Fin ce lundi 14 novembre 2022, à 14h 36, de ma toute première lecture-déchiffrage du « MDEILMM _ Parole de taupe » d’Héléne Cixous :
un opus absolument désopilant !
_ et à ce propos, je recommande tout spécialement l’épisode à hurler de rire, aux pages 74 à 79, des choux à la crème auxquels ne peut surtout pas résister la cousine d’Hélène, peut-être cette « cousine Pi » (et sœur du cousin « Paul-le-malheureux« ), précédemment évoquée dans son cahier « Nacres« , et qui serait née en 1932 ; cf mon article « Toute première approche de « Nacres », un cahier publié par Hélène Cixous : à déchiffrer… » du 17 octobre 2019… L’irrésistible puissance de comique d’Hélène Cixous emportant tout !
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H., décidément, s’amuse énormément,
avec l’offrande de cette n-ième revisite, avec sa réserve bien giboyeuse de magiques nouveautés, du quatrième étage de la rue Philippe, à Oran, de son enfance en Algérie sous Pétain,
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où continuent de venir nous parler les adorables tables tournantes des apothicaires « Monsieur Émile » et sa pas tout à fait sybilline sœur-baleine Alice Carisio,
pour notre enchantement…
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Avant de rédiger un premier commentaire un peu personnel de cet opus
sous les plumes de Véronique Bergen et Fabien Ribéry…
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Et désormais,
en la difficile absence physique, pour Hélène, de sa bien terrienne et solide et si vivante et très généreusement prenante mère Eve, née Klein, à Strasbourg le 10 avril 1910,
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ce sont sa linguiste de fille Anne-Emmanuelle, née à Sainte-Foy-la-Grande le 27 juillet 1958, et son scientifique et mathématicien de fils Pierre-François (dit Pif), né à Paris le 22 septembre 1961, qui sont devenus les interlocuteurs priviligiés de ces vives et très animées magnifiques conversations de voix d’Hélène,
confiées à l’accueillante soie tendre, mais durable, et donc in fine assez solide, du papier
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de ce qui va nous demeurer, à nous lecteurs tant soit peu attentifs _ ou inattentifs, c’est selon… _, en livres
à toujours encore jouer _ comme Hélène Cixous, la première, en l’activité hyper-sensible et hyper-ouverte, et plutôt joyeuse, de son imageance si joueuse _ à déchiffrer _ de tels livres ne se livrant pas, de même que le plus fin nectar de leur suc, immédiatement, à la toute première lecture, un peu trop rapide : leurs mystères nous défiant (de même qu’ils défient aussi Hélène, la première, en ses séances béantes d’écriture de tels livres…) ironiquement toujours un brin… Il nous faut donc apprendre un minimum à jouer, avec délices, avec la vraie littérature s’écrivant et se lisant, ainsi que se donnant finement à écouter… _,
et éventuellement _ c’est aussi selon nos propres humeurs… _ ruminer…
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À suivre, donc,
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Ce lundi 14 novembre 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa
Et j’achève à l’instant de le lire et regarder-contempler en entier :
c’est un chef d’œuvre absolu ! de partaite humilité du regard, d’une tendre et éblouissante évidence sensible, à la fois.
On dirait que vous vous êtes trouvés, Granet et toi, aux mêmes lieux, à Rome et ailleurs en Italie, et aux mêmes moments _ c’est déjà un peu plus extraordinaire ! _, avec de semblables regards : justissimes ! C’est stupéfiant !
Mais c’est que tous deux êtes d’un parfait classicisme d’éternité !
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Francis
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J’aime beaucoup aussi la simplicité justissime, elle aussi, de l’entretien avec Bruno Ely.
Il y a actuellement, au musée Granet de la cité romaine d’Aix-en-Provence, une des plus belles expositions qui soient, presque franciscaine dans son dépouillement et sa grâce, Italia discreta.
Rien de spectaculaire ou de grandiloquent, mais une intimité de conversation et d’évidence _ les deux, en effet ! _ entre les œuvres d’artistes d’époques différentes, le peintre et dessinateur français François Marius Granet (1775-1849) et le photographe Bernard Plossu (né en 1945 à Dà Lat, Vietnam du Sud) passé par nombre de jardins de poussière et la totalité des îles italiennes.
On a souvent pensé avec lui que Corot était son alter ego, mais Granet, dans ses tableaux de petits formats, est d’évidence de sa famille sensible _ excellente expression.
La simplicité du principe de l’exposition en fait toute la saveur : faire dialoguer de façon dynamique une soixantaine d’aquarelles et lavis en clair-obscur du peintre aixois, réalisés à Rome et dans ses alentours, avec une centaine de photographies pour la plupart inédites du photographe globe-trotteur – l’empan chronique choisi allant du début des années 1970 à 2017 -, vues similaires ou très proches de celles de son devancier.
La plupart des photographie sont en noir et blanc, mais il y a aussi _ pour mon bonheur ! _ des tirages Fresson – tirage mat au charbon au rendu granuleux très doux – qui sont d’une grande beauté (aucun effet facile de brillance).
