Posts Tagged ‘Jean-Baptiste Sénaillé

A la redécouverte de compositeurs un peu trop délaissés par notre curiosité : par exemple Jean-Baptiste Senaillé (1687 – 1730)

03jan

À nouveau la critique discographique, sous la plume, cette fois, de l’organiste Frédéric Munoz, et sur le site de ResMusica, vient porter son attention sur le CD assez récent, et plutôt inopportunément intitulé « Générations« , qui proposait à l’audition, et par l’interprétation de l’excellent jeune violoniste Théotime Langlois de Swarte et le maintenant un peu sur le retour chef-claveciniste William Christie, 4 Sonates pour violon et clavecin de Jean-Baptiste Senaillé (1687 – 1730) et 2 Sonates (plus une Gavotte) pour violon et clavecin de Jean-Marie Leclair (1697 – 1764)…

À ce très intéressant CD Harmonia Mundi HAF 8905292,

j’ai déjà consacré 2 articles :

le 31 mai 2021 ()

et le 16 août 2021 ().

Voici donc cet article de Frédéric Munoz très sobrement intitulé « Sonates de Jean-Baptiste Senaillé et Leclair par Langlois de Swarte et Christie« , paru ce jour même :

Si Jean-Marie Leclair demeure connu des mélomanes, la découverte de Jean-Baptiste Senaillé est ici l’un des grands atouts de cet album, gravé en complicité par Théotime Langlois de Swarte et William Christie.

Le violon baroque français est porté au XVIIIᵉ siècle par la personnalité brillante de Jean-Marie Leclair. Trois sonates _ en fait seulement la Gavotte d’une d’entre elles _ de ce maitre virtuose, au discours futuriste pour son temps, sont proposées ici. Le programme débute avec l’arrangement d’une Gavotte d’une sonate de Jean-Marie Leclair à deux violons, que les artistes nous livrent avec leurs instruments respectifs de manière à la fois impromptue et inédite, à deux voix seulement en un dialogue intime. Le ton est donné avec la certitude d’une complicité entre les deux musiciens qui va se prolonger tout au long du disque.

Comme le font remarquer les interprètes lors de quelques réflexions consignées dans le livret, Jean-Baptiste Senaillé, maitre du violon compose d’une manière qui rappelle quelque peu les périodes passées, à la manière de François Couperin, tout en utilisant _ déjà _ les italianismes qui conviennent si bien au violon baroque. Ce compositeur les avait reçus en Italie _ à Modène _ de son maitre Tomaso Vitali _ 1663 – 1745 ; voilà. Fils de Jean Senaillé, violon du roi, Jean-Baptiste mêle à loisir le style français distillé par Lully tout au long de quatre Sonates choisies parmi les cinq Livres de 10 sonates écrites entre 1710 et 1727 _ voilà. On note chez lui un sens inné de la ligne de basse particulièrement soignée et riche, ce qui ne nécessite pas l’emploi obligatoire d’une basse d’archet en complément du clavecin. Il est bien entendu fort intéressant d’associer ces œuvres à d’autres sonates composées par le grand maitre français du violon que fut _ un peu plus tard _ Jean-Marie Leclair, cadet de Senaillé de 10 ans. Célèbre pour une écriture virtuose et tournée vers l’avenir, à l’image celle de Rameau, Jean-Marie Leclair _ élève, à Turin, de Gian-Battista Somis (1686 – 1763) _ illumine la musique par un élan rythmique sans pareil, lui qui fut au service du roi Louis XV et détenteur d’un violon d’Antonio Stradivari appelé « le noir ».

Théothime Langlois de Swarte a découvert le violon ancien auprès de Patrick Bismuth avant de suivre ses études au CNSM de Paris. Il est membre des Arts florissants depuis 2015. Aux Victoires de la Musique 2020, il représente le violon baroque pour la première fois dans la catégorie « Révélation soliste instrumental ». Dans ces œuvres baroques françaises, il déploie une sonorité fruitée, très colorée grâce à un art du discours déjà d’une grande maturité et un violon ancien de Jacobus Stainer de 1665 qui l’inspire assurément. De plus on est heureux de retrouver William Christie au clavecin, ce qui n’est plus si courant que cela, plus souvent à la tête de son ensemble des Arts florissants. Grand continuiste, il apporte au violoniste une assise puissante doublée d’une complicité sans faille.

Dans une discographie très restreinte _ c’est bien dommage ! _  concernant l’art de Jean-Baptiste Senaillé, cette production apporte un enrichissement certain dans la connaissance de ce musicien injustement et incompréhensiblement oublié _ mais oui.

Jean-Baptiste Senaillé (1687-1730) : Sonates op. 1 n° 5 et n° 6 ; Sonate op. 4 n° 5 ; Sonate op. 3 n° 10.

Jean-Marie Leclair (1697-1764) : Sonate op. 3 n° 5 (Gavotte) ; Sonate op. 1 n° 5 ; Sonate op. 2 n° 2.

