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Et retrouver Tore Tom Denys, ténor, dans le superbe CD Hyperion « Ludwig Daser – Missa Pater poster & other works » de l’ensemble Cinquecento…

20juil

Et ce samedi 20 juillet,

retrouver Tore Tom Denys, ténor _ et directeur du merveilleux ensemble Dionysos Now ! Cf notamment mes récents articles des 29 et 30 juin derniers « «  et « «  _, dans le superbe CD Hyperion CDA 68414 « Ludwig Daser – Missa Pater poster & other works«  de l’ensemble Cinquecento est une grande joie musicale…

Ce très beau CD « Ludwig Daser – Missa Pater poster & other works » _ écoutez ici ! _,

c’est le récent article de Christophe Steyne, sur le magazine belge Crescendo, intitulé « Motets, chorals, et l’ultime messe de Ludwig Daser, magnifiés par les chantres de Cinquecento« , en date du 16 juillet dernier, qui m’a appris son existence ; et me l’a fait rechercher et découvri, et me procurer, parmi les bacs de mon disquaire préféré…

Motets, chorals, et l’ultime messe de Ludwig Daser, magnifiés par les chantres de Cinquecento

LE 16 JUILLET 2024 par Christophe Steyne

Ludwig Daser (1526-1589) : Missa Pater Noster. Benedictus Dominus. Ad te levavi oculos meos. Dilexi, quoniam. Danck sagen wir alle. Daran gedenck Jacob und Israel. Salvum me fac. Fracta diuturnis. Fratres, sobrii estote. Christe, qui lux es et dies

/ Cinquecento Renaissance Vokal. Terry Wey, contreténor. Achim Schulz, Tore Tom Denys, ténor. Tim Scott Whiteley, baryton. Ulfried Staber, basse.

Avec Franz Vitzthum, Filip Dámec, contreténor. Tomáš Latjkep, ténor. Colin Mason, baryton. Joel Frederiksen, basse.

Octobre 2022.

Livret en anglais, allemand, français.

Paroles en latin, allemand et traduction en anglais et allemand.

TT 69’46.

Hyperion CDA68414

L’heure de Ludwig Daser est-elle enfin venue ? Les mélomanes amateurs de la Renaissance dans l’aire sud-allemande connaissent peut-être le Benedictus Dominus à double-chœur introduisant cet album, puisqu’il figurait voilà vingt ans dans un programme sous la direction de Martin Zöbeley (Aeolus), et déjà en vinyle au milieu des années 1970 dans un volume de la collection « Bayern’s Schlösser Und Residenzen » consacré à Munich. C’est à la cour catholique de cette cité _ Munich, donc _ que Daser exerça comme maître de chapelle dès 1552 et pour une décennie, avant que ses convictions protestantes, peu en phase avec l’élan de la Contre-Réforme, l’amenassent en 1572 à Stuttgart détachée de l’influence vaticane. Dans ce nouveau cadre, deux pôles marquent alors son style _ et c’est bien sûr à relever _ : la manière polychorale italienne, et la compréhensibilité du texte asservie à la liturgie (conformément aux exigences de l’Église congrégationniste) et favorisée par la culture religieuse de ce compositeur qui avait étudié la théologie à Ingolstadt. Écrit en 1568 pour les noces du futur duc Guillaume V, un motet d’apparat prouve toutefois que Daser, même après son éviction, ne demeurait pas en mauvais terme avec la cour bavaroise.

Après une récente monographie du Huelgas Ensemble enregistrée en 2021 à l’église Saint-Augustin d’Anvers (DHM) où Paul Van Nevel se concentrait sur la Missa Preter rerum seriem et la Missa Fors seulement, le présent CD dresse un portrait élargi. On y trouve une autre des vingt-deux messes, la toute dernière _ la Missa Pater poster _, en plain-chant, reposant sur plusieurs sources grégoriennes, dont l’Ave Maria et le Pater Noster qui lui donne son titre. Procédés en cantus firmus, en imitation, en canon, en paraphrase : un riche arsenal technique signe la virtuosité conceptuelle de l’auteur à son apogée _ voilà _ dans ce genre.

Le programme inclut aussi deux chorals en langue allemande qui relèvent bien sûr _ en effet _ de l’office luthérien, tel qu’il se pratiquait auprès du nouvel employeur de Daser à Württemberg. En revanche, la sélection de sept motets en latin reflète un œcuménisme _ oui _ qui sied aux rites tant protestants que catholiques, et qui datent des deux périodes du compositeur, même si les modèles stylistiques ne sont pas étanches. Ainsi, le Benedictus Dominus à la manière polychorale vénitienne, et le motet Ad te levavi oculos meos et sa claire texture en accords, tous deux de la première époque munichoise, préfigurent-ils _ voilà _ deux aspects de la future esthétique développée à Stuttgart.

Pour le Fracta diuturnis, l’interprétation a opté pour une approche en alternatim, mixant plain-chant et polyphonie, ainsi que nous l’explique une notice détaillée et érudite. Un des nombreux gages de l’intelligente approche menée par les chantres de Cinquecento, doublant ici son effectif par cinq invités _ oui, selon une pratique assez fréquente pour cet ensemble _, pour ces pages de quatre à huit voix. Formée à Vienne en 2004 _ voilà ! _ et fidèle dès son origine aux micros d’Hyperion, l’experte équipe livre ici des lectures bien pensées et sensibles, aussi transparentes que somptueuses _ oui, oui ! _, baignées d’une lumineuse et charismatique ferveur _ voilà ! _, –et captées dans une avenante acoustique. Saluons un collectif d’une rare cohésion, méritant mention spéciale pour les contreténors, qui scintillent dans des tessitures pourtant très périlleuses. Les sévères architectures, certes plus touchantes dans les motets, trouvent ici un parfait avocat pour la réhabilitation de cet attachant compositeur, coincé par la chronologie et la géographie entre deux pairs mieux connus : son mentor Ludwig Senfl puis le célèbre Lassus, qui respectivement le précédèrent et lui succédèrent sous le règne d’Albrecht V. Sans conteste : une parution majeure, et prioritaire pour découvrir Daser ! _ c’est fort bien affirmé !