Les deux artistes regardent le paysage romain avec un même sens du silence intérieur, du mystère des petites formes, de la présence structurante du vide _ tout cela est magnifiquement juste..
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Arts graphique 19è siècle – Collection du Musée Granet
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Granet et Plossu, qui ont tous deux longuement séjourné en Italie, ne craignent pas la solitude, ni le jeu des ombres tombant sur des ruines, ni la puissance végétale ordonnant les apparences, ni les ciels gris, leurs travaux pouvant être considérés _ parfaitement ! _ comme des études d’après nature.
Quelques traits, des ifs, une colline, une villa patricienne ou une ferme, un escalier, une lumière spéciale, nul doute, l’Italie est là, dans sa plénitude, peinte par Granet comme on prend des notes, et photographiée au Nikkormat 50 mm par un artiste adepte des petits formats, des miniatures, lui rappelant, confie-t-il dans un entretien passionnant _ mais oui ! _ avec Bruno Ely, les fonds de tableaux qu’il aime regarder à la loupe.
Granet et Plossu n’intellectualisent pas, sont simplement là, humblement _ oui, oui, oui ! _, sur le seuil des paysages qu’ils contemplent, comme pour ne pas déranger _ et simplement en passant là, mais sachant saisir d’un simple coup d’œil artisanal (et pudique), la grâce splendide alors croisée et offerte ; c’est tout à fait cela…
« Le paysage italien de Plossu, analyse l’historien de l’art Guillaume Cassegrain, est fait de portes (Granet puise aussi dans cette iconographie de l’hospitalité) qui sont la promesse de choses à voir, « le portail secret de l’initié » [Walter Benjamin]. La porte San Paolo, qui ouvre au sud-est Rome à la mer, avec la pyramide de Cestius à sa marge, au-delà du témoignage d’un monument célèbre de la ville, vaut pour une iconographie de l’entrée et révèle au cœur du paysage sa propre structure d’accueil. Plossu y revient _ de même que Granet : sur les seuils… _ avec ses nombreuses vues à travers une arche, un portique, qui fonctionnent à la manière d’encadrements _ mais oui _ de perspectifs permettant de condenser les rayons du regard et d’intensifier le désir qu’il emporte dans son mouvement de saisie. »
Passionné de littérature et de cinéma italiens, mais aussi par les peintres peu connus de la « Scuola romana », Bernard Plossu parvient à concilier sobriété et vivacité, culture et malice, mémoire visuelle et disponibilité absolue _ tout cela est parfaitement vu.
« On dit toujours, explique-t-il, qu’il faut rester chez soi quand il fait chaud, moi ça ne me bloque pas. Au contraire, je trouve que ces ombres et ces lumières existent aussi. Dans certains paysages de notre exposition, on trouvera cette lumière crue du milieu de la journée qui n’est pas recommandée en photo mais qui ne me gêne pas, parce qu’elle existe autant que la belle lumière du matin ou du soir. D’ailleurs, je photographie même en dormant ! C’est-à-dire qu’il m’est souvent arrivé de me réveiller et de voir un truc à la fenêtre, une lumière. Je fais une photo et je me rendors. Finalement, mon truc, c’est que je ne peux plus ne pas voir. Donc, qu’il soit midi, avec plein de soleil, ou huit heures du matin, avec une douce clarté, s’il y a une photo, la lumière ne compte plus. Ce qui compte, c’est qu’il y ait une photos, mais pour moi, c’est impossible de dire POURQUOI il y a une photo. A mon avis, aucun photographe ne peut arriver à dire pourquoi il prend cette photo-là. Moi j’appelle ça le mystère de la photographie » _ une expression que pour ma part je prèfère à celle d’ « instinct » du photographe. Le déclic, bien sûr, n’ayant absolument rien d’instinctif…
On entre en Italie par le Col d’Agnel ou le Col de Larche, on avance d’un pas ferme dans le paysage et pourtant tout est lent, comme suspendu, posé là sans drame.
Un mot pour désigner Bernard Plossu et François Marius Granet ? La fraîcheur, l’intensité de l’immédiat, la présence comme absolu _ une disponibilité au merveilleux de ce qui se présente, Kairos aidant…
Tous deux contemplent des paysages, mais ce sont ces mêmes paysages qui les désignent d’abord _ oui : eux se contententant d’y répondre par leur geste sûr d’artisan en toute simplicité.
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Plossu / Granet, Italia discreta, textes de Sophie Joissains, Guillaume Cassegrain, Paméla Grimaud, entretien de Bernard Plossu avec Bruno Ely, tirages réalisés pour les noir et blanc par Françoise Nunez et Guillaume Geneste et la couleur par l’atelier Fresson, Filigranes Editions, 2022, 194 pages
Catalogue publié à l’occasion de l’exposition éponyme présentée au musée Granet (Aix-en-Provence), du 29 avril au 28 août 2022 – commissariat général Bruno Ely et Paméla Grimaud
vient très opportunément, et à nouveau, souligner l’inestimable intérêt _ absolument désintéressé ! gratuitissime !!! _ des merveilleux petits livres pas chers de l’ami Bernard Plossu,
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en l’occurrence « Pneus » et « A day with the Creeleys« ,
qui viennent tout juste de paraître presque confidentiellement aux Éditions Filigranes de Patrick Le Bescont.
