A propos de deux passionnants articles _ du Monde, le 17 octobre 2008, et du New-York Times, le 20 octobre 2002 _ de Daniel Cohen et Frédéric Joignot (« Crise : le procès d’une perversion du capitalisme« ) et Paul R. Krugman, prix Nobel 2008 d’Économie (« For richer », ou « Main-basse sur l’Amérique » : « Lorsque, adolescent, je vivais à Long Island…« ) ;
et de « Richesse du monde, pauvreté des nations« , de Daniel Cohen, aux Éditions Flammarion ;
et de « L’Amérique que nous voulons« , de Paul R. Krugman, aux Éditions Flammarion…
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Pour y comprendre un peu mieux quelque chose, de l’actuelle « crise » des valeurs financières _ mais pas seulement !… _
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ces deux avis d’experts,
dans deux tribunes un plus « libres », probablement _ on va en juger _, que d’autres, de deux des un peu moins mauvais (ou un peu moins inféodés à la doxa dominante) journaux _ de référence ? _ d’aujourd’hui…
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A mon envoi de l’article du Monde de Daniel Cohen et Frédéric Joignot,
voici ce qu’a renvoyé, en retour, mon excellent collègue Rufus Œconomicus :
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De : Rufus Œconomicus
Date : 19 octobre 2008 16:35:01 HAEC
À : Titus Curiosus
Objet : re: Un article panoramique de Daniel Cohen (interviewé par Frédéric Joignot) dans le Monde du 17 octobre
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« Très bonne synthèse … d’un maître dans l’art de la synthèse !
Je te conseille son « Richesse du monde, pauvreté des nations » qui résume magistralement la dynamique inégalitaire de nos société contemporaines. Même s’il semble que l’auteur ait quelque peu revu, depuis, son analyse …
Concernant ces fameuses inégalités,
cf l’article désormais canonique de Krugman (prix Nobel 2008) paru initialement en 2003 dans le New-York Times.
Amicalement,
Rufus »
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Avis d’expert, qu’on en juge. Voici le dossier,
en commençant par l’article de Daniel Cohen, répondant aux questions de Frédéric Joignot :
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« Hantés par la crise de 1929, les États ont finalement tendu la main à une planète financière déboussolée. Pour l’économiste Daniel Cohen, la crise sanctionne les errements d’un système ultralibéral né dans les années 1980 avec Thatcher et Reagan. « Beaucoup de dogmes vont tomber« , prévient-il.
« Personne n’imaginait que la situation était grave au point que le paralytique doive racheter l’aveugle« , déclarait au Monde l’économiste Daniel Cohen, commentant le rachat le 16 mars quasiment « pour un franc symbolique » de la banque d’affaires en pleine débâcle Bear Stearns par la banque JP Morgan. Cette nouvelle inouïe faisait tomber le dollar à son niveau le plus bas face à l’euro, déclenchant un vent de panique chez les investisseurs qui se précipitaient sur l’or et les emprunts d’État.
Daniel Cohen, professeur d’économie à l’École normale supérieure, auteur notamment de « Trois Leçons sur la société post-industrielle » (Seuil, 2006) – et éditorialiste associé au Monde –, annonçait alors
_ c’est-à-dire au mois de mars dernier…, j’interviens ici pour le souligner _
une accélération du processus : « Le château de cartes s’effondre. Une aversion au risque s’installe. Les banques ne se font plus confiance entre elles. Le coût du financement se durcit (…). La défiance engendre la défiance et le système financier s’installe dans un cercle vicieux. » Il appelait à « faire sauter les barrières intellectuelles » et à l’intervention de l’État.
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Aujourd’hui, États-Unis et Grande-Bretagne en tête, les États nationalisent les banques et garantissent l’épargne populaire pour éviter la répétition d’un scénario à la 1929.
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La barrière intellectuelle – le dogme de la « main invisible » et de l’autorégulation du capitalisme, la liquidation de l’Etat, le « laisser-faire » dans les marchés financiers – a volé en éclats. La période du libéralisme sans entraves
ouverte par Margaret Thatcher et Ronald Reagan, du capitalisme financier dérégulé et des golden boys jouant avec des titres douteux et l’argent des autres,
semble révolue.
