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Les « rêves » de Stanley Ann Dunham, « la mère de Barack Obama », selon l’article de Gloria Origgi, sur laviedesidees.fr

21jan

Pour compléter la passionnante réflexion sur ce qu’est une identité (de personne humaine)

_ et ses implications socio-historico-politico culturelles ! si cruciales pour le devenir de nos sociétés : en France, en Europe et aux États-Unis, comme partout ailleurs, en tout État de notre planète, aujourd’hui et demain (matin…) _

que sont

_ écrits et publiés en 1995 ; puis la (très belle, aussi) « Préface » ayant été ajoutée en 2004 _

Les rêves de mon père _ l’histoire d’un héritage en noir et blanc

_ cf mon article d’avant-hier 19 janvier : « Président Obama : lecteur et écrivain _ la construction d’une identité et d’une politique dans les pas d’Abraham Lincoln…  » _,

voici, ce (petit) matin du 21 janvier, un fort intéressant _ par la richesse des détails présentés _ article,

sur le toujours très riche site _ que dirige Pierre Rosanvallon _ de « la vie des idées » (laviedesidees.fr ),

de Gloria Origgi :

« la maman _ mieux : la mère ! _ de Barack Obama« .

Gloria Origgi est chercheur au CNRS, à l’Institut Jean Nicod. Elle s’occupe d’épistémologie sociale, d’épistémologie du web et de philosophie des sciences sociales.

Son dernier ouvrage : « Qu’est-ce que la confiance ?« , est paru aux Éditions Vrin, à Paris, en décembre 2007, dans la très remarquable collection « Chemins philosophiques« , que dirige Roger Pouivet (qui fut l’invité de la Société de Philosophie de Bordeaux le 24 avril 2003).

Et n’est pas du tout un hasard que cette connexion entre ces curiosités croisées (de Gloria Origgi),

tissées entre le concept de « confiance »,

le projet politique démocratique du Président Barack Obama,

et la réflexion cruciale sur les identités croisées,

nœud, déjà, des « Rêves de mon père » du jeune Barack Obama, en 1995  :

rédigés en 1994 et parus le 18 juillet 1995,

peu avant le décès _ le 7 novembre de la même année 1995 ; d’un cancer _ de sa mère…

Aussi me permets-je de citer, auparavant, cette page de cette « Préface » de 2004 aux « Rêves de mon père« , par Barack Obama lui-même _ in person ! :

« La plupart des personnages de ce livre font toujours partie de ma vie (…). Mais il y a une exception : ma mère, que nous avons perdue brutalement _ le 7 novembre 1995 _, à la suite d’un cancer, quelques mois après sa publication _ le 18 juillet précédent.

Elle avait passé les dix années précédentes à faire ce qu’elle aimait. Elle voyageait à travers le monde, travaillant dans de lointains villages d’Asie et d’Afrique, aidant les femmes à acheter une machine à coudre ou une vache laitière, à acquérir une formation qui leur permettrait de mettre un pied dans le commerce mondial. Elle avait des amis dans tous les milieux, faisait de longues promenades, contemplait la lune, farfouillait dans les marchés de Delhi ou de Marrakech à la découverte d’une babiole, d’un foulard ou d’une sculpture de pierre qui la faisaient sourire ou qu’elle trouvait jolis. Elle écrivait des articles, lisait des romans, harcelait ses enfants pour qu’elle ait des petits-enfants.

Nous nous voyions souvent, notre lien était fort. Pendant l’écriture de ce livre, elle en rectifiait des épisodes que j’avais mal interprétés, tout en veillant soigneusement à s’abstenir de commentaires sur mes descriptions la concernant ; mais en s’empressant d’expliquer ou de défendre les aspects moins flatteurs du personnage de mon père. Elle affrontait sa maladie avec dignité, et sans se plaindre, en nous aidant, ma sœur et moi, à continuer à vivre normalement, malgré notre angoisse, nos dénis, nos accès d’abattement.

Je me dis parfois que si j’avais su qu’elle ne guérirait pas, j’aurais peut-être écrit un livre différent… j’en aurais moins fait une méditation sur le parent absent _ disparu _, j’aurais rendu davantage hommage à celle qui était le seul point constant de ma vie. Chaque jour, je la vois dans mes filles, avec sa joie de vivre, sa capacité d’émerveillement. Je ne vais pas essayer d’exprimer à quel point je pleure encore sa mort. Je sais qu’elle était l’être le plus noble, le plus généreux que j’aie jamais connu ; et que c’est à elle que je dois ce que j’ai de meilleur en moi.« 


Voilà ;

et maintenant voici l’article s’efforçant de présenter un peu cette « dette » du fils Barack Hussein _ ou plutôt, pour elle : « Barry«  _ à l’égard de sa mère, « Ann« , ou « Anna« …

« La Maman _ la mère ! _ d’Obama »

par Gloria Origgi [20-01-2009]

« C’est une femme qui a gagné les élections américaines » : Gloria Origgi retrace la vie et la carrière anticonformistes de la mère _ car c’est de celle-ci qu’il va s’agir… _ du nouveau président des États-Unis. Contrairement à ce qui a été avancé _ mis en avant _ durant la campagne, c’est bien cette femme libre et indépendante  _ certes ; et pragmatique _ qui a formé le jeune Barack Obama, le préparant au monde multi-culturel et globalisé dont sa courte vie anticipa _ est-ce à mettre d’ores et déjà au passé (d’un présent bel et bien « arrivé ») ? _ l’avènement.

C’est une femme qui a gagné les élections américaines : Stanley Ann Dunham, née en 1942 _ le 29 novembre _ et emportée par un cancer en 1995 _ le 7 novembre _, à 53 ans à peine, _ ou presque… _ avant de voir s’accomplir son « rêve visionnaire » (!), l’élection de son fils Barack Hussein Obama comme 44e président des États-Unis. Son prénom masculin lui avait été imposé par son père, Stanley Dunham, qui aurait préféré avoir un garçon. Fille unique de Stanley _ Armour Dunham, 1918 – 1992 _ et de sa femme Madelyn Payne _ née le 26 octobre 1922 et morte le 2 novembre 2008, deux jour avant l’élection présidentielle du 4 novembre… ; Barack était allé à Hawaii lui dire adieu quelques jours auparavant, les 22 et 23 octobre _, Stanley Ann fut une jeune fille anticonformiste et une mère solitaire, convaincue de pouvoir élever ses enfants en les préparant _ peut-être _ à un monde nouveau, globalisé et multi-culturel. Un monde radicalement différent de son quotidien de petite fille de classe moyenne dans une anonyme _ Fort Leavenworth _ petite ville du Kansas _ cela, à coup sûr ! Barack _ Barry comme elle l’appelait _ est _ en partie du moins : l’éducation est un processus infiniment complexe ; à ne pas « instrumentaliser » ! _ sa créature _ est-ce tout à fait le mot juste ? _, le fruit d’une éducation patiente, attentive et aimante _ oui ! lire aussi (tout Donald Winnicott ! _, à laquelle elle consacra toute sa vie, tant elle voyait dans ses deux enfants métis l’image d’un avenir proche et meilleur, qui réconcilierait dans le mélange des sangs les fausses oppositions, les odieux sentiments d’appartenance, les unreal loyalties _ comme les appelait (dans « Trois Guinées« …) Virginia Woolf _ qui nous rassurent tant dans notre quête désespérée d’identité sociale.