« LA NATURE SAUVAGE, L’INATTENDU À QUELQUES CENTIMÈTRES DE NOUS. DES MOMENTS IDYLLIQUES, NOTRE SUBSISTANCE, NOS PRÉPARATIFS, NOTRE MOTIVATION. NOUS ÉTIONS AMIS. NOUS LE SOMMES TOUJOURS. L’ATTRAIT DE L’AVENTURE, DES DÉFIS, DE L’EXOTISME ENCORE ET TOUJOURS LÀ. » (PENELOPE CREELEY)
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IL FAUDRAIT UN TERME POUR DÉSIGNER CES PETITS LIVRES DE BERNARD PLOSSU D’UNE VINGTAINE DE PHOTOGRAPHIES NE SE MONTANT PAS DU COL, MAIS ADORANT LA VIE DANS SES MOINDRES CAILLOUX.
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DEUX PÉPITES TOMBENT CES TEMPS-CI DE L’ESCARCELLE DE PATRICK LE BESCONT (FILIGRANES EDITIONS), PNEUS ET A DAY WITH THE CREELEYS.
QUOI DE PLUS BANAL QU’UN PNEU, ET POURTANT QUOI DE PLUS MERVEILLEUX EN SA ROTONDITÉ À LA FOIS MOLLE ET RÉSISTANTE ?
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ELLES SAUVENT DES VIES (LES BOUÉES), ÉVITENT AUX NAVIRES QUELQUES CHOCS MAJEURS AU MOMENT DE L’APPONTEMENT, AMUSENT LES ENFANTS SANS LE SOU.
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ELLES SYMBOLISENT LA BEAT GENERATION, LE MACADAM BRÛLANT, LES FILLES AUX LARGES SOURIRES PORTANT DES ROBES À FLEURS DANS DES DÉCAPOTABLES RUTILANTES, OU MORDUES PAR LA POUSSIÈRE DU DÉSERT MEXICAIN.
« LES PNEUS EN PHOTO, DÉCLARE BERNARD PLOSSU, ÇA N’A PAS VRAIMENT D’INTÉRÊT, C’EST POUR CELA QUE ÇA M’INTÉRESSE ! C’EST PEUT-ÊTRE ÇA LA PHOTOGRAPHIE, CES PETITES NÉVROSES D’EXPÉRIENCE UTILE, CETTE PULSION NARRATIVE D’ENVIE UTOPIQUE… COMME UNE PRATIQUE NATURELLE D’EXPRESSION UBUESQUE. »
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OUI, ILS SONT DRÔLES CES BOUTS DE CAOUTCHOUC PENDUS SUR DES MURS EN PISÉ, COMME DES TOTEMS MALADROITS, OU DES PIÈGES MÉTAPHYSIQUES.
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ILS ATTIRENT TOUT L’ESPACE DANS LEUR CERCLE VIDE, CE SONT DES BOUDDHAS DE COMPASSION FLOTTANT SUR LE FLEUVE DU TEMPS.
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ON LES JETTE, ON LES MÉPRISE UNE FOIS USÉS, ON LES ENTASSE NÉGLIGEMMENT, EN OUBLIANT TOUTE LA NOBLESSE DE CES ÊTRES DE PEU POUVANT BEAUCOUP.
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QUOI DE PLUS POIGNANT QU’UN PNEU ABANDONNÉ CONTRE DES BRIQUES BLANCHES UN JOUR DE PLEIN SOLEIL ?
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BERNARD PLOSSU CRÉE DES ENSEMBLES, ASSOCIE, ET SAUVE DE L’OUBLI LES FRAGMENTS D’UN CONTINENT À LA DÉRIVE APPELÉ RÉALITÉ.
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NOUS SOMMES AVEC LUI, À BREST, À COIMBRA, À LISBONNE, À TAOS, À MARSEILLE, À ALMERIA OU À CHARLEROI, ENTRE 1978 ET 2009.
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LA VIE EST BELLE, TOUT ROULE, IL FAUT LAISSER LA BILE NOIRE AUX ACRIMONIEUX, EN CHANTANT AVEC TOUS CEUX QUI CRISSENT ET VROMBISSENT À PLEIN TUBE (BONJOUR HERBERT LIST).
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SAVOIR VIVRE, C’EST SAVOIR REMERCIER, PARVENIR À TRANSMETTRE, CÉLÉBRER SES AMIS.
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Oui ! ! Cf, retrouvé le 26 avril 2016, ce texte auquel je tiens beaucoup, intitulé « Pour célébrer la rencontre« ,
écrit en 2007, inspiré par ma rencontre _ dans les rayons de livres de la Librairie Mollat, en décembre 2006 _ avec Bernard Plossu :
A DAY WITH THE CREELEYS, DEUXIÈME CARNET PLOSSU, EST À CETTE AUNE, ET C’EST UNE NOUVELLE FOIS TRÈS BEAU, TRÈS TOUCHANT, DANS LA MODESTIE MÊME DE LA FORME NE CILLANT PAS.
