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La décidément obligeante question « Qu’est-ce que l’homme ? » dans le numéro de mars-avril 2010 de la revue Esprit : « L’Etat de Nicolas Sarkozy »

20mar

Un passionnant numéro de réflexion de philosophie et histoire (contemporaine !) politiques, que le numéro de mars-avril 2010 de la revue Esprit _ que dirige Olivier Mongin _, intitulé « L’État de Nicolas Sarkozy« 


J’y relève tout particulièrement les contributions du philosophe Michaël Foessel, l’auteur de « La Privatisation de l’intime« , aux Éditions du Seuil _ cf mon article du 11 novembre 2008 « la pulvérisation maintenant de l’intime : une menace envers la réalité de la démocratie«  _ :

outre

deux très remarquables entretiens _ passionnants et cruciaux ! _ l’un avec la philosophe Myriam Revault d’Allonnes et l’autre avec la juriste (et professeur au Collège de France, à la chaire d’études juridiques comparatives et internationalisation du droit, depuis 2002) Mireille Delmas-Marty :

« Le Sarkozysme est-il la « vérité » de la démocratie ?« , pour le premier de ces deux entretiens, pages 43 à 53 ;

« Détruire la démocratie au motif de la défendre« , pour le second, pages 145 à 162 (Michaël Foessel étant accompagné ici, aux questions, par Clémence Lalaut et Olivier Mongin),

ainsi que la présentation générale (avec Marc-Olivier Padis, rédacteur en chef de la revue) de ce numéro de mars-avril de la revue Esprit, intitulée, elle, « Les Nouveaux contours de l’Etat. Introduction« , pages 6 à 11 ;

Michaël Foessel présente une très remarquable contribution personnelle, aux pages 12 à 23, intitulée « La Critique désarmée« , et sous-titrée « L’Antisarkozysme qui n’ose pas se dire » ;

et dont voici les titres des étapes du cheminement :

_ après une présentation (sans titre) du « problème » à explorer (et formuler, penser, cerner, identifier), aux pages 12 à 14 ;

_ « L’Antisarkozysme qui ose se dire«  _ sur ce qui est le moins instructif, mais seulement superficiellement médiatique, journalistique : cf le livre récent de Thomas Legrand : « Ce n’est rien qu’un Président qui nous fait perdre du temps«  (paru aux Éditions Stock au mois de janvier 2010) que critique au passage Michaël Foessel… _, aux pages 14 à 16 ;

_ « Critique du sarkozysme et autocritique de la gauche«  _ probablement une contribution majeure ! qui m’a particulièrement impressionné ! et rencontre quelques unes de mes intuitions… _ :

« la gauche ne peut parvenir à retrouver son rôle d’opposition sans faire au préalable l’autocritique de ses propres conceptions du pouvoir, de l’économie et des réformes« , résume fort pertinemment l’auteur lui-même, page 1, au début du sommaire des articles ;

ajoutant : « Mais pourquoi est-ce si difficile ?«  Et il y répond ! ; cela, aux pages 16 à 21 ;

_ « Les Nouveaux horizons du conflit« , aux pages 21 à 23 ; dont je retiens surtout ceci :

« La crise de la social-démocratie dont on parle beaucoup est aussi une crise de ses élites qui s’étonnent de ne pas avoir perçu les effets néfastes de la globalisation, alors même qu’elles profitaient _ ces dites élites de la social-démocratie… _ de ses bienfaits. A cet égard, le devenir professionnel de Blair ou de Schröder (le premier dans la finance internationale, le second chez le géant russe de l’énergie gazière) est un peu plus qu’un détail _ comme c’est parfaitement jugé ! Même si une telle promiscuité avec les milieux d’affaires affecte moins _ à y regarder, tout de même, d’un peu près… c’est toujours dans les détails que le diable se cache… _ la gauche française, les pratiques hexagonales du « (rétro)pantouflage » ne garantissent pas un point de vue lucide sur le prix politique de la culture de marché« , page 22.