Au moment de sa naissance, le 4 août 1961, son fils Barack était encore considéré dans la moitié des États américains comme le produit criminel _ rien moins ! _ d’une miscegenation, d’un croisement de races : un hybride biologique honteux auquel on ne reconnaissait pas la possibilité d’exister, et dont les auteurs étaient punis par la prison. Ce terme, aujourd’hui imprononçable, avait été forgé aux États-Unis en 1863, avec une fausse étymologie latine associant miscere et genus, pour indiquer la différence supposée génétique entre Blancs et Noirs. La question de la miscegenation devint cruciale à l’époque de la guerre civile américaine (1861-1865), et de l’abolition de l’esclavage qui s’ensuivit _ le 18 décembre 1865. Passe encore accorder des droits civiques aux non Blancs, mais autoriser des relations intimes entre Blancs et Noirs était une autre histoire… Le terme apparaît pour la première fois dans le titre d’un pamphlet publié à New York _ en 1864 _, « Miscegenation : The Theory of Blending of the Races, Applied to the American White Man and Negro« . L’auteur, anonyme, y révèle que le projet du parti républicain, qui s’était prononcé en faveur de l’abolition de l’esclavage, était d’encourager au maximum le mélange entre Blancs et Noirs, afin que les différences raciales s’atténuent peu à peu, jusqu’à disparaître complètement. On ne tarda pas à découvrir qu’il s’agissait d’un faux, fabriqué de toutes pièces par les Démocrates  _ en fait, un certain David Goodman Croly _ pour faire dresser les cheveux sur la tête des citoyens américains face à l’intolérable projet républicain d’un métissage souhaitable. Le délit de miscegenation fut définitivement aboli en 1967 lorsque la Cour Suprême américaine déclara _ le 12 juin 1967 _ les lois anti-miscegenation anticonstitutionnelles, à l’issue du célèbre cas judiciaire Loving vs. Virginia. Un couple mixte marié _ Richard (1933-1975) et Mildred (1939-2008) Loving _ avait été condamné à un an de prison et à quitter l’État de Virginie, uniquement parce que mari et femme avaient été trouvés dans le même lit : le certificat de mariage _ en juin 1958 _ suspendu au-dessus du lit fut considéré comme non valide par les policiers, qui avaient forcé la porte d’entrée et, armés de fusils, avaient frappé et humilié les jeunes mariés, car il avait été établi dans un autre État, _ le District of Columbia _ qui ne condamnait pas la miscegenation. Les faits eurent lieu en 1959 _ le 6 janvier _ et le couple dut attendre huit ans pour voir reconnue son innocence, ainsi que l’indécence morale de ce qu’il avait subi.

Il faut essayer d’imaginer cette Amérique-là _ en effet _ pour comprendre le courage de Stanley Ann, qui épousa _ c’était le 2 février 1961, à Maui _ à dix-huit ans, enceinte de quatre mois, le jeune et brillant étudiant kenyan Barack Obama senior, premier Africain admis à l’Université de Hawaï  Il avait 25 ans et était arrivé à Hawaï en 1959, grâce à une bourse du gouvernement kenyan partiellement financée par les États-Unis, destinée à aider les étudiants africains les plus doués à se former dans les universités américaines, pour rentrer ensuite dans leur pays et constituer une élite compétente et moderne. Barack senior avait grandi sur les rives du lac Victoria _ au nord-ouest du Kenya _, dans une famille de la tribu Luo. Il avait passé son enfance à s’occuper du bétail de son père, l’un des chefs de la tribu, en fréquentant l’école du village. Une première bourse lui avait permis de s’inscrire au lycée de Nairobi _ la capitale du Kenya. Il était venu étudier l’économie à Hawaï, et obtint son diplôme en trois ans avec les meilleures notes de sa classe. Il rencontra Stanley Ann à un cours de russe, qu’elle suivait probablement parce que ce pays si différent des États-Unis l’attirait et la faisait rêver à l’accomplissement de ses « rêves«  de jeune athée marxiste depuis les lointaines îles Hawaï.

Stanley Ann était une jeune fille timide, studieuse et rêveuse. Elle était née à Fort Leavenworth, dans le Kansas, où son père faisait son service militaire. Ses parents, tous les deux originaires du Kansas, s’étaient rencontrés _ et mariés, le 5 mai _ en 1940 à Wichita, la ville la plus importante du Kansas. Sa mère appartenait à une famille respectable : des gens qui n’avaient jamais perdu leur travail, même pendant la grande dépression, et qui vivaient très correctement grâce à une concession à une compagnie pétrolière sur leurs terres. Son père venait d’une famille plus compliquée, aux revenus modestes : élevé par ses grands-parents, il avait été un adolescent particulièrement rebelle et renfermé, notamment après le suicide de sa mère. Ce caractère difficile lui resta à jamais ; il se montra sarcastique et sévère avec Stanley Ann. Sa fille commença très tôt à se détacher de lui et à manifester une véritable intolérance pour ses manières fortes et frustes, son excessive simplicité intellectuelle et le style obtus et masculin avec lequel il conduisait les affaires familiales.

L’enfance de Stanley Ann fut ponctuée de nombreux déménagements : ses parents quittèrent le Kansas pour la Californie, puis revinrent dans le Kansas avant d’habiter différentes villes du Texas, puis Seattle durant l’adolescence de leur fille, et enfin Honolulu, où ils décidèrent de s’établir _ en 1960. Son père s’était lancé dans des affaires variées, alternant succès et échecs ; il se consacra finalement au commerce de meubles à Hawaï. Sa mère, qui avait toujours travaillé dans la banque, devint directrice d’une agence à Honolulu. Le couple n’avait pas grand intérêt pour la religion, même si le père essaya de convaincre sa femme Madeleine, dite Toot, de se convertir à la Congrégation Unitaire Universaliste _ un groupe religieux qui mêlait les écritures de cinq religions _ en s’appuyant sur un argument financier : « cela revient à avoir cinq religions pour le prix d’une ! » Mais sa femme l’en dissuada, rétorquant que la religion n’était pas un supermarché. Les nombreux déménagements avaient fait des parents de Stanley Ann un couple américain typique d’ordinary outsiders, de gens ordinaires qui se déplacent pour des raisons financières, se sentant profondément américains dans leurs valeurs, mais n’ayant de racines nulle part. Le couple était néanmoins tolérant : le père se considérait bohême parce qu’il écoutait du jazz, écrivait des poèmes le dimanche et ne craignait pas de compter plusieurs Juifs parmi ses amis intimes. La question raciale n’existait pas pour eux. La vie des Noirs et des Blancs était tellement « séparée«  dans les villes où ils habitèrent durant leurs pérégrinations, que pour la plupart des Américains de leur génération le problème ne se posait même pas.