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Comment
_ si nous remontons « en amont » de l’actuelle « crise », dirais-je _
en sommes-nous arrivés à une telle défaite des grands principes du capitalisme réglementé et moralisé apparus après la grande crise de 1929, ses millions de chômeurs et ses conséquences politiques désastreuses – la montée de l’extrême gauche et du fascisme ?
Comment avons-nous oublié les leçons de John Maynard Keynes, Hyman Minsky ou James K. Galbraith
sur l’instabilité financière, le rôle décisif du politique et d’un État-providence dans les périodes difficiles ?
Faut-il parler de « révisionnisme« , comme le suggère Daniel Cohen ?
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Telle était la présentation de Frédéric Joignot à son entretien avec Daniel Cohen…
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Entretien :
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Dans les années 1980, déjà, on voyait les golden boys et les yuppies, les premiers héros de Wall Street, lessivés par le krach de 1987. Cette dérive du capitalisme financier ne date pas d’aujourd’hui ?
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Daniel Cohen : Les années 1980 ont vu la fin de ce qu’on peut appeler le capitalisme « managérial« , le capitalisme industriel issu de la grande tradition « fordiste ». C’était un âge où les employés passaient parfois leur vie dans la même entreprise, profitant d’avantages sociaux conséquents. Ce capitalisme s’est déployé après guerre, dans les années 1950-1960. Il prolongeait la révolution industrielle des années 1920, une époque où les grands capitaines d’industrie remplacent les patrons issus du capitalisme familial du xixe siècle. A la suite de la grande crise de 1929 qui a ruiné des milliers d’entreprises, fabriqué des millions de chômeurs, la Bourse a été disqualifiée. Durant les années d’après guerre, elle ne donnait quasiment plus son avis sur la gestion des firmes, laissant le champ libre aux « managers« . La spéculation, les coups de Bourse étaient déconsidérés.
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En 1924, Érich von Stroheim tourne « Les Rapaces« , son chef-d’œuvre sur les conséquences sociales de la cupidité. En 1987, les traders Michael Milken et Ivan Boesky inspirent « Wall Street » d’Oliver Stone, en déclarant « Greed is good« , la rapacité est bonne. Juste avant d’être emprisonnés pour délit d’initié.
Nous n’apprenons jamais ?
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Beaucoup aujourd’hui instruisent le procès du capitalisme financier contemporain au regard de ce qu’avait été le capitalisme industriel, souvent interprété comme un capitalisme social.
Essayons de démêler tout cela…
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Le point de départ de ce bouleversement sont les années 1980 avec la dérégulation du marché financier. Cette révolution financière, développée par Margaret Thatcher et Ronald Reagan, ouvre à Wall Street un nouveau champ d’action : le démantèlement des vieux conglomérats, la mise en coupe des entreprises les moins rentables. C’est la fin du capitalisme managérial.
En même temps, avec l’effondrement du bloc soviétique en 1989, la mondialisation commence…
C’est la toile de fond de la crise actuelle.
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Comment en est-on arrivé à rejeter l’État-providence, à décrédibiliser John M. Keynes, tout ce système inventé pour empêcher une nouvelle crise de 1929, et qui a fait les beaux jours des années 1950-1960 ?
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Avec Reagan et Thatcher, on passe d’une « ambiance intellectuelle » à une autre, on change de paradigme. Après guerre, les pays industrialisés sont profondément marqués par un mode de fonctionnement qu’on peut résumer par une trilogie : le keynésianisme, le fordisme, l’État-providence. Pour Keynes, qui a beaucoup influencé les gouvernements anglo-saxons avant et après la guerre de 1939-1945, la politique économique, la politique monétaire, la politique budgétaire peuvent réguler les cycles économiques, soutenir la consommation et la demande, donc la production, tendre à l’équilibre du plein-emploi. Cet équilibre, explique-t-il dans la « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie » (1936), n’est jamais atteint mécaniquement par le jeu des marchés. Cela ne l’empêche pas de défendre l’esprit d’entreprise, le marché, mais il faut à ses yeux les réguler par des politiques macroéconomiques appropriées. Le fordisme, la grande entreprise capitaliste, lie de son côté le destin des ouvriers à celui de la firme. On y fait carrière, on trouve sa place à l’intérieur de l’appareil de production, on profite d’avantages sociaux. L’État-providence enfin complète et corrige ces deux processus. Il lance des grands travaux, intervient dans la production via les grandes entreprises nationales, etc. En même temps, il généralise l’aide sociale. Dans les années 1950-1960, la Sécurité sociale protège tous ceux qui ne sont pas dans le processus de production, les personnes âgées, les femmes en maternité, les chômeurs, considérés comme peu nombreux. Tout ce qui se passe au niveau de la vie professionnelle est censé être pris en charge par l’entreprise. C’est ce système qu’on quitte dans les années 1980.