Son : 9,5 – Livret : 9,5 – Répertoire : 9,5 – Interprétation : 10

Christophe Steyne

Une musique _ et un compositeur Ludwig Daser (Munich, c. 1526 – Stuttgart, 25 mars 1589) _  servis par une interprétation _ de Cinquecento _ absolument splendides !!!

À découvrir !

Ce samedi 20 juillet 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Découvrir le coffret Warner Classics « Wolfgang Sawallisch – Complete Symphonie, Lieder et Choral Recordings (1954 – 1997) », en commençant avec le piano limpide de Youri Egorov, ou la grâce absolue ; et en poursuivant par l’enchantement des Lieder avec choeur de Schubert…

28juin

Comment aborder le coffret Warner Classics 5054197832178 de 65 de CDs « Wolfgang Sawallisch – Complete Symphonie, Lieder & Choral Recordings (1954 – 1997) » ?

Plusieurs récents articles de blogs peuvent peut-être suggérer quelques pistes d’écoute…

_ Par exemple l’article « Pas si sages » du Blog Discophilia de Jean-Charles Hoffelé en date du dimanche 23 juin dernier ;

_ ou bien l’incise consacrée à ce coffret dans l’article « Le chaos ou la beauté » du Blog de Jean-Pierre Rousseau avant-hier mercredi 26 juin ;/

_ ou encore l’article « Wolfgang Sawallisch, l’inspirant«   de Pierre-Jean Tribot, sur le site de Crescendo-Belgique, en date du jeudi 27 juin…

Au sein de ce coffret riche touffu de 65 CDs, j’ai commencé par suivre la suggestion de Jean-Pierre Rousseau, et ai commencé par l’écoute des CDs n°1 et n°10 :

les Concertos n°17 et 20 de Mozart _ enregistrés à Londres au mois de février 1985 _ ;

et le Concerto n°5 L’Empereur de Beethoven _ enregistré à Londres fin mai-début juin 1982 _,

dans lesquels le Philharmonia Orchestra dirigé par Wolfgang Sawallisch accompagne le formidablement délicat touché de piano de Youri Egorov…

Youri Egorov (Kazan, 28 mai 1954 – Amsterdam, 16 avril 1988) dans cet Empereur-ci avec Wolfgang Sawallisch (Munich, 26 août 1923 – Granau-Bavière, 22 février 2013), en 1982,

c’est le miracle de la grâce absolue.

Sinon,

je suis particulièrement heureux de retrouver en ce coffret les 4 CDs _ n° 12, 13, 14 et 15 ici ; soient 4h, 27′ et 30′ _ de « Weltliches Vokalwerk » de Franz Schubert, avec, notamment, Hildegard Behrens, Brigitte Fassbaender, Dietrich Fischer-Dieskau, Peter Schreier, et le Chor des Bayerischen Rundfunks _ enregistrés de 1977 à 1981 _, publiés en 1981, puis, remastérisés, en 1997 :

de pures merveilles, et infiniment variées, sous la baguette absolument idoine de Wolfgang Sawallisch…

Entre lesquels, tout spécialement, le divin « Gesang der Geister über den Wassern « Des Menschen Seele gleicht dem Wasser » » D.714, à la plage 18 du CD n° 13 _ écoutez ici (11′ 05)…

Mais tout ici de ces diverses et très variées œuvres avec chœur est très évidemment à écouter, ré-écouter, et saluer bien bas :

et c’est l’ombre de Schubert en personne (Lichtenstal, 31 janvier 1797 – Vienne, 19 novembre 1828) qui ici accompagne…

Immense merci, donc, pour cette opportune ré-édition hommage à Wolfgang Sawallisch, à l’occasion de l’anniversaire des 100 ans, en 2023, de sa naissance, le 26 août 1923, à Munich…

Ce vendredi 28 juin 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’intéressant rayonnement du creuset musical « Cleveland » au long du XXe siècle : la piste du « Cleveland Quartet »…

19juin

C’est l’enthousiasme qu’a suscité en moi la découverte du travail de Sergei Babayan à partir de mpon écoute enchantée du « fabuleux » CD « Rachmaninoff for two« , avec son disciple lui aussi phénoménal Daniil Trifonov _ cf mon article du 15 juin dernier « «  _, qui m’a incité à me pencher sur ce très riche creuset musical _ et de musiciens d’immense talent… _ qu’a été Cleveland (Ohio) _ cité industrielle des bords du Lac Erié _  au XXe siècle.

En commençant par m’inciter à me procurer, moi qui suis grand amateur de musique de chambre, le passionnant coffret de 23 CDs « Cleveland Quartet – The complete RCA Album Collection » RCA 19439998052, du Cleveland Quartet (1969 – 1995)…

Sur le site de ResMusica, le 17 avril dernier, Jean Claude Hulot avait consacré un article à ce coffret intitulé « La réédition du legs discographique du Cleveland Quartet« , qui avait attiréé mon attention ;

le voici :

La réédition du legs discographique du Cleveland Quartet

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Quatuor majeur de la fin du XXᵉ siècle, le a gravé pour RCA une série de disques de premier plan que Sony nous rend aujourd’hui dans un coffret exhaustif _ dont acte ! _ que dominent deux compositeurs : Beethoven dont l’intégrale des quatuors figure parmi les plus réussies de la discographie et surtout Brahms pour un ensemble (quatuors, quintettes et sextuors) qui témoigne d’une affinité exceptionnelle entre les quatre musiciens.

Fondé en 1969 à Marlboro par quatre musiciens américains réunis ensuite à Cleveland (hormis l’altiste, le quatuor est resté inchangé durant ses années d’activité), le quatuor éponyme fut immédiatement enrôlé dans l’écurie RCA et a laissé pour cette firme une série d’enregistrements regroupés par ordre chronologique _ c’est intéressant _ dans ce volumineux coffret _ de 23 CDs. Il s’ouvre par les trois quatuors de Brahms qui allaient établir la réputation de l’ensemble par leur énergie et leur conception très moderne anticipant sur celle des Berg. Suivirent deux disques Schubert, La jeune fille et la mort d’un dramatisme fiévreux et surtout un superbe Octuor avec l’apport de Jack Brymer (clarinette) et Bary Tuckwell (cor). De Mozart ne reste malheureusement que le bref Adagio et fugue et l’on regrettera toujours que les Cleveland n’aient pas gravé les grands quatuors. En revanche, deux quatuors de Haydn vifs et brillants témoignent de l’excellence de l’ensemble dans le répertoire classique viennois. Seule excursion dans le XXᵉ siècle, le CD suivant nous propose le peu significatif Quatuor n°1 de Barber (avec le célèbre adagio), et le difficile Quatuor n° 2 d’Ives. Une superbe version du _ superbe _  Quintette de Brahms avec clarinette (Richard Stolzman) égale la réussite des trois quatuors. Vient ensuite le début de l’association mémorable avec Emanuel Ax pour un Quintette de Dvořák gorgé de lyrisme et de tendresse _ oui. Les Cleveland se renforcent du Quatuor de Tokyo, autre ensemble poulain de l’écurie RCA pour un Octuor de Mendelssohn vif argent _ une magistrale interprétation, en effet, de ce chef d’œuvre quo personnellement me transporte….

