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A propos de l’entrée récente de l’ « Ariane et Bacchus » de Marin Marais au catalogue de la discographie (suite)…

14juin

En quelque sorte en complément de mon article du 18 avril dernier « « ,

vient de paraître avant-hier 12 juin une intéressante recension du double CD Alpha 926 consacré à cette tragédie en musique de 1696 de Marin Marais, par Le Concert spirituel sous la direction d’Hervé Niquet,

sous la plume de Jean-Charles Hoffelé, sur son site Discophilia, intitulée « Sauvetage de la délaissée » …

SAUVETAGE DE LA DÉLAISSÉE

Malheureux Marais ! Il avait hérité, en plus de son art pour la viole, de celui de Lully pour la tragédie lyrique. Las !, l’échec retentissant de Sémélé l’éloignera à jamais de la scène, quatre opéras seulement, dont le premier, Alcide, voyait sa plume encore mariée avec celle du fils du Florentin, Louis. Fidèle parmi les fidèles, après Sémélé, Hervé Niquet se penche sur Ariane et Bacchus, la première tragédie lyrique assumée seule par Marais, sur le beau livret sensible de Saint-Jeand’après la tragédie de Thomas Corneille. Je ne résiste pas à reprendre ici les commentaires autour de la mise en répétition de l’œuvre en janvier 1696 et le résumé de l’action comme les a rapportés Louis Ladvocat dans deux missives à l’Abbé Dubos :

« On a donné les rôles d’Ariane dès lundi. Marest en fera la première représentation des chœurs, samedi prochain, et prétend le mettre sur pied le 20 février. On jouera mardi les Saisons, et l’on répète Ariane et Bacchus, qu’on espère donner le 20 du présent. On a répété dans mon cabinet les airs de violon qui m’ont paru des meilleurs. Les chœurs en sont très beaux. Pour les rôles, on n’en est pas si content. Peut-être que les troisième, quatrième, cinquième actes seront plus beaux. Ainsi soit-il. Pour les vers, ils sont des plus courts et le sujet de la pièce est incriticable. Rien ne s’y fait que par les dieux.

Junon prend la figure de Dircée. Elle endort Ariane. Les songes font paraître Bacchus amoureux de Dircée. Ariane se réveille. L’Amour la détrompe et lui fait connaître la fourberie de Junon. Géralde, évêque de Cahors et magicien dans la pièce, veut endiabler Bacchus, mais ses charmes paraissent impuissants. Il fait venir Alecton qui met en fureur Ariane qui veut tout tuer hors Bacchus, pour lequel elle de lucida intervalla. Junon fait revenir Dircée qui était chez les Anciens un poète corinthien et dans la pièce un confident d’Ariane. Bacchus désarme Ariane qui se veut poignarder. Adraste, amant d’Ariane et prince d’Ithaque, inconnu pour tel chez les Anciens et qui a pris des ailes pour venir de la mer d’Ionie, 500 bonnes lieues distante de Naxe dans la mer Égée où est la scène, croit que Bacchus, avec le poignard qu’il lui voit en sa main, veut tuer Ariane, se bat avec ses amis contre la troupe de Bacchus, qui en demeure vainqueur. Et revenant témoigner sa joie à Ariane qui le veut tuer dans sa fureur, Adraste arrive espirant aux pieds d’Ariane des blessures de Bacchus. Jupiter descend du ciel, qui commande à Bacchus d’épouser Ariane. Junon n’est plus contraire, les dieux étant pour elle. Mercure par l’attouchement de son caducée guérit Ariane de sa fureur. Bacchus et Ariane chantent ensemble :

Amour, cher auteur de ma peine,
Exprime en ce moment mes transports amoureux,
Récompense de si beaux feux.
En unissant nos cœurs d’une éternelle chaîne.

Le roi, qui s’appelle Aenarus, aussi inconnu pour être roi de Naxe que Dircée, sa sœur et Géralde magicien et Adraste s’en reviennent avec les suivants de Bacchus et les sujets du roi forment des danses. Deux Amours viennent décoiffer Ariane et portent dans le ciel sa coiffure. Mlle Desmatins, qui a perdu tous ses cheveux, restera sur le théâtre en attendant son bonnet de nuit, qui pourra l’enrhumer à force de l’attendre, attendu que les demoiselles abandonnent leurs âmes aux charmes de l’amour. Sans leurs aimables flammes, on n’a pas d’heureux jours. La coiffure est changée en couronne d’étoiles et l’opéra finira.

On a recommencé, mardi, les Saisons qui continueront jusques au vingt-trois, que l’on donnera Ariane et Bacchus. Et l’on espère jouer tous les jours jusques au jubilé, c’est-à-dire le jeudi, le vendredi, le dimanche et mardi, et le samedi, lundi, mercredi, les Saisons, avec une scène de Porsonnac, chantés par Dumesnil, et quelque entrée comique, et après le jubilé, les quinze jours qui resteront jusqu’à la semaine de la Passion, les Saisons ou Ariane s’il plaît ».

