Un entretien magique : avec Jean Clair (et passages d’anges !) à propos de ses « Dialogue avec les morts » et « L’Hiver de la culture », le 20 mai dans les salons Albert-Mollat

— Ecrit le samedi 16 juillet 2011 dans la rubriqueArts plastiques, Littératures, Rencontres”.

Le vendredi 20 mai dernier, et dans le cadre du mois « Gallimard » qu’avait organisé la librairie Mollat,

les salons Albert-Mollat ont eu l’insigne privilège de constituer la chambre de résonance d’un fabuleux acte de penser génial en direct _ cela s’entend à l’écoute du podcast de 62′ _ de Jean Clair, en dialogue avec quelques questions de Francis Lippa, philosophe et lecteur curieux,

à propos de ses deux récents livres, L’Hiver de la culture, aux Éditions Flammarion, et Dialogue avec les morts, aux Éditions Gallimard.

Sur ces deux livres, on peut déjà se reporter aux deux articles qui leur ont été, ici-même sur ce blog En cherchant bien, consacrés, les 12 et 27 mars derniers :

« OPA et titrisation réussies sur “l’art contemporain” : le constat d’un homme de goût et parfait connaisseur, Jean Clair, en “L’Hiver de la culture” »

et « Face à l’énigme du devenir (poïétiquement) soi, l’intensément troublant “Dialogue avec les morts” (et la beauté !) de Jean Clair : comprendre son parcours d’amoureux d’œuvres vraies« …

Mais la qualité vibrante de penser de ces échanges intenses, une heure durant _ « une question empathique entraine une effusion… C’est vrai aussi en psychanalyse, pour autant que les silences sont parlants, et ils le sont« , témoigna avoir remarqué à l’audition de ce podcast Jean Clair… _, fut un moment d’éternité que l’enregistrement et le podcast perpétuent et diffusent _ au monde entier, s’il le sait et le veut… _ désormais : qu’on en juge soi-même ! Je viens de le ré-écouter : c’est _ comme jamais _ saisissant !

C’est surtout sur Dialogue avec les morts, nouveau volume de l’aventure de réflexion mémorielle, pure de toute complaisance narcissique égocentrée, à laquelle se livre depuis quelques années Jean Clair à son écritoire _ sa probité lucide et courageuse m’évoque celle pareillement merveilleusement exigeante de Michel Leiris : depuis le crucial L’Âge d’homme _ que s’est porté l’entretien, en une aventure de penser prolongeant en quelque sorte _ verbalement : dans l’écoute mutuelle des paroles s’improvisant (et sachant à peu près ce qui, par elles, cherche, au présent, à se dire, à émerger d’un penser qui commençait à se former, dans l’indistinction de ce qui n’était, cependant, pas encore tout à fait dit ainsi, du moins…) _ ;

prolongeant _ en une sorte de rallongeail oral plus ou moins inspiré, en tout cas de bonne volonté mutuelle et réciproque, en ce présent à vif de l’entretien _ celle de l’écriture même de Jean Clair, jamais _ jamais tristement _ prévisible, elle non plus… : mais un perpétuel gai savoir qui s’ose et jubile, discrètement, presque silencieusement, toujours très humblement ; en marche approximative vers le mot le plus juste, ou le moins faux, que cela humainement se peut…

Et c’est cela qui se partage dans l' »admirable tremblement du temps » sensible ici.

Avec la vibrante intensité de la probe vérité.

Et la beauté toute pure qui en rayonne, sans tambours ni trompettes,

de l’intérieur de ce qui est alors dit.

Aussi l’évocation de L’Hiver de la culture a-t-elle été un peu plus elliptique à la fin de l’entetien ; et moins centrale, en sa critique de certains procédés financiers _ « titrisations«  _ de l’art contemporain, que le penser infiniment positif et créatif de ce plus que jamais intensément vivant et créatif Dialogue avec les morts de Jean Clair…

Au passage, je remarque que Venise

est présente dans les deux livres _ cette Venise d’où revenait Francis Lippa, et du Palazzetto Bru-Zane, plus précisément, où s’était tenu les 19 et 20 février derniers, en ce Centre de Musique Romantique Française qu’anime « scientifiquement » Alexandre Dratwicki, le premier colloque consacré à ce génie, pareillement probe et discret, de la musique du XXe siècle, Lucien Durosoir (1878-1955) ; cf plusieurs articles de ce blog…

Et tout particulièrement cette Venise de la façade maritime _ hors labyrinthe des canaux et calli : protecteur par ses masques et vêtures bariolées mêmes ; Jean Clair compare Venise et New-York… _ qu’aime Jean Clair, qui a habité et sur les Fondamente Nuove (au Palazzo Donà), face à la ligne de fond des Alpes _ en l’espèce des dents acérées si belles des Dolomites _, et sur les Zattere (aux Incurabili), face à la Giudecca, bien moins longtemps ; et à laquelle il consacre un magnifique chapitre : « La Ville morte » (« La Boussole« , « Carnaval vénitien« , « Les Chats« , « La Douane de mer« , « La Mort« ) ; il y revient encore au final, page 275, à propos des Régnier et des Ranieri flotteurs de bois…

En de telles vibrations de vérité et beauté,

cet entretien est aussi une œuvre spécialement précieuse

dans la bibliothèque sonore que les podcasts de la librairie Mollat élèvent

enregistrement après enregistrement.

L’auditoire, très réceptif, a lui aussi remarqué qu’à l’occasion

des anges

avaient bien pu passer…

Titus Curiosus, ce 16 juillet 2011

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