Stanley Ann grandissait solitaire, passait des après-midi entiers à lire des livres empruntés à la bibliothèque du quartier. Elle aimait les langues étrangères, les romans européens et le « Manifeste » de Karl Marx. À douze ans, elle vécut son premier traumatisme lié à l’intolérance sociale. Arrivée dans une petite ville du Texas, Stanley Ann devint l’amie d’une petite fille noire qui habitait dans le voisinage. Ses parents n’avaient rien à y objecter, mais ses camarades de classe commencèrent à se moquer d’elle. La dérision se fit de plus en plus forte, jusqu’à se transformer en véritable exclusion. Toot, la grand-mère d’Obama, se souvient d’un jour où elle trouva les deux petites filles couchées dans le jardin, regardant le ciel en silence, tandis que depuis les grilles qui entouraient le terrain, leurs camarades d’école et les enfants du quartier hurlaient des injures et des insultes. « Nigger lover« , criaient-ils à Stanley Ann, insinuant que leur amitié avait une connotation sexuelle, seule raison pouvant justifier une attraction pour ce qui est différent. Comme si le contact avec le Noir, pour le puritanisme wasp de l’Amérique des années cinquante, ne pouvait représenter rien d’autre qu’un phantasme sexuel, une altérité sauvage et un désir _ lust _ refoulé.

Ce Texas violent, intolérant et conformiste ne plaisait pas non plus aux parents de Stanley Ann, qui décidèrent de partir pour Seattle, « nouvelle frontière«  économique à l’extrême Ouest des États-Unis. La ville _ Mercer Island _ était plus ouverte et plus accueillante, Stanley Ann y fit tout son lycée _ Mercer Island High School. Marine Box, sa meilleure amie de l’époque, garde d’elle l’image d’une élève brillante, non seulement dans ses résultats scolaires, mais par sa capacité à réfléchir seule, à ne pas se plier aux clichés et au conformisme culturel de son pays. Elle se disait par exemple athée, scandalisant ses camarades de classe.

Quand ses parents déménagèrent à Hawaï _ en 1960, donc _, Stanley Ann s’inscrivit à l’Université d’Honolulu. Malgré la dureté de son père, ses parents ne s’opposèrent pas à sa relation avec Barack Obama senior. Au contraire, ils l’invitèrent immédiatement à dîner, pensant que le jeune homme se sentait seul, si loin de chez lui. Les gaffes furent évidemment nombreuses, tant ils avaient peu l’habitude de fréquenter des Noirs : le père lui demanda s’il savait chanter et danser, et la mère lui dit qu’il ressemblait de façon frappante à Harry Belafonte. Mais Barack senior ne se laissa pas intimider pour autant. Un soir, durant une fête, il se mit à chanter devant tout le monde, et bien que sa voix ne fût pas particulièrement belle, son assurance et son charisme firent effet sur tous les présents. C’est un homme fier de ses origines africaines, fils de chef, qui n’a jamais subi les humiliations des Noirs américains _ esclaves et descendants d’esclaves. Il ne sent pas encore le poids de la couleur de sa peau dans cette Amérique violente, ségrégationniste, mais « naïve«  sur les questions raciales, pour n’avoir pas encore été confrontée aux Black Panthers et aux mouvements de révolte et de construction de l’identité afro-américaine.

Juste après la naissance d’Obama Hussein _ le 4 août 1961 _, son père est sélectionné par les meilleures universités américaines et décide de poursuivre ses études à Harvard. Stanley Ann n’a pas envie de le suivre dans le Massachusetts : elle est heureuse d’avoir un bébé, pleinement heureuse, mais ne se voit pas mener la vie d’une épouse d’homme politique kenyan. Elle sait que le destin de son mari est tracé, qu’il devra rentrer au Kenya car sa réussite aux États-Unis est un exemple pour toute une nation ; c’est précisément pour cela qu’on l’a envoyé faire ses études en Amérique. Ils décident de se séparer en toute amitié, Barack senior vient d’une culture polygame et sait bien que sa vie de mari et de père ne s’arrête pas là. Stanley Ann est suffisamment sûre d’elle-même et heureuse d’avoir un enfant métis pour retourner à Honolulu sans complexes _ le divorce sera prononcé en juin 1964 _, et y reprendre ses études. Elle décroche une maîtrise en mathématiques et un master en anthropologie en 1967. La même année, elle rencontre un autre étudiant étranger, Lolo Soetoro _ ca 1936-1987 _,  un Indonésien petit, brun et gentil, qui commence à fréquenter la maison des Dunham. Toot, la mère de Stanley Ann, joue aux échecs avec lui tous les soirs, et se moque de lui car « Lolo » en hawaïen signifie « fou ». Mais ce garçon n’a rien de fou : il est d’une courtoisie extrême, affectueux avec le petit Barry et décidément très amoureux de la jeune femme extravagante et aventureuse qu’est Stanley Ann. Il lui propose de l’épouser, et de partir avec lui à Djakarta. Stanley Ann accepte et part avec son fils pour l’Indonésie à la fin de l’année 1967, au moment de l’irrésistible ascension au pouvoir de Suharto, des purges anti-communistes et du déclin du président Sukarno, fondateur de l’État, désormais âgé.

Stanley Ann trouve du travail à l’ambassade américaine, où elle emmène souvent son fils qui passe ses journées à la bibliothèque de l’ambassade à lire le magazine Life. Elle lui parle de politique, de géographie, de relations internationales. Lolo raconte à Barry les mythes indonésiens, le grand Hanuman, dieu singe et guerrier invincible dans sa lutte contre les démons. L’athéisme communiste du gouvernement Sukarno est vite remplacé, sous Suharto, par une vague religieuse. On étudie la religion musulmane à l’école : l’Indonésie est le plus grand pays converti à l’Islam. Barry est soumis à toutes ces influences, toutes ces cultures. Il n’a pas de problèmes d’appartenance raciale : il n’a pas de race, il est un citoyen du monde, curieux comme sa mère, intéressé par la différence, sûr de lui et entièrement à son aise dans la normalité quotidienne qu’est pour lui le clan multi-ethnique de sa famille recomposée. En 1970 _ le 15 août _ naît sa sœur, Maya Kassandra Soetoro. Barry va à l’école, mais le réveil sonne pour lui à trois heures du matin, quand sa mère entre dans sa chambre sur les notes de Mahalia Jackson, lui lit la biographie de Malcolm X, lui fait écouter les discours du révérend Martin Luther King. Elle lui inculque de cette façon un sentiment d’appartenance à la culture afro-américaine, qui est en train de prendre pied aux États-Unis, d’y trouver une expression politique, une identité communautaire et un langage propres.

Barry doit savoir tout être à la fois, américain, noir, blanc, cosmopolite, parce que c’est son avenir, le « rêve«  hasardeux et visionnaire de sa mère. Quand son mariage avec Lolo commence à vaciller, Barry est envoyé pendant un an chez ses grands-parents à Hawaï. Stanley Ann quitte Lolo car il désire avoir d’autres enfants. Peu après _ en 1972 _, Stanley Ann et Maya reviennent à Honolulu, et le clan se recompose, cette fois sans maris, mais avec les deux enfants et les grands-parents Dunham. Les parents de Stanley Ann se consacrent avec amour au petit Barry, mais contrairement à ce qu’on a pu lire dans les journaux, ce ne sont pas eux qui l’élèvent. C’est sa mère qui veille sur son éducation, elle qui, une fois de retour à Hawaï, reprend ses études pour décrocher un doctorat en anthropologie à cinquante ans, en 1992. Elle choisit comme objet de recherche la société rurale indonésienne, ce qui lui donne l’occasion de retourner fréquemment en Indonésie pour que sa fille Maya puisse voir son père, avec lequel elle a conservé des rapports amicaux _ le divorce officiel aura lieu en 1980. En 1977, elle décide d’y séjourner plus longuement, toujours pour ses recherches. Elle part seule avec Maya, Barry préfère terminer sa scolarité aux États-Unis.

