« Vive Rameau ! » : le « feu » du génie de Rameau en un jubilatoire CD Rameau (« Zoroastre » et « Zaïs ») par Ausonia et Frédérick Haas
Le CD Rameau Alpha 142, « Que les mortels servent de modèles aux dieux…« , méritait mieux que l’allusion trop rapide que je m’étais (un peu cavalièrement ! mais provisoirement) permise en un récent (le 21 mars) article « Musique et peinture en vrac _ partager enthousiasmes et passions, dans la nécessité et l’urgence d’une inspiration » _ en attente de mieux, de plus détaillé, il est vrai, promettais-je… Probablement faute de tout à fait assez de l’énergie nécessaire, de ma part alors, pour lui rendre assez justice : d »où ce « vrac » un peu cavalier, en effet !..
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Or lui voici consacré, ce jour,
à ce CD Rameau Alpha 142, « Que les mortels servent de modèles aux dieux…« , par Ausonia et Frédérick Haas,
un article très positif et très juste (!!!) de Christophe Huss sur le site de Classics Today France ;
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en voici la teneur :
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« Le concept est porteur : un pot pourri géant « best of Rameau » _ et c’est bien de cela qu’il s’agit, sur une galette unique de 67′ 49 » : « un pot pourri géant « best of Rameau »« … Pourvu qu’il soit bien choisi et articulé, interprété par de bons musiciens, conscients du style, le compositeur se charge du reste _ et avec quelle maestria !.. Même si, pour ce qui me concerne, très personnellement, ma boulimie ne se contente pas sans maugréer quelque peu (!) d’une telle « économie » (de la part du chef-interprète des œuvres, comme de celle de l’éditeur-investisseur) : je vais y revenir…
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Frédérick Haas, claveciniste et chef d’orchestre _ et maître d’œuvre de ce CD _, a choisi de mettre en regard « Zoroastre » et « Zaïs« , deux ouvrages contemporains (1748 et 1749), mais opposés _ en leur style… Le premier (documenté en DVD dans une interprétation de Christophe Rousset), tragique, se nourrit d’oppositions et de combats. « Zaïs » est un ouvrage lumineux : « La péripétie n’est qu’irisation de surface », synthétise Haas dans son excellent préambule _ page 12 du livret, particulièrement remarquable, selon la politique éditoriale de Jean-Paul Combet, dès la création (et conception !) d’Alpha, en 1998…
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Contrairement à la tendance _ endémique, dominante _ des dix dernières années _ c’est bien vu ! que de dérives (je me retiens de donner des noms, même s’ils me démangent…)… _, Haas fuit la surenchère _ pour la vie dans la justesse seulement ! _ dans l’agitation rythmique. Son Rameau a du punch, mais s’intéresse _ on ne peut mieux raméliennement ; cf, par exemple le choix de textes (par Catherine Kintzler et Jean-Claude Malgoire) « Musique raisonnée« , aux Éditions Stock, en octobre 1980 _ surtout au son et à la matière orchestrale, infiniment variés : de l’opulence de l’ouverture _ justement célébrissime : un des sommets de l’art orchestral de Rameau ! _ de « Zaïs« , à la scintillance extrême de l’accompagnement de l’air « Chantez, Oiseaux chantez » _ plage 4 de ce présent CD. Partout, la couleur _ un facteur-clé de Rameau ! _ est juste (écoutez l’amalgame bois/cordes dans l’accompagnement de « Cruels tyrans » _ plage 7 : la musique nécessite l’écoute !!!).
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Plus que nulle part ailleurs, une filiation entre l’étrangeté _ oui ! délicieuse !!! _ de certains univers sonores de Rameau et ceux de Berlioz m’ont frappé _ oui !.. Ces deux compositeurs ont véritablement été des inventeurs de sons orchestraux _ oui !.. de génie ! Frédérick Haas traite Rameau de « fou visionnaire et brûlant », signe qu’il l’a bien compris_ je cite in extenso la phrase de Frédérick Haas, et son développement, si juste : « Rameau manifeste une intelligence hautaine, impitoyable et sensible : ce théoricien assoiffé de maîtrise est aussi un fou visionnaire et brûlant, un explorateur insatiable qui a soumis la musique de son temps au feu de toutes les expérimentations possibles et s’est rendu maître de l’harmonie et du temps. Et Rameau met impitoyablement son interprète à l’épreuve, car sa musique est à la fois monumentale et fragile, architecture éblouissante et volupté de sons : elle possède un tremblé inimitable, une palpitation enivrante. « L’expression est l’unique objet du musicien », « la vraie musique est le langage du cœur »… et aucune ne saurait être plus exigeante« , analyse avec une lucidissime finesse, et d’expert !, Frédéric Haas, page 12 de cet excellent livret !