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Une réelle nostalgie de l’État-providence se développe aujourd’hui que la crise est là. Pourtant nous ne sommes plus dans la situation de plein-emploi, de consommation et de productivité florissantes des « trente glorieuses« .
Nous avions certainement pas mal vécu dans les années 1950-1960, même si le système ne fonctionnait pas si bien. Derrière la politique économique keynésienne, il y a l’entreprise très organisée, qui structure toute la société, de l’ouvrier spécialisé à l’ingénieur. Tout n’est pas rose : le travail à la chaîne met le « travail en miettes« , pour reprendre l’expression du sociologue Georges Friedmann. Néanmoins, l’usine donnait alors une force et une dignité à la classe ouvrière, fière de sa place à l’intérieur de la société. En même temps l’État-providence est très différent en Allemagne, en France ou en Suède, épousant à chaque fois les conditions singulières de sa mise en œuvre. Ce système va rencontrer ses limites dans les années 1970 avec ce qu’on a appelé la « stagflation« , c’est-à-dire la hausse simultanée du chômage et de l’inflation, après le premier choc pétrolier. Dans le schéma de Keynes, soit on a du chômage, mais alors des prix faibles et supportables, soit on a du plein-emploi, et un risque inflationniste – c’est ce qu’on appelle la courbe de Phillips. Ce système connaît un dysfonctionnement dans les années 1970. Nous n’assistons pas à un déficit de la consommation, mais à un choc négatif de la productivité des entreprises, de leur solvabilité. Tout à coup le système keynésien se trouve décrédibilisé parce qu’il ne produit pas les bonnes recettes à ce moment-là – et seulement à ce moment-là.
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C’est l’époque des politiques de relance qui ne marchent pas.
Mais comment expliquer la prise de pouvoir du capitalisme financier ?
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Tous les gouvernements, celui de Mitterrand parmi d’autres, essaient de faire de la relance de la consommation comme le voulaient les préceptes keynésiens. Ces politiques échouent, toutes. En même temps, les charges de l’État-providence augmentent avec le chômage ; il part bientôt à la dérive, fait l’objet de plans de rigueur draconiens. Quant au type d’organisation du travail du fordisme, avec ses plans de carrière ouvrière, sa politique sociale, ses syndicats, il n’apporte plus de gains de productivité.
Cette remise en question des gains de productivité des entreprises mène directement à Reagan et Thatcher, c’est-à-dire au démantèlement de l’organisation du travail et des syndicats, à l’éclatement des organisations managériales, et à la prise de contrôle par la Bourse du fonctionnement des entreprises.
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C’est une rupture essentielle.
En quelques années, les managers, qui étaient des salariés comme les autres, sont sortis de la condition salariale, voient leurs destins indexés sur la Bourse. La révolution financière commence là. Elle donne le pouvoir aux actionnaires, indexe la rémunération des patrons sur la Bourse, ce qui explique l’explosion de leurs salaires. Ils vont désormais se soumettre aux impératifs de la Bourse, puisqu’ils en sont dorénavant partie prenante…
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C’est aussi l’époque où des économistes comme Friedrich Hayek, Milton Friedman, l’école de Chicago imposent leurs vues aux politiques. Ils refont l’éloge de « la main invisible« , tant décriée en 1929.
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En effet, politiques et économistes substituent dans les années 1980 un contre-paradigme à Keynes, s’appuyant sur Milton Friedman et ceux qu’on a appelés les « néomonétaristes« .
