De Claudio Monteverdi à Richard Wagner, de 2004 à 2022, le très large répertoire musical (et discographique), et le talent d’interprète de très haute volée et hors normes, du décidément somptueux Michael Spyres…
Ce vendredi 29 mars 2024,
deux articles de ce jour,
soit d’une part l’article « Romantisme » de Jean-Charles Hoffelé, sur son site Discophilia :
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ROMANTISME
Qu’est devenu le ténor de la tragédie lyrique au _ moment du _ Romantisme ? De son saisissant_ oh que oui ! _ baryténor (allez, formons le « registre » !), Michael Spyres répond _ plus que superbement ! _ avec le grand air du Joseph de Méhul : l’héroïsme vocal _ voilà : solaire ! Beethoven le teindra vite d’ombres, et comment ne pas saisir dans l’élan, l’articulation, la primauté du mot de théâtre sur l’émotion de la note de ce « Gott ! » ce qui, au sein même d’une révolution (et sans lendemain : Fidelio n’aura pas de postérité, ovni !), dit assez de cette Pangée née en France, et y rester.
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Le continent lyrique va virer à l’héroïque _ en effet. À ce titre, regret : chez Wagner, que Michael Spyres n’ait pas poussé jusqu’à Siegmund _ il y viendra bientôt, est-il annoncé à Bayreuth… _, même hors cadre _ choisi pour ce CD _ de ces années de l’apogée du Romantisme qu’illustre si justement le _ superbe lui aussi _ Leicester rossinien (chanté ici avec un art de l’émotion si rare _ oui ! _), ou le Masaniello d’Auber _ lui aussi magnifique ! _ face à l’horreur du massacre.
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Polyglotte parfait, chanteur stylé _ et comment ! _ avant même d’être ce phénomène vocal qui ressuscite un continent perdu _ oui, oui, oui _, Michael Spyres peut adosser son art à celui des Talens Lyriques et de Christophe Rousset : ils arpentent, de Charles Gounod à Louise Bertin, cet autre âge d’or, sachant tout ce qui, d’un autre monde, s’y mire encore.
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LE DISQUE DU JOUR
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Airs d’Étienne Méhul (1763-1817), Ludwig van Beethoven (1770-1827), Gioacchino Rossini (1792-1868), Giacomo Meyerbeer (1791-1864), Carl Maria von Weber (1786-1826), Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871), Gaspare Spontini (1774-1851), Vincenzo Bellini (1801-1835), Heinrich Marschner (1795-1861) et Richard Wagner (1813-1883)
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Michael Spyres, ténor
Jeune Chœur de Paris
Les Talens Lyriques
Christophe Rousset, direction
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Un album du label Erato 5054197879821
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Photo à la une : le ténor Michael Spyres – Photo : © Marco Borrelli
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et d’autre part l’article « Programme-caméléon pour ténor d’élite » de Bénédicte Palaux-Simonnet, sur le site du magazine Crescendo :
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Programme caméléon pour ténor d’élite
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In the Shadows.
Œuvres de : Méhul, Beethoven, Rossini, Meyerbeer, Von Weber, Auber, Spontini, Bellini, Marshner, Wagner.
Michael Spyres, ténor ; Les Talens Lyriques, direction : Christophe Rousset.
2024.84.49.
Livret en allemand, français, anglais Textes en langue originale.
Erato 5054197879821
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« Dans les Ténèbres ». Ce nouvel enregistrement du ténor américain, Michaël Spyres, propose de remonter aux sources de l’inspiration de Richard Wagner _ tel est le sens de ce CD. Compte tenu du tempérament exalté, de l’insatiable curiosité littéraire, musicale, politique du compositeur de Tristan, le défi _ déjà musicologique _ est immense _ oui.
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Sait-on qu’en 1832, à dix-neuf ans, passant par Vienne en pleine épidémie de choléra, il _ Richard Wagner _ parvint à surmonter sa panique, sortir de sa chambre et suivre chaque jour les foules enflammées par le « démon de la valse », Johann Strauss père ? Exemple parmi beaucoup d’autres.
