Archives du mois de septembre 2008

Decorum bluffant à Versailles : le miroir aux alouettes du bling-bling

12sept

Sur une très fine _ comme à son habitude _ « lecture »
par Philippe Dagen
dans le Monde du 11 septembre
de l’expo Jeff Koons à Versailles

_ suite de mes articles précédents :
« Art et tourisme à Aix _ 1, 2, 3 et 4«  ;
« Du tourisme _ suite _ une surfréquentation destructrice »
et « De Ben à l’Atelier Cézanne à Aix à Jeff Koons au château de Versailles« …

« Philippe Dagen : Jeff Koons honore Louis XIV »
Le Monde 11.09.08 | 14h53
•  Mis à jour le 11.09.08 | 18h43

L’exposition Jeff Koons à Versailles a lieu jusqu’au 31 octobre 2008
Château de Versailles

Voici ce remarquable article ; mes (modestes) « farcissures » se glissant ici en vert…


Quinze œuvres de l’artiste américain Jeff Koons, 53 ans, sont disposées dans les appartements royaux du château de Versailles
tandis que « Split Rocker« 
, le monumental animal bicéphale recouvert de cent mille fleurs, trône dans les jardins.

Il serait difficile d’ignorer l’événement, vu son orchestration médiatique.

Les touristes n’ont du reste pas l’air surpris _ mondialisation (à commencer par médiatique) aidant, forcément un peu ! _, qu’ils viennent du Japon, du Brésil ou de l’est de l’Europe. Ils prennent immédiatement des photos des œuvres
_d’eux devant les œuvres de préférence
_ le dispositif de « projection »-« introjection » (cf Mélanie Klein : « Essais de psychanalyse« ) fonctionnant à plein (cf Bernard Stiegler, passim _ dont Prendre soin).
Les jeunes couples posent devant le gros cœur rouge et or suspendu au-dessus de l’Escalier.
« Balloon Dog » _ le chien géant rose magenta _ et « Rabbit » _ le lapin géométrique argenté _ attirent les objectifs _ des touristes photographiant.
Des sourires et des rires dans la foule cosmopolite, des indignations, aussi, mais bien rares.
Koons ne fait pas vraiment scandale

_ et pour cause :

qui de ce public ne s’y reconnaît,

en ses repères, si je puis dire, « culturels » médiatiques (de « marques » dûment estampillées) mondialisés ?… Versailles devenant l’annexe (sur « circuit ») d’Euro-Disney, à Marne-la-Vallée,

avant passages _ ou le « retour d’Ulysse« , mais assez peu monteverdien, lui, à Ithaque

(ou à son « petit Liré » ; d’après un « beau voyage » par les « Antiquités de Rome » et « Regrets » _ de Joachim du Bellay ; ou de Julien Gracq, dans l’attristant « Les Sept collines« ) ;

avant passages dûment réitérés par la case caddie /supermarché, ou la fidélité pénélopienne (cf les rêves de Molly Bloom au final de l' »Ulysse » de James Joyce) au quotidien… Tout se tient…


Il _ Jeff Koons, l' »artiste » dont il s’agit ici, donc : « Koons ne fait pas vraiment scandale«  _ n’y tient pas _ l’affluence des visiteurs et l’aura (planétaire) qui en découle, lui suffisant ! Il l’a répété _ et les faits lui donnent raison. Son goût pour le brillant et le pompeux s’accorde au décor des appartements.
Son « Autoportrait » en marbre blanc se dresse sur un socle en faux marbre vert de style à peu près Louis XV.
« Moon« , lune aux lueurs bleues, est à sa place à l’extrémité de la « Galerie des Glaces ».
Un grand vase de fleurs en bois peint est opportun dans la « Chambre de la Reine ».

Entre la sirène de porcelaine qui étreint « la panthère rose » et les dames nues et dorées qui soutiennent les candélabres, une parenté se devine.
La porcelaine de « Michael Jackson and Bubbles » n’est pas plus dorée et étincelante que les ornements des portes et des corniches.

Quand l’accord visuel est impossible, Jeff Koons et Laurent Lebon, commissaire de l’exposition, s’en sortent par une astuce. Les « aspirateurs », alors ultramodernes, que Koons superposait en 1981 dans des vitrines, occupent l' »Antichambre du Grand Couvert », sous le portrait officiel de Marie-Antoinette. Deux états de la condition féminine se font ainsi face. « L’Ours et le Policier » sont logiquement dans le « Salon de la Guerre » ; et le « Rabbit » ventripotent dans « celui de l’Abondance ». Le plus souvent, aucun heurt ne se produit entre le néopop de Koons et les décors royaux. L’artiste se glisse ici avec souplesse.

C’est que la question de l’unité ne se pose pas seulement en termes visuels. Elle touche à la nature des objets qui se trouvent rapprochés.

Pourquoi avoir, au temps de Louis XIV, si ostensiblement surchargé ses appartements de bronzes, marbres, peintures allégoriques, orfèvreries et argenteries ? Pour « démontrer » à ses sujets et aux autres nations _ à « méduser » _ la prospérité et la puissance de la monarchie française et imposer aux regards et aux mémoires leurs symboles.

Que fait Koons, si ce n’est mettre en évidence des objets tout aussi symboliques ? Ils exaltent l’Amérique, son mode de vie, son culte du nouveau et de la richesse.
Les sujets ont changé,

les procédés se ressemblent _ soit, au-delà de l’Histoire, une leçon d' »Histoire de l’Art » ; à moins que ce ne soit l’inverse.

A Versailles, au temps de Louis XIV, ce sont les codes de la mythologie antique _ cf Philippe Beaussant : « Louis XIV artiste » : un livre merveilleux de justesse et d’agrément pour le lecteur, autant que d’érudition (passionnément instructive) _ qui ont servi.
Koons, lui, se sert des codes d’Hollywood et de la publicité, du kitsch populaire et de la consommation courante.

C’est l’essentiel de son entreprise _ le terme est d’une justesse absolue _, dont ne sont montrés ici que quelques exemples parmi bien d’autres. Depuis les années 1980, non sans méthode ni logique, il met en scène la société dans laquelle il est né. On peut la juger sévèrement, la dire simpliste et parfois stupide. Mais Koons a le mérite _ en est-ce donc vraiment un ? _ de donner à en voir la vérité, avec une candeur et une ardeur qui laissent parfois perplexe _ tiens donc !..

Il ne crée pas des formes _ tel n’est en rien son but. Il s’empare de formes connues
_ les plus connues possible
(of course !!! c’est là un commentaire de ma part…) _
et les magnifie

_ est-ce le terme adéquat ? la lisibilité jusqu’à la boursouflure mérite-t-elle le qualificatif de « magnificence » ?… _

par l’agrandissement, le matériau de prix, le socle ou la vitrine

_ tout ce qui améliore la « visibilité » : peu y échappent, en de tels dispositifs politico-médiatiques, si efficacement financés et « machinés » !..

Mais reprendre les figures de Diane, de Mars ou d’Hercule à la fin du XVIIe siècle, était-ce si différent ?

Lire, en plus de Philippe Beaussant, les conseils de Louis XIV lui-même pour gouverner (au Dauphin : « Mémoires pour l’instruction du Dauphin« )…

Les artistes de Versailles, accomplissant un programme politique et propagandiste
_ on ne saurait mieux dire, cher Philippe Dagen _

les artistes de Versailles, accomplissant un programme politique et propagandiste

_ donc,

issu, via Mazarin, d’Urbain VIII Barberini (et des galeries des Palazzi et Ville romaines : à cet égard,
la référence au Baroque est on ne peut mieux « venue », en effet, de la part de Jeff Koons _,

n’ont rien inventé, reprenant des thèmes
_ et procédés, me permettrai-je d’ajouter à Philippe Dagen _
usés
_ mais « relancés » par le Baroque, via les labyrinthes moins lisibles du maniérisme _
depuis la Renaissance
_ cf la splendeur de Michel-Ange à la Chapelle Sixtine.

Ils leur ont conféré une efficacité
_ c’est tout le jeu

(politico-médiatique, au service de la « Propagande de la Foi », à l’ère de la Contre-Réforme),

du « baroque » barberinien _ d’Urbain VIII _, précisément !!! _
irrésistible
_ c’est là un terme crucial _
en accomplissant des prodiges techniques nouveaux et ruineux.

L’intrusion des objets à la fois si triviaux et si luxueux de Koons dans le château

rend cela soudain bien plus sensible
_ voilà bel et bien, en effet, l' »effet » visé et sans doute obtenu par cette exposition Koons à Versailles.
Elle fait regarder avec moins de respect
_ coucou « L’art m’emmerde ! » de Ben (et Érik Satie)
au seuil de l' »Atelier Cézanne » d’Aix-en-Provence !… _ ;

elle fait regarder avec moins de respect
ce qui les entoure _ qu’est ce qui ici, par ce « dispositif », est « décor » ? _,
ces productions prestigieuses et convenues

_ à commencer par les kilomètres d’allégories de Lebrun aux murs et aux plafonds :

à Versailles, comme dans les palais romains

(qu’on aille admirer, le samedi matin seulement, la spendide galeria du Palazzo Colonna !…) _

qui déclament la gloire du roi,
nymphes en série, mètres de moulures dorées, glaces si précieuses.