Le questionnement avance encore un pas plus loin, page 23, non sans s’être référé juste auparavant au travail (important !) de la philosophe américaine Wendy Brown (« Les Habits neufs de la politique mondiale« )… :

« Au-delà de la fausse alternative entre l’horreur économique et les vertus émancipatrices de l’individualisme, le débat se situe au niveau des normes que l’homo œconomicus fait peser sur la citoyenneté. Pour éviter la « mélancolie », la gauche réformiste devrait se pencher sur ce qui, dans le monde contemporain, s’est décidé sans elle en termes de valeurs » _ voilà bien le cœur du débat !!! comme c’est excellemment perçu, cher Michaël !

Et encore un peu plus loin,

après une réflexion sur « retrouver le sens de la conflictualité » _ la plus authentiquement démocratique ! le débat et la discussion véritablement informés : sur les fins et les moyens mis à leur service ; sans faire erreur sur leur hiérarchie ! à rebours des divers réalismes seulement machiavéliques ! _

et sur le caractère on ne peut plus « indésirable«  de « phénomènes indésirables«  tels que ceux que défend et promeut l’action du sarkozysme et des sarkozyens avec la mise en place d’un « système libéral-autoritaire« 

(avec « l’invocation de l’Etat en même temps que la culture de l’entreprise, le dirigisme régalien accordé à l’affaiblissement des institutions _ démocratiques _, le discours sécuritaire au service de la liberté _ débridée _ d’entreprendre : tous ces paradoxes s’éclairent lorsqu’on les confronte à la mise en place d’un système libéral-autoritaire« ),

ceci : « L’antisarkozysme conséquent devrait prendre la mesure des bouleversements que son adversaire exprime plus qu’il ne les cause. Cela veut peut-être dire inventer une nouvelle langue _ ou encore : problématiser à nouveaux frais… _ capable de traduire l’exigence de justice _ un point capital ! _ en d’autres termes que ceux de la maximisation des profits« .

Soit « à l’opposition, il revient désormais _ la tâche et le travail : c’est tout un ! _ de redécrire le réel _ = mieux le penser et ainsi mieux le faire comprendre ! toujours une affaire du mieux juger ! _ pour empêcher qu’une seule voix puisse s’en réclamer. Dans ce domaine aussi les territoires abandonnés sont irrémédiablement perdus ».


Michaël Foessel a on ne peut mieux raison de prendre à cet endroit-ci la question.

Je me permets de reprendre aussi ici la « présentation » (telle que la propose et résume le sommaire de la revue) des entretiens avec Myriam Revault d’Allonnes et Mireille Delmas-Marty,

dont les deux récents livres _ tout fraîchement parus, aux Éditions du Seuil, tous deux _ sont très importants, tout à la fois urgents et admirables, tous deux, chacun en son domaine :

« Pourquoi nous n’aimons pas la démocratie«  ;

et « Libertés et sureté dans un monde dangereux«  !

Pour l’entretien de Michaël Foessel avec Myriam Revault d’Allones, cela donne ceci, page 1 :

« L’exercice actuel du pouvoir nous apprend-il quelque chose sur la démocratie ? Si le sarkozysme bouscule les équilibres instables de notre régime, n’est-ce pas vers celui-ci qu’il faut tourner les critiques? Les nouvelles formes de « gouvernementalité » et les conceptions sous-jacentes de l’individu qu’elles expriment vont-elles transformer, au-delà des pratiques du pouvoir, notre conception même de la démocratie ? Comment, dès lors, défendre notre attachement à ce régime ?«  ;

et pour l’entretien de Michaël Foessel, Clémence Lalaut et Olivier Mongin avec Mireille Delmas-Marty, ceci, encore, page 3, cette fois, du sommaire :

« En partant de l’analyse d’une décision troublante, la création d’une « rétention de sûreté », la juriste montre comment celle-ci témoigne d’une transformation internationale du rapport au droit et à la sûreté dans un monde plus dangereux. Si cette évolution est frappante dans le cas français, elle n’est néanmoins pas isolée et traduit une évolution plus large des grands régimes juridiques à travers le monde« 

_ ce qui n’excuse certes rien ; mais au contraire justifie les luttes et les résistances démocratiques, et sur tous les fronts, notamment celui du droit et celui de l’action politique dans les démocraties telles qu’elles existent encore…

Bref, comme on le constate, j’espère, à cette lecture de présentation rapide de ce numéro

« L’Etat de Nicolas Sarkozy« 

de la revue Esprit de mars-avril 2010,

une contribution particulièrement notable à la réflexion et au débat démocratique

de l’état présent et à venir (= à construire) de notre Etat, de notre république, de notre démocratie française !

