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Question : lesquels des « Tirages Fresson » de Bernard Plossu, sont ceux que je préfère ?.. Et un second volet de conclusion, préparatoire à un repêchage d’images trop rapidement écartées…

15nov

Hier,

j’ai commencé à préparer-baliser mon terrain afin de prendre un peu de sain recul rétrospectif quant à mes préférences (subjectives) d’images, à partir de mes 2 listes de départ :

ma première liste de 13, puis ma liste complémentaire de 22… _ cf mon article du 5 novembre dernier : _ ;

d’autres images _ que ces 35 -là _ étant, et avec force et grande justesse, venues se rappeler à mon attention, parmi les 80 images de ce sublime « Tirages Fresson« , de Bernard Plossu, qui vient de paraître aux Éditions Textuel…

La variété très riche, déjà, des « genres » d’images,

soient, selon mon essai de classement :

d’abord les images « d’extérieurs« 

partagées entre :

_ les images « de nature » ;

_ les images « de villages » ;

_ les images de « villes et grandes métropoles » ;

_ ainsi, encore, que celles, un peu particulières, « avec vue sur la mer » ;

puis les images « d’intérieurs« ,

en la si puissante étrangèreté poétique de leur banalité presque la plus quotidienne,

assez souvent _ mais pas toujours, non plus ! _ ;

ainsi, aussi _ ne pas les oublier ! _les images que j’ai qualifiées de « tendant vers l’abstraction » _ et auxquelles ne manque jamais la faveur (ludique) très fidèle de leur auteur… ;

la variété très riche des « genres » d’images, donc,

auxquels il me semble possible de rattacher _ par commodité un peu facile de rangement _ chacune de ces diverses images, pourtant le plus souvent éminemment singulières !,

me semble ainsi constituer un premier élément,

et déjà assez important,

sur lequel s’appuyer, pour étayer _ fonder un peu en raison _ le large et très profond _ intense _ plaisir éprouvé

à la contemplation, page après page, de ce merveilleux album, si divers,  de 80 images…

Au passage, on lira aussi avec très grand profit (et immense plaisir) pour la très grande justesse de sa sensibilité !

le magnifique article sur son blog, le 24 octobre dernier, de Fabien Ribéry,

intitulé « Michel Fresson, le traducteur, par Bernard Plossu, photographe« .

Mais il me faut aussi un peu revenir maintenant sur certains de mes premiers choix

d’avoir écarté, de ces 2 sélections premières, certaines images :

ou bien parce que déjà bien connues _ et même célèbres : devenues quasi des « classiques » de Plossu _ par de précédentes publications ;

ou bien parce que trop vite jugées par moi _ probablement assez injustement ! _ un peu redondantes

par rapport à d’autres images au départ retenues, parmi les 13 ou parmi les 22 _ et parmi, donc, les 35 d’abord préférées sur les 80 de l’album…

Ces images ne méritaient pas pareille mise à l’écart _ même, comme ici, seulement pragmatique, et très relative : choisir un peu pour ne pas rien écarter du tout… _ ;

Il me fallait donc impérativement et dare-dare en repêcher certaines…

D’abord, certaines images, déjà, qui me semblaient « un peu trop » connues

_ mais seulement eu égard à leur très relatif ! (et très subjectif) coefficient circonstanciel de « surprise » du regardeur ! ;

soit un critère absolument pas universel, il faut bien le reconnaître… _,

que je n’avais donc pas _ et seulement pour cela _ retenues,

ni dans ma liste première de 13, ni dans ma liste complémentaire de 22 :

il s’agit des 8 images

_ chacune, et en sa stupéfiante singularité, plus admirable que l’autre _

des pages

28 : « Californie, États-Unis, 1980« ,

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29 : « Californie, États-Unis, 1977« ,

 37 : « Côte belge, Belgique, 1970« ,

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47  : « Françoise, Paris, France, 1988« ,

Plossu couleur Fresson

60 : « Grenoble, France, 1974« ,

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61 : « Madrid, Espagne, 1975″,

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67 : « Ranchos de Taos, Nouveau-Mexique, États-Unis, 1977« ,

Bernard Plossu

et 95 : « Mexico, Mexique, 1966″,

Bernard Plossu

de ce « Tirages Fresson » de 2020,

que je m’apprêtais _ bien à tort ! _ à citer ici comme écartées de mes tout premiers choix,

mais effectivement à tort puisqu’elles faisaient tout de même partie _ Ouf ! _ de ma liste complémentaire de 22

