Sur le site Res Musica,
une intéressante interview de l’inventif Johannes Pramsohler,
JOHANNES PRAMSOHLER, VIOLONISTE POUR SORTIR DES SENTIERS BATTUS
par Maciej Chiżyński
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Le violoniste Johannes Pramsohler s’est affirmé ces dernières années comme l’un des instrumentistes les plus inspirés, tout autant que les plus inspirants dans le domaine de la musique baroque. Ayant fondé l’Ensemble Diderot et son propre label, Audax Records _ voilà ! _, il a maintenant la liberté dans le choix du répertoire qu’il voudrait aborder et présenter au public.
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« La crise du disque a profondément changé le rapport entre label et artistes. »
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ResMusica : Vous avez étudié auprès de grands maîtres du violon, notamment Reinhard Goebel et Rachel Podger. En quoi leur approche est-elle différente ?
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Johannes Pramsohler : Je ne suis pas vraiment un « élève » de Reinhard Goebel au sens propre, car je n’ai jamais eu de cours de violon avec lui. J’ai eu la chance de travailler avec lui dans plusieurs projets d’orchestre ; et seulement depuis un an, je suis dans sa classe d’« interprétation historiquement informée » au Mozarteum de Salzbourg. Reinhard part toujours de l’analyse de l’œuvre, et il cherche une « vérité » dans la musique avec une grande passion. Il donne la priorité absolue à la fidélité au texte. L’approche de Rachel Podger est plus spontanée et plus libre. J’avais déjà suivi un cursus en violon moderne, mais je n’ai eu l’impression de vraiment comprendre la technique violonistique qu’au cours de mes années d’étude avec elle. Je suis gaucher, et elle m’a guidé avec beaucoup d’intelligence et de sensibilité pour acquérir une solide technique de l’archet. Finalement, les deux se ressemblent dans la technique violonistique avec un bras droit parfaitement maitrisé et le poignet bas et contrôlé.
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RM : Sur quel violon jouez-vous ?
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JP : J’ai la chance de jouer sur le magnifique Pietro Giacomo Rogeri construit à Brescia en 1713, qui appartenait à Reinhard Goebel. C’est un violon avec un spectre harmonique très riche et équilibré qui est mon « partenaire » sur scène depuis maintenant dix ans. Reinhard me dit toujours : « Le violon connaît déjà l’œuvre, maintenant il faut juste que tu le travailles ». (rires) Pour mes projets avec des orchestres modernes, j’ai la chance d’avoir la possibilité de jouer de magnifiques Stradivarius et Guadagnini de la collection de la Royal Academy of Music de Londres.
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RM : Vous avez fondé votre propre label. Pourquoi l‘avez-vous fait ?
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JP : Généralement, les artistes enregistrent des disques pour laisser une trace ou avoir une « carte de visite ». Pour moi, cela se double d’une envie d’enrichir le répertoire.
La crise du disque a profondément changé le rapport entre label et artistes. Les stratégies de long terme avec des engagements sur plusieurs disques ne sont plus possibles ; et de surcroît, l’artiste doit dorénavant apporter une majeure partie du financement au label. Mes choix artistiques sont de plus difficiles à défendre auprès de directeurs de maisons de disques qui recherchent une rentabilité immédiate _ hélas. Avec Audax Records, j’ai une totale liberté, du programme jusqu’à la pochette, et même le marketing. Et le concept à 360° que nous poursuivons avec l’Ensemble Diderot permet de rester très flexible _ c’est bien.
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RM : Quel est l’objectif du label Audax ? Qu’est-ce qui distingue cette étiquette des autres maisons de disques se spécialisant dans le domaine de la musique ancienne et baroque ?
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JP : Audax Records est un label d’artistes. C’est la plateforme d’expression des musiciens de l’Ensemble Diderot _ voilà. Il est géré par nous-mêmes, et chaque projet est construit avec soin et passion. L’objectif principal est d’enrichir le paysage musical avec des enregistrements d’œuvres méconnues voire inédites _ c’est bien ! _ et de proposer des programmes surprenants et toujours aussi un peu « didactiques ». Nous construisons des projets qui sortent des sentiers battus avec une réelle exigence musicale et musicologique, mais nous ne nous adressons pas à une « niche ». Nous nous adressons au public le plus large possible en le guidant vers de nouveaux territoires : la compréhension et l’illustration de l’entourage _ oui _ d’un compositeur connu (comme Bach ou Haendel), une plongée dans la vie musicale d’une ville, d’un pays ou d’une époque, ou encore la connaissance d’un genre musical précis _ soit un élargissement.
