De nouvelles découvertes (et redécouvertes) discographiques (suite…) d’interprétations de l’oeuvre musical d’Adriaen Willaert ; et de l’importance de l’interprétation, ainsi que du niveau de qualité de la performance dans l’interprétation elle-même de la musique (et du génie du compositeur !) : un CD de l’Ensemble Siglo de Oro comportant deux sublimes Motets d’Adriaen Willaert…
Toujours dans le sillon de mes précédents articles « Ecouter Adriaen Willaert (ca. 1490 – 1562) grâce à une sublime « Passion selon Saint-Jean » du CD « Adriano 4″ de l’ensemble vocal Dionysos Now ! de Tore Tom Denys, découvert presque par hasard…« ,
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voici ce mardi 8 août une nouvelle très intéressante découverte discographique de ma part _ à nouveau en fouillant bien les rayons de CDs de mon disquaire préféré _, et en une splendide interprétation de la part du magnifique ensemble _ anglais _ Siglo de Oro, sous la direction de son chef Patrick Allies,
soit le CD « The Mysterious Motet Book 1539 » _ enregistré à Cambridge du 7 au 9 janvier 2022 _, le CD Delphian DCD 34284,
comportant deux merveilleux Motets d' »Adrian Vuillart« _ Adriaen Willaert _, « Laetare sancta mater ecclesia » et « Peccavi super numerum arenae maris« (d’une durée de 5′ 35 : écoutez et regardez ici ! ), d’après un recueil de 28 Motets de divers compositeurs, parus dans un recueil, « Cantiones quinque uocum selectissimae« , publié à Strasbourg _ devenue protestante… _ au mois d’août 1539, publié par Peter Schöffer le Jeune, et d’après un envoi de Hermann Matthias Werrecore, maître de chœur flamand de la cathédrale _ catholique _ de Milan _ le CD comporte un passionnant livret de 6 pages, signé du musicologue-chercheur Daniel Trocmé-Latter _ : d’où le choix de ce titre « The Mysterious Motet Book 1539 » pour ce passionnant et très beau CD…
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À la sortie de ce beau CD Delphian DCD 34284,
une chronique de Gramophone l’a qualifié de « the most enticing _ séduisant _ album of the year » !
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Et dans le numéro n° 723 du magazine Diapason du mois de juin 2023,
Frédéric Degroote, consacrant lui aussi à ce CD un bel article, en détache tout spécialement l’interprétation du motet de Willaert « Laetare sancta mater ecclesia » _ en effet sublime ! _, à côté de celles des _ très beaux _ motets « Pater noster« , « Ave & gaude« , et « Salus populis » des beaucoup moins connus, eux, Maistre Jhan (France, vers 1485 – Ferrare, octobre 1538), Simon Ferrariensis _ actifs tous deux à la cour des Este à Ferrare : Maistre Jhan, de 1512 à sa mort, en 1538 ; et Simon Ferrariensis, sans plus de précisions… _ et Pierre Cadéac _ actif à la cathédrale d’Auch, et né vers 1505, à Cadéac, près de Lannemezan ; non natif, lui, des Flandres ; c’est son seul renom musical, important, qui a gagné l’Italie, lui n’ayant pas rejoint en personne la très raffinée cour des Este à Ferrare.
Cf ce qui demeure de cet ultra-raffinement ferrarais des Este dans le génie de l’œuvre du romancier ferrarais Giorgio Bassani ; et dans celui de l’œuvre de l’ami cinéaste de celui-ci, le merveilleux Michelangelo Antonioni, ferrarais lui aussi, dont le sommet de l’œuvre est probablement la magique séquence ferraraise de son ultime film « Al di là delle nuvole« , en 1995 ; cf l’analyse détaillée que j’en donne en mon essai inédit « Cinéma de la rencontre : à la ferraraise _ ou un jeu de halo et focales sur fond de brouillard(s) : à la Antonioni« …
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Ce qui redouble la question des raisons de la réunion, en ce « mysterious » recueil musical strasbourgeois _ de l’éditeur-imprimeur Peter Schöffer le Jeune (Mayence, entre 1475 et 1480 – Bâle, 1547) _ issu d’une source milanaise _ en l’occurrence le compositeur Hermann Matthias Werrecore (Warcoing – Pecq, ca 1500 _ ?, après 1574), maître de chapelle à la cathédrale de Milan de 1522 à 1550 _, de ces 28 motets de 15 compositeurs ainsi associés par leurs œuvres, les uns ayant accompli le voyage d’Italie, en particulier, et surtout, à la cour des Este à Ferrare, et les autres, demeurés dans les contrées plus nordiques franco-flamandes _ voire, comme le gascon Pierre Cadéac, étant demeuré en Gascogne, à Auch… _, dont seule la diffusion des œuvres (avec l’excellence de la réputation) a franchi la barrière des Alpes : jusqu’à Ferrare, puis Milan…
Et, étant donné l’excellence de ces œuvres ultra-raffinées, c’est en effet passionnant !
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Et l’interprétation du génie musical d’Adriaen Willaert que nous offre, via ces deux Motets d’Adriaen Willaert _ ce « Laetare sancta mater ecclesia« et ce « Peccavi super numerum arenae maris« … _, l’ensemble Siglo de Oro de l’anglais Patrick Allies en ce CD « The Mysterious Motet Book 1539« ,
est certes bien différente de celle _ d’une formidable intensité (et transcendance, presque nue…) ! _ du Dionysos Now ! du belgo-flamand Tore Tom Denys,
plus fleurie et angélique ; et comportant quelques voix féminines ;
mais bien belle aussi…
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C’est par la médiation de telles incarnations ultra-sensibles des interprétations, au concert comme au disque, que nous, mélomanes, avons accès aux œuvres que nous ont laissées, via leurs partitions _ fragiles, mais en dépit de tout un peu durables _ d’encre et de papier, les compositeurs…
D’où l’importance cruciale de la qualité d’excellence de telles médiations…
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À suivre…
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Ce mardi 8 août 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa
Tags: "Al di là delle nuvole", "Cinéma de la rencontre : à la ferraraise _ ou un jeu de halo et focales sur fond de brouillard(s) : à la Antonioni", "Laetare sancta mater ecclesia", "Peccavi super numerum arenae maris", Adriaen Willaert, Cambridge, CD "The Mysterious Motet Book 1539", cour des Este, Daniel Trocmé-Latter, Diapason, Ensemble Siglo de Oro, Ferrare, Frédéric Degroote, Giorgio Bassani, Gramophone, Hermann Matthias Werrecore, interprétation, Maistre Jhan, Michelangelo Antonioni, Milan, Patrick Allies, Peter Schöffer le Jeune, Pierre Cadéac, raffinement, Simon Ferrariensis, Strasbourg, transcendance