_ cf à nouveau mon article du 5 novembre dernier, qui les citaient très effectivement ! :  _ ;

et qui, de plus, étaient aussi _ et peut-être surtout ! _ co-présentes,

_ cf cette fois mon article du 4 novembre : _,

du moins pour 6 d’entre ces 8 -là… ;

soient les images des pages

28, légendée : « Californie, États-Unis, 1980« 

(page 98 du « Plossu Couleur Fresson » de 2007 ; et page 101 du « Couleurs Plossu » de 2013),

47, légendée : « Françoise, Paris, France, 1988« 

(page 131 du « Plossu Couleur Fresson » de 2007 ; et page 122 du « Couleurs Plossu » de 2013),

60, légendée : « Grenoble, France, 1974« 

(page 114 du « Plossu Couleur Fresson » de 2007 ; et page 82 du « Couleurs Plossu » de 2013),

61, légendée : « Madrid, Espagne, 1975« 

(page 95 du « Plossu Couleur Fresson » de 2007 ; et page 105 du « Couleurs Plossu » de 2013),

67, légendée : « Ranchos de Taos, Nouveau-Mexique, États-Unis, 1977« 

(page 106 du « Plossu Couleur Fresson » de 2007 ; et page 53 du « Couleurs Plossu » de 2013),

et 95, légendée : « Mexico, Mexique, 1966« 

(page 33 du « Plossu Couleur Fresson » de 2007 ; et page 65 du « Couleurs Plossu » de 2013),

de ce fabuleux « Tirages Fresson » de 2020,

co-présentes, donc, ces 6 – là, dans les albums

de 2007 « Plossu Couleur Fresson« , pour le Théâtre de la Photographie et de l’Image,

et de 2013 « Couleurs Plossu » , pour les Éditions Hazan ;

de même qu’une 7éme image,

celle de la page 37 de ce « Tirages Fresson« , légendée « Côte belge, 1970« ,

était déjà présente à la page 81 du « Couleurs Plossu » de 2013, légendée alors « Mer du Nord, 1970 » ;

et qu’une 8ème,

celle de la page 29 de ce « Tirages Fresson« , légendée « Californie, États-Unis, 1977« , 

était déjà présente à la page 115 du « Plossu Couleur Fresson » de 2007, légendée alors « Hiver en Californie, 1977« .

Aucune de ces 8 images ne faisaient donc partie _ Ouf ! _ des images non retenues par moi en mon article de base, du 5 novembre dernier :  !

Et ce rapide passage en revue rétrospectif a au moins permis de mieux re-regarder, certaines des images, sinon jusqu’ici inédites, du moins les plus frappantes, de Bernard Plossu

parmi ses fabuleux « tirages Fresson« …

Et demain, lundi,

je me consacrerai au choix _ une nouvelle fois difficile : tellement méritent la plus grande attention !des images que je désire repêcher

de mes deux premières sélections de 13, puis de 22, du 5 novembre dernier…

Ce dimanche 15 novembre 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

la situation de l’artiste vrai en colère devant le marchandising du « culturel » : la poétique de Michel Deguy portée à la pleine lumière par Martin Rueff

23déc

C’est sur le modèle de « l’artiste en colère » du « Charles Baudelaire _ Un poète lyrique à l’apogée du capitalisme » (traduit en français par Jean-Yves Lacoste en une parution chez Payot en 1982 ; et rééditée enPetite bibliothèque Payoten 2002) du magnifique Walter Benjamin _ travail hélas interrompu par l’exil et la mort prématurée du philosophe à Portbou le 26 septembre 1940 ; il était né à Berlin le 15 juillet 1992 _

que Martin Rueff vient de rendre le plus bel hommage _ celui d’une analyse méthodique fouillée d’une sublime lucidité ! _ qui soit au poète (et philosophe) _ dont vient de paraître, en date du 23 octobre 2009, « La Fin dans le monde« , aux Éditions Hermann, dans la collection « Le Bel Aujourd’hui«  _ inflexible et exigeant _ au point, bien involontairement de sa part (cf le plus qu’éclairant « grand cahier Michel Deguy » qu’a dirigé et publié Jean-Pierre Moussaron, aux Éditions « Le Bleu du ciel« , à Bordeaux, en 2007), d’en « terroriser«  plus d’un encore aujourd’hui !.. _ qu’est le très grand Michel Deguy (né en 1930) ;

en même temps que « sous » l’intuition de l’analyse philosophique impeccable _ autant qu’implacable _ de Gilles Deleuze (1925-1995) en son opus _ probablement _ majeur, « Différence et répétition« , paru en 1968 :

avec ce très grand travail de fond, à l’articulation _ ultrasensible ! _ de l’intuition poétique et de l’analyse philosophique, que constitue « Différence et identité : Michel Deguy, situation d’un poète lyrique à l’apogée du capitalisme culturel« , aux Éditions Hermann, dans la collection « Le Bel Aujourd’hui« 