Théotime Langlois de Swarte, violon ; William Christie, clavecin.

1 CD Harmonia Mundi.

Enregistré à Thiré en juin 2020.

Livret en français et en anglais.

Durée : 68:25

Voilà.

Ce lundi 3 janvier 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

Deux passionnantes nouveautés discographiques de musique française baroque, de deux des fils de Bertille de Swarte : Sylvain Sartre et Théotime Langlois de Swarte

16août

Ce mois d’août 2021 nous offre diverses nouveautés discographiques,

parmi lesquelles deux très intéressantes réalisations de deux des fils de Bertille de Swarte

_ cf le bien utile précédent récapitulatif de mes recherches, du 29 juin 2021 : _ :

l’une de Sylvain Sartre,

à la direction de l’ensemble Les Ombres ;

et l’autre de son frère le violoniste Théotime Langlois de Swarte,

en duo avec William Christie au clavecin ;

ainsi que viennent de me l’apprendre deux articles de l’excellent site Discophilia, de Jean-Charles Hoffelé,

en date des vendredi 13 août, sous le titre de « Tragédie babylonienne » _ cette expression désignant la tragédie lyrique (de 1718) « Sémiramis« , du compositeur André Cardinal Destouches (1672 – 1749) _ ;

et lundi 16 août, sous le titre de « Le Violoniste retrouvé » _ il s’agit là du violoniste Jean-Baptiste Sénaillé (1687 – 1730), compositeur de sonates pour violon et basse continue (parues en 1710, 1712, 1716, 1721 et 1727.

Voici donc ces deux articles :

TRAGÉDIE BABYLONIENNE

Un voyage au Royaume de Siam en mission avec le Père Tachard (épisode immortalisé par Voltaire dans son Destouches à Siam), un engagement dans l’armée du Roi, le siège de Namur, et dans la musique militaire soudain la révélation de son destin, le jeune Destouches, à la vie jusque-là aventureuse, sera compositeur, André Campra son maître, la Tragédie Lyrique son nouveau champ de bataille.

Au soir de sa vie, Louis XIV entend Issé, premier ouvrage lyrique de celui qui, aux côtés de Colin de Blamont, aura pris la charge laissée par Campra : surintendant de la musique du Roi. Le monarque goûte la pastorale, avoue que les talents de compositeur de Destouches lui évoquent ceux de Lully.

Sept ouvrages lyriques suivront, Sémiramis fermant _ en décembre 1718 _ cette théorie de tragédies lyriques brillantes, pleines d’effet, où Destouches se souvenant des leçons de Campra, ose renouveler le genre par l’ampleur de l’orchestre et la puissance dramatique des scènes. Callirhoé marquera le sommet de cette nouvelle manière, l’ouvrage suscitant une admiration frôlant l’hystérie. Le sujet plus sombre de Sémiramis, reine incestueuse, le livret aux arrière-plans psychologiques complexes de Pierre-Charles Roy, le rôle si poignant de la reine de Babylone écrit pour le grand dessus de Marie Antier ne suffirent pas pour garantir à cet opéra au sombre flamboiement le succès qui entourait encore Callirhoé.

C’est que Destouches, prenant le contrepied du goût de la Régence, qui voulait des ouvrages légers, renouait ici avec le grand style de Lully, et avouait son goût pour l’opéra à grands effets – tremblement de terre et foudre vengeresse abondent au long des cinq actes – qu’il mariait avec une justesse psychologique dans l’incarnation des personnages en avance sur son époque. En cela, il annonce Hippolyte et Aricie de Rameau qui paraîtra quinze ans plus tard _ en 1733.

Les Ombres se dévouent à ce compositeur majeur de l’opéra français, l’ensemble de Sylvain Sartre avait déjà révélé Issé, aura participé aux renaissances de Callirhoé, du Carnaval et la Folie, et enregistré l’admirable cantate Sémélé. Avec sa vaillante troupe, ils font flamboyer ce drame sombre si puissant.

Eléonore Pancrazi met son grand soprano à Sémiramis, qu’elle incarne avec ardeur dès « Pompeux attrait » ; il fallait une tragédienne pour incarner la reine de Babylone, elle l’a trouvée. Mathis Vidal incarne les tourments d’Arsane sans craindre la tessiture exposée qui faisait la renommée de Cochereau, Emmanuelle de Negri donne à Amestris la couleur si singulière de ces sopranos lyriques qui dans la tragédie lyrique devaient conjuguer charme et pathétique. Thibault de Damas donne à Zoroastre toute son autorité.

La partition abonde en beautés, et sa fin, sur le simple « Je meurs » de la Reine n’est pas la moins saisissante. Destouches ne reviendra plus au grand style de la tragédie lyrique, Les Eléments, dont la composition fut partagée avec Delalande, sacreront le triomphe de l’opéra-ballet dont la cour de Louis XV sera si friand. Savait-il qu’avec Sémiramis, il refermerait l’univers inventé par Lully, laissant à ses successeurs le soin d’en dévoyer les canons et l’esthétique ?