L’intégrale des quatuors de Beethoven, en neuf CD, forme le cœur du coffret ; elle est exceptionnelle non tant par l’opus 18 presque trop opulent que par des Razumovsky proches de la perfection par leur galbe et leur imagination et surtout par l’ensemble des derniers quatuors _ un sommet de toute la musique de chambre, bien sûr ! _ , sommet d’héroïsme, d’émotion dans des mouvements lents bouleversants et de variété d’accents. Au milieu s’intercale un autre joyau de l’album avec les deux sextuors de Brahms renforcés par rien moins que Pinchas Zukerman à l’alto et Bernard Greenhouse (le violoncelliste du Beaux Arts Trio) au  violoncelle.

Après cela il restera au quatuor de Cleveland à graver trois autres disques majeurs pour RCA : le sublime _ sublimissime !Quintette _ à deux violoncelles _ de Schubert avec Yo-Yo Ma, d’une intensité sidérante _ oui !!! _, le Quintette avec piano de Brahms, décidément le compositeur fétiche des Cleveland, et celui de Schumann, tous trois avec Emanuel Ax pour refermer cette discographie d’un quatuor qui allait ensuite se dissoudre de lui-même en 1995 au sommet de son art.

Magistral et un peu frustrant tant on aurait aimé entendre les Cleveland dans un répertoire plus vaste et diversifié ; ne boudons pas notre plaisir néanmoins. Un coffret _ de trésors _ à thésauriser _ tout simplement, voilà.


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Ludwig van Beethoven (1770-1827) : les dix-sept quatuors à cordes. Johannes Brahms (1833-1897) : les trois quatuors à cordes ; Quintette avec piano ; Quintette avec clarinette ; les deux sextuors à cordes. Robert Schumann (1811-1854) : Quintette avec piano, Quatuor avec piano. Anton Dvorak (1841-1904) : Quintette avec piano. Franz Schubert (1797-1828) ; Quatuor à cordes « la jeune fille et la mort » ; Octuor ; Quintette à deux violoncelles ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : adagio et fugue K546. Joseph Haydn (1750-1810) : Quatuors à cordes « l’alouette », « les quintes ». Samuel Barber (1910-1981) : Quatuor à cordes n°1. Charles Ives (1874-1954) : Quatuor à cordes n°2 ; Scherzo. Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847) : Octuor à cordes, deux pièces pour quatuor.

Emmanuel Ax, piano ; Pinchas Zucherman, alto ; Bernard Greenhouse, Yo Yo Ma, violoncelles. Jack Brymer, clarinette. Martin Gatt, basson. Barry Tuckwell, cor. Thomas Martin, contrebasse. Quatuor de Tokyo, Quatuor de Cleveland.

23 CD, Sony. Enregistré entre 1972 et 1986 à New York City, Londres et Rochester.

Notice de présentation en anglais.

Durée : 19h.44:07

Je remarque aussi, et à nouveau sur ce site de ResMusica, mais sous la signature cette fois de Stéphane Friédérich, en date du 4 juin dernier, cet autre article consacré à un ensemble de la cité de Cleveland (Ohio), intitulé « Rodzinsky à Cleveland : une somme musicale de premier ordre » ;

le voici, lui aussi :

Rodzinski à Cleveland : une somme musicale de premier ordre

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Deuxième chef titulaire dans l’histoire de l’Orchestre de Cleveland après Nikolaï Sokoloff, Artur Rodzinski créa véritablement le son de la formation. Au début des années quarante, elle devint l’une des toutes premières phalanges internationales. Les gravures réunies par Sony Classical – archives de Columbia Records – sont d’autant plus précieuses qu’elles paraissent pour la première fois en disque-compact.

« Bâtisseur d’orchestres »… Rodzinski le fut assurément, même si l’on peut regretter que cette qualité estompe, à demi-mots, la réalité d’un musicien qui fut d’abord un remarquable styliste et un visionnaire en termes d’interprétation. En effet, la première caractéristique de sa direction et qui nous saute aux oreilles, c’est la brillance, la clarté _ un critère auquel je suis personnellement très sensible : je déteste la confusion... _ et la compacité des lectures. Mais à la différence d’un Toscanini qui fut son mentor lors de la mise sur pied de l’Orchestre symphonique de la NBC en 1937, Rodzinski construisit ses interprétations avec une liberté tout autre que celle du chef italien. Rodzinki possédait déjà un métier exceptionnel : à la tête de la formation américaine entre 1933 et 1943 (il céda la baguette à Erich Leinsdorf), il avait dirigé auparavant à Varsovie puis à Philadelphie (assistant de Stokowski) et, enfin, à Los Angeles. En peu d’années, la valeur artistique proprement sidérante de l’orchestre qui n’avait plus enregistré depuis la Grande Dépression est révélée. La virtuosité de l’ensemble des pupitres, la précision de la mise en place, la justesse des vents dans les différents solos, qu’il s’agisse de la musique française ou russe, n’ont rien à envier sur le plan technique, aux formations actuelles.

