Posts Tagged ‘Patrice Chéreau

Une très intéressante interview de Stéphane Degout, « baryton lyrique mature » : son parcours, son présent, ses perspectives…

26nov

Ce jour, sur le site de Res Musica,

et sous la plume de Vincent Guillemin,

cette interview du baryton _ excellent ; cf mes articles antérieurs des 15 mai, 5 avril, 9 mars, 22 février et 19 janvier 2019 ; et 3 octobre, 22 août, 27 mars et 3 janvier 2018… _ Stéphane Degout :

Stéphane Degout, baryton lyrique mature.

Stéphane Degout, baryton lyrique mature

 

Ce mardi 26 novembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le Cosi de Chéreau en DVD

22août

Regarder et écouter un opéra de Mozart _ même en DVD _

est d’un plaisir extrême.

Ainsi en va-t-il pour moi du DVD de Cosi fan tutte de Patrice Chéreau,

qui m’est tombé sous la main,

avec une direction musicale de Daniel Harding,

et enregistré au Festival d’Aix-en-Provence en juillet 2005.


Les Mozart-Da Ponte, déjà, sont merveilleux de mouvement et de subtilités-finesses.

Mais Chéreau y ajoute sa touche de cruauté terrible

en son regard sur les rapports humains…

On se souvient de La Reine Margot,

et plus encore de la fascination d’Intimité...

Alors, là, avec le Mozart-Da Ponte,

tout s’enflamme !

A comparer avec la lecture qui en fut faite, en son temps,

sur le site de Res Musica, par Nicolas Pierchon, le 17 septembre 2006 :

COSÌ FAN TUTTE SELON PATRICE CHÉREAU

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Così fan tutte.

Mise en scène : Patrice Chéreau ;

Décors : Richard Peduzzi ;

costumes : Caroline de Vivaise ;

Lumières : Bertrand Couderc.

Avec : Erin Wall, Fiordiligi ; Elīna Garanča, Dorabella ; Stéphane Degout, Guglielmo ; Shawn Mathey, Ferrando ; Barbara Bonney, Despina ; Ruggero Raimondi, Don Alfonso.

Arnold Schönberg Chor (chef de chœur : Jordi Casals)

Mahler Chamber Orchestra, direction : Daniel Harding.

Réalisation : Stéphane Metge.

Filmé au Festival d’Aix-en-Provence, 7, 17, 21 et 23 Juillet 2005.

Sous-titrages en anglais, allemand, français, espagnol et italien.

2 DVD Virgin Classics 0094634471695.

Toutes zones. 89’et 90’

Pas de décor. Comme si tout n’était pas encore prêt au moment de la première. Fiordiligi et Dorabella semblent répéter leur « Ah guarda sorella ». Peut-être est-ce la générale. Elles sont déjà en costumes, mais pas encore dans un décor. Elles commencent à chanter sans avoir en main les indispensables médaillons qui représentent leurs fiancés et qu’elles sont censées se faire admirer l’une à l’autre. Vite un accessoiriste leur distribue des médaillons au cours de l’aria ! C’est une répétition, pas une représentation (mais l’accessoiriste est en costumes, alors est-ce une vraie représentation ? Difficile à dire…). Nous sommes dans les coulisses d’un théâtre italien. Des cintres, un panneau « Vietato fumare », des échelles, un peu de crasse. On sait que dans Così fan tutte Fiordiligi et Dorabella sont deux jeunes filles manipulées par Despina, leur servante et Don Alfonso, un ami de leurs fiancés. Mais là, elles ne sont pas sur scène, elles ne jouent pas un rôle. Et c’est peut être dès l’instant qu’une certaine gravité pèse sur cette vision de Così. Difficile de ne plus plaindre ces jeunes filles. Si elles ne jouent pas, elles sont alors vraiment le jouet des deux manipulateurs. Dès l’instant, le Così de Patrice Chéreau est celui de l’amertume, de la désillusion. Et si tout cela n’était pas qu’un jeu ? Si, au-delà du plaisir de la musique, Mozart délivrait comme vérité supérieure une leçon morale ? L’inconstance comme règle universelle de l’être humain. Così fan tutte, elles font toutes ainsi. Toutes ? Passe pour Despina qui ne cesse de pousser ses jeunes maîtresses à l’infidélité. Passe encore pour Dorabella qui l’écoute. Mais même la candide Fiordiligi succombera au charme d’un albanais et oubliera son fiancé Guglielmo. Les deux amants ne sont pas non plus innocents dans la vision de Chéreau, et Despina ne pousse pas ses maîtresses à l’infidélité par légèreté mais semble s’y acharner par malice. Au finale du I, Alfonso, Despina, Guglielmo et Ferrando marchent en ligne d’un air menaçant vers les deux sœurs. Plus personne n’est irréprochable. Dans cette optique, pourquoi ne pas suivre la lecture de Chéreau ? Mais ne cherchez plus alors le lieto fine… On pense à Musset, lorsqu’il fait dire à Perdican dans On ne badine pas avec l’amour que « Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux ou lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ».