Et si demain Sylvain Sartre et ses amis remontaient le fil du temps, nous révélant Amadis de Grèce, Omphale, Télémaque et Calypso, Marpesia, première reine des Amazones ?

LE DISQUE DU JOUR

André Cardinal Destouches(1672-1749)
Sémiramis

Eléonore Pancrazi,
mezzo-soprano (Sémiramis)
Mathias Vidal, ténor (Arsane)
Emmanuelle de Negri, soprano (Amestris)
Thibault de Damas, baryton-basse (Zoroastre)
David Witczak, baryton (L’Oracle, L’Ordonnateur des jeux funèbres)
Judith Fa, soprano (Une Babylonienne, Une prêtresse)
Clément Debieuvre, ténor (Un Babylonien, Un génie)

Chœur du Concert Spirituel
Les Ombres
Sylvain Sartre, direction

Un album de 2 CD du label Château de Versailles Spectacles CVS038

Photo à la une : la mezzo-soprano Eléonore Pancrazi – Photo : © DR…

LE VIOLONISTE RETROUVÉ

Dix années séparent Senaillé de Leclair. Le premier fut à bonne école avec son père, un des violons de Lully, le second un virtuose de son instrument dont le métier flamboyant ne pouvait faire oublier qu’il était un compositeur de génie, auteur d’une tragédie lyrique majeure, Scylla et Glaucus, dont la puissance ne se compare qu’aux grands ouvrages de Rameau.

L’un et l’autre auront, de leurs archets impétueux, réuni les goûts français et italien, c’est au premier que Théotime Langlois de Swarte et William Christie consacrent l’essentiel de leur stupéfiant album, et c’est justice : les Sonates si brillantes et si touchantes de Senaillé, emplies de danses et de musettes, parcourues de sarabandes et d’adagios nostalgiques, n’auront suscité qu’un album monographique signé par Odile Edouard voici quelques lustres pour le label K617.

Elles sont merveilleusement chorégraphiées par l’archet plein et souple du jeune homme _ certes ! _, qui sait y faire transparaître les nombreuses influences de l’opéra. Le génie poétique de Senaillé en fait tout sauf un petit maître, il égale Mondonville et n’est pas loin de se hausser au niveau de Leclair lorsqu’il élance la prodigieuse Courante de sa Sonate en mi mineur : cette ardeur du rythme, cet archet qui s’enflamme et danse, coupent le souffle.

Disparu à l’orée de sa quarantaine, ce compositeur qui n’aura composé que des livres _ au nombre de cinq _ de Sonates pour son instrument, méritait qu’enfin on le redécouvre, il ne lui aura manqué que le temps d’approfondir son art, et c’est un peu cruel d’ouvrir ce disque avec la Gavotte de Leclair, qui expose un génie mélodique tendant vers Mozart, alors que la Sarabande de la Sonate en mi de Senaillé est belle comme une phrase de Rebel. A dix ans de distance, l’un regarde l’avenir, l’autre caresse le passé, duo merveilleux que William Christie et son jeune ami ressuscitent avec des tendresses brillantes dont je ne me lasse pas.

Vite, s’il vous plait Messieurs, un second volume.

LE DISQUE DU JOUR

Générations

Jean-Baptiste Senaillé (1687-1730)


Sonate pour violon et basse continue en mi mineur, Op. 4 No. 5
Sonate pour violon et basse continue en sol mineur, Op. 1 No. 6
Sonate pour violon et basse continue en ré majeur, Op. 3 No. 10
Sonate pour violon et basse continue en ut mineur, Op. 1 No. 5


Jean-Marie Leclair (1697-1764)


Sonate pour violon et basse continue en mi mineur, Op. 3 No. 5 (extrait : I. Gavotte)
Sonate pour violon et basse continue en la majeur, Op. 1 No. 5
Sonate pour violon et basse continue en fa majeur, Op. 2 No. 2

Théotime Langlois de Swarte, violon
William Christie, clavecin

Un album du label harmonia mundi HAF89051292 (Série « Les Arts Florissants »)

Photo à la une : le violoniste Théotime Langlois de Swarte – Photo : © DR

Ce lundi 16 août 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

Deux facettes du vif et très nuancé talent violonistique de Théotime Langlois de Swarte : Corelli, et Sénaillé et Leclair

31mai

En forme de conclusion purement musicale de mes recherches sur le terreau familial de Théotime Langlois de Swarte,

et pour goûter les tendres subtilités et vifs éclats de son art

au violon baroque,

 

tout simplement ces deux superbes vidéos-ci,

glanées sur le Net :

_ Arcangelo Corelli (7′ 13)

_ Jean-Baptiste Sénaillé et Jean-Marie Leclair (23′)

Quel flamboyant talent !

Ce lundi, 31 mai 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

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