La variété du répertoire et l’intérêt de Rodzinski pour la musique de son temps – à la condition qu’elle se situe dans une veine tonale – ne sont qu’effleurés dans ce coffret. Il faut imaginer que le public de Cleveland entendit pour la première fois la musique de Stravinsky sous sa baguette et qu’il y assura la production de Lady Macbeth de Mtsensk de Chostakovitch en 1935 ! Il grava ainsi le troisième enregistrement de l’histoire de la Symphonie n° 5 du compositeur russe, après celles de Mravinsky avec Léningrad (1938) et Stokowski avec Philadelphie (1939). Cette œuvre et la Symphonie n° 1 captées en 1941 témoignent, sous sa direction, d’une inventivité et d’une énergie superbes : aucune baisse de tension, mais une conception narrative avec des prises de risques assumées comme ces cuivres poussés à la faute dans l’Allegretto de la Symphonie n° 5 (la version de 1954 avec le Royal Philharmonic Orchestra ne possède pas cette flamboyance). Les phrases sont tenues avec une minimum de vibrato et de rubato (à noter que le finale est amputé des mesures 119 à 121 pour qu’il tienne sur une surface d’un 78 tours). En pleine Seconde Guerre mondiale, Artur Rodzinski, chef d’orchestre polonais naturalisé américain en 1933, sait de quoi il parle lorsqu’il simule le combat des forces du bien contre celles du mal _ intéressant. Le répertoire slave qu’appréciait tant Rodzinski est magnifié dans Tchaïkovski et Rimski-Korsakov. La projection sonore est intense, sans aucune dureté et l’Ouverture 1812 qui nécessite, en principe, une restitution acoustique spectaculaire, n’est nullement caricaturée devant les micros de 1941. Le caractère anguleux, exalté et lyrique de Shéhérazade (quelle trompette solo!), de Roméo et Juliette, de la Symphonie n° 5 de Tchaïkovski marquent la discographie naissante des œuvres.

La musique française est tout aussi lumineuse _ comme bien sûr elle doit être ! _ avec une perception rythmique et un jeu sur les couleurs qui feraient croire aux timbres des orchestres français des années trente et quarante. Daphnis et Chloé de Ravel et La Mer de Debussy séduisent quand la Rhapsodie espagnole souffre de distorsions importantes, malgré un chic certain, celui de Malaguena, entre autres. La Symphonie fantastique de Berlioz est portée par un bouillonnement d’énergie et une puissance d’autant plus radicale que la prise de son favorise les suraigus comme les cymbales et les cuivres tonitruants du finale. On songe à Munch, Markevitch et Cluytens _ rien moins…

Cet engagement physique lié à un travail de répétition acharné offre d’autres pages tout aussi passionnantes comme Till Eulenspiegel ou bien une Vie de Héros de Strauss. Rodzinski profite des dissonances de l’écriture dont il accentue les effets et joue au mieux de la profondeur de l’orchestre. Cette efficacité se retrouve tout autant dans le postromantisme de la Symphonie n° 5 de Sibelius. Le chef en souligne les contrastes et même si les dynamiques sont canalisées et les distorsions inévitables dans le finale,  la perfection des cordes et un sens extraordinaire de l’articulation emportent l’adhésion. Voilà une grande version (oubliée) de l’œuvre ! Il en va de même du répertoire classique avec la Symphonie n° 1 de Beethoven dont l’élégance, l’élan et la luminosité sidèrent un demi-siècle avant l’apparition des lectures « historiquement informées » _ et c’est aussi à noter… A noter quelques raretés, du moins considérées comme telles aujourd’hui : un pot-pourri de la comédie Show Boat de Kern, puis les pièces intéressantes, mais guère davantage, de Järnefelt et Weinberger. Enfin, en un disque sont regroupés les concertos pour violon de Schoenberg, Berg et Mendelssohn. On s’interroge sur la présence dans une anthologie dédiées à Rodzinski, de celui de Schoenberg dirigé par Mitropoulos avec New York et Louis Krasner. Une présence d’autant plus étonnante que la pièce parut déjà dans l’intégrale Mitropoulos présentée par Sony Classical. Retenons la lecture enflammée et chantante du _ si beauConcerto de Mendelssohn sous l’archet génial _ oui _ de Milstein. Il s’agit d’une gravure inédite qui mérite d’être entendue ainsi que le _ sublime Concerto de Berg, dans la vision analytique et passionnante de Louis Krasner.

Les gravures de cette édition complètent deux précédents coffrets, l’un du même label consacré aux enregistrements new-yorkais du chef et l’autre, une compilation réalisée par Scribendum. Aucune des deux parutions n’a présenté les précieux témoignages captés à Cleveland. Un coffret qui mérite amplement le label “historique”.

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Artur Rodzinski, The Cleveland Orchestra, The Complete Columbia Album Collection.
Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Symphonie n° 1. Alban Berg (1885-1935) : Concerto pour violon “A la mémoire d’un ange”. Hector Berlioz (1803-1869) : Symphonie fantastique. Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonies n° 1 et n° 5. Claude Debussy (1862-1918) : La Mer. Arno Järnefelt (1869-1958) : Praeludium pour petit orchestre. Jerome Kern (1885-1945) : Show Boat. Felix Mendelssohn (1809-1847) : Songe d’une nuit d’été, ouverture et musique de scène. Concerto pour violon en mi mineur. Modeste Moussorgski (1839-1881) : Prélude de la Khovanshchina. Maurice Ravel (1875-1937) : Daphnis et Chloé, suite n° 2. Rapsodie espagnole. Alborada del gracioso. Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908) : Shéhérazade. Jean Sibelius (1865-1957) : Symphonie n° 5. Finlandia. Arnold Schoenberg (1874-1951) : Concerto pour violon. Richard Strauss (1864-1949) : Till Eulenspiegel. Danse des Sept voiles. Valses du Chevalier à la rose (arr. Rodzinski). Une Vie de héros. Piotr Iliytch Tchaïkovski (1840-1893) : Roméo et Juliette. Ouverture 1812. Marche slave. Symphonie n° 5. Carl Maria von Weber (1786-1826) : Ouverture du Freischütz. Jaromir Weinberger (1896-1967) : Variations et fugue sur un vieux thème anglais.
Louis Krasner, violon, Orchestre philharmonique-symphonique de New York, Dimitri Mitropoulos, direction (Schoenberg, Berg), Nathan Milstein, violon (Mendelssohn), Orchestre de Cleveland, Artur Rodzinki, direction.

1 coffret de 13 CD Sony Classical.

Enregistrements au Severance Hall de Cleveland entre décembre 1939 et février 1942 (décembre 1952 pour Mitropoulos).

Notice de présentation en anglais.