Las, l’ouvrage malgré sa lyrique prégnante, ses scènes à grands effets, la folie furieuse d’Ariane qui autorisait un grand numéro de tragédienne, son interprétation subtile des canons lullystes, tomba rapidement. Ni les manigances sous masque de Dircée de Junon, ni la pâmoison d’amour au premier regard de Bacchus pour Ariane, ni le grand numéro du magicien Géralde, ni l’écriture chorégraphique, comme la couleur d’orchestre si profonde, spécifique à Marais n’en purent garantir la pérennité.

Pourtant, l’œuvre est de bout en bout magnifique, et la restitution haute en ardeur dramatique, saturée de couleurs et d’élans, portée par une troupe inspirée où règnent d’abord les femmes, Ariane subtile, même dans la fureur de meurtre, de Judith van Wanroij, Junon finement campée par Véronique Gens, Dircée parfaite d’Hélène Carpentier, Corcine de Marie Perbost itou.

Mais le Bacchus un peu clairon de Mathias Vidal, l’Adraste de David Witzack, le Géralde de Matthieu Lécroart, le moindre cameo sont également soignés, et emportés dans les fantaisies de cette tragédie, lullyste toujours, par la battue alerte et bienveillante d’Hervé Niquet.

Se penchera-t-il bientôt sur Alcide ?

LE DISQUE DU JOUR

Marin Marais (1656-1728)


Ariane et Bacchus
Tragédie en musique en un Prologue et cinq Actes (1696)

Judith van Wanroij, soprano (Ariane)
Marie Perbost, soprano
(La Gloire, Corcine)
Hélène Carpentier, soprano
(Terpsichore, Dircée, Un songe)
Véronique Gens, soprano (La Nymphe de la Seine, Junon)
Mathias Vidal, ténor (Bacchus, Un songe)
Matthieu Lécroart, baryton (Géralde, Jupiter)
David Witczak, baryton (Adraste)
Tomislav Lavoie, baryton-basse (Le Roi, Un sacrificateur)
Philippe Estèphe, baryton (Pan, Le Deuxième matelot,
Lycas, Phobétor, Phantase, Alecton)

Marine Lafdal-Franc, soprano (L’Amour, Elise, La Naxienne)
David Tricou, ténor (Un plaisir, Un suivant du Roi, Le Premier matelot, Mercure)

Les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles
Le Concert Spirituel
Hervé Niquet, direction

Un album de 2 CD du label Alpha Classics 926

Photo à la une : © DR

Ce mercredi 14 juin 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Dans le chantier discographique de révélation de l’opéra français entre Lully (1632-1687) et Rameau (1683-1764) : l' »Ariane et Bacchus » (en 1696) de Marin Marais (1656 – 1728), par Hervé Niquet…

18avr

Dans l’important chantier discographique de révélation au grand-public mélomane de l’opéra français entre Lully (1632 – 1687) et Rameau (1683 – 1764),

voici aujourd’hui l' »Ariane et Bacchus » (en 1696) de Marin Marais (1656 – 1728),

dans la réalisation d’Hervé Niquet avec son Concert Spirituel _ ainsi que les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles _ ; soit le double CD Alpha 926.

Sur cette réalisation, voici l’article de ce jour du site ResMusica,

sous la plume de Pierre Degott :

Ariane et Bacchus de Marin Marais pour la première fois au disque

Interprétée par le Concert Spirituel et des spécialistes du genre dirigés par Hervé Niquet, voilà une intéressante réalisation qui permettra à l’auditeur de se familiariser davantage avec la tragédie lyrique française entre Lully et Rameau. 