Car l’œuvre de Michel Deguy _ faut-il, seulement, l’indiquer ?.. _ est une œuvre tout uniment de poésie et de philosophie :

de poésie avec _ ou à partir de _ la philosophie ;

de philosophie avec _ ou à partir de _ la poésie…

Or, la tradition installée _ culturellement : à creuser… _ française

regarde d’un assez mauvais œil _ et sans pouvoir, décidément, se défaire de ce vilain travers opacifiant, qui lui nuit tant !.. en lui collant ainsi tellement, telle une taie, l’aveuglant… _ les transversalités, les transgressions de genres, les « passages » de « frontières« …

Et ce n’est certes pas un hasard que ce soit le « trans-frontières« , à maints égards, qu’est Martin Rueff :

entre littérature

(et poésie : ce n’est certes pas non plus pour rien que Martin Rueff est _ ou soit ? _ lui-même poète ; je veux dire connait _ ou connaisse _ l’expérience irremplaçable de l’écriture même de la poésie !!! Cf, par exemple, son récent « Icare crie dans un ciel de craie« , aux Éditions Belin, en 2008 ; ou/et son « Comme si quelque« , aux Éditions Comp’Act, en 2006 : succulents de délicatesse hyper-lucide ! On n’écrit, ni ne pense, à partir de rien ! Et à partir du phraser poétique vrai n’est en effet pas peu…)


entre littérature (et poésie, donc) et philosophie

_ son « L’Anthropologie du point de vue narratif (modèle poétique et modèle moral de Jean-Jacques Rousseau) » est à paraître aux Éditions Honoré Champion ; c’est de cet important travail que s’est nourrie la riche conférence « Le Pas et l’abîme, ou la causalité du roman gris » que Martin Rueff a donnée à la Société de Philosophie de Bordeaux le 8 décembre dernier ; cf mon article précédent, du 12 décembre : « L’incisivité du dire de Martin Rueff : Michel Deguy, Pier-Paolo Pasolini, Emberlificoni et le Jean-Jacques Rousseau de “Julie ou la Nouvelle Héloïse” » _ ;

entre France (Paris) et Italie (Bologne) où il réside _ à la fois ! _ ;

et enseigne (aux Universités de Paris-7-Denis Diderot, et de Bologne _ si prestigieuse : fondée en 1088, cette université qui a pris le nom de « Alma mater studiorum«  en 2000, est la plus ancienne du monde occidental (1116, pour l’université d’Oxford ; 1170, pour l’université de Montpellier ; 1250, pour celle de Salamanque ; 1253, pour la Sorbonne _) ;

entre la langue française,

dans laquelle il écrit (ses travaux personnels, si j’ose ainsi m’exprimer !) : « poésies » et « essais« ,

et la langue italienne,

qu’il traduit (si utilement) :

le poète Eugenio De Signoribus (né en 1947, à Cupra Marittima, dans la province d’Ascoli Piceno, dans la région des Marches) : « Ronde des convers« , aux Éditions Verdier, et dans la collection si belle « Terra d’altri« , à la direction de laquelle Martin Rueff a succédé au grand Bernard Simeone, que la mort nous a pris si précocement (1957-2001) ;

le philosophe Giorgio Agamben (né en 1942, à Rome _ et lecteur intensif de Walter Benjamin, dont il a été, en Italie, l’éditeur des œuvres complètes _) : « Profanations« , « La Puissance de la pensée« , « L’Amitié« , « Qu’est-ce qu’un dispositif ?« , « Nudités » ;

l’historien _ magnifique lui aussi ; et pas seulement historien, non plus _ Carlo Ginzburg (né en 1939, à Turin ; et fils de Natalia et Leone Ginzburg) : « Nulle île n’est une île« …)…

ce n’est, donc, pas tout à fait un hasard que ce soit le « trans-frontières« , à maints égards, qu’est Martin Rueff qui se soit attelé à cette tâche importante de mieux servir le travail « ressassant » et inlassablement « creuseur«  _ à la façon, mais en son genre, des « vieilles taupes » de l’Histoire, selon Marx… _ de Michel Deguy, en le mettant splendidement lumineusement en perspective,

et dans son parcours _ poétique ! même si aussi philosophique… _ singulier,

depuis « Meurtrières« , en 1959 (aux Éditions Pierre-Jean Oswald _ ce premier recueil, difficilement accessible, nous est re-donné intégralement dans le « grand cahier Michel Deguy » de Jean-Pierre Moussaron, aux Éditions « Le Bleu du ciel« , en octobre 2007, aux pages 302 à 329…), et « Fragment du cadastre« , en 1960 (aux Éditions Gallimard, collection « Le Chemin« , que dirigeait Georges Lambrichs),

jusqu’au « Sens de la visite« , en 2006 (aux Éditions Stock), et « Desolatio » et « Réouverture après travaux« , en 2007 (aux Éditions Galilée)