Durée totale : 9h10

Un bien intéressant focus discographique porté sur le rayonnement de ce creuset qu’a pu être, au XXe siècle, la vie musicale à Cleveland, grâce à certains interprètes, chefs comme instrumentistes, au talent un peu singulier… 

Ce mercredi 19 juin 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

P. s.  :

Et comme en confirmation de l’intuition qui vient de donner naissance à cet article-ci,

voici que ce jeudi matin 20 juin je découvre sur le site de Crescendo, sous la plume de Pierre-Jean Tribot, cet article « Béla Bartók d’orchestre à Cleveland« , que voici :

Béla Bartók d’orchestre à Cleveland 

LE 20 JUIN 2024 par Pierre Jean Tribot

Béla Bartók (1881-1945) :

Quatuor à cordes n°3 en do dièse mineur, Sz. 85, BB 93  (arrangement pour orchestre à cordes de  Stanley Konopka) ;

Suite du Mandarin Merveilleux, SZ 73 BB 83.

The Cleveland Orchestra, Franz Welser-Möst. 2024. 34’17’’.

Livret digital en anglais.

1 titre exclusivement digital du Cleveland Orchestra TC

Dans la longue et prestigieuse discographie, le légendaire _ voilà ! _ Cleveland Orchestra n’avait pas encore enregistré la Suite du Mandarin Merveilleux de Béla Bartók  alors que les œuvres du Hongrois sont l’ADN de son répertoire _ en effet _ avec les gravures du Concerto pour orchestre avec George Szell (Sony) et Christoph von Dohnányi (Decca). Du côté de son directeur musical Franz Welser-Möst, ce dernier avait déjà gravé une lecture assez oubliable de l’intégrale du ballet lors de ses années controversées avec le London Philharmonic Orchestra (EMI). Le chef autrichien impose ici une lecture creusée et plutôt lente qui base sa narration sur les dynamiques et la qualité vertigineuse des pupitres de son orchestre _ voilà. Le chef peut jouer de l’orchestre sans limites soignant les moindres nuances ou créant des déflagrations dans les tuttis. On peut préférer des lectures plus orchestralement radicales comme celles de Sir Georg Solti (Decca), mais on tient ici un modèle interprétatif avec un orchestre phénoménal _ sic.

Il y a une curieuse mode actuelle qui multiplie les arrangements de quatuor ou de quintette pour des orchestres… Dans le cas présent  Stanley Konopka, l’un des altistes chefs de pupitres du Cleveland Orchestra qui a arrangé le Quatuor n°3 pour orchestre à cordes. Le communiqué de presse nous apprend qu’il mûrissait ce projet depuis près de 20 ans avant d’être encouragé par Franz Welser-Möst. Il faut un petit temps pour s’habituer à la masse des cordes au lieu des quatre instruments classiques, mais cette version rend justice à ‘inventivité harmonique et rythmique _ voilà _ de Béla Bartók. Mais le plus fascinant est la qualité magistrale des cordes dont la plasticité et l’homogénéité sont vertigineuses.  Franz Welser-Möst dirige avec attention, respectant l’esprit chambriste et les mouvements de dialogues entre les pupitres, c’est une leçon d’orchestre _ CQFD.

Dès lors, un titre exclusivement digital _ hélas _ qui nous rappelle _ oui, oui… _ le niveau technique stratosphérique _ voilà _ de cet immense orchestre, dirigé avec soin par Franz Welser-Möst.

Son : 10 – Livret : 9 – Répertoire : 9 / 10 – Interprétation : 9

Pierre-Jean Tribot

Ce qui attend Saint-Jean-de-Luz le 21 août prochain pour l’ouverture du Festival Ravel 2024, avec le concert « L’Espagne de Ravel » par les Siècles…

28mai

L’article détaillé, hier 27 mai, de l’excellent Pierre Carrive « Ravel et l’Espagne » par Les Siècles : des couleurs et du théâtre sur le très intéressant site de Crescendo, commentant le concert « Ravel et l’Espagne » donné par Les Siècles au Théâtre des Champs-Élysées, à Paris, le 22 mai dernier _ Adrien Perruchon remplaçant in extremis, au pied levé, François-Xavier Roth à la direction de l’orchestre… _,

permet de se faire une idée un peu précise de ce que sera le concert inaugural, le 21 août prochain, du Festival Ravel 2024 de Saint-Jean-de-Luz et ses alentours, tel qu’il a été annoncé par Bertrand Chamayou le 21 mai dernier _ juste avant qu’éclate, le lendemain 22 mai (!), le scandale ayant conduit le soir même de ce 22 mai François-Xavier Roth a laisser sa baguette de chef à Adrien Perruchon pour ce concert « Ravel et l’Espagne » au théâtre des Champs-Élysées… _

ce concert à venir à Saint-Jean-de-Luz le 21 août prochain, dont m’avait avisé Thomas Dolié (le Ramiro de cette splendide « Heure espagnole » _ revoir encore et encore, jusqu’à plus soif !,  la merveilleuse vidéo de son final en apothéose (« Un financier et un poète« , d’une durée de 3′ 20) saisie lors de l’enregistrement, les 23 et 24 mars 2021, du CD Harmonia Mundi HMM 905361 « L’heure espagnole – Bolero«  !!! _ à Bordeaux le samedi 11 mai, à la fin de son passionnant « Labo du chanteur » consacré aux deux premières des trois « Chansons madécasses » de Maurice Ravel,

que j’ai chroniqué en mon article «  » du 12 mai dernier… 

Sur cette dérangeante _ à bien des égards, à commencer par l’avenir désormais en suspens de ces magnifiques « Siècles«  de François-Xavier Roth _ et très désolante « affaire« , je renvoie aussi à l’article mesuré « Confidences et confidentialité » _ avec ses divers très riches liens, à consulter, eux aussi… _ de Jean Pierre Rousseau sur son très riche blog

Voici donc le détail de cet article d’hier de Pierre Carrive, sur Crescendo, bien intéressant aussi par ce qu’il permet d’anticiper sur le concert « Ravel et l’Espagne » du 21 août, à 20h, en l’église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz, par Les Siècles _ à nouveau sans François-Xavier Roth, désormais en retrait… _ :

« Ravel et l’Espagne » par Les Siècles : des couleurs et du théâtre

LE 27 MAI 2024 par Pierre Carrive

Ce concert risque malheureusement de rester dans les mémoires davantage comme étant le premier que François-Xavier Roth aura été contraint de renoncer à diriger _ voilà _, par suite de l’article « Un chef d’orchestre qui mène son monde à la braguette » paru le matin même dans Le Canard Enchaîné, que pour son contenu musical propre, pourtant réel _ certes !..

