fait partie Louis-Gabriel Guillemain, éléve comme Leclair, à Turin, de Giambattista Somis (Turin, 1686 –  Turin, 1763) ; et si Guillemain a peut-être été aussi des élèves de Jean-Marie Leclair, il en a été en tout cas un rival ; de même que fut aussi un rival de Leclar le turinois de naissance Jean-Pierre Guignon (Turin, 1702 – Versailles, 1774)… ; et ne perdons jamais de vue que le violon est bien une invention italienne !.. _, un CD que Pucek semble ignorer…

Alors, pour ce qu’il en est du passage du CD Mozart-Piemontesi de mon article du 31 octobre et des trois CDs Vivaldi-Carmignola de mes articles des 1er et 2 novembre derniers, à ce récital-ci « Solo » d’Isabelle Faust,

disons que la redescente musicale se fait en très satisfaisant confort…

Quelle surprise discographique va donc bien pouvoir suivre ?…

Ce vendredi 3 novembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

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