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Apprécier le DVD du « Platée » de Jean-Philippe Rameau par Marc Minkovski et dans la mise en scène de Laurent Pelly dans la distribution superbement renouvelée de 2022…

23mar

« Platée » est un chef d’œuvre tout à fait singulier _ comique ! _ dans l’œuvre de Jean-Philippe Rameau.

J’avais assisté au Grand-Théâtre de Bordeaux à un déjà désopilant et très réussi « Platée«  sous la direction de Marc Minkovski ;

et, de plus, je porte l’œuvre entier de Rameau au pinacle…


Cette fois,

c’est le très laudatif article « Une nouvelle distribution vocale pour une irrésistible Platée de Rameau au Palais Garnier » de Jean Lacroix dans le magazine Crescendo d’avant-hier 21 mars,

qui m’a fait me procurer cet extrêmement réjouissant, et à tous égards, DVD Bel Air classiques BAC 224, qui vient de paraître :

pour mon entière satisfaction !..

Une nouvelle distribution vocale pour une irrésistible Platée de Rameau au Palais Garnier

LE 21 MARS 2024 par Jean Lacroix

Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Platée, comédie lyrique (ballet bouffon) en un prologue et trois actes.

Lawrence Brownlee (Platée), Mathias Vidal (Thespis), Julie Fuchs (Thalie, La Folie), Jean Teitgen (Jupiter), Reinoud Van Mechelen (Mercure), Marc Mauillon (Momus), Nahuel Di Pierro (Un Satyre, Cithéron), Tamara Bounazou (L’Amour, Clarine), Adriana Bignani Lesca (Junon) ; Chœurs de l’Opéra national de Paris ; Les Musiciens du Louvre, direction Marc Minkowski.

2022.

Notice et synopsis en français et en anglais. Sous-titres en français, en anglais, en allemand et en espagnol.

153’ 00’’.

Un DVD BelAir BAC224. Aussi disponible en Blu Ray.

Voici un spectacle jubilatoire _ parfaitement ! _ qui méritait hautement d’être proposé sur un support visuel, même si une version de la mise en scène de Laurent Pelly à l’Opéra Garnier en 2002 (trois ans après la création qui avait fait date dans le lieu), déjà dirigée par Marc Minkowski, était disponible chez Arthaus. Il y a une vingtaine d’années, la distribution vocale, qui était de qualité, réunissait notamment Paul Agnew dans le rôle-titre, Mireille Delunsch, Vincent Le Texier et Laurent Naouri. Mais la reprise, filmée en juin 2022, la surpasse par son plateau vocal éblouissant _ en effet _ et par la direction des plus rodées de Minkowski, qui avait gravé sur disque, dès 1988, cette comédie lyrique pour Erato _ et je possède cet album CD.

C’est le 31 mars 1745, à l’occasion du mariage _ la circonstance justifiant le choix du thème de cette comédie lyrique _ du fils de Louis XV, le dauphin Louis Ferdinand, avec l’infante espagnole Marie-Thérèse (qui décèdera dès l’année suivante, à peine âgée de vingt ans, après avoir enfanté), que la création de Platée a lieu au Grand Manège du Château de Versailles. Au cours de ces festivités, Louis XV va prendre pour maîtresse la future Madame de Pompadour. Mais ceci est une autre histoire. Le très amusant livret est signé par Adrien-Joseph Le Valois d’Orville (1715-1780), d’après un ouvrage du poète, dramaturge et peintre Jacques Autreau (1657-1745), auquel Rameau avait racheté les droits. L’œuvre ne connaîtra que cette seule séance, avant d’être reprise quatre ans plus tard au Théâtre du Palais-Royal pour quelques représentations ; elle sera jouée pour la dernière fois en 1759 avec un succès que l’on qualifiera de moyen. Il faudra attendre le début du XXe siècle pour que Platée connaisse un regain d’intérêt, d’abord en Allemagne, avant son inscription au Festival d’Aix-en-Provence en 1956, sous la direction de Hans Rosbaud. La vraie reconnaissance ne remonte donc qu’à moins de quarante ans, avec l’enregistrement de Minkowski en fin de décennie 1980 _ oui. Le chef s’en est fait depuis une véritable et incontestable spécialité _ oui.