Qui n’aurait pas su tout cela ne l’aurait sans doute pas soupçonné lors de ce concert. Les Siècles ont été fondés _ par François-Xavier Roth _ en 2003. Les musiciens, inévitablement bouleversés (ne serait-ce que parce que cela fragilise grandement _ oui, forcément… _ leur avenir professionnel), étaient souriants, particulièrement avenants vis-à-vis d’Adrien Perruchon (qui malgré une brillante carrière ne fait pourtant pas toujours l’unanimité auprès des instrumentistes qu’il dirige). Sans doute lui étaient-ils reconnaissants d’avoir pu assurer ainsi, au pied levé _ voilà _, la direction de ce concert, sans en changer le programme, et surtout en donnant une impression d’aisance remarquable _ oui, en convenance avec l’esprit preste et leste de ce bijou enchanteur d’esprit français… _ étant donné le contexte. Et, en effet, il faut saluer cette performance _ dont acte.

Ravel et L’Espagne, donc. L’idée est on ne peut plus pertinente _ oui _, quand on sait à quel point ce pays a influencé le compositeur _ à partir de sa propre histoire familiale, d’abord, avec ses légendes fantasmées par Maurice Ravel : je pense ici au récit de ses parents se rencontrant par hasard et faisant connaissance dans les jardins enchanteurs du Palais d’Aranjuez ; et je renvoie ici à la série de mes articles de recherche concernant la généalogie de la branche basquaise (Delouart – Del Huarte…) de Maurice Ravel... À vrai dire, il faudrait plutôt parler de l’idée qu’il s’en faisait _ oui, en effet _, à travers, notamment, les très nombreux musiciens espagnols _ et pas seulement Ricardo Viñes _ qui venaient en France à cette époque. Car Ravel n’est _ semble-t-il _ allé _ de fait _ en Espagne qu’à l’approche de la cinquantaine _ il arrive à Madrid le 29 avril 1924 pour une tournée de concerts… _, bien après avoir écrit presque toutes les œuvres de ce concert (à l’exception du Bolero).

La première partie, purement instrumentale, commençait par Alborada del Gracioso. Les cordes, très présentes, donnent une sonorité un peu massive à la pièce. Malgré la plus extrême liberté laissé au basson dans ses solos, cette « Aubade du bouffon » a un peu de mal à décoller.

Adrien Perruchon et Les Siècles trouvent des couleurs nettement plus personnelles dans les quatre parties de la Rapsodie espagnole. Après un Prélude à la nuit subtilement mystérieux, les contrastes de Malagueña ne manquent pas de caractère. Le statisme relatif de la Habanera apporte un suspens qui se résout avec une Feria dans laquelle les musiciens s’amusent sans retenue, et qui nous prépare aux outrances _ délicieusement débridées de « L’Heure espagnole«  _ de la deuxième partie du concert.

Mais avant cela, et pour terminer la première partie, le célébrissime Bolero… mais dans une instrumentation inhabituelle, dont la différence la plus frappante est qu’à la place de la seule caisse claire qui joue 169 fois le même rythme, il y a deux tambours qui se passent théâtralement la parole. Adrien Perruchon prend un tempo assez rapide. Les solos mettent en avant les particularités instrumentales (ce qui ne pouvait être autrement, avec cette recherche _ passionnante _ de retrouver les timbres que voulait Ravel – et il s’y connaissait !) _ car tel est bien le projet musical de fond, dès leur fondation en 2003 par François-Xavier Roth, des Siècles… Les cordes en boyau sont soyeuses, mais de moins en moins au fur et à mesure que la tension monte, ce qui la rend fort spectaculaire. D’autant que l’accompagnement reste, jusqu’à la fin, toujours aussi percutant. La modulation libératrice de la fin n’est pas spécialement mise en valeur : l’effet en est réservé pour les toutes dernières mesures.

En deuxième partie, L’Heure espagnole, avec là aussi des innovations – ou plutôt des retours aux sources – instrumentales (le sarrussophone à la place du contrebasson, par exemple). Cette « comédie musicale en un acte » _ sur un texte de Franc-Nohain _ est une sorte de farce abracadabrantesque _ mais oui ! _ digne du théâtre de boulevard le moins complexé ! Tout se passe dans le magasin d’un horloger, dans lequel, en son absence, sa femme reçoit ses amants, qui se voient contraints de se cacher dans des horloges, lesquelles vont être déplacées, par un muletier imprévu, d’un étage à l’autre au gré des caprices de la belle dont le but est de se retrouver seule avec l’un de ses amants.

Sans mise en scène, il n’était pas facile de faire comprendre tout cela. Pari cependant plutôt réussi. Les chanteurs ne rentrent que lors de leur première intervention, et disparaissent de la scène quand ils sont censés être dans la chambre à l’étage ou dans les horloges. La distribution reprend en partie celle de l’enregistrement réalisé pour Harmonia Mundi en 2021. Seuls les deux amants _ de cette fois : Benoît Rameau, en Gonzalve, et Nicolas Cavallier, en Don Iñigo Gomez _ n’en faisaient pas partie _ ils remplacent donc Julien Behr et Jean Teitgen du CD.

Isabelle Druet, qui l’avait déjà enregistrée en 2016 sous la direction de Leonard Stalkin _ en effet _, incarne une Concepción assez complexe, loin de toute exagération. Ses registres théâtraux sont variés, et elle est capable de passer de la fierté d’une danseuse de flamenco à la douleur d’une femme inapaisée. Et puis, la voix est superbe ! _ oui !!! Thomas Dolié, dans le rôle du muletier Ramiro, n’a pas vraiment le physique du rôle _ il est mince _, puisque c’est lui qui est censé déménager les horloges habitées. Mais sa carrure artistique est largement à la hauteur _ oui ! C’est donc lui qui finit par gagner les faveurs de Concepción _ « C’est la morale de Bocacce :  entre tous les amants, il arrive un moment, dans les déduits d’amour, Ah!, où le muletier a son tour !«  _ ; si, dans le texte, il le doit à ses muscles, ce soir-là c’est plutôt sa voix puissante et juvénile _ oui ! _ qui a séduit la belle.