L’enjeu de fond

étant de définir (sans réduction !!!) ce qu’il en est de l’homme.

Soit redéployer, pour aujourd’hui, une réflexion anthropologique ;

d’où la question « Qu’est-ce que l’homme ? » de mon titre…

Ici, je veux relever quelques mots particulièrement essentiels de l’analyse que mène Myriam Revault d’Allonnes, page 50 :

A la question de Michaël Foessel : « On a coutume d’interpréter le culte de la performance, la valorisation de la concurrence et du profit (« travailler plus pour gagner plus ») d’un point de vue économique ou moral. En quoi de telles pratiques jouent-elles aussi un rôle politique dans les formes contemporaines de « subjectivation » de l’homme démocratique ?« ,

voici ce que répond Myriam Revault d’Allonnes :

« Cette perspective va très loin. Certes elle tend à induire, comme je viens de le dire, un certain type de comportement économique et moral. Mais elle ouvre aussi la voie à l’élaboration d’une nouvelle anthropologie _ c’est cela qui me sollicite, et même passionnément ! _ où les notions d’intérêt et de concurrence régleraient aussi bien l’action individuelle que l’action collective, restreignant ainsi _ très gravement !!! mortellement ; c’est une régression barbare ! _ la pluralité des formes d’existence des individus.

Les modes de subjectivation des individus n’engagent pas seulement leur rapport au pouvoir, mais leur rapport à eux-mêmes, la façon dont ils se constituent _ rien moins ! nous touchons ici au fondamental de l’humanisation ! _ à travers ces rapports de pouvoir. Ce culte de la performance, de l’efficacité, de la rentabilité vise à instaurer un nouveau type de normativité morale et politique _ rien moins !

C’est ainsi que sous couvert de produire de la certitude, elle tend à effacer la figure du sujet-citoyen au bénéfice d’un sujet calculant, entièrement _ et pauvrement, misérablement même, par cette « réduction«  terrible et proprement terrifiante pour si peu qu’on se mette à y réfléchir… _ rationnel _ = comptable ! _, entrepreneur de lui-même, déconnecté de l’horizon du « commun » _ partagé.

Par exemple, la notion de « responsabilité » qui se caractérise classiquement par l’imputation d’un acte à son auteur _ encore un concept-clé ! _ est vidée de son sens au profit d’un calcul rationnel des conséquences (qu’ai-je _ moi, moi seul ; sans les autres, réduits, eux, à de stricts moyens ; ou concurrents ; voire ennemis ! voici venir un monde « sans autrui«  ; vide de « personnes » (et de ce qu’elles sont, les unes vis-à-vis des autres, et avec elles, et ensemble ; un monde sans amitié ni amour, donc ; qu’on y médite !.. _ à gagner ? qu’ai-je à perdre ?). Toute l’épaisseur morale _ ainsi qu’existentielle ; est-ce séparable ? _ de la responsabilité _ avec les dilemmes qui l’accompagnent _ disparaît au profit de choix purement stratégiques voire tactiques.