_ « La Fin dans le monde » n’étant pas alors encore paru : ce sera, aux Éditions Hermann, dans la collection « Le Bel Aujourd’hui«  aussi (que dirige Danielle Cohen-Lévinas), le 23 octobre 2009… _

et dans notre Histoire générale,

à partir du « modèle d’analyse de situation civilisationnelle » _ si j’ose pareille expression _ que Walter Benjamin a échafaudé, à la fin de la décennie 1930, pour « situer« , déjà, Charles Baudelaire (1821-1867), en son « Charles Baudelaire _ Un poète lyrique à l’apogée du capitalisme« …

J’ai déjà signalé la (double) « incisivité » et de Michel Deguy, et de Martin Rueff ;

et leur singulière acuité d’attention

_ civilisationnelle, politique, « culturelle«  (avec les pincettes des guillemets : sur l’usage, spécifiquement, des guillemets (et autres tirets ; dont j’use et abuse !) par Michel Deguy, lire la passionnante analyse de Martin Rueff aux pages 407 à 420 (sur « la syntaxe de Michel Deguy« ) de ce décidément richissime « Différence et répétition » !.. _

à l’état et qualités du devenir de la civilisation :

ce n’est certes pas pour rien que sur le tout dernier _ et très récent : de tout juste deux mois ! _ essai de Michel Deguy, « La Fin dans le monde« ,

 je n’ai jusqu’à présent rien lu _ ni recension, ni même seulement mention factuelle _ dans aucun journal, ni revue : il a fallu la rédaction de mes articles (de ce blog !) et l’opération de « mise » de liens avec les collections de livres disponibles à la librairie Mollat pour que je « découvre » cette parution (en date du 23 octobre dernier : il y a donc exactement deux mois aujourd’hui) !

Et cela, outre la difficulté propre _ occasionnelle ? devenue consubstantielle ? à méditer !.. _ à la « réception » (par le lectorat, au-delà de son cercle de proches : à partir de celui des pairs !) de l’œuvre entier de Michel Deguy,

et dont il se plaint, non sans humour _ mais pas non plus sans amertume _, à Jean-Pierre Moussaron, dans la _ très précieuse, vraiment ! Michel Deguy ne « se livrant » (un tout petit peu) lui-même pas très souvent… _ préface, intitulée « Autobio« , en ouverture du « Grand cahier Michel Deguy« , aux pages 6 à 10, à propos de ce que lui même nomme son propre « ressassement » :

« Je me répète, et sans doute exagérément _ pour qui ? Et littéralement, un peu plus souvent qu’à l’heure«  (page 6) ;

en précisant (page 7) :

« Peut-être le plus intéressant, dans cette affaire de ressassement _ voilà donc le terme ! _ tient-il à la composition ; à mon tournemain _ à « former » : patiemment, sans précipitation ; en apprenant à bien « accueillir« , « réceptionner« , même, en toute sa variété (de surprise), la « circonstance« … : c’est délicat ; et demande toute une vie ; au point que c’en est peut-être, bien, en allant jusque là, la principale « affaire«  _, à ma façon de construire _ bien y penser !

Affaire d’abord, de progrès lents en pensée _ dont acte ! _, de tardive _ ne fait-on pas, maintenant, l’éloge des vins de « vendanges tardives » ?.. _ maturation ; voyage au long cours _ certes ! tout un charme… _ ; avance un mot puis l’autre ; assure le pas _ voilà ! d’abord sans assurance… _ ; recommence ; rebrousse et repars _ assurément ! à la godille !.. entre les mottes de terre grasse ; et en sautant aussi de sillon en sillon…