La nymphe batracienne Platée est aussi laide que bête, mais aussi crédule et quelque peu nymphomane. Sur le conseil du satyre Cithéron, Jupiter va s’en servir pour attiser la colère de Junon, jalouse jusqu’à l’excès, à laquelle il veut donner une leçon. Après des péripéties burlesques, un faux mariage entre Platée et Jupiter est mis en scène. Junon l’interrompt avec violence, avant de se rendre compte de l’identité grotesque de l’épouse potentielle et d’éclater de rire, alors que, humiliée et raillée de tous, Platée rejoint son marécage. Sur cette trame des plus réjouissantes, qui n’est pas exempte d’un côté cruel et émouvant, car on se prend parfois à plaindre la nymphe manipulée, Laurent Pelly a bâti une mise en scène d’une vitalité et d’un dynamisme absolus _ voilà ! _, malgré la curieuse idée, au prologue et à l’Acte I, de reconstituer, pour le décor, un grand amphithéâtre avec gradins qui ne caresse pas l’œil. Ce décor va se démembrer et se morceler pour les deux derniers actes, laissant ainsi un vaste espace disponible, où les danses et les voix vont se mouvoir de façon moins étriquée que dans la première configuration. Le fond du décor est assez sombre, mais on a vite compris qu’il est en relation avec l’endroit peu reluisant et peu attrayant _ la mare _ d’où vient la « digne » représentante de l’univers batracien.

Le spectateur est gâté sur le plan vocal : il a droit à un plateau éblouissant _ oui _, auquel s’ajoute une direction d’acteurs parfaite _ tout à fait. Le ténor américain Lawrence Bronwlee (°1972), réputé dans le domaine du bel canto, endosse le rôle de la vaniteuse Platée avec une aisance confondante _ c’est très juste. On aurait pu craindre que la langue française, où l’importance des mots est primordiale, ne lui pose quelques problèmes. C’est tout à fait le contraire : la diction est claire, la prononciation impeccable, la prosodie respectée _ oui, oui, oui. Les évocations batraciennes avec émission de « oi » ne seront pas _ bien sûr ! _ oubliées pour autant. Une énorme réussite _ voilà ! _, augmentée par une capacité comique qu’une sorte de robe aux couleurs délavées que personne ne voudrait porter, vient accentuer. Dans l’impeccable distribution multiple, on découvre le Jupiter de circonstance de Jean Teitgen, le vaillant Thespis de Mathias Vidal (qui a endossé le rôle de Platée à Zurich en décembre dernier, sous la direction d’Emmanuelle Haïm), le Cithéron malicieux de Nahuel Di Pierro, originaire de Buenos Aires _ et quel français il a ! _, le Momus railleur de Marc Mauillon, le Mercure au timbre solaire de Reinoud Van Mechelen, la Junon en furie, puis en joie, d’Adriana Bignani Lesca, originaire du Gabon, et l’Amour délicat de Tamara Bounazou. On baigne dans le bonheur vocal à chaque intervention.

Il y a aussi la prestation virtuose, avec vocalises subtilement aériennes, de Julie Fuchs _ oui _ dans le personnage allégorique de La Folie (Scène 5 de l’Acte II). SI le choix des costumes, signés Laurent Pelly, est globalement inscrit dans la modernité, en dehors de Platée, fagotée, Julie Fuchs, familière du rôle depuis 2015, est revêtue d’une robe longue extravagante, qui symbolise les pages d’une partition, dont elle va par moments détacher et jeter l’un ou l’autre morceau. Cette robe est une trouvaille esthétique de premier ordre. La cantatrice, au cours de sa prestation, interfère de façon primesautière avec le chef d’orchestre et les musiciens, qui jouent le jeu. On savoure ce moment avec délices. Mais ce n’est pas tout : un personnage revêtu en grenouille adulte va venir s’immiscer dans la suite de l’action. Après avoir interpellé Minkowski, du haut d’une loge, la créature vient titiller les instrumentistes, faire la nique à un public ravi et se mêler aux péripéties qui vont s’enchaîner. L’imagination est au pouvoir, et cet élan participatif, aussi bien de Julie Fuchs que de la grenouille, apporte un surplus de complicité pour le déroulement d’une action qui porte bien son nom de bouffonnerie _ certes. On est gâté aussi _ mais oui ! _ par la qualité _ superbe ! _ des multiples séquences de danse, enlevées et jouissives _ voilà _, par un orchestre millimétré, conduit de main de maître et par le geste de Minkowski, qui s’est vraiment approprié _ parfaitement ! _ l’œuvre jubilatoire de Rameau.

Il y a dans ce spectacle une évidence _ oui _ scénique, dramatique, vocale et chorégraphique que le public, conquis, accueille avec des manifestations de joie intense. Nous nous joignons à eux pour applaudir vivement _ oui ! _ ce spectacle bien filmé, qui fait désormais figure de référence dans la vidéographie de Platée.

Note globale : 10

Jean Lacroix

 

Un délectable régal : jubilatoire !!!