Ils prônent l’inactivité de l’État comme principe de régulation. Ils dénoncent l’État-providence comme coupable de toutes les erreurs et de la perte de compétitivité des entreprises. Le marché dérégulé est posé comme infaillible, le chômage comme naturel, l’inflation un phénomène purement monétaire.
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Il est sûr que la vogue pour ces théories, ce « fondamentalisme du marché« très critiqué par la suite par le prix Nobel d’économie (2001) Joseph Stiglitz par exemple, a beaucoup joué dans le développement d’un capitalisme financier laissé à lui-même.
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Une question demeure cependant : pourquoi, en dépit de crises récurrentes, cette époque a-t-elle duré si longtemps ?
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Depuis le premier krach de 1987, nous avons vu les crises et les bulles se multiplier. Elles semblent être chroniques, pour ne pas dire systémiques.
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On constate une grande crise par décennie.
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A la fin des années 1980, après le krach de 1987, les savings and loan, les caisses d’épargne américaines, font faillite. Elles sont sauvées par le président Bush père, avec un plan qui paraissait très important à l’époque, 125 milliards de dollars – aujourd’hui, nous en sommes déjà à 1 000 milliards.
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Ensuite, à la fin des années 1990, la bulle Internet éclate.
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Et maintenant, la crise immobilière est en train de dégénérer en une crise financière et économique générale.
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Des études comparatives sur les crises financières ont montré qu’elles s’accéléraient bel et bien depuis le choc pétrolier de 1973, même en comparaison de ce qu’elles étaient au xixe siècle. Pourquoi ? Ici encore, il faut bien démêler l’écheveau.
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Le coup d’envoi de la révolution financière est donné par les changements de gouvernance des entreprises, désormais soumises aux sollicitations de la Bourse.
Sommées de produire des rendements rapides et concurrentiels, les entreprises vont se lancer dans une rationalisation effrénée de leurs coûts de fonctionnement
et réduire leur champ d’activité au segment pour lequel elles développent véritablement un avantage comparatif.
La norme, dans ce nouveau capitalisme financier, consiste à produire juste la tranche de la chaîne de valeur qui correspond à votre savoir-faire – ce qui constitue votre avantage comparatif. Tout le reste va être externalisé, mis en concurrence, laissé au marché.
Par exemple, dans une entreprise des années 1950-1960, la cantine, le gardiennage, le nettoyage, la comptabilité étaient assurés par des salariés de l’entreprise. Cela faisait comme une grande famille, tout était produit sur place. Avec l’externalisation, plus aucun de ces services n’est produit par la firme, eux-mêmes sont mis en concurrence.
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Cette maximisation touche aussi l’intérieur de l’entreprise, c’est l’époque du grand dégraissement…
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A l’intérieur même de l’entreprise, toute l’activité tend à être segmentée, rendue plus efficace, jusqu’à ne conserver que le mince segment de la chaîne de valeur capable de faire la différence avec les concurrents. On tend ainsi vers des « entreprises sans employés« , un processus qui a été accéléré par la révolution technologique et les nouvelles industries de la communication. Ces entreprises nouvelles ne sont plus de vastes groupements de travailleurs comme autrefois, effectuant tous les services, défendant leur emploi, elles deviennent des unités produisant l’avantage comparatif mis en concurrence par le marché.
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La mondialisation arrivant, élargissant la concurrence, offrant des mains-d’œuvre moins chères, va parachever ce processus.
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On ne voit pas comment cet aspect du capitalisme pourrait changer. Il est certain que les critiques qui commencent à être menées, au vu de la crise écologique grandissante et des problèmes sociaux, contre son « court-termisme » chronique auront plus de poids. Mais la dynamique du « capitalisme monde », éclatant la chaîne de valeurs aux quatre coins de la planète, ne devrait guère être modifiée. Ce serait naïf de le penser.
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Cependant, le « capitalisme monde » d’aujourd’hui, en Asie notamment, subit les contrecoups des déréglementations actuelles. Comment cette crise est-elle devenue mondiale ?
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La crise actuelle constitue une forme de perversion du système financier, une excroissance dangereuse et inutile jusqu’ici contenue.
