Archives de la catégorie “Littératures”

Le brillant (virtuose) mais plus encore profond entretien sur ce qu’est fondamentalement « lire », entre Alberto Manguel et Javier Cercas pour la soirée de lancement des « 20 ans de Lettres du Monde », à la Station Ausone jeudi 16 novembre dernier…

22nov

Voici la vidéo (d’une durée de 68′) du brillant (virtuose) mais profond entretien à propos de ce qu’est fondamentalement « lire« 

entre Alberto Manguel et Javier Cercas

_ la modératrice, Caroline Broué a eu bien du mal à tenir ses chevaux, se passant fort bien d’elle… _

pour la soirée de lancement des « 20 ans de Lettres du Monde« ,

à la Station Ausone jeudi 16 novembre dernier :

l’esprit le plus vif était pleinement là, présent ;

et pour le fond ; et pour la forme…

Quel régal !!!

Et quel désir partagé de lire…

Ce mercredi 22 novembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

L’hommage, discret mais vibrant, rendu le 12 octobre dernier, à la Maison de la Poésie à Paris, par Enrique Vila-Matas à son cher et fidèle traducteur André Gabastou, qui décèdera le 11 novembre ; à l’occasion de la présentation de son fascinant « Montevideo », traduit en français par André Gabastou…

19nov

Le 12 octobre dernier, à la Maison de la Poésie à Paris, au cours d’un fascinant poétique entretien (de 74′) avec Tiphaine Samoyault,

le romancier espagnol Enrique Vila-Matas n’a pas manqué, avec sobriété et douceur dans la voix, de rendre aussi un bel et vibrant discret hommage à son cher et fidèle _ indispensable passeur ! _ traducteur en français André Gabastou _ décédé le 11 novembre dernier ; cf mon article «  » d’avant-hier, 17 novembre _,

ainsi que l’a enregistré cette passionnante vidéo _ sur laquelle n’apparaît pas André Gabastou, présent dans la salle… _, autour du très subtil « Montevideo » que venait présenter l’écrivain

_ c’est notre amie Monique Moulia qui m’a signalé l’existence de cette belle vidéo parisienne : « Merci de votre hommage à André Gabastou dont nous avons aimé et admiré le travail et dont nous avions apprécié la présence , l’humour, l’enracinement et l’ouverture au monde,  simultanément . Je me permets de vous joindre cette référence  à une conférence donnée il y a un mois par Tiphaine Samoyault à la Maison de la Poésie : André Gabastou était dans la salle …et cette conférence  intitulée Montevideo pour introduire l’intervention d’Enrique Vila-Matas est magnifique.

Espérant  pouvoir partager encore avec vous un peu de cette beauté qui sauve« 

Les ombres de Julio Cortazar, Jorge Luis Borges, Adolfo Bioy Casares, Isidore Ducasse, Jules Laforgue, Jules Supervieille, Idea Vilariño, Julio Herrera y Reissig, Copi, étaient présentes, en effet, rodant, toutes, autour de _ et jusque dans _ la chambre 205 de l’Hôtel Cervantes _ mais est bien là, justement, la puissance shamanique de la magie poétique de la littérature _, comme cela est fantastiquement évoqué, avec une sorte d’humour grave, fin, discret et léger, sans jamais hausser le ton, feutré, ni surtout pas s’appesantir, par les deux ultra-fins interlocuteurs de cet entretien, comme on les aime,

en _ et aussi à propos de _ cette Montevideo « capitale de la littérature » de l’hémisphère sud…

Pour ma part, j’ai bien sûr pensé aussi à l’amie Silvia Baron Supervielle

_ cf par exemple mon article du 24 septembre 2020 : « «  ;

un article dans lequel est présent, aussi, je le découvre à sa relecture, l’ami Eduardo Berti, revu ce dimanche après-midi à Malagar, en compagnie de l’unique Alberto Manguel (avec aussi cette fée des convergences littéraires qu’est la merveilleuse Sylviane Sambor…) : je reviendrai prochainement à cette rencontre malagarienne d’Alberto Manguel et Eduardo Berti, pour le bel anniversaire des 20 ans de Lettres du Monde….

Ce dimanche 19 novembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Décès de notre ami, et traducteur, André Gabastou, le 11 novembre…

17nov

Hier 16 novembre, à 12 h 13, un courriel de ma cousine Françoise m’a appris le décès d’André Gabastou.

Le 11 novembre, à Paris, indiquait-elle.