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La prononciation s’inspire des travaux du tandem Dumestre-Lazar sur « Le Bourgeois gentilhomme » _ DVD Alpha 700 : un incontournable ! Cette assimilation est très patente chez Arnaud Richard, basse très autoritaire, mais se remarque aussi chez Eugénie Warnier, par exemple dans le dialogue « C’en est donc fait, perfide » _ plage 8.
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À la lecture de la notice _ éminemment précieuse, donc ! _ comme à l’écoute de ce trésor (!), qui est d’ores et déjà à ranger parmi les disques de l’année _ pourquoi non ? _, il est évident que chez Haas et ses musiciens les actes suivent la parole (en l’occurence les écrits) _ oui ! Ce disque, enregistré par Hugues Deschaux _ un gage de beauté ! _, inspiré comme à ses plus grandes heures _ la grâce qu’on espère d’un enregistrement discographique !!! _, est un miracle _ voilà ! _ de bout en bout.
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— Christophe Huss
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A comparer avec l’évocation (!) d’un article alors « à venir » _ mais je l’écris ici ! _ à propos de ce CD Alpha 142, dans le « Musique et peinture en vrac » de ce blog-ci le 21 mars dernier :
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le très beau CD Alpha Rameau “Que les mortels servent de modèles aux dieux…“, une “suite” composée d’extraits des opéras “Zoroastre“ (”Opéra en cinq actes Représenté pour la première fois par l’Académie Royale de Musique, le 5 décembre 1749 et remis au Théâtre le mardi 4 Janvier 1756” sur un livret de Louis de Cahusac) et “Zaïs“ (”Pastorale héroïque” de Jean-Philippe Rameau, composée, elle aussi, sur un livret de Louis de Cahusac : “la pièce comporte un prologue et quatre actes ; et a été créée à l’Académie Royale de Musique le jeudi 29 février 1748“) ; qu’interprète, cette riche “suite” _ tout en contraste de “couleurs” : côté “ombres”, pour “Zoroastre” ; côtés lumières, pour “Zaïs“… _, l’Ensemble Ausonia, que dirige l’excellent Frédérick Haas (avec Mira Glodeanu, comme premier violon et “maître de concert“) ; et Eugénie Warnier, soprano, et Arnaud Richard, basse _ tout à fait convaincants ! :
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un choix très intelligent et fort judicieux de pièces orchestrées et chantées (et dansées !!!)
_ de la part de Frédérick Haas : cf ses choix, déjà remarquablement “intelligents”, pour nous faire entrer avec délicatesse et clarté dans le massif si richement diapré et infiniment subtil et simple, tout à la fois, des “pièces de clavecin” (et les “Ordres“) de François Couperin (CD Alpha 136 “Pièces de clavecin des Livres I & II” de François Couperin) _
qui nous donne enfin à ré-entendre un peu (!) de la musique de scène, sublime
_ avec orchestres, solistes (aux deux créations, chantaient les très grands Jélyotte et Marie Fel : lui de Lasseube, en Béarn _ entre Oloron et Pau _ ; elle, bordelaise…) ; n’y manque (un tout petit peu) qu’un (petit) aperçu des chœurs, très heureusement présents, aussi, dans ces œuvres scéniques si festives… _
de Jean-Philippe Rameau :
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quelle peine, voire quel scandale, de le (= l’œuvre de Rameau) donner _ sur la scène, à l’opéra, au concert et au disque _ si peu !.. Au moins, ce CD répare-t-il un brin pareille injustice !..
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Titus Curiosus, le 21 mars
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Bref, nous sommes impatients d’écouter de nouveau _ encore ! encore ! encore ! _ cette sublime musique de Rameau, en d’autres de ses pièces
(qui ne dorment que trop !!! et l’argument du caractère circonstanciel du choix des « morceaux » d’un « opéra », en fonction des artistes disponibles, présents, ou pas, ce soir-là ; ou des « demandes » du pouvoir, ou des attentes du public : contingentes, capricieuses ; ne saurait compenser notre faim _ inapaisée ! _ de musique et de beauté !..) ;
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et interprétée, cette sublime musique de Rameau, avec une telle intelligence (de sensibilité) de direction, qu’est ici celle de Frédérick Haas ;
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et avec une générosité que notre époque _ avare, mesquine : qui choisit (aussi) si mal ses richesses et ses pauvretés ! _ rend de plus en plus méritoire, voire héroïque ;
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nous, Français, ignorons si scandaleusement notre patrimoine musical…
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« Vive Rameau !« , s’écriait déjà au début du siècle passé, au concert, Claude Debussy (à la re-création de « La Guirlande« , à la Schola Cantorum, en 1903)…
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Debussy, qui écrivait ceci, en novembre 1912 :
« L’immense apport de Rameau est ce qu’il sut découvrir de la « sensibilité dans l’harmonie » ; qu’il réussit à noter certaines couleurs, certaines nuances dont, avant lui, les musiciens n’avaient qu’un sentiment confus« …
Comme c’est magnifiquement senti et vu et dit !..