Ce samedi 23 mars 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

Le revival discographique des joyeux « Paladins » de Jean-Philippe Rameau (2)

31mar

Voici qu’après mon article «  » du 26 février dernier,

ResMusica, sous la plume de Jean-Luc Clairet, publie ce jour une chronique intitulée « Les Paladins de Rameau par la Chapelle harmonique : première intégrale discographique« , consacrée à ce marquant CD du label Château  de Versailles – Spectacles, par la Chapelle harmonique sous la direction de Valentin Tournet…

 

Valentin Tournet parachève le travail commencé par Jean-Claude Malgoire en 1990 (2 CDs Paul Vérany) et poursuivi par Konrad Junghänel en 2010 (2 CDs Coviello Classics) avec cette parution inespérée d’une véritable intégrale (3 CD Château de Versailles Spectacles) de l’avant-dernier opéra de Jean-Philippe Rameau.

« La musique est d’un ennui redoutable. Rameau a paru radoter, et le public lui dit qu’il est temps de dételer. » En 2022, l’on se désolidarise bien évidemment de cette critique de 1760 venue cueillir à chaud la première représentation des Paladins. Heureux fut-il que Rameau ne prît pas la mouche après cet avis assassin à l’endroit du dernier opéra qu’il présenta à son public, car c’eût été priver la postérité des géniales Boréades à venir. Si le succès délaissa bel et bien Les Paladins, supprimé de l’affiche après 15 représentations, ce fut pis pour Les Boréades, jamais représentées _ en effet… _ du vivant de son auteur, où pourtant (piqué au vif ?) il s’était de toute évidence dépassé. Certes, le pénultième opéra n’est pas irrigué de la même eau que l’ultime : pas un numéro des Paladins ne se hisse à la hauteur de l’Air pour les Saisons et les Zéphyrs, de l’Entrée de Polymnie des Boréades. Mais il dégage du déversoir de danses qu’il est une somme de trouvailles orchestrales, une énergie dont la très pop version Christie/Montalvo/Hervieu (DVD Opus Arte) fit une fête mémorable au Châtelet en 2004.

C’est dans ce maelström que plonge le jeune ensemble de Valentin Tournet. L’ambition affichée de sa Chapelle Harmonique (« renouveler l’approche de grandes œuvres… s’intéresser à des versions moins connues ») convainc davantage cette fois qu’à Beaune en 2019 (avec une version révisée, par Rameau soi-même, des Indes Galantes sans l’Entrée des Fleurs). Les Paladins version Tournet (deux heures cinquante au lieu des une heure trois-quarts de Malgoire) sont même plus qu’intégraux, puisque gratifiés de l’addendum de cinq pièces retirées par le compositeur avant la première et de l’Ouverture remplacée consécutivement à l’arrivée à Paris en 1759 de cornistes plus expérimentés. Une prise de son très aérée met en valeur le chœur haut en couleurs, les bois acidulés et joueurs, les cordes veloutées et fougueuses d’une phalange parfois tentée par la précipitation (péché mignon de jeunesse ?), ainsi qu’un arsenal percussif destiné, dixit Valentin Tournet, à « accentuer le caractère dynamique des danses…. une pratique selon toute apparence usuelle à l’époque. »

Les Paladins, en fait une comédie lyrique _ voilà _ , sont la réponse de Rameau à la Querelle des Bouffons (tenants du sérieux de la tragédie lyrique à la française, comme Rameau, versus ceux du bouffe à l’italienne – Rousseau). Le compositeur dijonnais, déjà visionnaire avec sa Platée de 1745, enfonce le clou de son indiscutable protéiformité. Rire ne lui fait pas peur. Choquer non plus : dans ses Paladins, sa version, adaptée par Duplat de Monticourt, du conte de La Fontaine inspiré de l’Arioste Le chien qui secoue de l’argent et des pierreries, le rôle de la fée Manto est confié, comme la plus célèbre des grenouilles, à un chanteur : l’intrigue convenue (un barbon amoureux d’un tendron amoureux d’un bellâtre) se teinte d’une ambiguïté qui interroge forcément lorsque ledit barbon, pour parvenir à ses fins, est contraint de jurer sa foi amoureuse à un homme.

Manto n’apparaît qu’au troisième Acte : de l’Ariette gaye Le Printemps des amants, ou encore le conquérant De ta gravité, Philippe Talbot s’empare avec l’assurance et la musicalité qui sont sa marque. Il aurait pu aussi bien incarner Atis, le jeune premier, attribué à l’impeccable ramiste qu’est une fois encore Mathias Vidal. L’amoureuse de ce dernier est Sandrine Piau, dont la ductilité vocale fait merveille en Argie. Elle délègue la suivante Nérine, qu’elle incarnait au Châtelet, à la pétillante Anne-Catherine Gillet. Nérine préfigure une certaine Blonde mozartienne, comme le garde-chiourme Orcan (impeccable Florian Sempey) un certain Osmin _ de « L’Enlèvement au Sérail« . Complétant cette excellente distribution française, Nahuel di Pierro croque d’une bonhomme noirceur Anselme, le barbon berné par les Paladins.