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Il s’agira donc ici beaucoup plus d’une incursion _ mais déjà très significative ! _ parmi les œuvres et compositeurs contemporains de la jeunesse du compositeur de Rienzi que d’une vision exhaustive, ce qui n’enlève rien _ pour sûr ! _ à l’intérêt _ tant performatif de la part du chanteur que musicologique _ de ce parcours.
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C’est l’opéra biblique « Joseph » du Français Méhul, daté de 1807 _ et bien trop méconnu de nous _, qui introduit le récital. Après un détour par des extraits de Rossini, de Meyerbeer en italien et de Weber et Spontini en allemand, la langue française réapparaît avec La Muette de Portici de Daniel Auber _ créée en 1828 _ avant que l’air de Pollione (Norma) de Bellini n’introduise quatre pages en allemand, l’une de Marschner, trois de Richard Wagner se terminant par Mein lieber Schwan ! (Lohengrin).
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Or cette période qui s’étend des années 1807 à 1848 correspond à une fracture majeure _ voilà ! _ dans l’histoire de l’Occident européen en général, dans celle de l’opéra et de l’art du chant en particulier. Devenue une entreprise commerciale, La Grande Boutique c’est à dire l’Opéra _ de Paris _, sous la direction du Docteur Véron, va complaire au goût pour le sensationnel et le romantisme matérialiste tandis que l’école de la vocalité rossinienne, de la sensibilité et de la noblesse d’expression va être éclipsée _ voilà _ par des machines avec profusion de chanteurs, de costumes et de décors. La musicalité, l’art des demi-teintes, le magnétisme d’une Maria Malibran, Cornélie Falcon ou du plus grand ténor des années 1826 – 1836, Adolphe Nourrit, créateur du rôle de Masaniello interprété ici, vont céder la place aux effets sonores dont l’ut de poitrine rapporté d’Italie par Gilbert Duprez _ tout cela est bien sûr capital ici.
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C’est dire combien les compositeurs présentés ici sollicitent des techniques et des esthétiques extrêmement disparates _ voilà ! Michael Spyres se joue magistralement de toutes ces difficultés _ oui ! _ pour deux raisons : ses qualités belcantistes d’abord, qui privilégient l’expressivité _ voilà ! _ avant tout ; l’évolution de sa voix, ensuite _ mais oui _, plus sombre et plus large, tout en ayant conservé souplesse, dynamique, maîtrise des sons mixés comme des demi-teintes _ tout cela est parfaitement vu.
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Parmi les découvertes _ mais oui _ qu’il nous offre, la merveilleuse sérénade funèbre avec harpe de Meyerbeer _ dans « Il crociato in Egitto » _ resplendit saturée de lumière. Contraste saisissant avec le lyrisme agité, la course à l’abîme de Max dans le Freischütz de Weber. L’air de Masaniello (la Muette de Portici), d’Auber souffre de cette proximité et les teintes sombres, parfois lourdes à l’orchestre, ne mettent pas le compositeur en valeur.
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En revanche, les vocalises, le contre-chant orchestral, les ponctuations instrumentales et la sensation d’une texture toujours en mouvement sous la ligne vocale, culminent dans l’air Der Strom wälzt ruhig seine dunklen Wogen (premier enregistrement mondial en allemand) extrait d’Agnès von Hohenstaufen de Gaspare Spontini _ une des slendeurs éclatantes de ce CD. L’orchestre Les Talens Lyriques sous la baguette avisée de Christophe Rousset y déploient une progression dramatique des plus efficaces.
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Pollione martial, l’engagement de l’interprète de Norma forme un contraste à nouveau très réussi avec la ferveur et la douceur de l’extrait de Konrad Marscher dans son rare Hans Heiling.
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Parmi les trois extraits des premières œuvres du maître de Bayreuth, Die Feen et Rienzi, tout d’élans et de passion, conduisent au poétique adieu au cygne de Lohengrin, rôle que le ténor vient d’inscrire brillamment à son répertoire _ à l’Opéra national du Rhin, à Strasbourg, ce mois de mars 2024.