Et ses obsèques s’étant déroulées ce vendredi matin, 17 novembre, à 10 h, en l’église Saint-Pierre de Lay-Lamidou, en Béarn…

Voici le superbe hommage que lui rend, publié dans Libération le 14 novembre, Enrique Vila-Matas :

Le Béarnais, l’un des meilleurs et des plus fins de sa profession, mort le 11 novembre, a traduit de grands auteurs contemporains de langue espagnole, notamment Enrique Vila-Matas. Celui-ci lui rend hommage en faisant de lui un personnage de son monde.
«André Gabastou avait une méthode aussi mystérieuse qu’infaillible pour obtenir, à chaque problème de traduction, une amélioration automatique de l’original», admire Enrique Vila-Matas. (Mathieu Bourgois)

par Enrique Vila-Matas

publié le 14 novembre 2023 à 18h11

Je ne peux évoquer André, homme et traducteur exceptionnel, qu’en termes très élogieux. Tant d’années de collaboration étroite (il a traduit douze de mes livres) lui avaient donné une connaissance très fine de mon style, et il agissait en créateur qui m’était infiniment supérieur. Il résolvait aisément ce qui en perturbait tant d’autres : par exemple la prolifération, dans mes textes, de citations vraies ou fausses. Mieux encore, il avait une méthode aussi mystérieuse qu’infaillible pour obtenir, à chaque problème de traduction, une amélioration automatique de l’original _ rien moins ! Je le découvris un jour où, feuilletant distraitement un supplément culturel, je tombai sur une phrase isolée, mise en appel, qui attira mon attention. J’ai de nouveau évoqué cette anecdote à la Maison de la poésie, voici un mois, en présence de Tiphaine Samoyault, Manuela Corigliano et André Gabastou lui-même _ tiens donc ! Peut-être parce qu’elle abordait un thème qui m’était particulièrement cher, ai-je dit, cette phrase me parut écrite avec un rythme assez élégant pour éveiller l’envie, et je suis allé jusqu’à penser que j’aurais bien aimé être l’auteur d’une composition où les mots étaient si bien choisis, et l’ordre des propositions subordonnées, si incroyablement harmonieux.

C’étaient des mots d’un autre monde, bien qu’ils paraissent venir du mien. A peine avais-je dit cela que je découvris que la phrase était signée par moi et tirée de l’un de mes romans, dans la traduction brillante de Gabastou _ voilà. Ce jour-là, j’ai compris pourquoi j’avais d’aussi bons lecteurs en France et pourquoi la France m’avait donné un accueil si chaleureux _ voilà.

Le lendemain de la soirée à la Maison de la poésie, j’ai de nouveau rencontré André. C’était à Saint-Germain-des-Prés, et c’est la dernière fois que nous nous sommes vus. Une conversation lente et paisible, aux Deux Magots, à propos de notre admiration mutuelle pour les romans de Bernardo Atxaga, le grand écrivain basque qu’il a si souvent traduit, et aussi à propos du Béarn, terre natale de Gabastou et terre des ancêtres de l’Argentin Bioy Casares _ notre cousin Bioy _ dont le livre écrit en collaboration avec Silvina Ocampo, Ceux qui aiment, haïssent, fut sa première traduction de l’espagnol : «Le roman m’avait paru si agréable que j’ai proposé de le traduire au légendaire Christian Bourgois, qui accepta aussitôt.» Bioy Casares était, comme Jules Supervielle _ les Bioy sont apparentés aux Supervielle, et leurs tombes familiales se jouxtent au cimetère en haut de la rue d’Aspe, à Oloron… _, originaire d’Oloron-Sainte-Marie _ voilà _, ce qui, d’une certaine façon, maintenait Gabastou dans la grande confrérie des Béarnais (confrérie moins réelle que de fantaisie).

Et je me souviens que par deux fois il détourna la question de savoir quelle maladie l’avait conduit à littéralement disparaître pendant aussi longtemps. Il la détourna, ou il ne l’entendit pas, mais je crois plutôt qu’il l’éluda. Mentalement, il était en forme. Sans que je le lui demande, il m’informa aussitôt – et je crois très délibérément – qu’il passait son temps libre à lire Balzac ou Proust. Ça n’avait pas l’air d’un adieu, mais aujourd’hui, c’en est un. «Sacré Gabastou !»

Enrique Vila-Matas a écrit, chez Actes Sud, Montevideo, traduit par André Gabastou (Actes Sud). Lire Libération du 15 septembre 2023.

Traduit de l’espagnol par Philippe Lançon.