Il y a là une certaine conception de l’art et de sa fonction,
celle de l’art qui aspire à éblouir et à fasciner le plus grand nombre
,

la foule des sujets autorisés à pénétrer à la cour

_ hier :
Louis XIV y tenait beaucoup !

Louis XV (dans les petits-appartements)

et Louis XVI (dans la serrurerie) l’ont fui !… _,
le cortège des touristes autorisés à y piétiner
_ amenés en foules compactes par tours operators _

à leur tour

_ aujourd’hui.

Cette conception, on peut s’en méfier
_ esthétiquement

(pour ce qu’il en est de la beauté _ des critères de légitimité artistique) ?
politiquement

(pour ce qu’il en est de la justice _ des critères de légitimité politique ?) _,

d’autant que son efficacité
_ un critère régnant on l’a appris au moins depuis 1532 (date de la publication du « Prince«  de Nicolas Machiavel _ 1469-1527 ; « Le Prince » a été écrit en 1513…) _
est certaine.

L’exposition Koons à Versailles en est la manifestation récente la plus explicite.
En ce sens, elle est remarquable.


Titus Curiosus

lisant Philippe Dagen ce 12 septembre 2008

Exposition Jeff Koons à Versailles, château de Versailles, Versailles (Yvelines).
Tous les jours, de 9 heures à 18 h 30, jusqu’au 31 octobre.
( et jusqu’à 17 h 30 ensuite)
Nocturne les samedis de 18 h 30 à 22 heures. Entrée : 13,50 €.
Jusqu’au 14 décembre.

De Ben à l’Atelier Cézanne à Aix, à Jeff Koons chez Louis XIV à Versailles

10sept

Suite aux « petites réflexions » sur « Art et Tourisme » (« à Aix _ et ailleurs« ) ; puis sur « Tourisme et Environnement _ dans le massif du Mont-Blanc » : à propos de l' »installation » _ visible dès demain _ d' »œuvres » de Jeff Koons au Château de Versailles…

Sur une des blogs invités par le journal Le Monde _ le blog « Qu’est-ce que l’art (aujourd’hui) ? » _ , on trouve, en date d’aujourd’hui, ceci _ selon mon habitude, je mets en gras ce qu’il me plaît de souligner :

09 septembre 2008

Jeff Koons au château de Versailles

jeff-koons-lobster.1220945639.jpg Demain, c’est l’ouverture de la rétrospective Jeff Koons au château de Versailles. Au total, 16 pièces ont ainsi pris place, et jusqu’en décembre prochain, entre les appartements du roi et la Galerie des Glaces. « Art contemporain » versus « Ère du Roi-Soleil » ? Avouons-le, de ce côté-ci de l’Atlantique, on attendait l’artiste américain, phare du flashy et fan du kitsch plutôt à Londres, et dans le très grand « Hall des Turbines » de la Tate Modern…

Mais à la “surprise” générale, c’est à Versailles, dans le château XVIIe siècle du Roi-Soleil, au cœur même des appartements du Roi et de la Reine, qu’il faudra donc se rendre pour prendre la mesure de cette rétrospective, première du genre sur le sol français. Parmi ces 16 pièces, une seule, Split Rocker, avec ses 12 mètres de haut et son installation interne de 90.000 plantes, est postée à l’air libre devant l’ »Orangerie ». Les 15 autres s’égrènent dans les pièces du château : Lobster, une langouste en acier et aluminium peint et pendu comme un jouet gonflable, dans le « Salon de Mars » (voir image ci-dessus) ; Rabbit, un lapin en acier chromé placé dans le « Salon d’Abondance » ; Balloon Dog dans le « Salon d’Hercule », un bouquet de fleurs en bois polychrome dans la « Chambre de la Reine » ; enfin, une Marilyn scotchée à une panthère rose baptisée « Pink Panter » dans le « Salon de la Paix ».

“Les habitués seront étonnés […], confiait Jeff Koons dans le dossier de presse. Mais j’aimerais qu’on ait le sentiment d’embrasser le futur. Le temps est une ligne continue qui se perpétue à travers les Arts et les artistes. […] Versailles ? Oui, je suis emballé par ce défi royal, c’est mon plus beau projet.”

Une récente adjudication à New-York de l’une de ses pièces à plus de 23 M$, et le tableau de cette exposition versaillaise se fait plus précis ; d’autant que, pour cet événement, François Pinault est le mécène principal, présent à hauteur de quelque 2 M€. Cela ajoute sans doute à l’enthousiasme ambiant.

Pourtant, cette exposition ne fait pas l’unanimité.

Jeff Koons à Versailles, certes, le ton est donné : du grand, de la démesure, des installations imagières rigolotes et narcissiques, le tout bien coté et valant une petite fortune, car appartenant aux plus grandes collections de la planète (Pinault, Joannou, Fearnley, Broad). A y regarder de plus près, ce profil d’artiste ressemblerait aussi et de plus en plus à son feu compatriote pop, grand brasseur de business lui aussi : Andy Warhol. Pour l’anecdote, dans le « Salon d’Apollon », Jeff Koons a choisi d’exposer son autoportrait tout en marbre…

Au-delà d’une œuvre chère et en apparence simplette qui plaît aux grands comme aux petits, que peut bien chercher Jeff Koons : la notoriété ? l’argent ? les femmes ? Il semble que sa période sexe et picturale, inspirée de son idylle avec la Cicciolina son ex-épouse, qui fit scandale en son temps à la Biennale de Venise (1990), soit du passé. Cet artiste de 53 ans, cravaté et corseté dans son beau complet tout neuf, se concentre visiblement maintenant sur la réussite de ses affaires et la trace artistique qu’il souhaite laisser.

Pour avoir quelques clés et mieux appréhender ces œuvres ainsi que l’engouement qu’elles peuvent susciter, il est sans doute préférable de pointer le jeu volontaire et décalé de leur l’échelle, les matériaux hétéroclites qui, agencés selon les soins de ses ateliers bien organisés, troublent un instant (est-ce un ballon gonflé ? de l’acier ? du bois ? de la peinture ?). Mais quoi qu’il se passe, le recours à une représentation qui fait référence quasi systématiquement à un univers enfantin et populaire renvoie aussi au style Disney.

09 septembre 2008

Commentaires

  1. Non, non… il n’y a pas du tout de “surprise générale”… Jeff Koons en France et à Versailles, c’est dans l’ordre des choses…
    Il y a 10 ans ou plus, Alisson Gingeras arrivait au Centre Pompidou, dont le président était Jean-Jacques Aillagon, avec le projet d’une expo Koons… Aujourd’hui et depuis plusieurs années, Alisson Gingeras, à la suite de Jean-Jacques Aillagon, gère la collection Pinault, grand collectionneur de Koons.
    10 ans donc que le milieu de l’art contemporain attend cette rétrospective : le rêve. « Rédigé par Sylvie Philippon« 
  2. Où est la “vision” ?
    Où est l’âme ?
    Que cette œuvre “gentiment” régressive et “poliment” nihiliste soit l’expression servile du pouvoir de l’argent, n’indispose donc personne !
    Faut-il que ces messieurs nous aient fait dégorger toute notre mœlle pour que nous nous vautrions gaiement là-dedans !f »Rédigé par Bats and Swallows« 
  3. Quand on sait que l’un des principaux collectionneurs de Jeff Koons est François PINAULT, au demeurant il a bon goût, et que le responsable du Château de Versailles est Jean Jacques AILLAGON, ancien ministre de la culture, mais aussi proche collaborateur de PINAULT quand celui ci imaginait installer sa fondation d’art contemporain sur l’Île Seguin à Boulogne, et aujourd’hui à Venise, on se dit qu’il y avait sans doute un intérêt réciproque à la rencontre de Versailles, son château et Jeff Koons.Cela étant, on ne peut s’empêcher de craindre dans cette histoire un quelconque intérêt _ voire affaire de gros sous _ pour glorifier la rencontre du Kitsch US et celle du classicisme Français.Allez, la vipère n’est pas bonne conseillère, quand elle utilise sa langue ! »Rédigé par  Thierry« 
  4. Le lien que vous faites entre Warhol et Koons me semble judicieux (je le fais aussi !). J’avais vu la rétrospective Warhol à Bruxelles il y a quelques années. Ce qui m’avait le plus ému, c’étaient ses photos en noir et blanc et ses petits films, notamment celui consacré à sa petite égérie de la Factory (dont le prénom m’échappe sur le moment). Je n’ai jamais vu, “en vrai” du moins, une œuvre de Koons, et, pour être honnête, je ne me déplacerai pas spécialement à Paris pour voir la rétrospective de Versailles (à moins que quelque mécène, Jean Jacques Aillagon peut-être, m’offre le séjour !). J’ai plutôt tendance à penser ainsi : de Warhol à Koons, une Amérique enfantine et grandiose, certes, mais peut-être dérisoire ? J’ai envisagé de publier sur mon propre blog (L’Amour délivre), une fois n’est pas coutume s’agissant d’un blog littéraire, un article sur le sujet… De la même façon que beaucoup se rendent compte aujourd’hui que Picasso était probablement plus un virtuose qu’un génie (si j’en crois le dossier Bacon du Monde 2 de samedi dernier, Francis Bacon semblait le penser aussi…), il est probable que la trace laissée dans l’histoire de l’Art par nos deux acolytes américains ne sera pas celle que reflète leur cote du moment ! D’autres, dont on parle un peu moins (Marc Rothko par ex.), prendront leur place, insensiblement : c’est souvent ainsi ; il y a les œuvres du moment, et celles qui grandissent dans la durée, et ce ne sont pas nécessairement les mêmes, loin s’en faut ! mais vous savez cela aussi bien que moi. J’apprécie vos articles, mesurés, bien écrits et… “instructifs”, comme on disait autrefois, dans ma tendre enfance ! Bravo.
    Joël Bécam « Rédigé par: joelbecam « 

