Comment bien jouer la musique : sur le « Duphly » d’Elisabeth Joyé…
Pour prolonger un peu la réflexion sur le « jeu » d’interprétation « réussi » de la musique (d’un « compositeur« -auteur d’une œuvre…),
ce petit échange amical _ « sur le vif » ; et sans rien de « personnel« … _ de correspondance avec Elisabeth Joyé,
dont le _ merveilleux ! _ CD « Pièces de clavecin » de Jacques Duphly (CD Alpha 150) vient de paraître le 3 juillet, en début de « vacances d’été » :
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à titre de (modestes) « témoignages » (vivants) sur ce que peut être « interpréter« pour l’artiste-interprète musicien
et « écouter« pour l’« amateur« – mélomane…
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D’abord, un petit simple message d’envoi de l’article « L’enchantement du CD “Duphly” d’Elisabeth Joyé : une entrée “de rêve” dans le classicisisme musical français du XVIIIème siècle ! » :
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De : Titus Curiosus
Objet : Bravo !
Date : 15 juillet 2009 17:34:19 HAEC
À : Elisabeth Joyé
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Voici mon article sur ton « bijou » :
l’entrée parfaite (!) pour « découvrir » la musique française du XVIIIème…
Titus
qui en redemande des comme celui-là !!!
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La réponse de l’artiste :
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De : Elisabeth Joyé
Date : 19 juillet 2009 11:49:58 HAEC
À : Titus Curiosus
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cher Titus,
Je suis vraiment touchée que tu aies aimé mon Duphly. Moi, je n’arrive plus à
l’écouter !..
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Je joue Duphly le 5 Septembre à Paris pour créer un peu un événement autour de
cette sortie. Ça me ferait plaisir si tu pouvais être là.
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A bientôt, je t’embrasse Elisabeth
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Ma réponse,
sur le « mécontentement » (voire les « doutes« …) a posteriori de l’artiste envers ce que « conserve » le CD :
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De : Titus Curiosus
Objet : Ne plus arriver à l’écouter !
Date : 19 juillet 2009 12:37:52 HAEC
À : Elisabeth Joyé
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Bien sûr : tu es la mieux placée pour en juger…
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Cependant, comme déjà tout cela,
dans la délicatesse de ses infinies inflexions,
coule de source, je veux dire sans à-coups autres que ceux que semble suggérer la musique même (en son jaillissement « de source » !..) de Duphly !..
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Mais nous savons tous qu’un enregistrement n’est qu’une « saisie« (= une « prise« ) à un instant « T«
de ce qui jaillit de l’écriture notée (pour toujours : sauf quand l’écriture, elle-même, est « reprise » : ce qui advient aussi !) du créateur ; d’autant
que l’interprétation (à donner ; à « créer« , elle aussi…) déborde aussi très largement la notation elle-même,
à une époque où celle-ci se précise de plus en plus _ la musique tant, alors, diffusée pour se vendre (de plus en plus) en partitions : pour des « amateurs » qui vont l’interpréter « à la maison » _ ou aux concerts publics : qui débutent ; le « Concert Spirituel« , aux Tuileries, est créé en 1725, il me semble me souvenir… _,
même si en France je suppose
qu’on (le compositeur) fait davantage qu’ailleurs confiance au goût (de l’interprète _ pas un vulgaire exécutant mécanique, ni simplement un « déchiffreur » !.. cf cependant les « inquiétudes » à ce sujet, déjà, d’un François Couperin, à propos des « ornements« (nécessaires !) laissés (un peu trop ?) au goût de l’interprète… _)
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Duphly doit être, il faudrait le vérifier, le contemporain de Carl-Philipp-Emanuel Bach :
1715-1789, pour Duphly ;
1714- 1788, pour CPE Bach : je n’ai pas fait exprès !