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« IL FAISAIT AGRÉABLEMENT BEAU, CE JOUR OÙ NOUS SOMMES DESCENDUS DE SANTA FE À ALBUQUERQUE POUR VOIR NOS AMIS LES CREELEYS, PENELOPE ET BOB, CONFIE LE PHOTOGRAPHE. LE SOLEIL EN HIVER EST PLUS DOUX QU’EN ÉTÉ, DANS CET IMMENSE OUEST AMÉRICAIN. WILL, LEUR FILS, AVAIT TROIS ANS, ET SHANE, LE NÔTRE, EN AVAIT CINQ. DANS LA MAISON, LE FEU DU POÊLE RONRONNAIT. ON EST RESTÉS SURTOUT DEHORS, SUR LE PATIO, À BAVARDER, À ÊTRE SIMPLEMENT BIEN ENSEMBLE ! ON A SÛREMENT PARLÉ DE NOTRE AMI COMMUN DENIS ROCHE, LOIN LÀ-BAS À PARIS. C’ÉTAIT LE GENRE DE JOURNÉE OÙ LE TEMPS GLISSE DÉLICIEUSEMENT, D’OÙ ON SORT HEUREUX DE PARTAGER DES INSTANTS DE LA VIE… »
CES INSTANTS DE VIE DÉLICIEUX, LES VOICI MAINTENANT REVENUS PAR LA GRÂCE DU BOÎTIER MÉDIUMNIQUE.
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ROBERT CREELEY (1926-2005), POÈTE AMÉRICAIN MAJEUR AYANT CONNU SON HEURE DE GLOIRE DANS LES ANNÉES 1950, EST SANS NUL DOUTE, EN NUANCE DE GRIS, EN APPROCHE SENSUALISTE ET SANS AFFECTATION DE LA VIE BRUTE, UN FRÈRE EN INSPIRATION DE BERNARD PLOSSU.
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PENELOPE CREELEY TENANT SON ENFANT DANS LES BRAS, C’EST FRANÇOISE TENANT JOAQUIM SUR UNE ÎLE GRECQUE, C’EST LA FIGURE ARCHÉTYPIQUE DE LA JOIE ET DE LA FIERTÉ D’ÊTRE MÈRE JUSQU’AU BOUT DU MONDE.
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A DAY WITH CREELEYSEST UN OPUSCULE, MAIS C’EST UN MOMENT DE BONHEUR ENTRE AMIS OFFERT À TOUS ALORS QUE LA SIXIÈME EXTINCTION DES ESPÈCES S’INTENSIFIE.
DANS LA RONDE KARMIQUE DE NOS EXISTENCES, DANS L’ÉTERNEL RETOUR DU MÊME, IL Y A LA TENDRESSE ET L’AMOUR, COMME DES POINTS IRRÉDUCTIBLES.
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BERNARD PLOSSU, PNEUS, CONCEPTION GRAPHIQUE PATRICK LE BESCONT, TIRAGES FRANÇOISE NUNEZ, FILIGRANES EDITIONS, 2022 – 600 EXEMPLAIRES
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BERNARD PLOSSU, A DAY WITH THE CREELEYS, CONCEPTION GRAPHIQUE PATRICK LE BESCONT ASSISTÉ DE CÉLESTE ROUGET, TIRAGES FRANÇOISE NUNEZ, TEXTE DE PENELOPE CREELEY, POÈME DE ROBERT CREELEY, JOCELYNE BOURBONNIÈRE ET GARY SUTHERLAND, FILIGRANES EDITIONS, 2022 – 500 EXEMPLAIRES
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Se procurer ces deux ouvrages – Filigranes Editions
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Ce samedi 14 mai 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa
j’ai commencé à préparer-baliser mon terrain afin de prendre un peu de sain recul rétrospectif quant à mes préférences (subjectives) d’images, à partir de mes 2 listes de départ :
d’autres images _ que ces 35 -là _ étant, et avec force et grande justesse, venues se rappeler à mon attention, parmi les 80 images de ce sublime « Tirages Fresson« , de Bernard Plossu, qui vient de paraître aux Éditions Textuel…
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La variété très riche, déjà, des « genres » d’images,
…
soient, selon mon essai de classement :
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d’abord les images « d’extérieurs«
partagées entre :
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_ les images « de nature » ;
_ les images « de villages » ;
_ les images de « villes et grandes métropoles » ;
_ ainsi, encore, que celles, un peu particulières, « avec vue sur la mer » ;
…
…
puis les images « d’intérieurs« ,
en la si puissante étrangèreté poétique de leur banalité presque la plus quotidienne,
assez souvent _ mais pas toujours, non plus ! _ ;
…
ainsi, aussi _ ne pas les oublier ! _, les images que j’ai qualifiées de « tendant vers l’abstraction » _ et auxquelles ne manque jamais la faveur (ludique) très fidèle de leur auteur… ;
…
…
la variété très riche des « genres » d’images, donc,
auxquels il me semble possible de rattacher _ par commodité un peu facile de rangement _ chacune de ces diverses images, pourtant le plus souvent éminemment singulières !,
…
me semble ainsi constituer un premier élément,
et déjà assez important,
sur lequel s’appuyer, pour étayer _ fonder un peu en raison _ le large et très profond _ intense _ plaisir éprouvé
à la contemplation, page après page, de ce merveilleux album, si divers, de 80 images…
…
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Au passage, on lira aussi avec très grand profit (et immense plaisir) pour la très grande justesse de sa sensibilité !