Comme pour les commentaires des lecteurs de l’article de « Libération » de vendredi 5 septembre « Le Mont-Blanc broie du noir » à propos des dangers de la « surfréquentation touristique »

_ cf mon « Du tourisme (suite) : une surfréquentation destructrice » _,

les commentaires des lecteurs du blog « Qu’est-ce que l’art (aujourd’hui) ? » ne nécessitent guère de commentaire, pour prolonger les réflexions que j’esquissais à partir de la présence d’une expo Ben _ et du panneau « L’Art m’emmerde » _ aux portes du « sanctuaire » qu’a pu être le « Musée-Atelier » du Chemin des Lauves (et atelier de Paul Cézanne, entre 1902 et 1906)…


Corinne Rondot interrogée à propos de l' »expo Koons » à Versailles dans l’émission _ d’Arnaud Laporte _ d’entre 12 heures et 13 heures 30 sur France-Culture ce mercredi, se demandait qui avait le plus à « gagner » de l' »Art classique » et de l »Art contemporain » à pareille « installation », « confrontation », « cohabitation »… Une réflexion que je livre ici telle quelle…


Michel Fraisset, Directeur de l' »Atelier Cézanne » (d’Aix-en-Provence), fait _ cf mes 4 articles « Art et Tourisme à Aix » _ du « lieu » internationalement attractif, à Aix, dont il a la responsabilité (« touristique »), un « lieu de culture ouverte » _ caractérisé « surtout » par sa « convivialité« , le « partage » et des « émotions«  : dont profitent les artistes (et les œuvres) invités ;

mais qui peut retentir aussi sur le regard (titillé malicieusement par un « L’Art m’emmerde« ) posé par les visiteurs-amateurs sur un maître admiré, voire vénéré, tel que Paul Cézanne…

Dans le cas des « Galeries », « Salons » et « Chambres » (royaux et royales) de Versailles, existe aussi une « mise en mouvement » à double-sens _ du présent vers le passé ; et du passé vers le présent _ des regards (et pensées) des regardeurs-spectateurs _ du moins potentiellement, « en puissance », dirait Aristote…

Cependant, l’aura _ et la cote sur le marché international _ de Jeff Koons s’augmente(nt) passablement de pareille « rétrospective » en un tel lieu ; davantage que s’enrichit la gloire de Versailles…


Soit un avatar de plus de ce qui se passa ici en 1870, en 1919, et même en 1940, avec le « passage » en ces mêmes « Galeries » et « Salons », non seulement d’un Bismarck ou d’un Foch, mais aussi d’un certain Adolf Hitler…

« Le Roi s’amuse » aussiauraient dit un Victor Hugo _ en son théâtre _ ;

un Pascal _ en ses « Pensées » _ ;

ainsi qu’un Giono _ dans le terrible « Un roi sans divertissement« …

Qu’on relise surtout les « Lettres » de Madame de Sévigné sur ses visites « enchantées » _ et les éblouissants « medianoche » en musique _ à Versailles ;

et le duc de Saint-Simon, en ses « Mémoires« …


Titus Curiosus, ce 10 septembre

Du tourisme (suite) : une « surfréquentation destructrice »

08sept

Pour alimenter la réflexion quant aux rapports _ et à, parfois, une « tension » _ entre « Art » et « Tourisme »,

j’ai découvert ce matin, en effectuant ma « revue de presse », un article _ de vendredi dernier, 5 septembre, dans le quotidien « Libération », sous la signature de François Carrel, intitulé « Le Mont Blanc broie du noir« , posant la question des risques et dangers d’une « surfréquentation touristique » pour certains sites ;


qui vient comme prolonger ma petite synthèse d’hier… Qu’on en juge : voici, avec très peu de farcissures de commentaires de ma part, l’article ;

et qu’on le confronte avec les interrogations de mon article de conclusion d’hier…

« Le Mont Blanc broie du noir

Luna Park ou site classé? L’avenir du plus haut sommet français, menacé par une surfréquentation destructrice, reste en suspens.

Envoyé spécial à Chamonix et Courmayeur : François Carrel

QUOTIDIEN : vendredi 5 septembre 2008

« La mort, le 24 août, de huit alpinistes au Mont-Blanc a rappelé l’importance de sa fréquentation _ ne serait-ce pas une affaire de « seuil » à ne pas dépasser ?… Jean-Marc Peillex, le maire de Saint-Gervais-les-Bains (Haute-Savoie), d’où part l’une des voies d’ascension, en a profité pour relancer sa campagne de presse favorite. La surfréquentation _ voilà bien le mot important ! _ du sommet, avec son cortège de décès et nuisances écologiques, ne «sont plus tolérables : le Mont-Blanc est devenu un parc d’attraction», répète-t-il. Il a une solution miracle : instaurer un permis d’ascension, idée rejetée par le milieu montagnard qui plaide pour plus d’information. La mortalité dans les montagnes françaises est stable : une centaine de morts chaque été, dont un quart de randonneurs et une dizaine d’alpinistes sur le seul Mont-Blanc. Dans les grands jours, plus de 300 personnes se lancent sur ses pentes : il souffre, outre son irrépressible aura de point culminant, d’un accès trop banalisé, en raison des remontées mécaniques _ eh oui ! ce n’est pas de la « marche de randonnée » ! _ sur ses flancs et d’une promotion locale _ « touristique », donc _  historique.

Le maire de Saint-Gervais est, à cet égard, un parfait tartuffe : il n’a de cesse d’utiliser le Mont-Blanc pour sa communication, invitant à tour de bras journalistes et «pipeules», Gérard Holtz et PPDA en tête, à venir le gravir, rebaptisant sa commune «Saint-Gervais-Mont-Blanc» sur ses brochures, bataillant comme un forcené pour faire monter plus haut le train touristique de Saint-Gervais et ses 150 000 passagers annuels, au-delà de son terminus actuel à 2 400 mètres… Jean-Paul Trichet, vice-président de ProMont-Blanc, fédération franco-italo-helvétique des associations de défense du massif, grince : «C’est un adepte de l’égologie ; il fait feu de tout bois, sans reculer devant les pires contradictions. Il focalise l’intérêt des médias sur la fréquentation du sommet au détriment des vraies menaces.»

Chaînon manquant

Si le massif du Mont-Blanc est effectivement devenu un parc d’attraction, les 20 000 à 30 000 alpinistes attirés chaque année par son sommet-phare ne représentent qu’une goutte d’eau parmi les quelque 5 millions de visiteurs annuels, France, Italie et Suisse confondues.

L’économie locale vit du tourisme, une manne _ voilà bien l’enjeu prioritaire _ dont profite avant tout la vallée de l’Arve, c’est-à-dire Chamonix et ses voisines, mais aussi Courmayeur en Italie, ou Saint-Gervais… Cet afflux de skieurs et touristes génère de sérieux soucis : trafic routier, pollution de l’air, nuisances sonores du trafic et des survols incessants du massif, pression urbanistique. On a beaucoup construit et on construit encore, à Chamonix comme à Courmayeur. La spéculation immobilière chasse habitants permanents et travailleurs saisonniers _ je parlais hier du lien en quelque sorte »consubstantiel » « tissé » entre une ville, ou un territoire, et ceux qui y « habitent » _ vers le bas des vallées, augmentant d’autant le trafic auto. Les résidences secondaires ont pullulé, au détriment des «lits chauds» : «Chamonix est tombé de 6 000 lits hôteliers en 1970 à 4 000 aujourd’hui ! Il faut donner un coup de frein sur les constructions individuelles et trouver des solutions pour utiliser l’existant», tranche le nouveau maire de Chamonix, Eric Fournier. Le ton est nouveau ; la crise prend, il est vrai, une ampleur préoccupante _ ou des inconvénients collatéraux et « en cascade » d’un excès de tourisme…

Plus besoin de dormir sur place pour visiter le massif. On y arrive très vite _ comme on en repart _ par la route. Sous le Mont-Blanc, le tunnel est l’un des principaux axes routiers européens. États et concessionnaires n’ont jamais lésiné sur les infrastructures routières. Après le drame de 1 999 (39 morts dans l’incendie du tunnel), on a redoublé les investissements : côté italien, l’autoroute plonge dans la montagne à 200 mètres du superbe glacier de la Brenva ; côté français, on finit d’aménager la nationale en deux fois deux voies avec échangeurs sur le dernier chaînon manquant, entre Chamonix et Les Houches. Les 1 600 camions et 3 200 voitures qui empruntent chaque jour le tunnel (1,8 million de véhicules par an, à peine moins qu’avant 1 999), frôlent de ce côté un glacier des Bossons en plein recul lié au réchauffement climatique.