Je veux dire l’auteur de l' »Essai sur l’art de jouer les instruments à clavier« , en 1753 _ en français, aux Éditions Jean-Claude Lattès en 1979 _ : je viens de le rechercher en ma bibliothèque _ qui commence donc à traiter, sur le papier, des « inquiétudes« de l’« interprétation« (de « connaisseurs« et d’« amateurs« ) !!!… : « probablement le plus important traité pratique sur la musique écrit au 18e siècle ». C’est, à un moment d’essor considérable de la diffusion (commerciale) de la musique auprès d’un « public« d’« interprètes« de plus en plus large, une sorte de « guide » un peu détaillé et affiné, concernant « le doigté, l’ornementation, l’æsthétique, l’accompagnement et l’improvisation« . Et déjà en 1780, ce « guide » sur « l’art _ et non une simple « technique« … _ de jouer« avait atteint sa troisième édition…
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D’où l’importance de la transmission (professorale…) de tout cela : c’est aussi l’œuvre d’une vie…
Et j’en sais aussi un peu quelque chose en mon propre enseignement,
même si ce n’est pas « de musique« …
Ce n’est jamais pareil ; et on s’améliore (même si c’est toujours périlleux) : du moins jusqu’ici !.. Il faut aussi transmettre, à la fois, et la palette des nuances, et l’élan _ en se jetant à l’eau : et c’est aussi comme ça qu’on apprend à nager et faire du vélo !..
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Donc, ne pas trop s’inquiéter du caractère « figé« _ dans la cire, la gravure, le sillon du CD, le marbre _ de l’enregistrement en sa « prise« , en quelques heures d’avril 2008 (en ce beau lieu _ inspirant ! sans nul doute _ d’Assas)…
Cette « prise« -là (discographique) est déjà « pas mal » du tout !!!
Elle coule fort bien de source,
dans le feu d’artifice du jeu de toutes ses inflexions…
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Le son du clavecin me paraît y être aussi pour un peu quelque chose :
même s’il revient à l’interprète de le faire « sonner » au mieux…
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En tout cas, j’aime infiniment la « gravité » ludique sans lourdeur aucune (de la musique de ce CD « Duphly« ),
c’est du moins ainsi que je la ressens et qu’elle me touche…
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Bravo…
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Pour le 5 septembre, pourquoi pas ?
Cela peut se faire…
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J’ai dit de vive voix (au téléphone) toute ma joie de ce CD à Jean-Paul _ Combet : le patron d’Alpha _ ;
puis je lui ai adressé mon article.
Mais je ne l’ai pas eu au bout du fil depuis…
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Voilà.
Et je le réécoute beaucoup, ce CD : il me réjouit chaque fois sans m’en lasser du tout ! et même chaque fois davantage ! en découvrant encore des nuances moins repérées à l’oreille et l’esprit jusqu’alors…
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Une très belle sérénité dans l’élan…
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Voilà, voilà !
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Je t’embrasse,
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Titus
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Et la réponse un peu rassérénée de l’interprète toujours inquiète (cf sa belle photo à un volet de porte du château d’Assas !) :
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De : Elisabeth Joyé
Date : 20 juillet 2009 16:49:43 HAEC
À : Titus Curiosus
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Merci encore cher Francis pour ta réponse si rapide.
Tout ce que tu dis correspond très bien à ce que je sens de cette musique et de
beaucoup d’autres musiques.
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C’est vrai que je cherche toujours quelque chose qui
parle, qui soit clair et simple avec un bon rythme. Et je crois que ça s’entend.
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A part le tien, je n’ai pour l’instant aucun autre article écrit _ en juillet, les journalistes sont « aux champs« : il faudra vraisemblablement attendre la « rentrée« …
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J’espère qu’ils
seront aussi gentils que toi !
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Je t’embrasse Elisabeth
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Voilà un des secrets de la musique française : de Louis Couperin (ca 1626-1661) à Jacques Duphly (1715-1789), Armand-Louis Couperin (1727-1789 : aussi…) et Claude-Bénigne Balbastre (1724-1799) ;
mais aussi pour Fauré et Debussy et Ravel et Poulenc…
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Un CD « Pièces de clavecin » de Jacques Duphly (CD Alpha 150)
aux sources des jaillissants beaux secrets tranquilles, sans effets déclarés, de cette merveilleuse musique
_ qui fait aussi, en plus (et tout à fait comme son exact contemporain Chardin en peinture !), beaucoup de bien (à l’âme !)…
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Titus Curiosus, ce 20 juillet 2009
Tags: amateurs, âme, Chardin, connaisseurs, Couperin, Duphly, écoute, élan, génie, goût, goût français, inquiétude, interprétation, mélomanes, notation, ornements, style