Ensuite : de la série. C’est comme en peinture et en musique _ oui : d’un Art à un autre, apprendre l’art très délicat, lui aussi (poïétique !), de « transposer«  avec le maximum de justesse (finesse, délicatesse, donc) de la « semblance« … ; sur un schème parent, lire « L’Altération musicale _ ou ce que la musique apprend au philosophe » de l’excellent Bernard Sève… _ : sériels, leit-motive, thème et variations, reprise ; sérialité _ par exemple chez Bach ; et le père, et les fils. L’esprit de série organise non seulement une séquence, un ensemble, mais _ surtout, telle la fine cerise sur le beau gâteau _ à l’échelle de l' »œuvre », en finalise l’unification _ et la « mise en place » de ce qui vient, ainsi, « s’ajointer« , et qui se découvre alors, « sur ce tard« , seulement… : il y faut donc tout cet assez long temps (de vie à vivre ; et ainsi, finalement, vécue) ; à commencer par la chance, inégale, d’« avoir vécu«  suffisamment longtemps, donc (et peut-être aussi, en sus, un peu « appris«  ; ce qui est loin d’aller de soi, si l’on peut en juger : autour de soi…) Cela, c’est-à-dire « durer«  un peu, de fait n’est pas uniformément donné à tous… : la mort faisant son ménage entre les locataires (éventuellement) concurrentiels du viager ! Sur la perte des aimés, cf le déchirant « Desolatio«  _,

L’esprit de série organise non seulement une séquence, un ensemble, mais à l’échelle de l' »œuvre », en finalise l’unification

secrètement et explicitement _ les deux : au lecteur, « indiligent« , dit notre Montaigne !, d’être un tant soit peu attentif ! sinon, « qu’il quitte le livre !« , avertissait en ouverture de ses « Essais » ce sublime Montaigne… ; un vrai grand livre se mérite aussi un tant soit peu… _ :

entre la structure et la multiplicité effective, pièce par pièce, item par item,

c’est la récurrence _ qui demande donc (voire exige, mais sans jamais le manifester directement…) un minimum de patience ; et l’accueil (hospitalier !), de la part du lecteur, tant de la pure et stricte « neuveté« , que de la « reprise » ; jamais tout à fait strictement identique, « indiscernable« , à la première occurrence pour soi, lecteur… _,

la hantise _ aussi (obsessionnelle ?), de l’échec (final) : de la sècheresse ; du tarissement ; de (l’idée de) la mort (là où le don du temps s’interrompra, se brisera, irréversiblement, cette fois-là) : quand, chaque fois que (nous) fait défaut assez de confiance… Avec la grâce efficace de son élan.

De l' »idée fixe« , disait Valéry, aux Variétés… On la reconnaît.

Le toujours-recherché se découvre au gré de la rencontre _ à qui le dit-on ? Cf mon propre article : « Célébration de la rencontre » ; plus joyeux, lui… Je ne trouve pas, je cherche.« 

Soit un texte majeur ! que cet « Autobio« , aux pages 6-7 du « grand cahier Michel Deguy« … Merci à Jean-Pierre Moussaron de l’avoir sollicité ; et obtenu ainsi…

Et fin de l’incise sur les difficultés de la « réception«  (générale et particulière) de l’œuvre de Michel Deguy

_ « le constat de l’échouage ne me quitte jamais« , page 7 ; peut-être du fait d' »une sous-estimation de la part des autres, qui _ décidément… _ ne me préfèrent pas« , encore page 7 (en note en bas de page : « préfèrent » étant surligné !) _,

en dehors, cependant, de son cercle  _ « infracassable« , lui : ce n’est certes pas peu ! page 12 _ d’amis très fidèles ; dont Martin Rueff (cf le colloque que celui-ci organisa à Cerisy : « L’Allégresse pensive » (dont les actes sont publiés aux Éditions Belin)…

Il existe, j’y reviens donc maintenant, un vrai problème _ endémique ! _ de diffusion de l’information, à travers les filtres _ trop « intéressés » ! pas assez « libres » (= désintéressés) ! les 9/10èmes du temps _ de la presse, des medias ;

et c’est fort modestement

_ eu égard à mon lectorat ! que je ne ménage certes pas non plus par la longueur invraisemblable (!) de mes articles, en plus de mon usage (ou abus ?) des guillemets, tirets, gras, parenthèses : à en donner le vertige, m’a même (gentiment) soufflé l’ami Nathan Holchaker ! _

que je m’étais décidé, pour ma (toute petite) part, à répondre favorablement à la demande de l’équipe directionnelle de la librairie Mollat d’ouvrir ce blog, « En cherchant bien« , ou « les carnets d’un curieux »

_ sur ce qu’est un « carnet« , lire ce qu’en dit, et combien magnifiquement !, Michel Deguy lui-même dans « P.S. : Du carnet à l’archive« , aux pages 193 à 195 du « grand cahier Michel Deguy » !.. J’en partage, et comment ! toutes les analyses et conclusions !