le magnifique article sur son blog, le 24 octobre dernier, de Fabien Ribéry,
Mais il me faut aussi un peu revenir maintenant sur certains de mes premiers choix
d’avoir écarté, de ces 2 sélections premières, certaines images :
…
ou bien parce que déjà bien connues _ et même célèbres : devenues quasi des « classiques » de Plossu _ par de précédentes publications ;
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ou bien parce que trop vite jugées par moi_ probablement assez injustement ! _ un peu redondantes
par rapport à d’autres images au départ retenues, parmi les 13 ou parmi les 22 _ et parmi, donc, les 35 d’abord préférées sur les 80 de l’album…
…
Ces images ne méritaient pas pareille mise à l’écart _ même, comme ici, seulement pragmatique, et très relative : choisir un peu pour ne pas rien écarter du tout… _ ;
…
Il me fallait donc impérativement et dare-dare en repêcher certaines…
…
…
D’abord, certaines images, déjà, qui me semblaient « un peu trop » connues
_ mais seulement eu égard à leur très relatif ! (et très subjectif) coefficient circonstanciel de « surprise » du regardeur ! ;
soit un critère absolument pas universel, il faut bien le reconnaître… _,
que je n’avais donc pas _ et seulement pour cela _ retenues,
ni dans ma liste première de 13, ni dans ma liste complémentaire de 22 :
…
…
il s’agit des 8 images
_ chacune, et en sa stupéfiante singularité, plus admirable que l’autre _
des pages
…
28 : « Californie, États-Unis, 1980« ,
…
…
…
29 : « Californie, États-Unis, 1977« ,
…
…
37 : « Côte belge, Belgique, 1970« ,
…
…
…
47 : « Françoise, Paris, France, 1988« ,
…
…
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…
60 : « Grenoble, France, 1974« ,
…
…
…
61 : « Madrid, Espagne, 1975″,
…
…
…
67 : « Ranchos de Taos, Nouveau-Mexique, États-Unis, 1977« ,
Et ce rapide passage en revue rétrospectif a au moins permis de mieux re-regarder, certaines des images, sinon jusqu’ici inédites, du moins les plus frappantes, de Bernard Plossu
parmi ses fabuleux« tirages Fresson« …
…
…
Et demain, lundi,
je me consacrerai au choix _ une nouvelle fois difficile : tellement méritent la plus grande attention ! _ des images que je désire repêcher
de mes deux premières sélections de 13, puis de 22, du 5 novembre dernier…
…
…
Ce dimanche 15 novembre 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa
Pour _ presque _ terminer _ peut-être en secrète beauté, du moins pour moi, au plus intime et chaleureux de ce dont se réjouit mon for intérieur.. _le petit panorama de mes 13 images préférées
_ choisir, hiérarchiser, ne serait-ce que très subjectivement, est une nécessité pragmatique permanente, et cela pour tout un chacun, et vis-à-vis de tout, sans la moindre exception : eu égard à l’urgence souvent ultra-pressante du présent (non extensible) de l’action, et plus largement de la vie (non perpétuelle), qui commande… _
parmi les 80 de ce « Tirages Plossu » de septembre 2020, aux Éditions Textuel,
…
j’en viens maintenant aux images d’intérieurs,
de l’ami Bernard Plossu
_ et ce mot d’« Intérieurs« n’est pas sansm’évoquer irrésistiblement le film très émouvant, et de tonalité grave, de Woody Allen, en 1978…
en ce magique album :
…
pour lui, déjà, à sa table de travail,
opérer le choix, ainsi que la compatibilité de mise en page _ ou en espace _, de ses images
est, chaque fois, très littéralement, crucial…
…
…
J’ai donc ici choisi 4 images de ma liste première de 13 images préférées
page 43, « Chez les Mirabel, Ardèche, France, 2012«
…
pages 64-65, « Jumièges, France, 2017«
…
…
auxquelles je rajouteraideux autres :
…
d’une part,
l’image qui faisait partie de ma liste complémentaire de 22
…
page 19 , « Livourne, Italie, 2014«
…
et d’autre part,
l’image qui ne faisait partie ni de ma liste des 13 préférées, ni de ma liste complémentaire des 22 autres,
page 57, « Milan, 2008« .