Deux histrions tirent les ficelles de la comédie. Les rôles en sont confiés aux deux vedettes de la distribution. Ruggero Raimondi montre en Alfonso une fatigue évidente mais quel métier ! Ses talents d’acteur font oublier les aspérités vocales et l’usure du timbre. Il n’en est malheureusement pas de même pour Despina. Barbara Bonney déçoit, définitivement hors du rôle, ne montre que sécheresse, ornementation douteuse, prononciation exotique. La distribution des jeunes amants est équitable sans être exceptionnelle. Les deux sœurs sont bien caractérisées. Erin Wall est une émouvante Fiordiligi, malheureusement un peu lisse, très petite fille dans son jeu et qui manque terriblement de poids vocal. L’émission est difficile, l’aigu atteint péniblement, le grave absent. Reconnaissons-lui qu’elle sait être émouvante. Le « Come scoglio » reste malheureusement très en deça de ce que l’on est en droit d’attendre d’une grande scène mozartienne. La voix d’Elīna Garanča, aux formidables possibilités, donne l’impression d’une débauche de moyens pour un rôle comme celui de Dorabella. On la préfère dans les emplois rossiniens. Les deux chanteuses n’offrent pas moins de beaux personnages et sont crédibles l’une face à l’autre. Stéphane Degout, brillant mozartien et Shawn Mathey ne déméritent pas. Chez ce dernier la prononciation est encore nasale mais la prestation sincère et engagée. Son « Un aura amorosa » et ses piani délicats pourrait en remontrer à beaucoup d’interprètes du rôle.

La direction laisse songeur. Il y a de bonnes choses, tels ces tempi très tranchés et mœlleux cependant, ou l’attaque du « Bella vita militar » avec finesse et moins « pompier » que bien souvent. Mais aux instants de grâce succèdent des moments de grandes interrogations sur les choix de certains tempi. Assez critiquée, la direction se pose peut-être en compromis entre lecture baroque d’une vélocité étourdissante et classicisme dépassé. Restent certaines lenteurs étonnantes, voire dérangeantes, entre certains enchaînements.


L’image est superbe, le tout très bien filmé avec une intéressante concentration sur les détails. Que l’on adhère ou non au parti pris de Chéreau, on ne peut que louer de judicieux éléments de mise en scène, comme la présence récurrente d’Alfonso qui surveille depuis un balcon le bon déroulement de sa machination. La gravité de ce Così se retrouve dans la pseudo scène de mariage qui est tout sauf joyeuse et dans l’attitude des couples qui peinent à se reformer à la fin et ne se referaient peut-être tout simplement pas si Alfonso et Despina ne les y contraignaient.

Et pourtant… Così fan tutte ce n’est pas que cela. Si elles font toutes ainsi, le monde ne s’arrête pas de tourner. Il faut continuer à vivre et prendre les choses avec un peu de légèreté. N’est ce pas la conclusion de Don Alfonso ? Elles font toutes ainsi et pourtant il faut les épouser. Les deux sœurs ont été les premières victimes de leur infidélité, elles ne recommenceront plus. N’est-il pas dommage de ne pas laisser Perdican finir sa tirade ? « Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux ou lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées […] mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit : J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé ».

Ce mercredii 22 août 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

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