La carrière de Stanley Ann, pendant ce temps, prend une tournure nouvelle : elle s’occupe de développement rural, de programmes de micro-crédit destinés aux femmes indonésiennes pour le compte de différentes agences et banques internationales. Sa vie, son expérience de femme et de mère de deux enfants multi-ethniques deviennent le terreau de sa croissance intellectuelle. Elles lui ont fait comprendre des choses qu’elle n’aurait pas vues autrement sur les différences sociales et culturelles, sur la condition féminine, sur les minorités ethniques. Son autobiographie est son terrain d’expérimentation, elle est à la fois observatrice et protagoniste d’un monde qui se transforme et se globalise. Mais son enthousiasme et sa carrière seront bientôt stoppés net par un cancer des ovaires _ qui se déclare en 1994 _, qui l’emporte à cinquante-trois ans, en 1995 _ le 7 novembre.

Il faut se demander ce qu’il y a _ indirectement _ de cette femme indépendante, courageuse et pleine d’une autorité naturelle _ oui _ dans l’obamanie qui s’est emparée du monde entier durant les élections américaines. La nouveauté que représente Obama réside peut-être moins dans sa peau noire que dans sa capacité profonde _ oui _ à comprendre et à concilier les contraires, que seul peut avoir un homme qui a accepté le modèle et l’autorité d’une femme. Obama est issu d’une génération nouvelle parce qu’il est le fils d’une femme intellectuellement compétente, parce qu’il peut prendre pour modèle sa mère et non son père, parce qu’il est imprégné de valeurs féminines de tolérance et de communion. Obama est le produit _ d’abord… : il n’est pas une chose ; ni un « outil »… _ de cette femme, il est sa plus grande réussite. Certes, durant la campagne électorale, il valait mieux _ électoralement ?.. _ laisser le souvenir de Stanley Ann à l’écart des feux de la rampe, et raconter _ story-telliser ?.. _ l’histoire du petit garçon noir élevé par ses grands-parents dans le Kansas _ du middlewest profond… Mais à présent qu’Obama est président, le moment est enfin venu _ politiquement correct ?.. _ de rendre hommage _ est-ce parfaitement sincère, en pareil cas ? _ à celle qui a « inventé«  (!) ce « fils parfait » (!), à celle qui en a pris soin et l’a élevé pour (!!!) « en faire l’icône » (!) du monde qui viendra, et qu’elle ne verra pas.

Traduit _ pas toujours opportunément (!) du point de vue d’une rigueur philosophique : c’est plutôt dommage…  _ de l’italien par Florence Plouchart-Cohn _ les données factuelles, étant, elles, on ne peut plus intéressantes !

par Gloria Origgi [20-01-2009]

Titus Curiosus, le 21 janvier 2009

Président Obama : lecteur et écrivain _ la construction d’une identité et d’une politique dans les pas d’Abraham Lincoln…

19jan

En contrepoint aux magnifiques « Rêves de mon père _ l’histoire d’un héritage en noir et blanc« , parus aux Etats-Unis en 1995,

puis réédités _ au moins une première fois (avec l’adjonction d’une « Préface« , alors) _ en 2004, à l’occasion de l’élection « au Sénat des États-Unis en tant que sénateur de l’Illinois » (page 11) de Barack Obama,

et traduits en français par Danièle Darneau (aux Presses de la Cité ; et paraissant maintenant _ décembre 2008 _ en Points-Seuil) ;

voici un bel article _ en anglais _

paru dans l’édition de ce 19 janvier _ veille de l' »inauguration » à Washington _ du New-York Times,

sous la plume de Michiko Kakutani,

intitulé « From Books, New President Found Voice ».

WASHINGTON _

In college, as he was getting involved in protests against the apartheid government in South Africa, Barack Obama noticed, he has written, that people had begun to listen to my opinions. Words, the young Mr. Obama realized, had the power “to transform” : “with the right words everything could change _ South Africa, the lives of ghetto kids just a few miles away, my own tenuous place in the world.

Much has been made of Mr. Obama’s eloquence _ his ability to use words in his speeches to persuade and uplift and inspire. But his appreciation of the magic of language and his ardent love of reading have not only endowed him with a rare ability to communicate his ideas to millions of Americans while contextualizing complex ideas about race and religion, they have also shaped his sense of who he is and his apprehension of the world.

Mr. Obama’s first book, Dreams From My Father _ en traduction française : « Les rêves de mon père _ l’histoire d’un héritage en noir et blanc«  _ (which surely stands as the most evocative, lyrical and candid autobiography written by a future president), suggests that throughout his life he has turned to books as a way of acquiring insights and information from others _ as a means of breaking out of the bubble of self-hood and, more recently, the bubble of power and fame. He recalls that he read James Baldwin _ l’auteur de « La chambre de Giovanni«  et de « La prochaine fois, le feu« _, Ralph Ellison _ l’auteur de « Homme invisible, pour qui chantes-tu ? » _, Langston Hughes _ l’auteur des « Grandes profondeurs » _, Richard Wright _ l’auteur de « Black Boy«  et « Un enfant du pays«  _ and W. E. B. Du Bois _ l’auteur des « Âmes du peuple noir«  _ when he was an adolescent in an effort to come to terms with his racial identity ; and that later, during an ascetic phase in college, he immersed himself in the works of thinkers like Nietzsche and St. Augustine _ l’auteur des « Confessions«  _ in a spiritual-intellectual search to figure out what he truly believed.

As a boy growing up in Indonesia, Mr. Obama learned about the American civil rights movement through books his mother gave him. Later, as a fledgling community organizer in Chicago, he found inspiration in “Parting the Waters” _ non traduit en français _, the first installment of Taylor Branch’s multivolume biography of the Rev. Dr. Martin Luther King Jr.

More recently, books have supplied Mr. Obama with some concrete ideas about governance : it’s been widely reported that Team of Rivals,” Doris Kearns Goodwin’s book _ non encore traduit en français _ about Abraham Lincoln’s decision to include former opponents in his cabinet, informed Mr. Obama’s decision to name his chief Democratic rival, Hillary Rodham Clinton, as Secretary of State. In other cases, books about Franklin Delanoe Roosevelt’s first hundred days in office ; and Steve Coll’s “Ghost Wars_ non encore traduit en français _ about Afghanistan and the C.I.A., have provided useful background material on some of the myriad challenges Mr. Obama will face upon taking office.

Mr. Obama tends to take a magpie approach to reading _ ruminating upon writers’ ideas and picking and choosing those that flesh out his vision of the world or open promising new avenues of inquiry.

His predecessor, George W. Bush, in contrast, tended to race through books in competitions with Karl Rove (who recently boasted that he beat the president by reading 110 books to Mr. Bush’s 95 in 2006), or passionately embrace an author’s thesis as an idée fixe. Mr. Bush and many of his aides favored prescriptive books _ Natan Sharansky’s “Case for Democracy” which pressed the case for promoting democracy around the world, say, or Eliot A. Cohen’s “Supreme Command” which argued that political strategy should drive military strategy. Mr. Obama, on the other hand, has tended to look to non-ideological histories and philosophical works that address complex problems without any easy solutions, like Reinhold Niebuhr’s writings _ non traduits en français _, which emphasize the ambivalent nature of human beings and the dangers of willful innocence and infallibility.