Cette tentative pour « conduire les conduites » est une rationalité globale qui vise à uniformiser _ voilà ! _ nos manières d’être et nos pratiques et à réduire la pluralité de nos expériences _ ici, on relira « L’Homme unidimensionnel » de Herbert Marcuse, écrit aux États-Unis en 1964 et paru en traduction française (aux Éditions de Minuit) en 1968 : une anticipation lucide de ce qui se profilait déjà ; il est vrai que Marcuse (Berlin, 19 juillet 1898 – Starnberg, 29 juillet 1979) avait été témoin de l’Allemagne sous le totalitarisme nazi…

Dans quel « monde » serions-nous si cette rationalité venait à s’accomplir : un tel « monde » _ à la Carl Schmitt (1888 – 1985 ; lui n’a pas quitté l’Allemagne nazie…) ; cf « Le Nomos de la Terre«   _ serait-il encore habitable ? « …

Myriam Revault d’Allonnes prend donc position, page 52, et au nom de « l’exigence démocratique« , en faveur d’« une anthropologie de l’indétermination _ souple face à la pluralité ouverte des possibles _, de la pluralité et du conflit«  _ de la discussion et du débat informés et pacifiques _ ;

une « exigence démocratique«  qui « ne s’épuise pas dans la forme procédurale«  _ avec ses dangers de pragmatisme utilitariste à courte vue _ ; même si cette dernière « est fondamentale, car, au-delà d’arguments strictement défensifs (défense des libertés individuelles, du principe de l’équilibre _ et d’abord de la séparation et de l’indépendance _ des pouvoirs) elle porte en elle le principe de l’affirmation des droits.« 

On ne peut donc certes pas « se débarrasser de la démocratie«  !

conclut Myriam Revault d’Allonnes cet entretien avec Michaël Foessel , page 53.

Les conclusions de l’entretien avec Mireille Delmas-Marty vont aussi dans ce sens :

« En somme, une communauté de destin, dans un monde imprévisible, c’est une communauté capable d’anticiper sans renoncer à l’indétermination _ voilà : celle de sujets existentiels libres et responsables… _ et de s’adapter _ mais aussi accommoder le réel à leurs projets  _ en innovant, dans le domaine technologique, mais aussi juridique _ et d’autres : je pense ici aux thèses de Cornelius Castoriadis en sa magnifique « Institution imaginaire de la société«  Dépasser la contradiction entre liberté et sûreté, entre anthropologie guerrière et anthroplologie humaniste, entre droits et devoirs, c’est le défi lancé aux « forces imaginantes du droit »« ,

comme aux autres « forces imaginantes » (et civilisationnelles), aussi, du génie humain…

Une lecture éminemment conseillée donc

en ce moment, ce samedi, de réflexion électorale aussi

que ce numéro de mars-avril 2010 de la revue Esprit : « L’État de Nicolas Sarkozy« 


Titus Curiosus, ce 20 mars 2010

Du devenir des villes, dans la « globalisation », et de leur poésie : Saskia Sassen

21avr

 A propos du devenir des villes _ et de la poésie (des lieux) _,

la rencontre de cet article-interview de Saskia Sassen par Grégoire Allix ce matin sur le site du Monde :

Par Saskia Sassen,

sociologue de la globalisation

et, accessoirement, épouse du philosophe-sociologue-historien Richard Sennett ;

parmi l’impressionnante bibliographie duquel la curiosité m’amène à retenir,

en relation avec l’urgence de notre « problème » urbain :

« Les Tyrannies de l’intimité« , parues aux Éditions du Seuil, en 1979 ;

« La Famille contre la ville : les classes moyennes de Chicago à l’ère industrielle 1872-1890« , aux Éditions Encres en 1981 ;

« Autorité« , dans la collection « L’espace du politique« , aux Éditions Fayard, en 1982 ;

« La Conscience de l’œil : urbanisme et société« , aux Éditions Verdier, en 2000 :

« Le travail sans qualité : les conséquences humaines de la flexibilité« , aux Éditions Albin Michel, en 2000 ;

« La Chair et la Pierre : le corps et la ville dans la civilisation occidentale« , aux Éditions Verdier, en 2002 ;

« Respect : de la dignité de l’homme dans un mode d’inégalité« , aux Éditions Albin Michel en 2003 et Hachette en 2005 ;