Créée en 1696 _ à l’Académie Royale de Musique le 8 mars 1696 _, soit près de dix ans après la mort de Lully _ décédé le 22 mars 1687 _, la tragédie lyrique Ariane et Bacchus fait partie de cette série d’ouvrages intermédiaires entre le monopole du compositeur d’origine italienne _ et les héritiers de son privilège royal qu’ont été ses fils, dont Louis Lully (1664 – 1734) : Louis Lully et Marin Marais collaborèrent pour Alcide, en 1693… _ et le règne de celui qui allait lui succéder à partir des années 1730, Jean-Philippe Rameau _ né le 25 septembre 1683. Grâce à l’action de nos grands chefs spécialistes du baroque, nous connaissons _ un peu _ mieux aujourd’hui les opéras de Desmarets, Destouches, Rebel et autres, et c’est une très bonne chose _ en effet ! Le présent enregistrement, reflet d’un concert donné au Théâtre des Champs-Élysées en avril 2022, porte ainsi, après Alcione et Sémélé _ dont je possède les CDs des interprétations de Marc Minkowki, Erato 2292-45522-2, de 3 CDs, en 1990, et Hervé Niquet Glossa GES 921014,  de 2 CDs, en 2007  _, au nombre de trois les opéras de Marin Marai à avoir eu les honneurs du disque. L’ouvrage, avec sa mécanique théâtrale nourrie de péripéties mythologiques, avec son hommage appuyé à Louis XIV, respecte à la lettre les codes de l’époque et il pourra parfois donner l’impression de déjà vu, ou plutôt de déjà entendu _ certes… Il n’en contient pas moins de belles scènes tragiques, notamment celles confiées à l’héroïne _ Ariane _ qui, abandonnée de Thésée, se croit à deux reprises délaissée par Bacchus. Sans doute est-ce l’existence de deux sources littéraires clairement identifiées qui explique la complexité d’une intrigue confiée à une multitude de personnages dont la caractérisation théâtrale et musicale reste peut-être _ et même probablement _ un maillon faible. Si l’on flaire ce qui pourrait s’apparenter à un soupçon de mélange des genres, ce serait peut-être aller un peu loin que d’adhérer aux propos d’Hervé Niquet lorsqu’il parle à propos d’Ariane et Bacchus de « comédie musicale à la française ». Nous ne sommes tout de même pas dans l’univers d’Ariadne auf Naxos… Sur le plan musical, l’œuvre brille de multiples beautés, portées par des audaces harmoniques inattendues ainsi que par une orchestration qui met en valeur un certain nombre d’instruments, notamment dans les récitatifs accompagnés et les grandes scènes d’Ariane.

Porté par un Hervé Niquet qui visiblement croit à la solidité du projet, le Concert Spirituel se montre parfaitement à la hauteur de la situation, autant pour les parties chorales qu’instrumentales. La distribution, composée de vétérans et de jeunes chanteurs tous spécialistes de ce répertoire, propose un équilibre tout à fait idéal et offre une belle homogénéité _ on aurait souhaité cependant un peu plus d’investissement de leur part… On regrettera presque que ait eu à se contenter du rôle bref de Junon, tant on se délecte _ une fois encore _ de l’élégance et de la noblesse de ses phrasés. À ses côtés, en Ariane ne démérite pas, mais la tessiture relativement basse de son rôle ne la met pas à son avantage _ en effet… On lui préfère en tout cas , dont le timbre frais et charnu donne quelque vie aux rôles plutôt anecdotiques de Corcine et de La Gloire. Chez les messieurs, on retrouve avec plaisir en Bacchus , habitué désormais de ces rôles le haute-contre à la française, et l’on se réjouit de découvrir à côté de lui , lui aussi possesseur de l’instrument idéal pour ce type d’emploi. Chez les clés de fa, est un Géralde véhément et autoritaire, plus théâtral que David Witzcak en Adraste ou dans la série de petits rôles qui lui sont confiés. Belle présence vocale également de la part du baryton , qui parvient à donner corps et substance aux deux rôles du Roi Lycas et du Sacrificateur.

Belle initiative, donc, qui aura permis de découvrir _ voilà, au disque… _ un opéra qui n’est sans doute pas _ en effet… _ un grand chef-d’œuvre oublié, mais qui n’en constitue pas moins un jalon intéressant _ c’est cela… _ de l’histoire de la tragédie lyrique française.

Marin Marais (1656-1728) : Ariane et Bacchus, tragédie lyrique en un prologue et cinq actes sur un livret de Saint-Jean inspiré de la tragédie Ariane de Thomas Corneille et de la comédie héroïque Les Amours ou le mariage de Bacchus et d’Ariane de Jean Donneau de Visé.

Judith van Wanroij, soprano (Ariane) ; Véronique Gens, soprano (La Nymphe de la Seine / Junon) ; Mathias Vidal, haute-contre (Bacchus / Un Songe) ; Hélène Carpentier, soprano (Terpsichore / Dircée / Un Songe) ; Marie Perbost, soprano (La Gloire / Corcine) ; Mathieu Lécroart, baryton-basse (Géralde / Jupiter) ; David Witczak, baryton (Adraste) ; Tomislav Lavoie, basse (Le Roi / Un Sacrificateur) ; Philippe Estèphe, baryton (Pan / Le Deuxième matelot / Lycas / Phobétor / Phantase / Alecton) ; Marine Lafdal-Franc, soprano (L’Amour / Elise / La Naxienne) ; David Tricou, haute-contre (Un Plaisir / Un Suivant du Roi / Le Premier matelot / Mercure) ;

Orchestre et Chœur Le Concert Spirituel, direction : Hervé Niquet.

2 CD Alpha.

Enregistrés en avril 2022 à l’auditorium du Conservatoire Jean-Baptiste Lully de Puteaux.

Notice de présentation en français, anglais et allemand.

Durée totale : 2:06:25

Un atout principalement documentaire, donc.

Ce mardi 18 avril 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

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