What’s more, Mr. Obama’s love of fiction and poetry _ Shakespeare’s plays (par exemple, ses « tragédies« ) , Herman Melville’s “Moby-Dick and Marilynne Robinson‘s “Gilead are mentioned on his Facebook page, along with the Bible _ par exemple « la Bible« _, Lincoln’s collected writings and Emerson’s “Self Reliance(en français « La Confiance en soi« ) _ has not only given him a heightened awareness of language. It has also imbued him with a tragic sense of history and a sense of the ambiguities of the human condition quite unlike the Manichean view of the world so often invoked by Mr. Bush.

Mr. Obama has said that he wrote “very bad poetry in college ; and his biographer David Mendell suggests that he once harbored some thoughts of writing fiction as an avocation.For that matter, “Dreams From My Father” evinces an instinctive storytelling talent (which would later serve the author well on the campaign trail) and that odd combination of empathy and detachment gifted novelists possess. In that memoir, Mr. Obama seamlessly managed to convey points of view different from his own (a harbinger, perhaps, of his promises to bridge partisan divides and his ability to channel voters’ hopes and dreams) while conjuring the many places he lived during his peripatetic childhood. He is at once the solitary outsider who learns to stop pressing his nose to the glass and the coolly omniscient observer providing us with a choral view of his past.


As Baldwin once observed, language is both “a political instrument, means, and proof of power” and “the most vivid and crucial key to identity : it reveals the private identity, and connects one with, or divorces one from, the larger, public, or communal identity.

For Mr. Obama, whose improbable life story many voters regard as the embodiment of the American Dream, identity and the relationship between the personal and the public remain crucial issues. Indeed, Dreams From My Father” written before he entered politics, was both a searching bildungsroman and an autobiographical quest to understand his roots _ a quest in which he cast himself as both a Telemachus in search of his father and an Odysseus in search of a home.


Like “Dreams From My Father”, many of the novels Mr. Obama reportedly admires deal with the question of identity : Toni Morrison’s “Song of Solomon_ en français « Le chant de Salomon » _ concerns a man’s efforts to discover his origins and come to terms with his roots ; Doris Lessing’s “Golden Notebook _ en français « Le Carnet d’or » _ recounts a woman’s struggles to articulate her own sense of self ; and Ellison’s “Invisible Man_ en français « Homme invisible, pour qui chantes-tu ? » _ grapples with the difficulty of self-definition in a race-conscious America and the possibility of transcendence. The poems of Elizabeth Alexander, whom Mr. Obama chose as his inaugural poet, probe the intersection between the private and the political, time present and time past ; while the verse of Derek Walcott (a copy of whose collected poems was recently glimpsed in Mr. Obama’s hands _ en français, « Une autre vie » _) explores what it means to be a  divided child”, caught on the margins of different cultures, dislocated and rootless perhaps, but free to invent a new self.

This notion of self-creation is a deeply American one _ a founding principle of this country, and a trope addressed by such classic works as The Great Gatsby(« Gatsby le magnifique« , de Francis Scott Fitzgerald) _ and it seems to exert a strong hold on Mr. Obama’s imagination.


In a 2005 essay in Time magazine, he wrote of the humble beginnings that he and Lincoln shared, adding that the 16th president reminded him of a larger, fundamental element of American life _ the enduring belief that we can constantly remake ourselves to fit our larger dreams.

Though some critics have taken Mr. Obama to task for self-consciously italicizing parallels between himself and Lincoln, there are in fact a host of uncanny correspondences between these two former Illinois state legislators who had short stints in Congress under their belts before coming to national prominence with speeches showcasing their eloquence : two cool, self-contained men, who managed to stay calm and graceful under pressure ; two stoics embracing the virtues of moderation and balance ; two relatively new politicians who were initially criticized for their lack of experience and for questioning an invasion of a country that, in Lincoln’s words, was “in no way molesting, or menacing the U.S.

As Fred Kaplan’s illuminating new biography (“Lincoln : The Biography of a Writer” _ non encore traduite en français _) makes clear, Lincoln, like Mr. Obama, was a lifelong lover of books, indelibly shaped by his reading _ most notably, in his case, the Bible and Shakespeare _ which honed his poetic sense of language and his philosophical view of the world. Both men employ a densely allusive prose, richly embedded with the fruit of their reading, and both use language as a tool by which to explore and define themselves. Eventually in Lincoln’s case, Mr. Kaplan notes, the tool, the toolmaker, and the tool user became inseparably one. He became what his language made him.

The incandescent power of Lincoln’s language, its resonance and rhythmic cadences, as well as his ability to shift gears between the magisterial and the down-to-earth, has been a model for Mr. Obama _ who has said he frequently rereads Lincoln for inspiration _ and so, too, have been the uses to which Lincoln put his superior language skills : to goad Americans to complete the unfinished work of the founders, and to galvanize a nation reeling from hard times with a new vision of reconciliation and hope.

« Paix » et « espérance » : ce ne sont pas que d’actifs espoirs

_ personnellement je n’apprécie que modérément le vocable « rêves » ; et, de fait, « ceux » du père du 44ème président, n’ont pas pris corps… _

« américains », bien sûr…


La tâche est grande, certes ; mais une confiance lucide _ à bâtir, patiemment : « yes, we can » _

vaut mieux que le cynisme des divisions montant systématiquement _ pour « régner », croient-ils… _ les uns contre les autres…


Et il y faut, en effet, une grande « vision« 

Et le « réalisme » vient peut-être, en changeant de camp

_ on se souvient de celui des Açores… _

de changer de sens…


Demain, nous serons sans nul doute nombreux à tourner nos regards

_ et avec « réalisme », donc _

vers cette renaissance d’espérance

à Washington ;

comme à Nairobi et à Djakarta…

Et

Guantanamo,

Gaza,

etc...

Soit, au sein même des États-Unis,

comme dans le « reste » de ce qui est aussi « le » _ et notre ! _ « monde » (= de plus en plus uniformisé) ;

soit un « monde » commun ; et _ qu’on le veuille ou pas ! _ partagé !..

soit, donc,

diviser et régner versus unir et réunir ;

 = aimer ou haïr…

Toute paix est une construction, et de très longue haleine…

Là-dessus,

(re-) lire

_ lecteurs, nous aussi ! et pour avoir (un peu) « voix au chapitre » (démocratique) _ ;

(re-) lire les « fondamentaux », tels que, par exemple, les « Traités«  :

« théologico-politique »

et « politique »

de Spinoza…

Titus Curiosus, le 19 janvier 2009

Emérger enfin du choix d’Achille !..

21sept

Sur « Zone » de Mathias Énard (aux Éditions Actes-Sud, ce 20 août 2008), immense livre d’un immense écrivain.