…`

André Gabastou m’avait très gentiment prêté l’édition intégrale du « Borges » de Bioy (aux Éditions Blacklist), dont je n’avais réussi à dénicher, à Donostia – Saint-Sébastien, que l’édition partielle (« Edición minor / Edición al cuidado de Daniel Martino), parue aux Éditions Blacklist, à Barcelone, au mois de janvier 2011 _ la première édition (intégrale) de ce « Borges » de Bioy, par Daniel Martino, avait eu lieu en 2006 : Daniel Martino y donnait toutes les entrées, sans exception aucune, du « Journal intime » manuscrit de Bioy comportant la moindre mention du nom de « Borges » ;  et l’Edicion minor (de 692 pages déjà), elle, a oté les entrées jugées par l’éditeur moins importantes… _ :

je recherchais de plus amples récits des intimités gardées soigneusement secrètes de Bioy ; ainsi que des renseignements un peu précis sur ses voyages _ avec ou sans Silvina _ en Europe, en France et en Béarn, en particulier chez son cousin le Dr Edouard Bioy, à Pau…

Et je n’ai bien sûr pas manqué de restituer à André Gabastou son exemplaire de l’Édition intégrale de ce « Borges » de Bioy, une fois parcourue l’intégralité des entrées comportant mention du nom de « Borges« , et n’y ayant découvert, et pour cause (!), rien de nouveau et plus précis ou détaillé des liaisons intimes gardées secrètes de Bioy, ou d’un détail plus précis des voyages de Bioy en Europe, que dans l’Edicion minor ; les récits des entrées concernant Borges étant _ j’allais dire « forcément« , mais à tort… _ le plus souvent exclusivement littéraires…

_ sur cette recherche mienne d’alors, cf les conclusions (miennes aussi) de ce significatif article du 25 juillet 2021 : « « 

Et je ne désespère pas que soit enfin un jour publiée _ ne serait-ce qu’en espagnol _ l’intégralité de ce chef d’œuvre marquant qu’est cet extraordinaire _ au moins pour les vrais amateurs de littérature ; cf cet article « «  du 30 novembre 2019 : « De las 20.000 páginas de cuadernos íntimos que Bioy (1914-1999) escribió a lo largo de su vida, su relación con Borges ocupa 1.700, explicó en una información de 2006 Javier Rodríguez Marcos _ « Journal intime » de Bioy…

Adieu André, adieu l’ami béarnais,

passeur de littérature…

Ce vendredi 17 novembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Trois lumineuses parutions aux passionnantes Editions du Canoë (de Colette Lambrichs) : de Youssef Ishaghpour, « Le Poncif d’Adorno – Le poème après Auschwitz » et « Rothko – une absence d’image : la lumière de la couleur » ; et de Michel Butor & Carlo Ossola, « Conversation sur le temps »…

25oct

ainsi que l’invitation à assister, demain jeudi 26 octobre à 19h 30, à la Librairie Les Champs magnétiques, dans le 12e arrondissement à Paris, à la présentation du livre, toujours de Youssef Ishaghpour, « Rothko – une absence d’image : la lumière de la couleur« ,
tous aux Éditions du Canoë, de Colette Lambrichs,
m’ont fait répondre aussitôt ceci à Colette :  
À propos de Bernard Plossu et de sa longue amitié avec Michel Butor (Mons-en-Barœul, 14 septembre 1926 – Contamine-sur-Arve, 24 août 2016), simplement ceci,
chère Colette : 
 
ce lien https://www.mollat.com/podcasts/bernard-plossu au podcast de mon entretien avec Bernard Plossu dans les salons Albert Mollat, le 31 janvier 2014 :
 
 
 
 
Je vais bien sûr lire avec très grand plaisir l’entretien (à Saint-Émilion, le 28 mai 2011) de Carlo Ossola avec Michel Butor,
et en dirai un mot aussi à l’ami bruxellois Pascal Chabot…
 
Bonne rencontre parisienne, bien sûr, demain soir jeudi à la librairie Les Champs magnétiques autour du sublime Mark Rothko (Dvinsk, 25 septembre 1903 – New-York, 25 février 1970),
et du « Rothko, une absence d’image – lumière de la couleur » que lui a donc consacré Youssef Ishaghpour (Téhéran, 14 mars 1940 – Paris, 15 octobre 2021)
 
Francis
Ce mercredi 25 octobre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le bouleversant « Je te laisse dormir » d’Edith Bruck, ou la somptueuse conversation poursuivie – continuée avec Nelo Risi (1920 – 2015), le compagnon de sa vie…