Loïc Félix est un très subtil _ oui _ horloger Torquemada, tout autant comme comédien _ en effet ! _ que comme chanteur _ oui. Benoît Rameau, en Gonzalve, poète obsédé de création littéraire, a une belle voix, se montre naïf et émerveillé… au grand dam de sa maîtresse, qui aimerait des preuves plus concrètes de son attachement. Elle ne sera pas davantage comblée avec le riche Don Iñigo Gomez, chanté avec une certaine auto-dérision par Nicolas Cavallier.

Tout cela est rondement mené _ comme cela se doit en cette « comédie musicale en un acte«  : tout doit y être preste, enlevé avec le plus vif esprit, et vire-voltant… Les chanteurs interagissent avec les musiciens, et le chef (dont on sent l’expérience de l’opéra) avec les chanteurs _ bien, bien. Le public réagit aux multiples allusions sexuelles (en son temps, on avait parlé de « vaudeville pornographique » _ mais oui ! _). Et l’on se dit que Ravel ne devait pas être, au moins intérieurement, aussi chaste que ce qu’il a donné à voir dans sa vie de célibataire quasi monacale _ et je me suis fait exactement la même réflexion à propos de l’érotisme brûlant des pas assez courrues et pourtant si merveilleuses « Chansons madécasses«  : Ravel savait être discret et même remarqueblement secret sur sa vie personnelle.

Paris, Théâtre des Champs-Élysées, 22 mai 2024

Pierre Carrive

Crédits photographiques :  OH JOONG SEOK

Voilà de quoi préciser plus en détails ce concert intitulé lui aussi « Ravel et l’Espagne » du mercredi 21 août, à 20h, à l’église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz, dont m’avait informé _ de l’existence programmée _ le 11 mai dernier, à Bordeaux, Thomas Dolié, l’excellent Ramiro de cette désopilante et profondément ravelienne _ d’esprit si français ! _, magnifique et parfaitement inspirée, « Heure espagnole » des Siècles…

Ce mardi 28 mai 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Découvrir la superbe (et singulière) Musique de Piano de Jean Roger-Ducasse (1873 – 1954), bordelais, par le pianiste Joel Hastings (1969 – 2016), canadien : une belle et moderne prestesse…

04mai

Mes lectures des lettres de Maurice Ravel dans l' »Intégrale » de la Correspondance de Maurice Ravel (Édition de 2018, par Manuel Cornejo), menées à l’occasion de mon suivi de la genèse, puis des édition et publication, ainsi que des représentations, du « Tombeau de Couperin » _ cf mes articles « « « « « «  et « «  des 27, 28 et 29 avril et 1er mai derniers _,

puis hier et ce matin du sympathique _ avec très peu d’erreurs _ et commode « Ravel » de Sylvain Ledda (Folio Biographies n°136), paru en octobre 2016 _ un peu avant l’indispensable « Intégrale » de la Correspondance de Maurice Ravel réunie par Mauel Cornejo, parue, elle, en octobre 2018 _,

m’ont donné la vive curiosité de découvrir la musique de cet ami et contemporain de Maurice Ravel (Ciboure, 7 mars 1875 – Paris, 28 décembre 1937) qu’a été le compositeur bordelais Jean Roger-Ducasse (Bordeaux, 18 avril 1873 – Le-Taillan-Médoc, 19 juillet 1954)…

Ainsi ai-je pu dénicher _ comme souvent ! _, chez mon disquaire préféré, le CD Grand Piano GP 724 « Roger-Ducasse – Piano Works » du pianiste canadien Joel Hastings (Sault-Ste-Marie, Ontario, 22 juillet 1969 – Saline, Michigan, 26 mai 2016), enregistré à Tallahassee, Floride, les 6 et 7 janvier 2016, et paru dans les bacs le 3 mars 2017.

Et quelle belle musique !

Originale et tout à fait singulière _ et très moderne même, voilà !, pour son moment de composition : entre 1897 pour la « Petite suite » (écoutez ici) et 1923 pour « Romance » (écoutez), mais surtout de 1906 pour la « Barcarolle n°1«  (écoutez, c’est superbe !), à 1921 pour les merveilleux « Impromptu » (écoutez)  et « Chant de l’aube » (écoutez)… _ !

Et ce n’est ni du Fauré, ni du Debussy, ni du Ravel, mais bien du Roger-Ducasse…

Et quelle superbe interprétation _ écoutez, elle est accessible sur YouTube ici_ de Joel Hastings,

décédé accidentellement le 26 mai 2016 à l’âge de 46 ans,  soit 5 mois à peine après cet enregistrement des 6 et 7  janvier précédents…

Sur cet excellent CD qui nous révèle cette vraiment superbe musique _ de pièces brèves, prestes : à la française ! _,

jeter un œil à l’article joliment intitulé « Une musique qui « dérive » » de Jean-Baptiste Baronian paru le 16 septembre 2017 dans le magazine belge Crescendo, même si cet article nie bien trop à mon goût la singularité _ éclatante, heureuse ! _ de Roger-Ducasse _ qui est loin d’être seulement un malheureux épigone ; il a un génie propre ! qu’il ne faut pas lui dénier… _ :

Une musique qui « dérive »

LE 16 SEPTEMBRE 2017 par Jean-Baptiste Baronian

Roger-Ducasse

Jean ROGER-DUCASSE
(1873-1954)
Œuvres pour piano

Joel HASTINGS (piano)
DDD–2017-78’ 31’’–Textes de présentation en anglais et français– Grand Piano GP724

Le Bordelais Jean Roger-Ducasse a été un des élèves de Gabriel Fauré, envers lequel il vouait une admiration sans réserve et dont il s’est beaucoup inspiré en écrivant ses propres œuvres, que ce soit ses pièces pour piano seul, sa musique de chambre ou ses compositions orchestrales, à l’instar de l’attachante Suite française, créée en 1908 au Concerts Colonne sous la direction de Gabriel Pierné.