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Dès 1987, juste après le premier krach boursier, nous aurions dû réfléchir.
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Mais c’est l’inverse qui s’est produit, avec l’arrivée d’Alan Greenspan à la direction de la Réserve fédérale américaine. Sous sa houlette, le meilleur et le pire vont alterner. Il va autoriser l’argent facile, libérer des liquidités considérables qui vont favoriser les opérations à haut risque financées à crédit.
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La finance du marché va fabriquer une nouvelle intermédiation financière totalement affranchie des règles qui pesaient sur le système financier classique. A la faveur de l’ambiance intellectuelle de la déréglementation voulue par Reagan, entérinée par Alan Greenspan, une deuxième couche d’intermédiation financière va apparaître, qui va doubler le circuit bancaire traditionnel. Ce qu’on appelle le shadow banking system. Il pèse 10 000 milliards de dollars, autant que le système bancaire classique, sauf que lui est affranchi des réglementations et des règles prudentielles qui s’appliquent aux banques de dépôts, n’étant pas pris dans le compas des régulateurs. Il s’agit de banques d’investissement qui se financent sur le marché, font des opérations de marché. Ce sont les hedge funds, les fonds de private equity, les compagnies d’assurances.
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Prenez AIG, American International Group : en tant que compagnie d’assurances, elle n’était pas soumise à la même vigilance que les banques de dépôts. Elle a pu créer un département AIG Finances, qui s’est retrouvé le premier opérateur de ce qu’on appelle les credit default swaps, qui garantissent un créancier contre les risques de faillite du débiteur. Les banques commerciales jouent également à ce jeu, en développant des services financiers logés en dehors de leurs bilans, dans des structures ad hoc qui achètent allègrement les crédits risqués des subprimes. Cela le plus légalement possible, en profitant des trous dans le système de régulation, mais aussi d’un certain laxisme des autorités, qui auraient très bien pu s’apercevoir de la combine si elles avaient été plus vigilantes.
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Mais elles ne l’ont pas fait. Pourquoi ? Sans doute parce qu’elles étaient convaincues par le bain d’idées ambiant, ce nouveau paradigme du marché entièrement laissé à lui-même, selon lequel toutes ces opérations financières pouvaient s’autoréguler. Sans cela, elles auraient commencé à demander à ouvrir les livres de comptes.
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Pour sa défense Alan Greenspan explique que l’Amérique voulait vivre à crédit, que c’était un « choix de vie« , une « liberté fondamentale » – pris en partie sur le dos du reste du monde…
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Alan Greenspan faisait un plaidoyer pro domo – d’autojustification. L’acte fondateur responsable de la séquence qui conduit à la crise, c’est la politique extrêmement libérale des taux d’intérêt du crédit menée par la Réserve fédérale. Les macroéconomistes, quel que soit leur horizon, s’accordent tous sur ce point.
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Après la crise du 11-Septembre, qui venait juste après l’éclatement de la bulle Internet, Greenspan a craint que la conjonction des deux événements ne provoque une récession. Il a donc mené une politique totalement laxiste de taux d’intérêt très bas par rapport aux normes nécessaires. Ce faisant, il a accéléré un processus explosif. D’une part, une énorme baisse de l’épargne des ménages américains et ensuite la formidable détérioration de la balance des paiements des Etats-Unis. Les Américains ont continué de dépenser et consommer comme s’ils étaient aussi riches qu’avant, ou que leurs voisins. Ils ont résisté à l’explosion des inégalités de revenu grâce au crédit. Ils se disaient : « Je ne gagne pas autant qu’un gars de Wall Street, mais je vais m’acheter la même voiture, le grand écran HD, etc…« . A crédit. Le problème s’est redoublé du fait que Greenspan autorisait cette politique d’argent facile, qui a entretenu le boom immobilier – partout, y compris en France où les prix ont été multipliés par 2,5 entre 1997 et aujourd’hui.
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Le résultat a été de créer une accélération des crédits, puis la bulle immobilière que nous connaissons actuellement. On peut parler d’une grave erreur de politique économique.
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Depuis vingt ans, Greenspan et tous ces financiers et traders de Wall Street étaient présentés comme les nouveaux héros du capitalisme, des sortes de génies incontournables. C’est la fin de cette époque ?