«L’accès à Chamonix est devenu plus sûr, mais c’est cher payé : on a une infrastructure démesurée à l’échelle de notre vallée encaissée», souligne Isabelle Madesclaire, présidente de l’association Urbasite. En l’absence d’investissements forts dans le rail et les transports en commun (le train n’arrive pas à Courmayeur ; et il est sous-développé en vallée d’Arve où il serait d’un usage facile), ces axes routiers jouent le rôle d’aspirateur à voitures. Deux tiers des véhicules traversant la vallée vont ou viennent de Chamonix-ville, hors tunnel donc… Les « tours opérateurs » _ je les évoquais aussi hier _, en particulier ceux qui travaillent sur les marchés asiatiques en pleine croissance _ même chose _, n’hésitent plus à faire des excursions à la journée depuis l’aéroport de Genève _ c’est pratique et peu cher.

Ce sont avant tout les remontées mécaniques _ tout y roule, il n’y a qu’à se laisser porter (et emporter) pour ce qui concernent les utilisateurs : vive la modernité automatisée… _ qui les attirent. Il y en a plus de 80 sur les flancs du massif, certaines ouvertes toute l’année comme la plus célèbre, le téléphérique de l’Aiguille du Midi (500 000 passagers par an) ou le train du Montenvers vers la mer de Glace (350 000 passagers). Elles sont majoritairement exploitées par la Compagnie du Mont-Blanc (CMB), créée en 2000, satellite de la Compagnie des Alpes qui détient les plus grands domaines skiables de la chaîne alpine et une bonne partie des parcs d’attraction européens _ un dynamique secteur de l’industrie touristique… La CMB, dont la ville de Chamonix est actionnaire minoritaire, gère sa belle affaire avec dynamisme. Décriée pour sa politique tarifaire (monter à l’Aiguille du Midi coûte 38 euros, 21 euros pour la mer de Glace), la compagnie rénove à tous crins les équipements de la vallée d’Arve. Elle aménage la ville, remplace les anciennes télécabines par de nouvelles, à plus haut débit _ et rentabilité _, hier à Vallorcine et aux Houches, demain aux Grands-Montets, et cet été au Brévent : la capacité de la nouvelle télécabine de Planpraz est passée de 1 300 à 3 000 personnes par heure.

Ce chantier à 11 millions d’euros est un révélateur des rapports de forces _ un concept important, on le mesure _ locaux : la ville de Chamonix a validé le doublement du débit de cette remontée, dont la gare de départ est en ville, sans avoir résolu les difficultés d’accès que cela va poser, ni budgété le démantèlement des cinq pylônes monumentaux, en béton brut, de l’ancienne remontée. La CMB a défriché à côté, doublant la largeur de la trouée dans la forêt au-dessus de Chamonix. François Bidaut, le patron de la CMB, a soufflé, sans rire, une solution à la municipalité : conserver un ou plusieurs de ces pylônes au titre du patrimoine _ industriel, un « concept » on ne peut plus « tendance » ! _ et les faire décorer _ c’est « artistique » ! et le tour est joué !!! _ par des artistes. Il se défend : «Le démontage est du ressort du propriétaire. N’inversons pas les rôles : nous ne sommes que des exploitants! On ne peut pas nous reprocher de faire du business, c’est notre vocation. Les communes nous disent : « Nous voulons développer le tourisme, faites des remontées.«  Nous ne sommes aménageurs que pour le compte d’autrui.»

Autre exemple, la CMB a décidé de rénover la télécabine qui traverse le cœur du massif, de l’Aiguille du Midi à la pointe Helbronner, versant italien. Elle a été construite en 1957, malgré le refus de l’Etat, qui s’était ensuite incliné devant le fait accompli. La capacité de cette remontée, qui défigure une zone naturelle exceptionnelle à plus de 3 000 mètres d’altitude, va passer de 140 à 300 personnes par heure. Le maire de Chamonix concède qu’il ne s’y opposera pas : «On ne change pas d’appareil, on reste sur de tout petits volumes de passagers…» ProMont-Blanc milite pour le démantèlement : «Se séparer de cet équipement serait un signe fort de basculement vers le développement durable. Le fait de le moderniser démontre qu’on reste dans le tout aménagement», assène Jean-Paul Trichet.

La démarche est encore plus claire côté italien, où la région du Val-d’Aoste va débourser 100 millions d’euros pour remplacer le Funivie Monte Bianco, une remontée vieillotte mais prestigieuse qui mène à la Pointe Helbronner, balcon sur le Mont-Blanc et la vallée Blanche, l’une des très rares du massif à ne pas être sous le contrôle de la Compagnie des Alpes. De 100 000 passagers par an, Funivie devrait vite passer à 250 000 _ c’est appréciable en matière de rentabilité. Le dossier est bouclé, les travaux commenceront en 2009. Avec cet équipement, Courmayeur, endormi depuis son âge d’or du milieu du siècle dernier, veut se relancer. La ville va déjà chercher des clients dans les métropoles italiennes _ et les amener en vitesse _ grâce à son autoroute, mais aussi, comme Chamonix, chez les « tours opérateurs » _ les revoilà ! _, les clients russes ou asiatiques _ et eux aussi… L’heure du tourisme de masse ? _ la question est on ne peut plus clairement posée… Fabrizia Derriard, nouvelle maire de Courmayeur, s’en défend et assure qu’elle veut jouer l’atout touristique _ en effet ! c’est « réaliste » _ des deux zones Natura 2000 _ bien nommées _ de la commune, dont le plan de gestion doit encore être validé et financé par l’Union européenne. La maire défend par ailleurs la pratique de l’héliski (ski avec portage par hélicoptère), florissante sur ce versant du mont Blanc et rêve d’une liaison «ski aux pieds» avec la Haute Tarentaise française… La puissance à venir des infrastructures de la vallée ne laisse donc guère d’illusions.

Déclaration d’intention

L’idée d’un parc international du Mont-Blanc, envisagée à la fin des années 80, avait été écartée par les élus haut-savoyards, valdôtains et valaisans. En 1991, a vu le jour un Espace Mont-Blanc, organe transfrontalier chargé par les Etats de concilier _ c’est toute la question _ protection de l’environnement et développement économique. Dix-sept ans plus tard, l’échec de cette structure est patent. Les espoirs se tournent désormais vers un classement du massif au patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco _ un label très « porteur ». Ce projet initié par ProMont-Blanc semble convaincre nombre d’élus locaux, régionaux et nationaux, dont Eric Fournier, le maire de Chamonix: «Cela permettrait de donner de la cohérence _ oui… _ aux politiques publiques, tout en les accélérant, à commencer par les transports _ et les « rotations »… L’Unesco, c’est le pari de se dire qu’on parvient à aller plus vite vers le ferroviaire, vers le développement durable.» Jean-Paul Trichet renchérit : «Dans l’histoire, ce massif a toujours su inventer, innover, mais depuis cinquante ans, il ne se passe plus rien. On peut faire de grandes choses ici. Les collectivités et les Etats en ont-ils la volonté ?»

Une candidature au patrimoine mondial implique que les Etats et territoires concernés élaborent un contrat de gestion et de protection. L’Espace Mont-Blanc juge le projet «prématuré». Les communes italiennes se sont prononcées pour ; les communes françaises pas encore. «Laissez-nous quelques mois», plaide Eric Fournier, qui a le soutien des communes de l’Arve, mais pas celui de Saint-Gervais : Jean-Marc Peillex a trouvé là une occasion de plus de se distinguer en s’opposant violemment. La région Rhône-Alpes soutient le projet, mais n’y travaille pas ; l’assemblée du Val-d’Aoste reste muette. Et si l’Italie et la France ont déposé une déclaration d’intention auprès de l’Unesco, la Suisse ne l’a pas fait, tandis que le nouveau ministre de l’Environnement italien est aux abonnés absents. Nicolas Sarkozy, en campagne au pied du glacier des Bossons, avait promis que ce classement serait «un combat pour la France». Jean-Louis Borloo, ministre de l’Ecologie, fanfaronnait en octobre 2007 : «J’ai convenu avec l’Italie et la Suisse de déposer un dossier commun concernant le statut du Mont-Blanc.» Le plus haut sommet d’Europe de l’ouest attend toujours un début d’éclaircie. »

La tension, ici, est moins entre « Tourisme » _ et sa sous-catégorie de « tourisme de masse »… _ et « Art », qu’entre « Tourisme » et « Écologie »… Mais, on ressent bien ce qui « tend » dangereusement des équilibres déjà assez précaires…

Quelques réponses de lecteurs de « Libération », maintenant… sans nul autre commentaire que la mise en gras d’expressions choisies…

youps :

Suisse modèle ??? êtes vous vraiment sûrs que la Suisse est un modèle ? N’êtes vous donc jamais allé à Zermatt ? Certes, on y accède seulement en train ; certes, c’est un village préservé ! mais la haute montagne l’est-elle ?.. mais une fois là haut ! avez-vous remarqué toutes ces horribles installations recouvrant les glaciers, pas un versant qui ne soit vierge de remontées mécaniques ; sans parler des hélicoptères qui tournent toute la journée autour du Cervin… Moi, je ne suis pas sûr que ce soit un modèle !