j’en prélève et exhausse, au passage, cette remarque-ci, page 193 : « Si je travaille en carnet, c’est pour ne rien laisser passe de l’inchoatif, insignifiant même _ mais cela est toujours à voir ; et à réviser… _ de la pensée naissante _ voilà ! La crainte est de perdre à jamais quelque vérité ; crainte d’amnésies partielles inguérissables«  _ d’une vérité l’ayant, tel l’Ange, croisé et « visité« , en vitesse (supersonique !), et si discrètement !.. Et c’est aussi cela, « Le sens de la visite«  ; cf cet opus majeur (paru aux Éditions Stock) que Michel Deguy nous a donné (à tous, les lecteurs amis potentiels) en septembre 2006…

que je m’étais décidé, donc,

d’ouvrir ce blog

le 3 juillet 2008, afin de « re-médier« , fort modestement, certes _ et même probablement très illusoirement : à la Don Quichotte brisant des lances devant (plutôt que sur, ou que contre…) les moulins à vent des hauteurs de La Mancha… _, à cette « difficulté » de « médiation » d’une authentique « culture »

_ hors champ du pseudo (= faux ! mensonger ! contributeur d’illusions !) « culturel » :

une des cibles si justifiées de Michel Deguy ! Ce « culturel«  qui se conforte, grassement, à rien qu’« identifier« , reconnaître, à la « Monsieur Homais«  (de « Madame Bovary«  : Flaubert : expert en bêtise de fatuité !) ; au lieu de se laisser déporter par le jeu des différences actives de la « semblance«  et de la « différance« 

Et j’en partage ô combien ! le diagnostic avec Martin Rueff, qui en fait _ de ce « culturel« -ci… _ le décisif chapitre II (de base !) de son essai (de la page 59 à la page 96) :

car c’est bien ce « culturel« -là que désigne l’expression cruciale du sous-titre de l’essai : « à l’apogée du capitalisme culturel » ;

là-dessus, lire, aussi, les travaux (lucidissimes) de Bernard Stiegler et de Dany-Robert Dufour : par exemple « Mécréance et discrédit _ l’esprit perdu du capitalisme« , pour le premier ; et « Le Divin marché _ la révolution culturelle libérale« , pour le second… _,

à partir d’une « curiosité » qui soit « vraie » et réelle _ c’est-à-dire, pour « réelle« , effective : au fil des jours, et des mois, des saisons, des années ; au fil renouvelé (c’est une condition sine qua non !) du temps ! encore une problématique cruciale et de Michel Deguy, et de Martin Rueff ! _, et pas marchande ou de propagande (ni de divertissement ; d’entertainment !) : je dois être bien naïf, encore à mon âge (et en cet « âge » : du « capitalisme culturel« ) !..

Fin de l’incise.

et ce n’est certes pas pour rien que le dernier essai de Michel Deguy

s’intitule « La Fin dans le monde« …

Le plan de l’essai « Différence et répétition » de Martin Rueff :

Après un « Avertissement«  qui explicite le projet de l’essai et ses enjeux terriblement concrets _ et dont rend compte la quatrième de couverture

que voici :

« Les questions des spécialistes de la poésie ne sauraient être étrangères _ voilà la mission ! casser cette « étrangèreté«  préjudiciable (à la connaissance ; et à la re-connaissance, aussi, de ce qui vaut « vraiment«  !)… _ au public le plus large. J’ai voulu mettre face à face _ oui _ ceux qui ont fini par se tourner le dos : les poètes et leurs lecteurs professionnels, chagrins de la désaffection du grand public, le grand public, irrité _ lui _ de la difficulté des propositions de la poésie contemporaine. Je me suis demandé pourquoi l’art moderne _ plastique au premier chef _ avait réussi à imposer ses visions _ en formes d’images ?.. _, et pas la poésie. Il fallait donc s’expliquer, et expliquer ce que font les poètes _ voilà !

En consacrant une étude à Michel Deguy, l’un des plus grands poètes français contemporains, je me suis donc proposé de procéder comme un critique d’art : me situer _ en cette enquête _ sur le plan même _ poïétique ! _ de la création d’un inventeur de formes _ ce qui « fait » et « réalise » l’humanité effective ! à la place des « fantômes » et « zombies » en quoi on nous « vampirise«  et réduit…

Je me suis demandé ce qui faisait la singularité de Michel Deguy. J’ai trouvé que sa poésie et sa poétique rencontraient la question _ notamment philosophique _ qui a dominé la pensée et l’existence _ rien moins ! _ depuis une bonne cinquantaine d’années : celle du rapport de l’identité et de la différence. Comme il est hautement révélateur que cette rencontre ait d’abord _ du fait de sa position « en première ligne » ? _ eu lieu en poésie _ oui ! par son hyper-sensibilité extra-lucide fulgurante à son meilleur ! _, j’ai compris que la « question » du rapport poésie et philosophie était mal posée. » MARTIN RUEFF

I. Différence et identité _ pages 37 à 58.

II. Le culturel _ pages 59 à 96.

III. La poésie _ pages 97 à 192.

IV. La poétique profonde _ pages 193 à 230.

V. Le poème _ pages 231 à 406.

Suivis de deux « Annexes«  :

_ Identité et différence dans la prose _ pages 407 à 426.