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C’étaient un peu les nouveaux « aventuriers de l’Arche perdue« . Et ils le revendiquaient. Ils défendaient leurs primes colossales, ils disaient participer à l’expansion et à la croissance, ils se comportaient avec l’arrogance de nouveaux riches, se croyaient des révolutionnaires. C’était le genre « Oui, j’ai gagné 100 millions de dollars, et je vous emmerde. Il faudrait que tout le monde puisse le faire« .
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L’ambiance intellectuelle et médiatique faisait qu’ils n’avaient même pas l’impression de fauter, ni économiquement ni moralement. Ils étaient l’avant-garde !
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C’est cette avidité, cette inconscience qui vont être sanctionnées.
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Surtout si Barack Obama est élu, parce qu’il est démocrate, mais surtout parce qu’il va se trouver dans une situation de croissance très limitée, avec une énorme demande de redistribution.
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Aux Etats-Unis, les inégalités sont devenues tout à fait extravagantes.
Les données collectées par mes _ excellents ! cf ce qu’en dit aussi le nouveau prix Nobel, Paul Krugman _ collègues Thomas Piketty et Emmanuel Saez montrent que le 1 % le plus riche de la population a retrouvé le poids qui était le sien au début du XXe siècle, à l’âge d’or des rentiers : ils gagnent plus de 16 % du revenu national, contre 7 % après guerre.
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C’est une véritable perversion du capitalisme traditionnel.
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Dans son ouvrage classique « L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme » (1904), Max Weber explique que si le capitalisme ne se caractérisait que par l’avarice, l’envie d’argent, les inégalités, alors il se serait développé au Moyen-Orient chez les marchands phéniciens, ou dans la riche Venise du commerce des épices. Or il est apparu en Angleterre, puis s’est développé aux États-Unis et en Europe du Nord. S’il reconnaît que la cupidité, le greed, constitue un des ressorts fondamentaux de l’activité humaine, il montre comment le capitalisme des origines rationalise cet appétit, construit des rapports de confiance et de contrat, rééquilibre l’ensemble avec la libre concurrence, des règles, des lois, etc.
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Dans une interview donnée au Journal du dimanche, Dominique Strauss-Kahn explique que les rémunérations colossales consenties aux traders comme aux dirigeants alimentaient le système. Qu’en dites-vous ?
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C’est le cœur du système. Le Financial Times cite une étude calculant les rémunérations des grands dirigeants d’établissements financiers internationaux sur les trois dernières années. Ils ont trouvé 95 milliards, presque 100 milliards de revenus. Pour 1 000 milliards de pertes.
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C’est un mécanisme qui a bien été décrit par Paul Krugman, professeur à Princeton et chroniqueur du New York Times, à propos d’autres phénomènes de spirale, qu’il appelle « mécanisme panglossien« – de Pangloss, le héros de Voltaire _ dans « Candide _ ou l’optimiste » _ qui croit vivre dans le « meilleur des mondes possibles« . A partir du moment où des traders et financiers s’enrichissent sur l’argent des autres, qu’ils ne mettent pas sur la table leur propre capital, se financent à crédit pour monter des opérations,
un mécanisme pervers se met en œuvre.
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Si ce crédit génère des gains, vous les partagez avec l’investisseur qui vous a financé – et vous remboursez votre dette. Si vous jouez sur 100, qu’il y a un gain de 10 %, vous l’empochez. Si vous jouez sur 1 000, vous gagnez 100. C’est là que la spirale s’installe. Vous êtes poussé à jouer sur la plus grande échelle possible, et à minimiser le capital investi pour avoir l’effet de levier maximum.
Le problème, c’est que si l’investissement est un « crédit pourri« , insolvable, les pertes sont forcément pour celui qui vous a prêté : c’est-à-dire la société, les déposants ou ceux qui vont se protéger en mutualisant les pertes.
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Lorsqu’un investisseur n’est pas soumis à une réglementation qui l’oblige à apporter son propre capital, il ne voit que le meilleur des mondes possibles : c’est le mécanisme panglossien. Il ignore rationnellement le risque, parce que le principe de rémunération est asymétrique.