Samedi 06 Septembre 2008 – 14:49

geodetolvon :

Bel article, Bravo François ! Un article très bien documenté, qui ne reste pas à la superficie des problèmes. On aimerait une suite ! Comment démocratiser l’accés aux activités de montagne, comment faire que pour que ce développement ne se fasse pas au détriment de l’environnement, comment permettre au plus grand nombre de découvrir ces espaces hors du commun, comment leur permettre ainsi de se re-créer ? Des activités qui ne seraient plus réservées à des privilégiés ( la nature des privilèges étant souvent financière ; mais pas que…)

Samedi 06 Septembre 2008 – 14:37

ah    ahahhaha :

Arrétez tous de gueuler engoncé dans votre nombril. Vous êtes vous aussi des touristes. Hey oui

Samedi 06 Septembre 2008 – 12:02

ECO :

Amis les guides, bonjour ! Eh les Amis Guides de la Vallée, faudrait voir à vous entendre un peu là ! Il y a le bas de la bouse de vache et y’a le haut. Si vous cessez quelques années d’accompagner les bidochons là-haut, sans doute que le bas s’en porterait mieux, non ? et si vous vous appropriez un peu plus le Massif dans vos logiques à vous non?

Vendredi 05 Septembre 2008 – 18:34

Mais si :

MONT-BLANC Haut et Bas : il y a deux Mont-Blanc : celui du haut, où le souffle se fait court pour cause d’altitude, donc de raréfaction de l’oxygène. Celui du bas, où mieux vaut ne pas être trop regardant sur la qualité de l’air. On ne peut rien contre le désagrément du premier, sauf avec courage s’acclimater. On peut tout contre les désagréments du second, avec un peu de courage et de bon sens. Si le Mont-Blanc était en Suisse, on en aurait fait un sanctuaire certainement pas interdit à quiconque, mais les habitants des vallées ne seraient pas en train de crever la bouche ouverte, par asphyxie du tout route, du tout fric.

Vendredi 05 Septembre 2008 – 18:09

Matrok  :

Témoignage : Parmi tant d’autres touristes, j’ai pris il y a quelques années le train de Saint-Gervais qui monte au « Nid d’Aigle » et continué le sentier jusqu’au refuge de Tête Rousse, sur la voix normale du Mont-Blanc certes, mais là où s’arrête le domaine de la randonnée pour entrer dans celui de l’alpinisme. C’est un lieu qui reste magnifique, et pourtant… Bien sûr il y a la foule, mais pourquoi s’en étonner ? Par contre, au niveau de la petite cabane située au bas de la crête qu’on remonte pour aller à Tête Rousse, il y avait un énorme tas de détritus. Je n’ai jamais vu ailleurs dans les Alpes un tel signe de mépris du site, de l’environnement, de mépris même de la foule. Que faire pour soulager un peu le Mont Blanc de ce vandalisme ? Et bien même si ça m’attriste, je ne vois pas d’autre moyen que de limiter l’accès au Mont Blanc, de responsabiliser les guides, etc… Le Mont-Blanc n’est pas un produit à consommer, c’est un site naturel exceptionnel, et l’un des plus beaux de la planète.

Vendredi 05 Septembre 2008 – 15:26

Olympe :

Mentalité de chambre de commerce… C’est foutu ! Devant la pression humaine, il est vain de vouloir constituer des sanctuaires, puisque tout le monde « a le droit de« . La mentalité de chambre de commerce des élus de tous partis fera le reste. J’espère quand même qu’on fait payer les sauvetages en hélicoptère à tous ces ayant-droit qui vont saloper la montagne ! Vendredi 05 Septembre 2008 – 15:18

Matrok  @Jérôme :

Le sommet du Mont-Blanc est bien en France, d’après tous les géographes français, italiens, suisses ou congolais ! Il n’y a aucune ambigüité sur le tracé de la frontière, qui passe entre le sommet du Mont-Blanc (côté français, donc) et une antécime nommée « Mont Blanc de Courmayeur » et situé côté italien. C’est d’ailleurs pourquoi les Italiens considèrent que le point culminant de l’Italie est le « Mont-Blanc de Courmayeur« .

Vendredi 05 Septembre 2008 – 15:11

Marc  :

Article de fond… Un article de fond aussi long et fouillé, ça devient rare… Ça fait plaisir.

Vendredi 05 Septembre 2008 – 14:55

trilobite :

autoroute : A quand une belle autoroute à péage qui nous amènerait au sommet, enfin, disons à 4800 mètres de manière à ce que nous puissions nous vanter d’avoir franchi les dix dernier mètres encordés !..

Vendredi 05 Septembre 2008 – 13:56

Salade :

Incroyable : Être dans la masse : MALLLLLL ! Faire venir la masse : BIEN ! Être au dessus de la masse : BIEN ! La masse, c’est les autres, c’est bien connu. Vendredi 05 Septembre 2008 – 12:04


le jim  :

On n’y comprend rien ! Difficile de comprendre les positions des collectivités locales, je me rends réguliérement dans la vallée de Chamonix depuis une quinzaine d’année, et j’y ai toujours vu des travaux ! Chamonix ne sera jamais une vallée « écolo »… Impossible de revenir en arrière.. .On peut juste constater que le glacier des Bossons recule, que l’on pille le lit de l’Arve pour ses gravats et que la ronde des camions continue ! Ceci dit, c’est tellement beau au dessus… que les touristes y vont encore, et moi le premier !

Vendredi 05 Septembre 2008 – 10:44

Jérôme :

Mais au fait, le sommet est-il en territoire français (cartes suisses et françaises) ou italien (istituto géo…) ? Vendredi 05 Septembre 2008 – 09:49

fab  :

BCE ou CMB ??… Une fois c’est Jean-Claude Trichet, et la fois d’après, Jean-Paul Trichet… Je ne pense pas que le président de la BCE s’investisse dans cette affaire… Relisez vous que diable !

Vendredi 05 Septembre 2008 – 09:06

bachelarno  :

Bravo ! Excellent article. Et merci d’avoir souligné l’ambivalence du maire de St Gervais, qualifié magnifiquement d’adepte de l’égologie dans votre article. Il faudrait qu’il comprenne qu’inviter les « pipeules » parasites, ceux qui mangent à tous les rateliers, n’a pas vraiment de sens et n’apporte pas grand chose à sa ville…

Vendredi 05 Septembre 2008 – 08:51

A comparer avec ma petite réflexion de synthèse (sur « Art et Tourisme à Aix _ et ailleurs« ) d’hier…

Quant aux lectures « à faire », on se reportera avec profit à des auteurs s’interrogeant sur l’Histoire des paysages et celle des loisirs, tels que Alain Roger (« Court-Traité du paysage« , « La Théorie du paysage en France« ), Jean-Didier Urbain (« Les Vacances« , « Sur la plage« , « L’Idiot du voyage : histoire de touristes« ) et Alain Corbin (« L’Avènement des loisirs« ), ainsi que Joffre Dumazedier (« Vers une civilisation des loisirs« , aux Éditions du Seuil en 1972)…


Titus Curiosus, ce 8 septembre 2008

Art et tourisme à Aix _ et ailleurs (4)

07sept

Enfin, un essai de synthèse de réflexion _ sur « Art et Tourisme » _, après ces diverses impressions de « terrain » sur quelques uns des sites cézanniens d’Aix
ainsi que sur Aix-en-Provence elle-même,
et, en particulier, aussi, la fréquentation à toute heure très importante de l’Office de Tourisme,
à la Rotonde sur laquelle débouche la promenade archi-fréquentée, et belle, du cours Mirabeau…

Aix dispose d’un remarquable patrimoine artistique
architectural
_ pour commencer : celui de cette très, très jolie ville provençale _,

mais aussi avec sa large collection de Musées
_ et pas seulement le très riche et nouvellement splendidement ré-aménagé Musée Granet
(avec sa magnifique exposition rétrospective « François-Marius Granet » ;
après la très importante « Cézanne en Provence« , en 2006 ;
et avant une exposition, pour l’été 2009, « Picasso-Cézanne« ) :
le Musée du Vieil Aix,
le Musée des Tapisseries,
le Musée Paul Arbaud,
les Fondations Vasarely et Saint-John Perse,
etc…


ainsi que son si justement célèbre festival de musique…

Autant d’atouts
qui,
en plus du nom de Cézanne et des sites cézanniens
et de la « figure de proue »
de la montagne Saint-Victoire
dominant la ville ;

qui attirent en permanence des flots de touristes
qui viennent y passer et séjourner,
faisant affluer une importante manne
financière ;
à savoir « gérer »


De fait,
l’Office de Tourisme d’Aix
aide à organiser et répartir
, géographiquement ou urbainement, la demande « touristique » d’Art
de la part de ses visiteurs
de satisfaisante manière pour les demandes variées, forcément _ à commencer en fonction de la durée prévue du séjour (notamment hôtelier) dans la ville _,
des uns
et des autres…


Tels ceux, par exemple, qui se satisfont d’un circuit commenté par haut parleur
en petit train roulant

à travers les ruelles de la vieille ville…

Ou ceux qui ont une demande plus « ciblée » :
mettre leurs pas
dans ceux des mieux connus des aixois,
tels Paul Cézanne ;
ou Émile Zola.