_ Identité et différence entre les langues : attachement en langue et fidélité en traduction _ pages 427 à 440.

 L »approche » de Martin Rueff se fait de plus en plus précise _ et c’est passionnant de le suivre ! _ :

du « cadre » le plus général (bien concret et bien historique ! nous « emportant » !.. à analyser et faire mieux connaître !)

_ ne perdons pas de vue qu’il s’agit de « comprendre« , en l' »éclairant« , une « situation » artistique (« en tension » ; mais quel Art vrai n’est pas « en tension » ?.. sauf qu’ici la « tension » devient de plus en plus « terrible«  : celle d’« un poète lyrique« , et en l’occurrence, Michel Deguy, tout uniment poète et philosophe !, « à l’apogée du capitalisme culturel » (assez peu soucieux de l’exigence de vérité de la poésie ; pas davantage que de l’exigence de vérité de la philosophie : sinon pour ses propres usages « culturels« …), qui se déploie de plus en plus allègrement depuis 1950 jusqu’à aujourd’hui, et tout spécifiquement en ce nouveau « millénaire«  sans contre-poids (politique, notamment !) au marchandising mondialisé… ; pour une « tension » plus « terrible«  encore, en ses violences « déchaînées« , du moins, cf le travail irremplaçable (!) de Claude Mouchard : « Qui, si je criais…? Oeuvres-témoignages dans les tourmentes du XXème siècle« , paru aux Éditions Laurence Teper le 3 mai 2007…) _

_,

aux actes très précis par lesquels,

se démarquant du « culturel« ,

le poète (et philosophe) Michel Deguy cerne sa conception _ tant théorique que pratique : indissociablement ! et il est d’abord un écrivant de poèmes ! _ de la poésie

et d’une « poétique profonde » ;

pour analyser au plus près _ vers à vers, et avec quelle lucidité ! _ ce qui se construit dans « le poème« , item après item, œuvre après œuvre, de 1959 à aujourd’hui _ cela fait cinquante ans de cette écriture « creusante«  _, du poète…

Michel Deguy : « Poème, qu’il prolonge le moment de l’éveil ! Le vent aux sabots de paille sur le seuil !«  _ in « Poèmes de la presqu’île« , en 1961.

Martin Rueff commente : « Poème éveil à l’inattendu survenu en surplus d’affluence ; poème disponibilité aux différences du temps rendues simultanément actuelles« , page 385.

Michel Deguy : « Le présent, dit-il, est ce qui s’ouvre. Donc n’est pas sur le mode de ce qui contient, ou maintient en soi ; mais est ce qui est disjoint, déhiscent, disloqué, frayé _ venteux, inspiré«  _ in « Donnant donnant« , en 1981.

Martin Rueff : « Le poème saisit _ oui ! _ le lecteur au présent de la langue _ voilà _ et, par lui, la langue semble comme « rendre présent » _ oui, et en sa dérobade même _ le présent lui-même : frisson lyrique, intensité par où le poète touche, émotion quand la poésie rencontre _ oui _ le rythme profond de l’existence _ c’est tout à fait cela ! La proposition lyrique, énoncée au présent de l’indicatif, rassemble les présents et les offre au lecteur« , page 385 _ pour qu’il les fasse aussi, en cette parole énoncée, prononcée, proférée, siens… C’est superbe de vérité !

Avec cette conclusion-ci, de tout l’essai, page 406 :

« Il y a bien une raison poétique _ ni déraison, ni flatus vocis, ni mensonge… _ qui est aussi la raison des poèmes. Écrits au présent de la circonstance _ qu’il fallait « accueillir«  _, ils inaccomplissent _ en leur mouvement même, émouvant (lyrique !), de profération _ l’accompli _ des faits, des gestes (de la vie) _ pour ineffacer _ un peu, toujours _ le devenu incroyable _ une formulation de Michel Deguy sur laquelle Martin Rueff a bien fait porter toute la force de son analyse.

Martin Rueff évoque aussi, à cet égard (capital !) de l’« ineffacer le devenu incroyable« , la « réception«  active (= créatrice à son tour), par Michel Deguy du film « Shoah«  de Claude Lanzmann

(fruit de douze ans pleins de « penser au travail« , filmique, d’image-mouvement, du cinéaste qu’est devenu Claude Lanzmann, en sa propre lente maturation d’artiste-créateur !