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« Je ne cherche jamais activement des œuvres inédites : elles me tombent dans les mains ! »
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RM : Quels critères choisissez-vous en abordant le répertoire méconnu ? Comment vous procurez-vous les partitions ?
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JP : Je m’intéresse beaucoup aux biographies _ oui _ des compositeurs ; et ça m’amène aussi à lire les catalogues des bibliothèques _ c’est bien. J’ai des contacts étroits avec des musicologues du monde entier _ oui _ qui me permettent de trouver des réponses très vite à mes questions. C’est un travail continu qui a pour but de comprendre _ systématiquement, en proifondeur _ un compositeur ou une époque. Je ne cherche jamais activement des œuvres inédites – elles me tombent dans les mains en quelque sorte au cours de mes recherches. Ensuite, une chose mène à la suivante _ voilà ; tout s’enchaîne _ avec toujours de nouvelles idées de programmes.
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RM : Combien de temps à l’avance démarrez-vous la mise en œuvre de vos projets discographiques ? Ces projets ont-ils un dénominateur commun ?
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JP : La plupart des programmes subissent un temps de « maturation » d’environ cinq ans _ wow ! On commence par une idée et on essaie d’intégrer les œuvres dans nos programmes de concert ; et, peu à peu _ voilà _, le projet discographique se construit. On a beaucoup de projets qui ne voient jamais le jour. Le dénominateur commun est de ne jamais cesser d’être curieux _ oui ! _, ainsi qu’avoir une franche passion _ oui ! _ pour la musique.
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RM : Vous trouvez également du temps pour donner des concerts, en solo, et avec l’Ensemble Diderot. Qu’est-ce que vous avec joué récemment ?
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JP : Je viens de faire un programme Mozart avec un orchestre symphonique. Un Academie-Konzert comme le faisait Mozart à Vienne dans les années 1780 en mélangeant un concerto, de la musique de chambre, un air de concert, et le tout encadré par les mouvements d’une symphonie. J’aime travailler avec des orchestres « modernes », je trouve important de rester ouvert et curieux, et ces projets m’enrichissent aussi pour mon travail avec mon propre groupe.
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À la Royal Academy of Music de Londres, j’ai récemment joué l’intégrale des sonates de Bach. Avec l’Ensemble Diderot, nous sommes en pleine tournée pour le lancement de nos deux disques The London Album et The Paris Album avec des sonates en trio du XVIIe siècle français et anglais.
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La tournée de Didon et Énée de Purcell avec une mise en scène de Benoît Benichou se poursuit pour l’Ensemble Diderot qui s’est, pour l’occasion, élargi de son propre chœur. Il sera donné au Festival d’Hardelot, ainsi qu’en tournée sur la saison 2020-2021.
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RM : Pourriez-vous nous annoncer vos prochaines activités musicales, et surtout les parutions discographiques ?
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JP : Notre prochain grand projet avec l’Ensemble Diderot est une production scénique de L’Offrande musicale de Bach. Damien Caille-Perret construit une scénographie sensible avec trois immenses écrans, et Pierre Nouvel va créer des vidéos illustrant l’œuvre d’une nouvelle façon, presque « immersive ». On donnera ce spectacle en tournée en Italie, Autriche et France durant l’automne 2019, de même que cinq représentations à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet à Paris en mai 2020.
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Sinon on se penchera dans les prochaines années encore sur la musique du XVIIe avec le désir d’approfondir davantage notre connaissance des débuts de la sonate. La musique française ne manquera pas avec notamment un nouvel enregistrement des magnifiques sonates en trio de Leclair _ c’est bien ! Nous commençons également un travail important sur la musique berlinoise du milieu du XVIIIe avec plusieurs projets discographiques.
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Crédits photographiques : Portrait 1 © Julien Benhamou ; Portrait 2 © Johannes Pramsohler
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Ce mercredi 26 juin 2019, Titus – Curiosus – Francis Lippa
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