Un livre de très grand souffle _ à la Walt Whitman, si l’on veut (dont, au passage, vient de paraître une nouvelle traduction du chef d’oeuvre « Feuilles d’herbe« , par Éric Athenot, aux Editions José Corti) _ ;

très grand souffle

qui n’est guère courant dans la tradition littéraire française,

sauf Agrippa d’Aubigné _ « Les Tragiques » _ et (tout) Victor Hugo ;

ainsi que _ des deux auteurs de prédilection du personnage de la belle et méthodique Stéphanie dans ce « Zone« , Proust et Céline _ la « Recherche«  et le « Voyage« …

Quel souffle, en effet, dans ce voyage

_ ferroviaire, entre les gares Centrale et Termini de Milan et de Rome, un « 8 décembre »

(2004 : il faut le « calculer » : « il y a tout juste un an le jeudi 11 décembre Mohammad el-Khatib se faisait exploser à cinq heures du matin à l’angle de la place Mazzini à quelques mètres de la synagogue, une des plus belles d’Italie » _ à Modène, page 200 ; « son suicide n’empêcha pas Luciano Pavarotti de se marier  le surlendemain au Teatro di Modena (le théâtre est l’église des artistes, dira-t-il) à quelques centaines de mètres de là » _ est-il aussi précisé, page 202)

en 519 pages d’un unique formidable mouvement (de la pensée) _

du narrateur Francis Servain Mirković, alias Yvan Deroy (et quelques autres identités de rechange : « Pierre Martin« , « Bertrand Dupuis » _ page 211…), pour tenter de sortir d’une « Roue de l’Histoire« 

_ ou, encore, une « étrange roue du Destin

où les dieux donnent et reprennent ce qu’ils ont donné » (page 109) _,

au milieu « de chemins qui se recroisent dans la grande fractale marine où (le narrateur) patauge sans le savoir _ d’abord _ depuis des lustres, depuis (ses) ancêtres (ses) aïeux (ses) parents (lui : « moi« , dit-il forcément !) (ses) morts et (sa) culpabilité » (pages 76-77)…

Car il s’agit ici ni plus ni moins que de tenter d’échapper à « une pyramide de pères haute comme l’échelle de saint Jean Climaque, imbriqués

_ les pères, en tant, déjà, que fils _

les uns dans les autres riant comme des démons de voir leurs fils ployer sous eux«  (page 479)…

Ainsi que (à la même page, vingt lignes plus haut) : « ne pas faire le choix d’Achille le stérile mais celui d’Hector » : « il y aura un Astyanax quelque part qui me ressemblera, qui

_ tel Énée, son père Anchise dans l' »Enéide » de Virgile _

portera son père sur ses épaules

comme moi je porte le mien, hors de la ville en flammes,

je me suis vu avec mon père sur le dos, et lui le sien »

_ d’où la figure de la « pyramide«  qui s’ensuit alors ;

remontant rien moins que jusqu’à « la guerre du feu » (page 32) : « la nuit des temps« , « l’homme préhistorique » (page 81)…

Ce père « silencieux »,

porté en terre « à onze heures du matin précises au cimetière d’Ivry, un jour de printemps ni gris ni bleu » (page 170), et pour lequel le narrateur ne parvient « qu’à ânonner un Notre Père poussif, la sueur au front en guise de larmes _ qui se trouve dans ce sarcophage, qui est-il

_ s’interroge page 172 le fils _,

est-ce l’appelé d’Algérie, l’ingénieur catholique, le mari de ma mère, l’amoureux des jeux de patience _ et des trains électriques _, le fils du serrurier forgeron de Gardanne près de Marseille, le père de ma soeur,

est-ce le même » s’interroge (page 172) « aux abords de Reggio » le narrateur, en ce train qui file dans la nuit vers Roma-Termini…

Ce père qui avait été aussi

« aide interrogateur dans une villa d’Alger, l’ingénieur chrétien spécialiste de la baignoire, de la barre d’acier et de l’électricité,

il n’en a jamais parlé, bien sûr, jamais,

mais il savait quand il me regardait, il avait vu, repéré en moi des symptômes qu’il connaissait, les stigmates, les brûlures qui apparaissent sur les mains des tortionnaires« ,

se souvient de l’enterrement de son père, au cimetière d’Ivry _ à « la section 43« , « de l’autre côté de la rue, dans le petit cimetière » (précision de la page 170) _ ;

se souvient de l’enterrement de son père, donc,

le narrateur, « aux abords de Reggio belle et bourgeoise » (page 173).

Car, « tous ces cercles dessinés sur un bouclier doré

_ tel que celui d’Achille, ainsi que le narre Homère dans « l’Iliade » _,

ce sont les mères qui fourbissent les armes,

Thétis l’aimante console Achille son enfant en lui donnant les moyens de se venger,

une cuirasse une épée un bouclier aveuglant où le monde entier se reflète,

comme Marija Mirković

_ c’est là le nom de jeune fille de la mère du narrateur, née en 1939 _

m’a fourni la patrie l’histoire l’hérédité Maks Luburić et Millán Astray le faucon borgne

_ que Marija Mirković ou son fils Francis Servain ont pu croiser sur leur chemin, à Madrid et en personne, lors d’un concert de piano Bach-Scarlatti, le 14 avril 1951 (page 342) pour la première, le général espagnol, quand elle avait douze ans ; à Carcaixent, près de Valence et d’Alzira, plus récemment, pour les traces, seulement indirectement, du  second, le croate (assassiné en avril 1969 _ page 263) _ ;

ne pleure pas Achille, sèche tes larmes et va te venger,

réconcilie-toi avec l’Atride contrit _ Agamemnon _

et massacre Hector de ta furie,

vengeance, vengeance,

je sens la vengeance gronder dans ce train dévalant les collines« 

_ du Latium,

nous approchons maintenant de Rome, au chapitre XXI du récit du narrateur, page 463…

Ce souffle magnifique du roman de Mathias Énard, se déroule

_ à l’exception de trois chapitres de citation de récits d’un « petit bouquin libanais »

(l’expression se trouve page 60

_ qui font office de pause, pour s’absorber, narrateur comme lecteur, dans quelque lecture, et échapper, un peu et provisoirement, à ses pensées ; ou à ses fantômes, si fidèles…)

d’un auteur s’appelant « Rafaël Kahla« ,

« né au Liban en 1940, dit la quatrième de couverture » et qui « vit aujourd’hui entre Tanger et Beyrouth » ;

« Tanger gardienne de la lèvre inférieure de la Zone« …  (page 369) :

« je me demande si Rafaël Kahla me ressemble, pourquoi écrit-il ses histoires terrifiantes, a-t-il essayé d’étrangler sa femme comme Lowry, ou l’a-t-il assassinée comme Burroughs, incita-t-il à la haine et au meurtre comme Brasillach ou Pound, peut-être est-ce une victime comme Choukri le misérable, ou un homme trois fois vaincu comme Cervantès » (pages 445-446) _ ;

ce souffle magnifique du roman de Mathias Énard, se déroule, donc,

du tenant (et élan) d’une phrase unique, sans un seul point pour l’interrompre et le couper, ce long et ample « souffle » du narrateur..