…
…
Assez étrangement,
de ce photographe voyageur invétéré marcheur-randonneur,
et de par diverses contrées très lointaines du monde (et de chez lui),
…
ce sont en effet ces images-là d’intérieurs
_ mais le plus souvent des « intérieurs« situés ailleurs que chez lui, en son domicile (même si en existent, tout de même aussi, quelques exceptions, par exemple page 34 : « La Ciotat, France, 2014« , voire page 84 : « La Ciotat, France, 2014« ) ; des « intérieurs« seulement de passage, pour lui ; et assez souvent des chambres, anonymes, de halte rapide inconséquente (récupérer un peu, dormir…), notamment et surtout dans des hôtels de très brefs passages ; et assez souvent, aussi, ailleurs qu’en France, au cours de ses randonnées passionnées (et souvent éreintantes) de quêtes photographiques « sur le terrain« , quel qu’il soit… ; et donc lors de moments un peu creux, où, normalement, il n’y aurait pas d’image intéressante à saisir ! Tel est donc le paradoxe brûlant de ces si intensément poétiques, et profondément attachantes, images d’« intérieurs« -là… :
probablement leur faut-il, en effet, à ces images d’« intérieurs« qui vont être saisies, un très puissant quotient viral d’étrangèreté propre, voilà !, pour que le réel entr’aperçu, l’espace d’un éclair, de son regard iconique assez infaillible, ait pu susciter, de la part du photographe qu’est très fondamentalement (et quasi en permanence ! voilà : quasiment sans relâche…) Bernard Plossu, le déclic décisif quasi instantané de la prise de vue (et ne perdons pas non plus de vue que ce déclic donne aussi lieu, de fait, à dix mille prises, qui se révèleront, in fine, la très grande majorité d’entre elles, du moins, très pauvres en un quelconque intérêt iconique ; même si c’est aussi seulement à la revoyure hyper-attentive de ses milliers d’images encore dormantes en planches-contact que se découvrira presque miraculeusement l’image a priori ratée qui se révèlera, alors, à l’acuité extraordinaire du regard si formidablement incisif de l’« artiste« (il n’aime pas ce mot) une très étonnante merveille (à la façon de la découverte patissière des sœurs Tatin à Lamotte-Beuvron ; même si ce n’est là qu’une légende…) ;
et je renvoie à nouveau ici à la très étrange image (« abstraite« …), prise chez lui, à La Ciotat, de la page 84… _
qui me surprennent, m’attirent, me retiennent, et me touchent le plus, par cette charge même d’étrangèreté au cœur le plus profond du plus proche et du plus intime _ mais toujours avec une extraordinaire pudeur ! _,
saisies, donc, en des lieux de pause relative, d’instants voués à un certain repos photographique, au cours du voyage de quête d’images, en ces lieux d’a priori plus faible intensité de rencontre du surprenant, ces lieux calmes où l’on va pouvoir cesser de rechercher des images « à saisir« , et puis pouvoir fermer les yeux et dormir, ou tranquillement se restaurer un peu, pour reprendre des forces, et repartir demain, d’un bon pied, en sa quête…
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L’image légendée « Giverny, France, 2017 » de la page 17
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est pour moi une merveille absolue _ de mouvements : à notre tour, nous sommes gentiment invités à nous avancer (avec infiniment de respect ! pas du tout en voyeurs indiscrets et malotrus…) de pièce en pièce de la maison _,
tant par la douce flamboyance _pardon de l’oxymore ! _ du bleu céleste des deux merveilleusement lumineuses grandes portes en enfilade, dans la maison de Monet, et aussi l’angle de vue légèrement oblique de cette image, qui nous invite bien poliment à pénétrer un peu plus avant, par-delà les successifs tapis, vers la pièce au sol rouge (s’agit-il une nouvelle fois d’un tapis ? peut-être… ; et là est le cœur même de la force de l’image !) dont on n’appréhende, sur l’image, qu’un étroit oblong rectangle rouge _ mondrianien ? _, par l’entrebâillement de la seconde des grandes portes bleues, et qui débouche sur encore une autre porte, à peine perceptible, elle aussi, en un nouvel étroit rectangle, cette fois-ci verdâtre, au-dessus du rectangle rouge du sol de la pièce qui la précède..,
que par ce qu’elle nous perpétue, aussi, bien sûr, de l’intimité même, chez lui, du peintre Monet (Paris, 14 novembre 1840 – Giverny, 5 décembre 1926), en sa demeure enchantée de Giverny.
…
Cf, bien sûr cette merveille qu’est le « Monet intime » de Bernard Plossu, en la co-édition Filigranes et Musée des Impressionismes, en 2012 : un autre chef d’œuvre absolu de Plossu !
…
Cette image me rappelle aussi, plus personnellement, une image qui m’est familière, en son intime étrangèreté, à elle aussi :
une superbe toile du peintre bordelais Guillaume Alaux (1856 – 1912), comportant, elle aussi, une enfilade de portes, en un intérieur de campagne ; mais dépourvue, elle, du moindre bleu…
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« Wow » ! dirait l’ami Plossu…
Cette image est fascinante !
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L’image légendée « Livourne, Italie, 2014« , de la page 27, est-elle aussi un chef d’œuvre absolu.
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qui pourrait même, et à la perfection, signifier l’étrangèreté absolue de l’intimité plossuienne, réduite ici au minimal d’une exigüe, et a priori terne, assez anonyme chambre d’hôtel, avec son mobilier élémentaire, sinon rudimentaire, en attente d’occupation très éphémère… :
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un petit lit _ pas encore défait : le voyageur découvre seulement la chambre _, un fauteuil, une petite table,
et une fenêtre protégée de rideaux légers filtrant une lumière un peu vive _ possiblement celle du jour _ :
…
cette fois-ci en cette ville portuaire, elle-même déjà un peu étrange _ avec son port assez important, et un notable très ancien quartier juif : qu’en reste-t-il désormais ?.. _, et assez peu toscane,
qu’est Livourne,
où a vécu l’étrangissime Amedeo Modigliani (Livourne, 12 juillet 1884 – Paris, 20 janvier 1920).