Moins expérimentés que Christie jadis, moins spectaculaires que Kossenko récemment _ en son superbe « Achante et Céphise« … _, Les Paladins de Tournet imposent la verdeur et l’enthousiasme de la jeunesse. Une jeunesse parfaitement accordée à celle d’un compositeur qui, même sous la surface d’intrigues rebattues, ne radote _ en effet _ jamais.

Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Les Paladins, comédie lyrique en trois actes sur un livret de Duplat de Monticourt.

Avec : Sandrine Piau, soprano (Argie) ; Florian Sempey, baryton (Orcan) ; Anne-Catherine Gillet, soprano (Nérine) ; Nahuel Di Pierro, basse (Anselme) ; Mathias Vidal, ténor (Atis) ; Philippe Talbot, ténor (Manto) ;

La Chapelle Harmonique, direction : Valentin Tournet.

3 CD Château de Versailles Spectacles.

Enregistrés dans la Galerie des Batailles du Château de Versailles en décembre 2020.

Livret de 160 pages trilingue (français, anglais et allemand).

Durée totale : 164:59

Ce jeudi 31 mars 2022, Titus Curiosus – Francis Lippa

 

Musiques de joie (toujours) : Jean-Philippe Rameau par les virevoltants Pierre Hantaï et Skip Sempé

23mar

J’ignore si Jean-Philippe Rameau (Dijon, 25 septembre 1683 – Paris, 12 septembre 1764)

avait lui-même un caractère _ ou tempérament _ joyeux

_ il me semble avoir été lui-même plutôt souvent d’une humeur assez irascible… _,

mais pas mal de pièces de sa musique

_ de clavier, de chambre ou d’opéra _

pétillent 

_ peut-être eu égard à la place de la danse dans la tradition musicale française :

le genre des Suites instrumentales, la part des danses dans les opéras à la française… _

d’une irrépressible allégresse…

Aussi ai-je ici opté pour un CD intitulé « Symphonies à deux clavecins« 

_ le CD Mirare MIR 144, paru en 2012 _,

par Pierre Hantaï et Skip Sempé,

dont le programme a été enregistré en juillet et décembre 2011, au théâtre d’Arras,

à partir de transpositions pour le (ou les) clavier(s)

de morceaux de ses opéras.


J’ai écouté aussi le magnifique double album

que Bertrand Cuiller a consacré à l’intégrale des Pièces pour clavecin (de 1706, 1724 et 1726-27) de Jean-Philippe Rameau,

soit le double CD Mirare MIR 266,

enregistré à l’abbaye de Royaumont en janvier et mai 2014, et paru en 2015,

mais je l’ai trouvé _ un poil _ moins joyeux

que le très épatant travail virevoltant réalisé par les maîtres Hantaï et Sempé,

sur des pièces un peu plus tardives _ et pour beaucoup d’entre elles extraites d’Opéras _ dans la vie du maître dijonnais (1683 – 1764) :

1724 pour les Tambourins en rondeau des Pièces de clavecin de 1724 (repris dans Les Fêtes d’Hébé de 1737) ;

1728 pour une Sarabande et Les Sauvages des Nouvelles Suites de Pièces de Clavecin de 1727 (Les Sauvages repris dans Les Indes galantes de 1735) ;

1733 pour un Menuet d’Hippolyte et Aricie de 1733 ;

1735, pour dix pièces (l’Ouverture, une Musette en rondeau, des Menuets, Les Tambourins, l’Air pour les Polonais, l’Air pour les Esclaves africains, une Gavotte, l’Air pour les Bostangis, Les Sauvages et une Chaconne) des Indes galantes de 1735 ;

1739, pour cinq pièces de Dardanus de 1739 ;

1741 pour les cinq Concerts des Pièces de clavecin en concerts de 1741 ;

1745 pour une Musette et des Menuets dans le style de la vièle de Platée de 1745 ;

1747 pour l’Ouverture de Pygmalion de 1747 ;

1749 pour un Menuet en rondeau et une Sarabande de Zoroastre de 1749 ;

et 1757 pour un Air très gai et une Gavotte un peu lente des Paladins de 1757.

Un récital éminemment ramellien !!!

Bravo !!!!

Ce lundi 23 mars 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

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