_ cf là-dessus mes 7 articles de cet été 2009 à propos du « Lièvre de Patagonie«  : de « La joie sauvage de l’incarnation : l’”être vrais ensemble” de Claude Lanzmann _ présentation I« , le 29 juillet, à « La joie sauvage de l’incarnation : l’”être vrais ensemble” de Claude Lanzmann _ dans l”écartèlement entre la défiguration et la permanence”, “là-haut jeter le harpon” ! (VII)« , le 7 septembre… _)

: le magnifique « Au sujet de Shoah, le film de Claude Lanzmann« , que Michel Deguy a publié aux Éditions Belin, dans la collection « L’Extrême contemporain« , en 1990…

La poésie dresse _ oui ! _ la lucidité _ oui ! _ de ses « visions » et de ses « imageries logiques » contre _ oui : avec « incisivité » !.. _ les mythes de la littérature rendus puissants _ hélas, comme armes de propagande du marchandising ! _ par l’indifférence _ terriblement affadissante _ culturelle _ nihiliste : d’où la situation moribonde de la poésie aujourd’hui auprès du plus large « public«  (?) d’« humains« , « se dés-humanisant«  petit à petit, ainsi « dé-poïétisés«  eux-mêmes (cf les admirables, vraiment ! « Homo spectator«  de Marie-José Mondzain et « L’Acte esthétique«  de Baldine Saint-Girons) ;

telle la grenouille très progressivement (= insensiblement ; sinon elle s’échapperait en sautant très vite hors du bocal !) ébouillantée, sans en prendre, ainsi, jamais véritablement conscience : sans rien ressentir ; car on ne ressent que « différentiellement«  !

Porteuse de nouvelles différences _ se renouvelant par sa propre inlassable curiosité ! _, la promesse _ de vérité proprement ressentie _ des poèmes sans illusion _ de Michel Deguy :

« sans illusion«  bien (réflexivement) ressenti, cela aussi ! grâce à cette « poétique profonde » (et profondément mélancolique, aussi, dans son cas : sans la moindre auto-complaisance ! quant au savoir du devoir, un jour, cesser de vivre ; du ne pas avoir encore, indéfiniment, du temps à soi, ou à donner à d’autres, devant soi…)

grâce à cette « poétique profonde »

pas à pas mise en œuvre… _

Porteuse de nouvelles différences, la promesse des poèmes sans illusion, donc,

n’est pas vaine« …

C’est contre cette terrible force d’asphyxie de ce qui illusionne (depuis pas mal de temps : en l’ère, sinon même « à l’apogée« , « du capitalisme culturel » ; en l’ère du marchandising déchaîné…)

que Martin Rueff a mis la force d’analyse de son essai de « situation« 

d' »un poète lyrique » tel que Michel Deguy…

Grand merci, Martin, pour nous tous,

tellement « endormis« , « anesthésiés« , par cet appendice « culturel » de la déshumanisation 

et cela,

ô combien risiblement!,

pour le profit si vain _ abyssalement ridicule ! _ de quelques marchands ; et profiteurs _ de quoi jouissent-ils donc tant ? du jeu mesquin (et sadique) de leur « nuire«  ?.. _ de « pouvoir » !

Peut-être bien que, socialement du moins, « money is time » ;

mais le temps et le vivre _ qui nous sont octroyés déjà biologiquement par une certaine « espérance de vie« , même (et parfois dans des proportions de variation considérables !) variable socio-historiquement… _ méritent-ils d’être « ainsi » _ qualitativement veux-je dire _ vendus ?  

C’est de cela que Kafka _ par exemple en son « Journal«  _ savait _ et combien ! inextinguiblement !.. _ rire !

Cf aussi,

après le « Tout est risible quand on pense à la mort » de l’incomparable Thomas Bernhard _ cf son indispensable autobiographie (« L’Origine » ; « La Cave » ; « Le Souffle » ; « Le Froid » & « Un enfant » ; item après item…) ; ainsi que son ultime sublime roman-cri : « Extinction _ un effondrement« ,

aujourd’hui Imre Kertész :

lire son immense terrible « Liquidation » !

Merci, cher Martin Rueff,

de ce beau travail,

quant au devenir de l' »humain » ; en « situation » d' »anesthésie » (telle la grenouille ébouillantée lentement)…

La poésie n’est pas, non plus que la philosophie, des plus mal placés

pour le penser (et ressentir) « en vérité« …

A fortiori quand, comme avec Michel Deguy, ainsi que vous-même,

elles vont de concert !!!

Titus Curiosus, ce 23 décembre 2009

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