Mais le rythme de ce qui s’y exprime est aux antipodes de la virtuosité artificielle, ou, a fortiori, « expérimentale » : c’est le rythme même de la pensée livrée à elle-même seule ;

et peuplée d’impressions et de souvenirs qui ne cessent, richement, d’affluer, et d’orienter ce qui se pense vers l’ailleurs (encore et seulement du réel)

_ notamment, mais pas seulement, la « zone » d’affectation de l’agent du service

(d’enquête de sécurité extérieure : « délégué de défense » ainsi que le spécifiait frileusement l’intitulé du concours administratif« , est-il indiqué page 124 ;

devenant « un expert, un spécialiste de la folie politico-religieuse qui est une pathologie de plus en plus répandue« , se dit le narrateur au passage de « Parme qui s’enfuit dans la nuit« , page 137) ;

notamment, mais pas seulement, la « zone » d’affectation de l’agent du service du Boulevard Mortier à Paris ;

vers l’ailleurs (du réel), donc,

et vers un passé (bien réel, lui aussi !) assez obsédant ;

pas réellement vraiment passé et _ proustiennement ! _ dépassé, en tout cas, pour le malheureux narrateur,

qui a manqué à plusieurs reprises _ dont une fois à Venise _ de bel et bien (physiquement) s’y noyer :

« trop de choses il y a trop de choses tout est trop lourd même un train n’arrivera pas à amener ces souvenirs à Rome tant ils pèsent, ils pèsent plus que tous les bourreaux et les victimes dans la malette au-dessus de mon siège, cette collection de fantômes (…), il faudrait être saint Christophe pour porter tout cela » (page 355)…

Et saint Christophe _ « géant de Chaldée » _ vient, « à l’aéroport de Fiumicino » (page 516) :

« Achille calmé« 

peut enfin « traverser des fleuves au trois fois triple tour et d’autres Scamandres barrés de cadavres«  (page 517)…

L’adéquation entre la matière

(affronter les violences des guerres _ au-delà de l’ex-Yougoslavie, toutes celles de la « zone » de la Méditerranée et du Moyen-Orient qui donne son titre, délibéré, au livre ! _ d’aujourd’hui :

un brin plus loin que les ronds de nombril du tout-venant tristement auto-complaisant de bien de la production éditoriale française, par les temps qui courent…) ;

et ce souffle de l’écriture de Mathias Énard

est absolument magnifique.

Un univers, qui est le nôtre aussi _ et en constante expansion _, se découvre et s’éclaire au fil des pages, en renouvelant constamment, pour notre plaisir, la joie d’une découverte en profondeur.

Et quel incroyable sens de l’écriture

(et richesse prodigieuse de l’expérience,

poétiquement méditée, qui plus est, et c’est bien peu de le dire !)

pour un auteur d’à peine trente-six ans !


Ainsi, à l’ouverture du (particulièrement magnifique) chapitre XIX autour de Trieste _ et de son contact là-bas « Rolf le Gentil » : « l’Austro-Italien (…) ni juif, ni slave, Rolf Cavriani von Eppan (…) cousin des Habsbourg-Lorraine et des princes de Thurn und Taxis inventeurs de la poste, né à Trieste pendant la guerre, un petit monsieur moustachu dernier descendant d’une famille ducale qui possédait autrefois la moitié de la Bohème et de la Galicie » (page 423)  « ignore que je connais son dilemme,  je sais que le Destin vengeur a voulu qu’il naisse duc d’Auschwitz, Rolf von Auschwitz und Zator, titre antique et princier remontant au XIe siècle, c’est son nom, le nom de ses ancêtres que les nazis ont terni, obligeant son blason à rester dans l’ombre à jamais, Rolf dont le fief est aujourd’hui lié à la plus grande usine de mort jamais construite porte plus qu’un autre le poids de l’histoire« …

Et Francis Servain Mirković poursuit : « je me demande s’il faut rire ou pleurer de ses scrupules héraldiques et de sa mère aux amitiés troubles, le soleil s’est couché, je remonte lentement le front de mer, deux millions de morts _ à Auschwitz-Birkenau _ ne pèsent pas si lourds, en fait, des mots des chiffres du papier, les hommes sont de grands techniciens de la prise de notes, du raccourci » (page 435)…

Et la remarque est d’expert : « Lebihan mon chef me félicitait sans cesse pour ma prose _ a-t-on, appris page 134 _, on s’y croirait disait-il, vous êtes le champion toutes catégories de la note,

mais ne pourriez-vous pas

être un peu plus sec,

aller un peu plus vite à l’essentiel,

imaginez, si tout le monde faisait comme vous

on ne saurait plus où donner de la tête,

mais bravo mon cher

bravo« …

« pauvre Rolf le noble auquel les nazis ont pris son titre

_ venait juste de marmonner le narrateur dans le train _,

auquel l’histoire a pris son titre,

il se venge

_ voilà le point crucial de l’épisode triestin du « délégué de défense » _

en me donnant ces documents,

les rapports de Globocnik à Himmler entre 1942 et 1945,

toutes les activité de l’Aktion Reinhardt en Pologne et en Italie,

il se défait d’un poids, Rolf, il a l’air soulagé de contribuer au remplissage de la valise,

il me serre la main, je le remercie pour le déjeuner, il esquisse un sourire et monte dans sa voiture« …

Tel était le passage précédant immédiatement ce que j’ai retranscrit juste avant, page 435…

J’en viens à cet incroyable début du (particulièrement magnifique, donc) chapitre XIX, sur Trieste, pour un auteur d’à peine trente-six ans :

« tout est plus difficile à l’âge d’homme

_ soit la reprise de l’incipit du chapitre I _

la sensation d’être un pauvre type l’approche de la vieillesse l’accumulation des fautes le corps nous lâche

_ le sait-on déjà si bien à trente-six ans ?.. _

traces blanches sur les tempes veines plus marquées sexe qui rétrécit oreilles qui s’allongent la maladie guette, la pelade les champignons de Lebihan ou le cancer de mon père terrassé par Apollon sans que le couteau de Machaon y puisse rien, la flêche était trop bien plantée, trop profonde, malgré plusieurs opérations le mal revenait, s’étendait, mon père commençait à fondre, à fondre puis à sécher, il paraissait de plus en plus grand, étiré, son visage immense et pâli se creusait de cavités osseuses, ses bras se décharnaient, l’homme si sobre était presque complètement silencieux, ma mère parlait pour lui, elle disait ton père ceci, ton père cela, en sa présence, c’était sa pythie, elle interprétait ses signes, ton père est content de te voir, disait-elle lors de mes visites, tu lui manques, et le corps paternel dans son fauteuil se taisait« … (page 415).

Voilà ce que c’est qu’écrire !