Pour lesquels ont été rédigés _ par Michel Fraisset pour l’Office de Tourisme d’Aix _ d’excellents fascicules, avec plans de la ville,
« Sur les pas de » :

« Sur les pas de Cézanne » ; « Sur les pas de Zola« …

Il se trouve que
désirant connaître les auteurs de l’excellent diaporama du Grand-Salon du « Jas de Bouffan »,
j’ai été acheminé par les très serviables hôtesses de l’Office de Tourisme
vers le bureau de la responsable de la communication,
Bernadette Marchand, qui m’a très gentiment fourni le renseignement (« Gianfranco Iannuzzi », auteur de ce passionnant _ très instructif et très beau _ diaporama) que je désirais obtenir pour rédiger mon article ;

et que, lui signifiant mon haut degré de satisfaction des visites des sites cézanniens,
je lui ai indiqué l’unique point qui m’y avait un peu « gêné » _ le panneau « L’art m’emmerde«  (selon Érik Satie ; et Ben !…)
se balançant à la brise juste à l’entrée de l' »Atelier Cézanne » ; de la responsabilité de Ben, donc ;
ainsi qu’une expo Ben
dans l’appentis adjacent à la bâtisse de l' »Atelier« 
_ ;

il se trouve que
le responsable de l’initiative d’accueillir une expo Ben en ce lieu (de pélerinage cézannien) _ Directeur de l' »Atelier Cézanne », ainsi qu’Adjoint de Direction et Responsable de la Communication
de l’Office de Tourisme _,
Michel Fraisset,
se trouvait présent en ce même bureau de l’Office de Tourisme…


Nous avons donc pu, Michel Fraisset et moi-même, échanger _ très aimablement _ un peu,
là-dessus…


Donner à connaître (si peu que ce soit ; ou, plus encore, donner _ ou alimenter _ le désir de mieux connaître) d’autres artistes
à ceux qui viennent « sur les pas de » Cézanne

_ tel un Jean Amado : passionnant ! cf mon article « Parcours d’Art à Aix _ préambule » _ est excellent ;

mais je ne suis pas certain qu’un Benjamin Vautier, en l’occurrence,
« agisse » dans une catégorie (d’Art) du même ordre (d’authenticité et de valeur
_ objective !)
qu’un Cézanne
;

ce qui pose la question de ce qu’il en est,
depuis Marcel Duchamp
, en 1914,
de l’art dit « contemporain » ;

parmi des impostures…

Sur ce point-là,
je me situerai personnellement
, en tant que « spectateur »-« amateur d’Art »,
plutôt dans la mouvance d’un Jean Clair,
l’auteur exigeant de « Malaise dans les musées » (en septembre 2007)
et « Journal atrabilaire » (en janvier 2006) ; « Lait noir de l’aube » (en mars 2007) ; « Autoportrait au visage absent _ Ecrits sur l’art 1981-2007 » (en mars 2008) :
ainsi que de « La barbarie ordinaire _ Music à Dachau » (en avril 2001)…

Bref,
les mal (ou contre) façons d’Art
agacent

_ un brin _
mon épiderme (de curieux d’Art vrai)

La question _ de fond _ devient alors
comment satisfaire la « demande »
_ qualitativement variée _
de ces divers « clients »…


Je reprends ici, et à la lettre près, le très précis paragraphe intitulé « Les Faits »
_ page 178 de la contribution « Aujourd’hui, l’Atelier Cézanne… » de l’album si riche « Atelier Cézanne » (en 2002, chez Actes-Sud) _
sous la plume de Michel Fraisset :

« Comment l’Atelier Cézanne est-il devenu le musée le plus visité des Bouches-du-Rhône en 1999 et le second en 2000 derrière la Vieille -Charité de Marseille ?
Cette augmentation considérable de la fréquentation
et des recettes engendrées
est bien entendu l’effet
d’actions mises en œuvre dès 1998

_ « l’équipe mise en place par l’Office de Tourisme d’Aix arrive _ à l' »Atelier Cézanne » _ fin 1997 » (page 177) _
et largement développées les années suivantes. »

Michel Fraisset précise alors :
« Ces actions peuvent se regrouper autour de quatre pôles :
La communication, l’animation, la gestion, la commercialisation.
En premier lieu, l’idée même du « musée » au sens traditionnel est abandonnée.
On ne parle plus du
« Musée Atelier Cézanne »,
mais de l’
« Atelier de Cézanne »
,
lieu de mémoire et d’histoire,
mais surtout lieu de convivialité, de partage et d’émotions.
Il n’y a plus de
« conservateur »,
ni de
« gardiens »,
ni de
« droits d’entrée »,
vocabulaire impropre pour un lieu
ce culture ouverte.


Les visiteurs
sont aussi
des clients

_ voilà le point crucial.

Dès lors leur satisfaction
doit être prise en compte.
 »
Fin de ce paragraphe,
page 178 d' »Atelier Cézanne » (publié aux Editions Actes-Sud en 2002 par la « Société Paul Cézanne »).

« Être prise en compte » : mais comment ?
Financièrement ? _ et seulement financièrement ?..

Et les « satisfactions » des uns
« équivalent-elles »
_ par quels circuits ? _ à la « satisfaction » _ ou « insatisfaction » _ des autres ?..

Sur quels critères les évaluer ? Est-ce bien de l’ordre _ quantitatif (et visible) _ du « mesurable » ?…

Comment pèsent ici les diverses _ et peu « homogènes » _ « demandes » :
« demandes d’Art »
et « demandes de Tourisme » ?


La « demande » de ceux qui empruntent le petit train parcourant les ruelles de la Cité aixoise _ un semblable petit train est apparu récemment à Bordeaux _ en écoutant le déroulé
du discours pré-enregistré,
est-elle « équivalente »
à la « demande » de ceux qui se mettent « sur les pas » du créateur Cézanne ?..
Ou du créateur Émile Zola ?..

« Sur les pas » étant le titre même

des remarquables fascicules _ avec plans _ diffusés par l’Office de Tourisme d’Aix, rédigés _ fort pertinemment dans le détail même des renseignement fournis et des localisations données avec beaucoup de précision _ par Michel Fraisset lui-même…

Chacun _ « acteur æsthétique » (cf l’excellent livre de Baldine Saint-Girons : « L’Acte esthétique » ; ou le tout aussi nécessaire « Homo spectator » de Marie-José Mondzain) _ peut, bien sûr, en « avoir » « pour sa mise » ; ou « pour son argent »
_ voire pour son désir : même si, là, pour le cas du « désir », c’est considérablement moins facilement,

et encore ! c’est un euphémisme,

calculable et encore moins réalisable « à coup sûr » ;
au contraire, même :

n’est « agréé » et « reçu » _ et au centuple, qui plus est ! _, ici,
que ce qui n’était _ même pas _ demandé !..

prévu, prémédité, imaginé, rêvé !..

Ah! ce qui peut être rêvé sur le seul nom d’une ville !…

Sur cela, lire Proust, la « Recherche« …


La seule précaution à (essayer de) prendre _ pour les metteurs en place des « dispositifs » d’organisation des « visites » _
étant
que ne se gêne (pas trop) la « cohabitation » des uns et des autres
;

et en espérant, même _ peut-être avec l’appoint d’un minimum de « pédagogie », mais pas trop « didactiquement » non plus, qui aurait, cette trop didactique pédagogie, le désastreux effet (de fuite) inverse ! _

que
les « touristes » de passage
deviendront
des « ravis »
d’une véritable « émotion »
(= « æsthétique« ) d’Art ;

et plus de simples consommateurs de « clichés » touristiques

_ de type « on connaît ! on vient, même, pour çà !.. »


En cela,
le « système » des « réservations » à l’Office de Tourisme
constitue un utile sas
_ un commode et précieux « goulot d’étranglement », en amont des « flux » d' »inondation »… _
à l’égard des risques de « bouchons » (de foule)…

J’ai en souvenir, par exemple,
le nombre faramineux d’autobus
affluant (et s’alignanten kyrielles) aux (immenses) parkings du château de Chenonceaux
pour y mener des charters entiers de visiteurs de jusque l’autre côté de la planète ;
quand d’autres lieux (tout aussi beaux et tout proches de Chenonceaux, en Touraine)
sont encore préservés de ces foules « consommatrices » bruyantes _ et assez peu « vraiment curieuses » _,

sur le circuit international

des « tour operators« …


Qui a vraiment « intérêt » à cela ? et à « faire du chiffre » ?..