« La culture du nouveau capitalisme« , aux Éditions Albin Michel en 2006) :

ces recherches-là, du philosophe Richard Sennet, risquant de ne pas demeurer sans quelque accointance avec la recherche audacieuse (et très performante) de la sociologue et économiste qu’est Saskia Sassen :

née en 1949 à La Haye, aux Pays-Bas, et ayant grandi à Buenos Aires, puis en Italie, celle-ci est venue se former à la philosophie et aux sciences politiques en France, à l’Université de Poitiers ; puis, partir de 1969, elle a complété sa formation universitaire par des études de sociologie et d’économie à l’Université Notre-Dame, dans l’Indiana, aux États-Unis

Voici l’article-interview :

« Redynamiser les villes en les convertissant au développement durable »

LE MONDE | 20.04.09 | 15h34  •  Mis à jour le 20.04.09 | 20h42

En ces temps de crise financière, Saskia Sassen est la figure incontournable des grands sommets sur la ville. La sociologue de la globalisation (qui publie « La Globalisation, une sociologie« , aux Éditions Gallimard), enseignante à la London School of Economics et à l’université Columbia de New York, était l’invitée du forum Global City, à Abu Dhabi, les 7 et 8 avril.

Elle doit participer à la World Investment Conference, à La Baule (Loire-Atlantique), du 3 au 5 juin, sur le thème « Investir dans les villes globales« .

Ces métropoles qui concentrent le pouvoir économique et financier de la planète,

Saskia Sassen les a décrites dès 1990. Bien avant que le réseau qu’elles forment n’accouche _ en effet... _ de la crise du siècle.

La « ville globale », lieu de nouvelles revendications

Dans un article paru en 2003 dans la revue « Raisons politiques« , Saskia Sassen introduisait ainsi son concept de « ville globale«  : « Les villes globales du monde entier forment un terrain propice à la concrétisation (…) d’une multiplicité de processus propres à la globalisation. Ces formes localisées représentent, pour une bonne part, ce dont il s’agit lorsque l’on parle de globalisation. La vaste ville du monde contemporain _ ce que Régine Robin qualifie, quant à elle, de « mégapole » (cf « Mégapolis » ; et mon article du 16 février 2009 : « Aimer les villes-monstres (New-York, Los Angeles, Tokyo, Buenos Aires, Londres); ou vers la fin de la flânerie, selon Régine Robin« …) _ a émergé en tant que site stratégique pour une gamme d’opérations inédites (…). Il s’agit là d’un des lieux de liaison où de nouvelles revendications, de la part des puissants comme des défavorisés, peuvent se matérialiser.« 

Comment la crise financière a-t-elle un impact sur l’urbanisation du monde ?

En fragilisant les économies non urbaines, la crise va accélérer l’exode rural, amenant encore plus de pauvres à gagner les grandes villes pour survivre et aggravant le phénomène des bidonvilles. Cette accentuation de la pauvreté urbaine prend une forme particulière dans les pays riches : aux États-Unis, on voit se multiplier une nouvelle sorte de sans-abri, issus des classes moyennes, qui créent de véritables « villes de tentes« .

Sous l’effet de la crise, les villes riches voient fondre leurs revenus, donc leurs capacités de développement. En 2008, New York a subi une chute de 10 milliards de dollars (7,5 milliards d’euros) de son produit municipal brut, et Los Angeles de 8 milliards de dollars (6 milliards d’euros).

Les « villes globales » sont-elles plus touchées que les autres ?

Les villes globales fonctionnent comme des « Silicon Valley » où s’inventent des instruments financiers _ hautement performants et dynamiques ! _ complexes et risqués. Elles sont l’infrastructure vivante _ c’est tout dire ! _ de la finance mondiale et de l’économie globale. Quand une crise frappe, elles la subissent de plein fouet.

Mais, en réalité, la pénétration de la finance _ incisive, efficace et proliférante _dans presque tous les secteurs de l’économie _ susceptibles de permettre des profits maximisés (ou même pas) _ a rendu de très nombreuses villes vulnérables. Ainsi New York et Los Angeles ont deux économies urbaines très différentes _ seule la première est un centre financier _, mais toutes deux ont été violemment _ ce n’est pas rien _ affectées.

Peut-on dire que les villes, ces dernières années, étaient devenues des produits financiers ?