Mais le plus terrible _ il y a longtemps qu’on n’a lu aussi terrifiant !.. _ concerne les souvenirs _ si réels ! _ des opérations de guerre

en Slavonie _ contre les tchetniks serbes _

et en Bosnie _ contre les musulmans,

avec ses copains Vlaho Lozović, le « débonnaire«  (page 247) et « magnanime«  (page 464) vigneron dalmate de Split, et Andrija; « le furieux » (page 161), « féroce » (page 276) et « brave » (page 277 ou page 384), voire « divin » (page 388) ou « sauvage«  (page 404), paysan slavon d’Osijek :

« heureusement il y avait Andrija,

Andrija le lion avait du courage à revendre

c’était un paysan des environs d’Osijek il pêchait des brochets et des carpes dans la Drave et le Danube avec lesquelles sa mère cuisinait un méchant ragoût de poisson terriblement piquant à l’odeur de vase

_ j’ai sans doute faim pour y repenser à présent » (un peu après Lodi, page 43)…

« son courage était lié à une parfaite innocence,

pour lui les obus n’étaient que du bruit et des morceaux de métal, un peu plus qu’un pétard d’exercice, c’est tout,

il n’envisageait pas l’effet que ces explosifs pouvaient avoir sur son corps, pas même inconsciemment,

et pourtant il en avait vu, des types percés de shrapnels fumants, amputés et éventrés ou juste éraflés,

mais il avait une telle foi en son destin que rien ne pouvait l’atteindre,

et rien ne l’atteignait » (page 384)…

« Nous étions bien ensemble

à Osijek

en virée à Trieste

 à Mostar

à Vitez

nous étions bien

drôlement bien

la guerre est un sport comme un autre finalement

on doit choisir un camp

être une victime ou un bourreau

il n’y a pas d’alternative

il faut être d’un côté ou de l’autre du fusil

on n’a pas le choix

jamais 

enfin presque« , avance le narrateur page 333.

Déjà l’ouverture des tout premiers mots du livre _ la voici, donc, maintenant _, et sans majuscule initiale :

le lecteur prend en quelque sorte en cours,

comme par quelque légère effraction

_ le narrateur est encore légèrement ivre, sous les effets d’une « gueule de bois » qui est loin de se résumer aux petites frasques de son hier soir _,

le défilé

_ qu’accompagne aussi le bruit lancinant régulier du rythme des essieux des wagons

ne cessant de peser, en les enfilant à toute vitesse, sur les travées des rails du « Pendolino diretto Milano-Roma qui vous portera à la fin du monde, prévue à la gare de Termini à vingt et une heures douze » (lui avait prédit page 59 entre Prague et Francfort « la Mort » : « un tchèque germanophone avec un horaire de chemin de fer » universel…) _ ;

le défilé _ donc _ d’une pensée qui afflue, à flots qui voudraient s’apaiser

_ celle du narrateur, face à lui-même et à ses altérités, surtout (pays, ennemis, guerres, famille, femmes), bien réelles : même l’alcool (et les amphétamines) échoue(nt) à les estomper jamais si peu que ce soit _ ;

le défilement, même, d’une pensée obsédante qui ne débute certainement pas à cette seule première page… :

« tout est plus difficile à l’âge d’homme

_ quand y accède-t-on donc (et sort-on jamais enfin de l’enfance) ? _,

tout sonne plus faux un peu métallique comme le bruit de deux armes de bronze l’une contre l’autre elles nous renvoient à nous-mêmes sans nous laisser sortir de rien c’est une belle prison, on voyage avec bien des choses, un enfant qu’on n’a pas porté une petite étoile en cristal de Bohème un talisman auprès des neiges qu’on regarde fondre, après l’inversion du Gulf Stream prélude à la glaciation, stalactites à Rome et icebergs en Egypte, il n’arrête pas de pleuvoir sur Milan j’ai raté l’avion j’avais mille cinq cents kilomètres de train devant moi il m’en reste cinq cents, ce matin les Alpes ont brillé comme des couteaux, je tremblais d’épuisement sur mon siège sans pouvoir fermer l’œil comme un drogué tout courbaturé, je me suis parlé tout haut dans le train, ou tout bas, je me sens très vieux je voudrais que le convoi continue continue qu’il aille jusqu’à Istanbul ou Syracuse qu’il aille jusqu’au bout au moins lui qu’il sache aller jusqu’au terme du trajet j’ai pensé oh je suis bien à plaindre je me suis pris en pitié dans ce train dont le rythme vous ouvre l’âme plus surement qu’un scalpel, je laisse tout filer tout s’enfuit tout est plus difficile par les temps qui courent le long des voies du chemin de fer j’aimerais me laisser conduire tout simplement d’un endroit à l’autre comme il est logique pour un voyageur tel un non-voyant pris par le bras lorsqu’il traverse une route dangereuse mais je vais juste de Paris à Rome, et à la gare de Milan, dans ce temple d’Akhenaton pour locomotives où subsistent quelques traces de neige malgré la pluie je tourne en rond«  Etc…

_ c’est moi qui interromps le texte ;

lequel ne connaît que le « saut » des chapitres

_ au nombre de XXIV, comme les chants de « l’Iliade » : car l’on renoue ici, avec ce « Zone« , avec l’épopée ! _  ;

mais sans davantage de point ; ni de majuscule initiale…

C’est le souffle du lecteur (passionné) qui vient repérer la découpe

_ pleinement (et exclusivement) respiratoire !.. _

des expressions et les sauts de pensée (et mémoire) du narrateur, inquiet et fatigué

donc par l’alcool et les amphétamines de la nuit de cuite

(et de « binage »

d’une « Françoise » : « une femme d’une soixantaine d’années très maigre avec un long visage fin

qu’est-ce qui m’a pris,

elle était très surprise de mon intérêt, méfiante » ;

« Françoise ne parlait pas d’épingler, elle disait je veux bien que tu me bines« , se souvient le narrateur page 131) ;

de la nuit de cuite précédente, à Montmartre (au bar de « la Pomponette rue Lepic« , page 130 ;

« sa langue était très épaisse et amère elle buvait de la Suze« , page 131)

dans ce train qui l’emporte vers Rome :

« même mort sur un siège ce train m’amènerait à destination,

il y a dans les chemins de fer une obstination

qui est proche de celle de la vie« ,

n’est-ce pas ? constate le narrateur (page 252)…

Que va donc, agité de tous ces fantômes,

rechercher le narrateur de « Zone » à Rome ?

Et va-t-il, in fine, s’en retourner (lui aussi à Paris),

tel le « tu » de « La Modification » de Michel Butor ?

Mais on se trouve, en ce « Zone« -ci, sur d’autres pistes encore d’altérité (du réel)…

L’enjeu étant probablement pour le personnage, page 217, de

« disparaître et renaître« ,

« si cela est possible« …

Envisager de (res-)sortir peut-être, pour son compte,

s’évader, si cela se pouvait,

du cauchemar épouvantable « sur rails »

_ à la faveur du train général (partagé, collectif) qui vous emporte si aisément un peu plus loin _,

de ce tunnel-étau broyant bien réel

de l’Histoire (des pyramides enchassées de pères et de mères)

au moins depuis qu’on en a trace _ Homère, Schliemann _, à Troie

(que vont visiter,

depuis leur « hôtel-club » de vacances, « en juillet 1991« , proche des Dardanelles, page 49,

Francis Servain Mirković et sa plantureuse première compagne _ « le corps de Marianne m’obsède malgré les années et les corps qui lui ont succédé« , page 53 :

« dans ce club ennuyeux on pouvait profiter d’excursions organisées, une aux Dardanelles une à Troie c’est tout ce que Marianne parvint à me faire accepter » ;

« l’expédition à Troie fut un calvaire de poussière et de chaleur« , page 50) ;

depuis en fait probablement la nuit des temps…

Un grand auteur

_ et un grand sujet (d’aveuglante actualité de « vérité » : la « guerre« …)

intimement mêlés l’un à l’autre, faisant corps

dans une très puissante écriture : le souffle ! _,

est à découvrir là, en « Zone« ,

toutes affaires cessantes…

Titus Curiosus, ce 21 septembre 2008

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