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C’est vraiment « Pile je gagne, face tu perds« …
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C’est cela. Le spéculateur ignore la perte, parce que s’il gagne, il gagne tout,
et s’il perd, il perd éventuellement sa carrière, mais ce ne sera jamais proportionné au volume des pertes qu’il a fait subir aux autres.
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On ne peut pas « réinternaliser » sur un individu les risques qu’il a fait courir aux autres.
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Et pour tous ces financiers qui ont gagné 100 milliards pour 1 000 milliards de pertes, eh bien, ils ont toujours gagné leurs 100 milliards.
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Quant aux pertes, elles doivent être épongées par l’État et les contribuables. On pourra faire tout ce qu’on veut, on ne pourra jamais réinternaliser les 1 000 milliards que ces Pangloss ont fait perdre à la société.
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C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui, sachant qu’on ne peut pas corriger le mal ex post, après coup, il faut instituer des réglementations ex ante, avant d’en arriver là.
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Comment les régulateurs, les agences de notation ont-ils pu laisser faire ?
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Nous sommes là à l’intersection du dysfonctionnement du système et de l’idéologie régnante du « laisser-faire« , de la « rapacité est bonne« .
Les agences de notation ont joué un rôle essentiel dans la propagation de cette crise, en rendant possible la circulation d’actifs financiers réputés excellents, mais qui se sont révélés des foyers de perte.
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Des agences de notation crédibles sont la condition nécessaire de la nouvelle finance de marché, et du processus appelé « titrisation« qui permet de revendre immédiatement une créance, hypothécaire par exemple, au lieu de la garder jusqu’à son terme.
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Or les agences de notation ont failli. Pourquoi ? Elles étaient des deux côtés de la barrière : payées pour labelliser des produits qu’elles avaient elles-mêmes aidé à fabriquer.
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Quand on réfléchit avec le recul, c’est assez extraordinaire !
Tout l’équilibre financier international reposait sur le jugement d’agences qui, lorsqu’elles ont été attaquées, ont simplement répondu : « Mais nous donnions juste une opinion. C’est notre liberté d’expression. Vous n’étiez pas obligés de nous suivre…«
Dans les faits, on était bien obligé de les suivre, leurs notations étaient exigées par un certain nombre d’investisseurs qui ne pouvaient agir que s’ils détenaient ces papiers.
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Nous sommes là encore face à une sorte de naufrage intellectuel
où tout le monde se défend et se berce d’illusions en croyant que l’autorégulation se fera de par la grâce d’un marché omniscient.
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Des dirigeants des pays du Sud comme Lula da Silva ont durement critiqué le laxisme du gouvernement américain, ils appellent à une régulation mondiale du capitalisme financier. Allons-nous vers la régulation ?
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Tout le monde se met à parler « régulation« , soit.
La première erreur à éviter serait de croire qu’après cette crise le capitalisme va se moraliser tout seul. Que les comportements opportunistes d’hier, piqués au vif, partout critiqués, vont s’effacer.
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Mais les hommes persévèrent dans leur être. Comme dirait Spinoza, « mieux vaut compter sur les lois que sur une improbable évolution de la nature humaine pour régler le destin des nations« .
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Il faut donc impérativement de nouvelles lois financières.
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Or nous rencontrons deux attitudes naïves aujourd’hui.
Une de droite, qui refuse de balayer devant sa porte, dit : « On a compris, on va se moraliser tout seul.«
Une de gauche, qui déjà claironne : « C’est le coup fatal porté au capitalisme.«
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Mais le capitalisme, la mondialisation du marché vont continuer. Personne ne va mettre les Indiens et les Chinois à la porte, en leur demandant de ne plus vendre leurs produits sur le marché international. Et les nouvelles technologies permettront à qui le voudra d’externaliser les services en Inde et en Chine.
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Cette course du capitalisme contemporain ne sera pas changée par la crise financière.
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En revanche, l’euphorie idéologique du « laisser-faire » et du mépris des pauvres va certainement prendre du plomb dans l’aile.
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Quant à la question de la réglementation, elle arrive.
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Alors, qui va devenir le producteur des lois de demain ?