…
On sait aussi le goût affirmé de Bernard Plossu pour la peinture italienne de la première moitié du XXe siècle _ Fabien Ribéry, en son superbe article « Michel Fresson, le traducteur, par Bernard Plossu, photographe« , citait les noms (« avis aux chercheurs« , ajoutait-il !..) de Telemaco Signorini, Stefano Bruzzi, Raffaelo Sernesi, Angiolo Tommasi, Cesare Bertolotti et Giovanni Fattori…
…
…
Ce camaïeu de gris, ici pris en couleur,
est lui aussi, en ce somptueux « tirage Fresson« ,
proprement sublime.
…
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Re-wow !!
…
…
…
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La troisième image, à la page 43 de ce trésor de « Tirages Fresson« ,
d’entre les 13 de mon premier choix préférentiel,
est, elle aussi, proprement admirable,
de lumineuse minimalité splendide.
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Son référencement est assez peu précis géographiquement (« Ardèche« ),
mais très précis, en revanche, en mode d’amitié : « Chez les Mirabel » (Annie et Bernard) :
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assez probablement au Pont d’Aleyrac, commune de Saint-Pierreville.
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L’image, simplissime,
nous présente le départ, vers l’étage, d’un tout simple escalier de bois, tout noir, et rectiligne,
dont paraît, quasi frontalement, l’élancement des six premières marches ;
en appui sur du noir, un noir bleuté, qui s’enfonce dans l’ombre, et colonise quasi entièrement la partie en bas à droite de l’image…
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Les dominantes de couleur sont, outre le somptueux noir bleuté de l’escalier et de son appui jusqu’au sol,
le jaune ocré du mur de fond de ce rez-de-chaussée,
ainsi que le bleu-vert qui, de sa diagonale ascendante, suit la montée de l’escalier, et mange rectilignement l’important jaune ocré du mur jusqu’à _ pour l’image saisie _ la hauteur approximative de la rampe de l’escalier. Le sol, au premier plan, lui, est gris.
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Ici encore, nous nous trouvons devant l’invite de l’image à un mouvement, ici ascendant,
vers l’étage…
L’image n’a rien de statique.
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L’image que j’ai choisie ensuite, la quatrième,
en cette section d’images d' »Intérieurs » plossuiens,
ne concerne pas, cette fois, un intérieur habitable, dans lequel se loger et résider, ne serait-ce qu’un court moment,
non.
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Car l’image légendée « Jumièges, France, 2017« , aux pages 64-65,
concerne cette fois l’assez vaste dépôt d’un musée,
dans lequel cohabitent, en un certain désordre _ non accessible, d’ordinaire, aux visiteurs _, les vestiges précieux et émouvants de quelque statues gothiques de l’abbaye _ en ruines _ de Jumièges, en Normandie.
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Cette image,
à dominante ocre jaune,
et dynamisée par des lignes verticales,
valorise le contraste entre le chaleureux éclairage du jour, dans les deux pièces du premier et du second plans,
et,
d’une part, le gris de la pierre des statues déposées ici,
et, d’autre part et surtout, le fond noir central de la pièce du fond,
qui recèle diverses précieuses têtes, pieusement conservées, qu’on y aperçoit, lointainement…
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Un bel hommage _ lumineux ! _ au travail humble et indispensable de la conservation patrimoniale,
dans les Musées…
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Ma cinquième image d' »intérieur » fait, elle, partie de ma liste complémentaire de 22 ;
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et elle ne concerne pas une pièce d’habitation, mais, comme pour l’image « Chez les Mirabel, Ardèche, France, 2012« ,
un escalier.
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Mais, en cette image de la page 19, légendée « Livourne, Italie, 2014«
_ autre merveille minimale absolue ! _
il s’agit très probablement cette fois-ci d’un escalier d’hôtel ;
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et peut-être même de l’escalier modern’ style _ un peu à la Mallet-Stevens… _ de cet hôtel où se situait aussi la chambre de la sublime image de la page 27,
semblablement légendée _ je le souligne au passage _ « Livourne, Italie, 2014 » …
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Ainsi ces deux images, toutes deux saisies à Livourne en 2014, faisaient-elles possiblement partie de la même planche-contact…
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Prise au niveau d’un palier d’un étage,
s’ouvrant lui-même sur un couloir,
dont on ne discerne pas très clairement sur quoi ce dernier vient assez vite buter _ quelque chose (?), là-bas, au fond, brille d’un éclat métallique… _,
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l’image,
prise cette fois à nouveau d’un très léger biais,
nous offre une vue sur quatre des volées de ce large escalier modern’ style,
possiblement de béton, et tout blanc :
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la volée de l’étage même où est prise l’image
_ mais, étant donné l’angle de la prise de vue, donnant le sentiment d’avancer, et presque, déjà, de monter un étage plus haut… _ ;
l’amorce d’une volée descendante, au bas à droite de l’image ;
et deux volées montantes _ vers un étage supérieur _,
la seconde de ces deux volées montantes -là occupant le coin en haut à droite de l’image.