Oui. La finance s’est mise à utiliser _ la modernité s’est construite comme une instrumentalisation (cf Machiavel (1469-1527), « Le Prince« , comme Bacon (1561-1626), ou Descartes (1596-1650), « Le Discours de la méthode ; pour ne rien dire de Galilée (1564-1642) ; à laquelle se prétèrent bien opportunément les calculs mathématiques… _ la ville elle-même comme un objet d’investissement, privilégiant le court terme et les taux de rentabilité élevés. On construit des immeubles et des équipements non pour répondre à un besoin économique _ et des valeurs d’usage _, mais par pure spéculation _ voilà la donnée cruciale ! C’est particulièrement net à Dubaï. Aux États-Unis, la crise des subprimes est la conséquence directe de la financiarisation de la ville _ même ! La finance a créé des instruments _ mathématiques et comptables _ extraordinairement compliqués pour extraire de la valeur _ du profit _ même des ménages modestes, en multipliant les prêts immobiliers risqués pour les convertir en produits d’investissement ; et vite les revendre _ soit la valeur d’échange ! _ avec un fort profit _ le revoilà : multiplié !.. Un mécanisme destructeur pour la ville _ voilà le hic ! _ : des millions de logements sont désormais abandonnés _ alors même que se multiplient à vitesse grand V les « villes de tentes« 

Pensez-vous que le secteur privé uniformise _ un facteur capital : la liquidation du qualitatif (et du singulier) les villes par des produits urbains standardisés ?

La globalisation rend les villes de plus en plus similaires : partout les mêmes quartiers d’affaires, les mêmes centres commerciaux, les mêmes grands hôtels, les mêmes aéroports _ et autres infrastructures (spatio-temporelles) _, quelles que soient les stars de l’architecture qui les signent _ à méditer aussi… Car l’environnement urbain consacré aux économies dominantes des villes globales est devenu une simple infrastructure, nécessaire et indéterminée _ qualitativement… En revanche, on aurait tort de croire que, parce que les villes se ressemblent, leurs économies sont similaires. La globalisation génère et valorise la spécialisation des économies urbaines, au-delà de la compétition que se livrent les villes _ ce qui nécessite des analyses très affinées.

Dans un monde convalescent _ de quelle maladie, donc ? _, que peuvent attendre les villes du secteur privé ?

Le meilleur moyen de redynamiser _ les valeurs ici sont-elles nécessairement unanimes ? partagées ? C’est à mettre en débat (authentiquement démocratique) ! _ nos villes, c’est de les convertir au développement durable. Cela créerait une énorme quantité de travail, qui nécessiterait des partenariats entre le public et le privé. Les entreprises ont un besoin vital des villes, de leurs infrastructures et de leurs réseaux _ selon quelles finalités ?.. A débattre en priorité ! Se ré-approprier le « politique », abandonné aux démagogies populistes… Cela devrait donner aux municipalités les moyens de négocier un engagement plus fort du secteur privé.

Propos recueillis par Grégoire Allix

Article paru dans l’édition du 21.04.09

Passionnant ! Et à creuser bien plus avant… J’y reviendrai, bien sûr ! Notre avenir, comme celui de l’« habiter« , et de l’humain non dés-humanisé _ enjeux poétiques majeurs : c’est là que se « joue » le sens même des « exister«  humains ! _, se jouant (!!!) dans ce devenir des lieux, et d’abord ce devenir des villes ! et de la construction : architecture et urbanisme en première ligne… Que devient la (baudelairienne et benjaminienne) poésie des villes _ c’est pour cela que « Mégapolis » (ou « les derniers pas du flaneur« , tel est le sous-titre : « à la Bruce Bégout« , pourrait-on dire ! de ce grand livre) m’a beaucoup intéressé, déjà ! _ avec cette uniformisation et cette « dé-qualification » de l’« habiter«  ? au mépris du « génie des lieux » et des idiosyncrasies… Walter Benjamin _ et avec lui et la « civilisation » et l‘ »esprit » ! _ va-t-il encore (et mille fois !) être acculé au suicide ?.. En mille Port-Bou de mille « bouts du monde » ?..

Titus Curiosus, ce 21 avril 2009

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