Qu’est-ce qui a manqué à Jean Roger-Ducasse pour être presque toujours resté dans l’ombre de son maître et n’avoir pas connu la célébrité de Maurice Ravel né deux ans après lui et dont il a été l’ami ? Peut-être le fait qu’il n’a pas réussi à décrocher le fameux Prix de Rome, qui était tant convoité à l’époque et qui, comme l’écrit Katy Hamilton dans la brochure accompagnant ce disque, « garantissait pratiquement le succès de la carrière d’un jeune compositeur français » (en réalité, il n’a été récompensé que par le Premier Second Prix) ? _ mais Maurice Ravel ne l’a pas, lui non plus obtenu, ce Prix de Rome. À moins que ce ne soit son écriture elle-même, pourtant si fine, si élégante et si spontanée _ en effet ! _, mais qu’on ne peut ne pas rapprocher de celle de ses compatriotes les plus illustres, non seulement Gabriel Fauré et Maurice Ravel, mais aussi, il va sans dire, Claude Debussy, ainsi que l’atteste Sonorités _ écoutez-ici _, une des onze pièces pour piano remarquablement interprétées ici par le pianiste canadien Joel Hastings, décédé en 2016, à l’âge de quarante-six ans _ pour ma part, je trouve la musique de Roger-Ducasse beaucoup plus singulière et originale… La musique de Jean Roger-Ducasse « dérive » également, pour reprendre le mot de Laurent Ceillier dans sa monographie consacrée au compositeur en 1920, « dérive » également de Jean-Sébastien Bach « par l’écriture contrapuntique étonnante avec laquelle l’auteur se plaît à jouer des juxtapositions et des superpositions sonores » _ oui, cela est très juste ; et c’est probablement même ce qui la distingue clairement de Fauré, Debussy ou Ravel… Les Quatre études datant de 1915 en constituent un bel exemple avec un prélude très stylisé et une fugue aux limites du pastiche, à la manière d’une joyeuse récréation _ écoutez aussi ici le lent et le lentement


Jean-Baptiste Baronian

Son 9 – Livret 7 – Répertoire 8 – Interprétation 9

Mais aussi et encore, et en fouillant un peu mieux parmi le désordre de ma discothèque personnelle,

voici cet article mien, en date du 23 juillet 2019, « « ,

à propos du CD « Jean Roger-Ducasse – Patrick Hemmerlé« , Melism MLS-CD-013 _ enregistré à Paris en mars et septembre 2018 _, paru en 2019 :

A découvrir : le piano de Jean Roger-Ducasse (1873 – 1954) par Patrick Hemmerlé

— Ecrit le mardi 23 juillet 2019 dans la rubriqueHistoire, Musiques”.

Parmi les musiciens français

contemporains de Lucien Durosoir (1878 – 1955) :

Jean Roger-Ducasse (1873 – 1954).

Et son œuvre de piano _ entre 1906 et 1921 _

interprétées par Patrick Hemmerlé :

un CD Melism MLS-CD 013.


Une découverte ! Écoutez-ici.


Le 18 juin dernier, sur son site Discophilia,

Jean-Charles Hoffelé

m’avais mis la puce à l’oreille,

avec son article Le Piano de Pan.


LE PIANO DE PAN




Un mystère : la musique de Jean Roger-Ducasse reste le secret le mieux gardé _ en tout cas l’un d’entre ces derniers _ du piano français, connu d’une poignée de mélomanes qui savent ses somptuosités _ oui. Dominique Merlet _ élève de Roger-Ducasse, et petit-fils de l’ami très proche de celui-ci, et bordelais lui aussi, André Lambinet (1er avril 1870 – 1954), dont la riche correspondance musicale de 1901 à 1951 est passionnante ; Cécile Lambinet (1903 – Bordeaux, 23 juillet 1964), fille d’André Lambinet, et épouse de François Merlet (Mussidan, 1er janvier 1901 – Bordeaux, 30 décembre 1998), sont les parents du pianiste Dominique Merlet, né à Bordeaux le 18 février 1938… (ajout du 4 mai 2024) _aura tenté de lui rendre la place qu’il mérite aux côtés de Fauré, Debussy et Ravel, Martin Jones, encyclopédiste comme il sait l’être, l’aura gravée intégralement, mais il fallait probablement ce disque entêtant comme un parfum _ voilà _ pour en révéler enfin toute les splendeurs _ oui.


Le piano de Jean Roger-Ducasse n’est que panthéisme _ voilà _, paysages sonores où l’harmonie se sature et s’envole, les doigts rêvent, les notes sont des impressions de senteurs. Inimaginable poésie des timbres qui produit une musique aussi addictive par son imaginaire sonore que peuvent l’être les œuvres de piano de Georges Enesco _ c’est tout dire ! Si les pianistes les fréquentent peu, c’est parce qu’elles sont difficiles, pour les doigts certes, mais plus encore pour la mémoire : Roger-Ducasse divague, déteste les thèmes et les repères _ tel Debussy _, détruit l’harmonie de l’intérieur comme le faisait l’ultime fauréen, et dans les moments les plus sombres – qui n’abondent pas – fait toujours pénétrer cette lumière de soir d’été.


Il faut un poète pour saisir tout cela, et un sacré pianiste, Patrick Hemmerlé sur un magnifique Bechstein qui chante loin et mordore ses timbres, en éclaire toutes les complexités, élance les myriades de notes en scintillements d’étoiles (écoutez la première Etude !), modèle les rythmes fuyants (l’Etude en sixtes), fait entrer dans ces univers clos tout un jardin dans le vent (les sublimes Rythmes de 1917).


Il a en plus construit un programme parfait, herborisant uniquement dans les chefs-d’œuvre de ce compositeur que je n’en finis pas de découvrir, en m’émerveillant. Impossible de ne pas vous laisser fasciner par ce disque _ probablement _ vampirique.


LE DISQUE DU JOUR


Jean Roger-Ducasse (1873-1954)



Barcarolle No. 1 en ré bémol majeur
Etude No. 1 en sol dièse mineur
Etude No. 2 en la bémol majeur
Etude en sixtes en sol bémol majeur
Arabesque No. 1 en fa dièse majeur
Arabesque No. 2 en ut majeur
Rythmes en sol bémol majeur
Sonorités en la bémol majeur
Barcarolle No. 2 en sol bémol majeur
Barcarolle No. 3 en fa majeur


Patrick Hemmerlé, piano

Un album du label Melism MLS-CD-013



Photo à la une : le pianiste Patrick Hemmerlé – Photo : © Jean-Baptiste Millot


Ce mardi 23 juillet 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Voilà.

Et excellente écoute !

Ce samedi 4 mai 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

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