Ou, encore, à Venise, autre exemple, le contraste entre le secteur, passablement encombré (de touristes), entre la Place Saint-Marc et le Pont du Rialto, d’une part,
et Dorsoduro, si tranquille _ lire le merveilleux livre du dorsodurien Pier Maria Pasinetti (1913-2006) : « De Venise à Venise » (« Dorsoduro » étant le titre original de ce livre, en italien)…

Comment éviter que l’afflux en grand nombre
gâte
la rencontre « personnelle »
_ et singulière : c’est un « acte esthétique », pas si fréquent, jamais « normalisé », ni, a fortiori, « formaté »… _
avec l’œuvre
_ en un Musée, ou en une église _
ou avec le lieu…

Se reporter sur ce point

(de la rencontre-découverte : avec une œuvre ou avec un lieu)

au magnifique premier chapitre ( intitulé « La paix du soir _ au risque d’halluciner« )

aux pages 39 à 66 de « L’Acte esthétique » de Baldine Saint-Girons,

à Syracuse,

décrivant par le détail ce qu’elle qualifie si justement d’« expérience forte« , indiquant même : « Toute expérience forte est nécessairement datée et localisée : c’était le 29 avril 2005 à Syracuse, à la fin d’une journée intense«  (page 42) ; « j’étais en compagnie d’amis siciliens, tous deux aussi émus que moi par ces hasards objectifs _ l’expression est aussi superbe que magnifiquement juste ! _ : mon collègue _ philosophe _ Giovanni Lombardo, et le jeune Emilio Tafuri » _ car les autres participent pour beaucoup aux rencontres et des lieux, et des œuvres… « Nous cheminions sul longomare, las et heureux. Moins directement heureux peut-être que sensibles à un accord musical inattendu surgi entre le monde et nous : nos sentiments et nos pensées nous semblaient atteindre à l’unisson, malgré des destins séparés. « La paix du soir », ai-je alors murmuré, comme si cette expression m’avait été soufflée. Une douce émotion nous envahit tous les trois. Impossible, semblait-il, de ne pas la reconnaître : elle nous enveloppait et nous absorbait, tissant entre nous un double lien, substantiel et musaïque » (page 43).

Je poursuis ma lecture : « Devait-elle davantage sa force à un état du monde ou au vocable ? Quels rôles fallait-il attribuer respectivement à la perception mondaine _ syracusaine, ici et alors _ et à sa formulation ? Silencieux et retenant notre souffle, nous croyions bien « entendre » la respiration du cosmos, miraculeusement pacifiée : n’était-ce pas le monde qui nous parlait diirectement à travers l’équilibre éphémère du crépuscule, alors que le jour le cédait au soir ? N’entendions-nous pas cette voix de façon quasi endophasique, presque comme une hallucination verbale ? Pourtant quelque chose de nouveau se produisit, dès lors que nous nommâmes « la paix du soir » ; la force poétique du phénomène du monde sembla décupler«  (page 44).

Et l’analyse se poursuit… Page 64, Baldine Saint-Girons pose la question : « L’acte esthétique peut-il se programmer ? » ; et elle y répond positivement : « Programmer des actes esthétiques nous est essentiel » (page 65) ; mais cet art demeure, toutefois, extrêmement subtil : « il suffira _ dit optimistement Baldine Saint-Girons _ de se déprendre de toutes choses _ qui retiennent et alourdissent _, de se faire bohémien, de se mettre en voyage _ combien, partis hors et loin de chez eux, y parviennent « vraiment », réellement ? _ : l’ailleurs s’ouvrira« , pose-t-elle, alors, page 65… Soit un acte d’ouverture à une réceptibilité ;

et à une réception effective, quand celle-ci advient, comme en réponse à quelque demande informulée, forcément, de notre part.

Et elle conclut ce beau chapitre liminaire de « L’Acte esthétique » par ces mots : « La « vraie vie » dont l’absence nous taraude serait-elle à notre portée grâce à l’acte esthétique, qui suppose un sujet tourné vers le dehors et un monde réenchanté ? Plus on y songe, plus on se demande si le véritable savoir, celui qu’il est inutile d’arborer, mais qui aide à vivre, n’est pas le savoir esthétique. « La paix du soir » pourrait s’élever de la sorte au rang de mathème, mais de mathème secret, dont la force opérative ne se révèlerait qu’à celui qui vacille sous l’aiguillon de l’æsthesis«  _ qu’il nous faut apprendre, avec délicatesse, à « recevoir » et « accueillir » : avec la plus pure _ épurée _ simplicité… Voilà tout ce qui peut se préparer _ sur (voire contre) soi _, mais ne se produit certainement pas _ jamais, du côté de la rencontre avec l’altérité _ sur commande… Ni ne s’achète ! par conséquent…

Sans compter que la ville, elle-même, doit demeurer vivante ;
pas rien qu’un « conservatoire de patrimoine »,

(ou une accumulation de boutiques de « marques » interchangeables, hélas, d’une ville à une autre)
pour visiteurs étrangers pressés
consommateurs de « clichés » seulement
parmi lesquels ils « se figurent » « reconnaître » quelque chose d' »attendu », déjà, d’eux, sans jamais rencontrer quelque altérité _ objective, et non pas fantasmée, ou virtuelle _ que ce soit !.. C’est qu’elle pourrait bien les « effrayer », pareille altérité…

Car une ville est tissée aussi, et consubstantiellement, de ses propres habitants…


Soit une question que se pose aussi, pour le devenir de sa ville,

l’excellent maire (et philosophe) de Venise,
Massimo Cacciari (de lui, en français, on peut lire : « Le Dieu qui danse« )…

Des questions pour non seulement
l’Office de Tourisme _ et la Ville _ d’Aix-en-Provence,

mais pour les mairies de villes à important capital patrimonial artistique
_ telle la mairie de Bordeaux ;

à l’heure de la candidature au label de
« capitale européenne de la culture »
pour 2013.

Titus Curiosus, ce 7 septembre 2008

Un bouquet de musiques « terminales » _ et autres…

06sept

Une singulière conjonction de sorties discographiques en ce début de septembre
vient de m’offrir un rare « bouquet » de splendides musiques « terminales » _ je vais m’en expliquer _ ;
ainsi que d’autres, à l’opposé (du « terminal » !)…
Je veux parler des dernières œuvres d’Alfred Schnittke (« Concerto pour alto et orchestre« ) et Dmitri Shostakovich (« Sonate pour alto et piano« , opus 147)
qu’a choisi d’interpréter le brillantissime Antoine Tamestit _ avec Markus Hadulla, pour la Sonate ; et l’Orchestre Philharmonique de Varsovie, dirigé par Dmitrij Kitajenko, pour le Concerto _ sur un très « intense » CD « Shostakovich Schnittke » Ambroisie (AM 168) ;

et du « dernier quatuor » (à cordes) de Beethoven _ le « Quatuor à cordes » n° 16 en fa majeur opus 135 _, pris ici en concert _ en une seule prise _ par le Quatuor Prazák,

avec le « Quatuor à cordes » en sol mineur opus 50 n°6, « La Grenouille« , de Joseph Haydn ;
le « Quatuor à cordes » n°3 H 268 de Bohuslav Martinu ;
et le « Quintette » pour saxophone et quatuor à cordes J 194 de Jindrich Feld _ avec Raaf Hekkema au saxophone _ sur un CD Praga Digitals (PRD:DSD 350 045) : « Prazak Quartet in Concert«  ;

auxquelles œuvres j’adjoindrai un récital de (25) « Lieder » de Schubert, par la radieuse Bernarda Fink et le parfait Gerold Huber, au piano, sur un parfait CD Harmonia Mundi (MMC 901991).