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En dépit d’un point de départ un peu spécieux -le thème des sources de Wagner méritant un traitement _ du moins musicologique _ d’une autre envergure- ce programme longuement médité innove et séduit par son intelligence, sa beauté _ oui _ et son interprétation de très haute volée _ absolument. Contrairement au titre lugubre, beaucoup de lumière _ ici _ dans les ténèbres.
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Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10
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Bénédicte Palaux-Simonnet
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tous les deux à propos du merveilleux CD « Michael Spyres – In the Shadows – Wagner« , le CD Erato 5054197879821, enregistré à Paris en décembre 2022, et sous la direction de Christophe Rousset,
en aval historique dans la carrière de chanteur de Michael Spyres,
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et mon propre article d’avant-hier « Comparer trois interprétations du Motet « Ego dormio » de Claudio Monteverdi (publié à Rome en 1626) : par Il Concerto italiano de Rinaldo Alessandrini (en 1996), par l’Ensemble Concerto de Roberto Gini (en 2004), et par I Disinvolti de Massimo Lombardi (en 2020) ; ou servir au mieux l’italianité de ces Motets italiens du premier Seicento, d’une tendresse sublime…« , dans lequel, en évoquant, à partir de mes recherches sur divers enregistrements du Motet « Ego dormio« , le double CD « Claudio Monteverdi – Sacred Music » de l’Ensemble Concerto de Roberto Gini, le double CD Dynamic CDS 491/1-2, enregistré à Vigevano en septembre 2004, je découvrais aussi, non sans surprise, la participation alors de Michael Spyres dans le Motet « Exultent cœli et gaudeant angeli« ,
en amont de ce passionnant cheminement du chanteur de Michael Spyres,
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voici que je m’extasie à nouveau,
après aussi les CDs « Baritenor« , soit le CD Erato 0190295156664, enregistré à Strasbourg en août et octobre 2020, et sous la direction de Marko Letonja,
et « Michael Spyres – Contratenor« , soit le CD Erato 5054197293467, enregistré à Lonigo en septembre 2020, et sous la direction de Francesco Corti,
sur l’extraordinaire étendue, une fois de plus constatée, du répertoire _ et avec quelles formidables perfections de style ! _ de ce prodigieux interprète à tous égards (incarnation des rôles, et beauté des interprétations, pour commencer) qu’est Michael Spyres
_ cf ici mon bien utile article rétrospectif « Ce qu’on peut apprendre aussi du précédent récital d’airs d’opéra de Michael Spyres, « Espoir », en 2017 « , en date du 25 octobre 2021, sur ce passionnant parcours d’exploration infiniment curieuse du chanteur qu’est Michael Spyres, et dès son plus jeune âge, auprès de ses parents passionnés (et entrepreneurs !) de musique, à Springfield (Missouri) ; Michael Spyres est né en 1979 à Mansfield (Missouri)…
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Et, qui plus est,
nous apprenons aussi, dans le magazine Classica de ce mois d’avril, dans l’article intitulé « À Strasbourg le Lohengrin lyrique de Michael Spyres« , sous la plume de Pierre Flinois,
la prise du rôle en ce moment même par Michael Spyres, du rôle de Lohengrin, dans l’opéra éponyme de Richard Wagner, sur la scène de l’Opéra national du Rhin à Strasbourg…
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Quel décidément extraordinairement talentueux interprète, et prodigieux passeur de cet art, est Michael Spyres !
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Ce vendredi 29 mars 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa
Tags: ambitus, Bénédicte Palaux-Simonnet, carrière, Christophe Rousset, Crescendo Magazine, curiosité, Discophilia, élégance, en cherchant bien, étendue du répertoire, Francesco Corti, incarnation des rôles, Jean-Charles Hoffelé, Lohengrin, magazine Classica, Marko Letonja, Michael Spyres, Monteverdi, perfection de style, Pierre Flinois, raffinement, somptueux, Strasbourg, Titus Curiosus, Wagner