Les États-Unis sont décidés, je pense, à mettre de l’ordre dans les marchés financiers, y compris dans les excès en matière d’inégalités.
En Europe, aussi, où on a nationalisé d’un coup les banques en difficulté, sans que la Commission européenne ne s’écrie, comme elle aurait dû : « Attendez ! Vous n’avez pas le droit de nationaliser. »
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Beaucoup de dogmes vont tomber. Aucun fondamentaliste du marché ne va s’amuser à critiquer les gouvernements belge et néerlandais d’avoir nationalisé Fortis. C’est le contraire. Tout le monde est vraiment soulagé qu’ils l’aient fait.
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Ce retournement si rapide du dogme a quelque chose de fascinant. Nous savions donc ?
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Au moment du krach de 1929, les gouvernements ont laissé l’économie mondiale basculer dans la crise parce qu’ils étaient prisonniers des dogmes libéraux qui laissaient croire que la faillite d’une banque était bonne, et que cela faisait partie des mécanismes du marché roi. Des recherches récentes ont montré qu’ils étaient également les otages d’un étalon or qui rendait très périlleux l’usage de la politique monétaire. Et puis, ce furent les faillites bancaires en cascade, les entreprises fermées, les millions de chômeurs, etc..
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Une longue période de régulation financière a suivi, laquelle n’a pas si mal fonctionné : on n’observe aucune crise majeure du système bancaire durant les « trente glorieuses« .
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Puis vinrent les années 1980. Beaucoup ont voulu effacer le souvenir de 1929, un véritable travail révisionniste s’engageait.
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Mais l’ombre portée de la période 1929-1933 est restée en réalité très vive, surtout aux États-Unis. La réaction presque immédiate du gouvernement Bush, de Ben Bernanke à la Réserve fédérale, en témoigne. Ils n’ont pas hésité un instant à nationaliser.
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L’économie réelle maintenant va subir le contrecoup de cette crise financière. Quel scénario envisagez-vous ?
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Nous allons assister à un rétrécissement général du crédit, un credit crunch. Les banques, prisonnières de leurs pertes, ou par peur tout simplement, vont réduire la voilure du crédit. Le ralentissement économique va suivre, il est déjà évident en France. L’Insee prévoit une croissance négative, en glissement, du 1er janvier au 31 décembre de cette année.
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Cela risque de s’aggraver, car la récession actuelle n’est en fait pas (encore) liée à la crise financière, mais à la hausse du prix des matières premières et à la poussée d’inflation qui a suivi. Ce n’est véritablement qu’à partir de l’été que la crise financière a commencé à mordre.
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Deux acteurs vont être victimes de la réduction du crédit, les ménages et les entreprises.
Les ménages, surtout du côté du crédit immobilier. Si l’effet de vases communicants se fait rapidement, cela peut être sain, parce que les prix vont baisser, alors qu’ils devenaient extravagants. Mais cela restera ambigu pour les ménages.
Du côté des entreprises, c’est ennuyeux, parce que les fondamentaux étaient bons. Il va falloir suivre avec beaucoup d’attention leurs difficultés de financement, qui vont vite devenir palpables. Elles risquent de casser durablement leur dynamisme. Le credit crunch va frapper un corps sain, et toute la question devient : combien de temps cela va-t-il durer ? Est-ce que ce sera long et durable, comme au Japon, c’est-à-dire plus de dix ans ? Ou est-ce qu’avec les 1 000 milliards de dollars américains et les nationalisations européennes, cela va passer sans trop de casse ? Cette hésitation se traduit dans la valse actuelle des Bourses.
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Ce qui me semble certain, c’est que nous sommes partis pour un 2009, sans doute un 2010, en berne, deux années noires qui s’accompagneront de beaucoup de remises en question sur le terrain politique, en France et ailleurs.
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Voilà donc cette belle interview de Daniel Cohen par Frédéric Joignot, publiée dans Le Monde du 17 octobre…
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A suivre,
pour l’article « For richer » (ou « Main-basse sur l’Amérique ») de Paul R. Krugman, dans le New-York Times, le 20 octobre 2003,
que m’a adressé Rufus Œconomicus
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Titus Curiosus, ce 20 octobre 2008
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