Et pour les « autres » _ que « terminales » _ du titre de l’article,
ce seront les « Concertos pour piano » n° 1, 5 et 6 de Joseph Wölfl, par Yorck Kronenberg et le SWR Rundfunkorchester Kaiserslautern, dirigé par Johannes Moesus, sur un CD CPO (777 374-2) ;

et,
tout autre chose encore,
un petit bijou de musique intime _ familiale _
qu’est une sélection du « Petit Livre d’Anna-Magdalena Bach » par la soprano Karina Gauvin, le claveciniste Luc Beauséjour et le violoncelliste baroque Sergei Istomin, sur un CD « Bach » Analekta (AN 2 2012)

Donc, tout d’abord le choc _ musical _ intense que provoque le total engagement d’Antoine Tamestit _ quel immense interprète ! _ dans les œuvres de la fin que sont le « Concerto pour alto« de Schnittke et la « Sonate pour alto et piano » de Shostakovich : « la musique semble prédire des événements tragiques, et une semaine après avoir achevé ce concerto _ en 1985 _, Schnittke a été victime d’une effroyable série d’attaques cérébrales qui allaient finalement l’emporter _ en 1998. C’était le commencement de la fin _ pour lui, énonce Richard Jones, l’auteur du livret du CD ; et il cède alors la parole à Antoine Tamestit : « C’est angoissant de constater que c’est comme ça. La fin du concerto donne l’impression d’une respitration qui s’arrête. C’est la raison pour laquelle _ précise-t-il alors _ j’ai mis _ aussi… _ la sonate de Chostakovitch dans ce disque. Pour moi, elle forme le même genre d’arche _ lent, rapide, lent _ avec un dernier mouvement très long ; mais également bien sûr pour Chostakovitch c’était la fin de la fin. Il est mort un mois après avoir terminé la sonate« , conclut Antoine Tamestit.


Ces interprétations d’Antoine Tamestit sont « solaires » : à emporter avec soi sur l’île déserte…

Je citerai encore ces phrases du librettiste, pages 11 et 12 du livret du CD : « La réponse de créateurs comme Schnittke et Chostakovitch à la puissance expressive de l’alto _ à laquelle fit allusion l’altiste Alain Tresallet lors de la répétition à « La Friche » de la pièce de François Cervantès « Le dernier quatuor d’un homme sourd« , le 23 juillet dernier _,

a laissé au monde les deux chefs d’œuvre présentés ici. Tamestit (…) a découvert _ à l’âge de dix ans _ que la corde à vide de do, le même do sur lequel s’achèvent le concerto de Schnittke et la sonate de Chostakovitch, résonnait avec chaleur dans tout son corps, et qu’en faisant reposer le bout de l’instrument contre sa gorge, comme son professeur Tabea Zimmermann le lui avait montré, il pouvait sentir les vibrations de l’instrument comme une voix supplémentaire.«  Le librettiste commente alors : « C’est cet élément humain dans le son de l’alto qui pousse les compositeurs à livrer leurs œuvres les plus émouvantes. Dans la plupart des cas, il _ cet « élément humain dans le son de l’alto » _ se trouve associé à l’expression de la tragédie, de la perte, du chagrin, mais aussi de l’espoir ultime.«  C’est assez bien « senti »…

« Pour cette raison, Varsovie a été un lieu exaltant pour cet enregistrement _ du « Concerto » de Schnittke. Le sentiment de résurrection après la tragédie, de renouveau dans les ruines, de paix après le désespoir, imprègne cette ville plus que toute autre. On l’entend dans les cordes de l’Orchestre Philharmonique de Varsovie, ce tranchant glacial et clair que Tamestit décrit comme « la façon de jouer de l’Est » et qui allie la clarté de l’objectif à la profondeur de l’émotion.« 

Tout cela, en effet, s’entend en cet immense enregistrement et ce très grand disque pour des œuvres majeures (« terminales ») du XXème siècle… De même que l’amitié entre Antoine Tamestit et Markus Hadulla est, elle aussi, magnifiquement sensible dans ce qu’ils nous offrent de l’œuvre testamentaire de Chostakovitch. Nous sommes ici, dans ces œuvres-là comme dans ces interprétations-ci, dans les zones les plus intenses de l' »humain »…


La nouvelle version _ par les Prazák en concert : le 14 mars 2008 dans la kleine Zaal du Concertgebouw d’Amsterdam pour les « quatuors » de Beethoven, de Martinu et le « quintette » de Feld (et le 27 novembre 2006 à l’Opéra de Lyon pour le quatuor de Haydn) _ du « dernier quatuor » _ le seizième, opus 135 _ de l' »homme sourd » (Beethoven), est venue combler mon attente (de cet été, depuis la séance de répétition au théâtre de la Friche à Marseille de la pièce de François Cervantès, le 23 juillet dernier) : l’œuvre est ici, par les Prazák en concert, d’une époustouflante gravité légère, comme elle est, et doit être interprétée : quelle grâce, quelle urgence fébrile surmontée, transcendée, en cet « au revoir » (d’un « sourd »)… Qu’on l’écoute !

Quant au récital de « Lieder » de Schubert (1797 – 1827) par Bernarda Fink, il se situe en plein dans ce que je viens de nommer « urgence fébrile surmontée, transcendée« , pour l’œuvre d’un compositeur qui eut à sa disposition trente-et-une années de vie… Bernarda Fink est une artiste radieuse _ je l’ai entendue au concert, au Grand-Théâtre de Bordeaux _, radieuse et parfaitement probe ; et son timbre, et son art, servent idéalement ce choix de « Lieder«  _ Schubert eut cependant le temps d’en composer un certain nombre… Nous sommes dans une semblable « évidence » d' »urgence » et de « remerciement » dédié au « vivre ». Je ne sais si c’est Bernarda Fink elle-même qui a choisi la citation de Schubert au dos du CD ; la voici, en date de mars 1824 : « Personne qui ne comprenne la douleur de l’autre, et personne qui ne comprenne la joie de l’autre ! On croit toujours aller l’un vers l’autre, et l’on ne fait toujours que se croiser. » Schubert ajoutant encore _ nous sommes dans le « romantisme » : « Quelle souffrance pour celui qui en prend conscience ! » Sans pathos, sans (trop) longues phrases, la musique (des « Lieder« ) se contente, avec humilité, de le chanter…

Les deux autre CDs sont d’un autre « registre » _ que celui d' »évidence » affrontée (et non pas évitée) d’une « urgence fébrile surmontée, transcendée » de quelque « terminal » que ce soit… _ ; de celui de la vie quotidienne (et ses joies) ; et de celui du gracieux divertissement _ qui s’épanouit notamment dans le second versant du XVIIIème siécle ; et qui donna, aussi, de grandes œuvres tranquilles, joyeuses, pleines d' »esprit », voire d’espièglerie _ telles celles de « bon papa Haydn« , tel, par (excellent) exemple, le « Quatuor « La Grenouille » du CD « Prazak Quartet in Concert« 

Ainsi les trois « Concertos » pour piano et orchestre (n° 1, 5 et 6) de Joseph Wölf, qui parut, un moment, à Vienne, comme une sorte de rival du jeune Beethoven, ainsi que le présente le librettiste (Bert Hagels) du CD CPO : « En avril 1799, paraît un article détaillé sur les pianistes viennois de l’époque dans la revue musicale « Leipziger Allgemeine musikalische Zeitung » (…) « Parmi ceux-ci, Beethoven et Wölfl sont les plus en vue. (…) Il semble que la majorité penche en faveur du dernier cité. (…) Le jeu de Beethoven est exceptionnellement brillant, quoique moins délicat, et manque parfois de clarté. Il se montre le plus à son avantage dès qu’il laisse libre cours à son imagination. (…) Sur ce point, Wölfl lui est inférieur. Mais il le surpasse par son exécution légère, précise et limpide de mouvements paraissant impossibles à jouer grâce à ses connaissances musicales approfondies et la dignité parfaite de sa composition, ce qui suscite l’étonnement ; (…) et parce que son interprétation est toujours bien venue, si plaisante et caressante, notamment dans les adagios, sans aucune tendance à la sécheresse ou à l’excès, elle suscite non seulement l’admiration, mais aussi un véritable plaisir. »

Et bien, c’est cette norme-là de « plaisir » _ et d’hédonisme _ qui avait cours au tournant des deux siècles _ 1799-1800 _ que l’excellent pianiste, très élégant, Korck Kronenberg nous donne, en ce CD sans défaut, à percevoir avec finesse… Soit, ce qui « plaisait » effectivement alors « dans le siècle« , « dans le monde« , comme aurait dit un Bossuet… Un témoignage d’un moment du goût, donc ; fidèlement rendu.

Quant aux extraits québéquois du « Petit livre d’Anna-Magdalena Bach«  _ du CD « Bach » Analekta, ils sont tout bonnement délicieux… Loin du concert, loin des salles et des publics _ cf aussi le CD Alpha 128 chroniqué dans « Articles en souffrance _ un inventaire à la Prévert » :  le CD Alpha 128Trios pour Nicolaus Esterhazy” de Joseph Haydn, par l’ensemble Rincontro (les excellents Pablo Valetti, Patricia Gagnon et Petr Skalka) :

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pour une autre forme, encore, de musique « intime » : pour Nikolaus Esterhazy, en ses résidences (princières, cette fois) d’Esterháza, d’Einsenstadt ou de Vienne _ ;

loin du concert, loin des salles et des publics à séduire, nous pénétrons dans la joie musicale domestique la plus pure ; d’une grâce infinie, en cette succulente interprétation _ toute « pure » _ de Karina Gauvin, Luc Beauséjour et Sergei Istomin…

Titus Curiosus, ce 6 septembre 2008

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