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Et encore ceci de Debussy, dans la revue de la S.I.M. _ = le bulletin français de la Société Internationale de Musique (que dirigeait Jules Écorcheville) _, le 15 janvier 1913 :
« Pourquoi tant d’indifférence pour notre grand Rameau ? Pour Destouches, à peu près inconnu ? Pour _ François _ Couperin, le plus poète de nos clavecinistes, dont la tendre mélancolie semble l’adorable écho venu du fond mystérieux des paysages où s’attristent _ rappelés par le Verlaine des « Fêtes galantes« , probablement _ les personnages de Watteau ? Cette indifférence devient coupable, en ce qu’elle donne aux autres pays _ si soigneux de leurs gloires (l’Allemagne, de Bach, l’Angleterre, de Purcell : pour commencer) _ l’impression que nous ne tenons guère aux nôtres _ que dirait Debussy en 2009 ?.. _, puisqu’aucun de ces illustres français ne figure sur les programmes » _ des concerts… Et encore ceci : « Souhaitons qu’à côté de la Société Bach, qui s’occupe si activement de cultiver le souvenir de cet ancêtre de toute musique, il se fonde une Société Rameau, celui-là est notre ancêtre par le sang ; nous devons bien cet hommage à son esprit…«
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Un très beau disque, donc, que ce CD Alpha 142, « Que les mortels servent de modèles aux dieux…« ,
excellemment « pensé » et excellemment « interprété » (d’un même geste, si je puis m’exprimer ainsi), dans l’esprit du maître,
avec le feu
_ intelligent et sensible (si harmonieusement mêlés, unis, ce « feu » de l' »intelligence » et ce « feu » de la « sensibilité », par la grâce d’une imagination musicale si inventive !!!), jusqu’en la force bouleversante des (quelques, rares, bien placées !) dissonances !!! _ ;
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avec le feu de son génie :
« Vive Rameau !« …
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Titus Curiosus, le 11 avril 2009
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En bonus (très personnel),
je joints ici le programme d’un concert Rameau de La Simphonie du Marais, que dirige Hugo Reyne (et dont j’étais alors « conseiller artistique ») auquel j’ai assisté, camescope à la main, en la chaire (superbement baroquissime !), à l’église Sainte-Walburge à Bruges, lors du Festival des Flandres, à Bruges, de l’année 1993 _ il s’agit d’un programme Rameau (plus Rebel, en ouverture, et Haendel, en conclusion ; avec le baryton Thierry Félix), donné le soir de la cérémonie des obsèques du roi Baudouin, et radiodiffusé en direct sur les antennes de la radio belge et en Corée du Sud _ le 7 août 1993 ; dans une atmosphère de très intense _ le terme « extra-ordinaire » lui convient ! _ unanime recueillement ; qui me marque encore ! :
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En ouverture du concert, le « chaos » (inaugural ! il allait inspirer Joseph Haydn, pour sa « Création« …) des « Éléments » de Jean-Fery Rebel ;
l’air « Profonds abîmes du Ténare« , du « Temple de la Gloire« , de Jean-Philippe Rameau ;
l’ouverture de « Zaïs« (présente sur ce CD Alpha 142, à la plage 1) ;
l’air « Monstre affreux, monstre redoutable !« , de « Dardanus » ;
l’ouverture de « Hippolyte et Aricie » ;
l’air « Puisque Pluton est inflexible« , de ce même « Hippolyte et Aricie » ;
l’ouverture de « Zoroastre » ;
l’air « Éveillez-vous » de « Zaïs« (présent sur ce CD, à la plage 2) ;
l’ouverture du « Temple de la Gloire » ;
puis, extraits de l’entrée « La Fête du Soleil » des « Indes galantes » :
l’air « Soleil, on a détruit tes superbes asiles » ;
l’adoration au Soleil : « Brillant Soleil ! » ;
et la dévotion au Soleil : « Clair flambeau du monde ! » ;
et, en conclusion, l’ouverture de « Music for the Royal Fireworks« , de Georg Friedrich Haendel…
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J’y repense (et le réécoute) avec une immense émotion : Hugo Reyne avait intitulé ce (magnifique) concert
« Des Ténèbres aux Lumières« …
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Ce ne fut que le lendemain que Bruges (la-morte ? cf l’œuvre de ce nom de Georges Rodenbach) se remit à revivre… Rameau est vivant.