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La rampe, sans la moindre aspérité, et qui semble en aluminium, brille.
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Et cette fois encore, l’image nous donne le sentiment d’un mouvement de déplacement, ici ascensionnel,
de ce très fonctionnel, large et moderne, escalier d’hôtel…
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La couleur qui domine est un tout simple blanc, net,
parfois teinté de rose dans ce qui résulte d’effets d’éclairage sur trois des volées de cet escalier…
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Une image marquante, oui,
d’un lieu on ne peut plus normal et banal _ dépourvu du moindre pittoresque anecdotique _,
qu’a su saisir, de son cadrage à la fois dynamique et éminemment pondéré, le regard (et le geste) photographique(s) de Plossu :
une merveille de poésie de la presque banale normalité ;
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à laquelle la couleur de ce « tirage Fresson«
vient apporter son nimbe de poésie vraie, au sein de la plus pure quotidienneté
d’une modernité qui cependant dure, ne vieillit pas.
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Quel regard !
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Enfin,
je me suis permis d’ajouter une sixième image « d’Intérieur« ,
alors que je ne l’avais retenue ni dans ma première liste de 13, ni dans ma liste complémentaires de 22 ;
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et, de plus,
alors que celle-ci ne concerne pas, elle non plus, un intérieur dans lequel se loger et résider un certain moment,
mais, cette fois, l’intérieur d’un café, ou d’un restaurant _ c’est difficile à discerner : un café, plutôt ; on y passe un court moment… _, à Milan.
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Mais l’image impose incontestablement sa puissante présence
au regardeur, qui finit par vraiment s’y attacher _ une image peut ainsi s’imposer…
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L’image « Milan, Italie, 2008« , page 57 _ inédite, probablement : elle non plus, en couleurs, ne fait pas partie des images exclusivement en noir et blanc du catalogue de l’exposition milanaise de 2008, « Attraverso Milano« … _, est, comme presque toujours chez Plossu, minimalement légendée
_ puisque cela suffit amplement au repérage mémoriel de Plossu : il s’agit, je le répète, d’un repérage que Plossu effectue seulement pour lui-même, pour son archivage mémoriel rudimentaire mais efficace, et en rien (ou si peu !) pour le regardeur de l’image ; l’image, pour Plossu, doit (et c’est même impératif pour lui !) en quelque sorte se suffire (iconiquement) à elle-même, et ne rien détourner d’elle le regard du spectateur ; même si une image photographique a nécessairement la majeure partie de sa provenance, à l’exception de l’idiosyncrasie du regard singulier propre du photographe, dans le réel extérieur visible (à peu près commun, au départ), auquel accède la photographie que celui-ci « prend« ; une photographie ne peut jamais être totalement « abstraite« , même parcourue (et charpentée) qu’elle est d’une « abstraction invisible« … Et même si ce qui intéresse surtout Plossu est bien l’« ambiance« à capter, par cette image sienne, du réel à l’instant même croisé, et dont une part de vraie « poésie« un peu secrète, discrète, humble, pudique, a été, en un éclair, décelée à révéler, avec douceur, sans jamais de violence, par la simple grâce de la capacité de l’image du réel entr’aperçu, à, d’un geste (photographique) immédiat, fulgurant, réussir à réaliser ensuite, secondairement, et sur une surface sensible : la pellicule, puis, au tirage, le papier, pour l’image iconique qui en résultera… _ :
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« Milan, Italie, 2008« .
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L’image,
mise en tension par quelques lignes obliques, eu égard à la position et l’angle de prise de vue du photographe par rapport à la configuration du lieu même de ce café _ ou peut-être restaurant : café, plutôt… _,
est animée surtout par les puissantes lignes verticales des larges rayures rouge vif et blanc des banquettes,
et le rouge framboise de la sorte de nappe _ en est-ce bien une ? c’est difficile de se prononcer… _, au premier plan.
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Nous sommes ici, en partie du moins _ voire à moitié _, déjà dans la puissante veine « abstraite« , qui a une certaine prédilection de Bernard Plossu,
quand le réel qui se présente, ainsi que l’angle et le cadrage de la prise de la vue, se prêtent bien à offrir de telles puissantes et consistantes images…
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Et peut-être pourrait-on généraliser davantage
ce trait de la façon de procéder de Bernard Plossu :
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ce serait à lui de le confirmer, ou infirmer…
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Mais pour ce qui me concerne, je demeure viscéralement attaché aux images figuratives du réel,
avec la qualité _ disons géographico-historique, civilisationnelle _ de leur ancrage…
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J’aime savoir _ et apprendre, pas à pas _ où ont à se mettre les pieds : aussi bien ceux du photographe que ceux des regardeurs de l’image,
car nous sommes alors sous le charme poétique intense d’une télétransportation…
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Voilà :
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de ce « Tirages Fresson » de Bernard Plossu,
qui vient de paraître, ce mois de septembre, aux Éditions Textuel,