02oct

Ce lundi 2 octobre,

achèvement de ma deuxième lecture bien attentive du « Je te laisse dormir » (2017-2018) d’Édith Bruck, le troisième volet (aux pages 195 à 318) du volume intitulé « Je te laisse dormir » ;

en complément de son « L’Hirondelle sur le radiateur » (2014-2015 ; aux pages 9 à 184), premier volet de ce volume, et de « L’Homme Nelo Risi » (un discours prononcé par Edith le 13 octobre 2016 ; et retranscrit ici aux pages 187 à 191), deuxième volet : 

un volume de 320 pages qui paraît jeudi prochain 6 octobre, en une traduction de René de Ceccatty, aux Éditions du sous-sol…

J’ai accédé à quelques uns des divers récits de survie et vie d’Édith Bruck _ parmi ceux qui  ont été traduits en français _ par ma  lecture, en janvier 2022, tout d’abord, de son stupéfiant « Le Pain perdu«  _ paru, aux Éditions du sous-sol, en une traduction de René de Ceccaty, le 7 janvier 2022 _ (« Il Pane perduto » avait paru en 2021 aux Éditions La Nave di Teseo),

bientôt, très vite, suivie de ma lecture de son « Qui t’aime ainsi » _ paru le 21 janvier 2022, en Points-Seuil, en une traduction de Patricia Amardeil, datant d’avril 2017… :

cf la succession de cette sélection de 9 articles miens de janvier et février 2022 :

_ «  » (7 janvier 2022)

_ «  » (8 janvier)

_ «  » (10 janvier)

_ «  » (11 janvier)

_ «  » (12 janvier)

_ «  » (13 janvier)

_ «  » (22 janvier)

_ «  » (10 février)

_ «  » (11 février 2022)

puis ces 3 articles récents de septembre et octobre 2023 :

_ «  » (18 septembre 2023)

_ «  » (28 septembre)

_ «  » (1er octobre 2023)

Et maintenant,

le somptueux récit « Je te laisse dormir«  _ « Ti lascio dormire«  est paru en 2019 aux Éditions La Nave di Teseo _ est une longue bouleversante lettre de 122 pages qu’Édith Bruck adresse à son compagnon de 58 ans de vie (rencontré, à Rome, au Palazzo Marignoli, Via del Corso (in « Je te laisse dormir » page 187), ou bien/et au restaurant Otello, via della Croce (in « Le Pain perdu« , page 152) le 9 décembre 1957, puis épousé le 17 mars 1966 au Capitole de Rome _ cf la rapide mention de cet événement à la page 154 du « Pain perdu«  _, Nelo Risi (Milan, 21 avril 1920, Rome, 17 septembre 2015), décédé en leur domicile du 72 Via del Babuino, à Rome, ce 17 septembre 2015 :

Page 197 :

« Cette nuit _ la date précise n’est pas indiquée : au cours de l’été 2017… _, comme souvent dans le demi-sommeil, l’esprit occupé par toi _ voilà _,  j’ai pensé t’écrire _ un medium absolument capital pour Édith Bruck, si fondamentalement, consubstantiellement, écrivain, depuis ses premiers écrits, en 1945... J’ai carrément pris cette décision. Sans bien encore savoir quoi te dire, mais ça ne m’inquiète pas. Je sais, d’expérience _ de toute sa vie d’écriture, dès 1945, donc… _ que l’idée me suffit, que c’est une nécessité _ de révélation de et à soi-même, d’abord. Les mots se multiplieront tout seuls et d’un mot en naîtra un autre emportant avec lui _ en sa formidable dynamique révélatrice _ quelque chose de déjà mûr _ voilà… _, prêt à voir le jour sur la page _ voilà, voilà.

Tout doucement je me suis levée pour ne pas te réveiller _ « Ti lascio dormire«  ; l’expression apparaîtra un peu plus loin, à la page 204… _, comme si tu étais encore près de moi et comme si je n’avais pas compté, il y a près de deux ans _ c’était le 17 septembre 2015 ; nous sommes donc ici l’été 2017… _, l’effroi dans mon regard, tes quatre derniers souffles brefs. ensuite plus rien, rien que les cris d’Olga (notre aide à domicile dans la dernière période de ta longue maladie _ d’Alzheimer, apparue lors du premier malaise à Assise, l’été 2004 _), « C’est fini ! C’est fini ! » et mes cris inarticulés « Non non non ! », avant que je ne me jette sur le divan du salon où recroquevillée comme un fœtus je me suis détachée du réel« …


Et pages 203 – 204 :

« Je ne sais pas pourquoi, mais pour la première fois _ depuis presque deux ans _ je m’assois devant ma vieille Olivetti pour t’écrire. Que de choses il nous restait à nous dire et combien il en restera ! _ en cette conversation déjà perpétuelle et ainsi perpétuée. Une énormité, malgré les soixante années _ du 9 décembre 1957 de leur rencontre romaine, au 17 septembre 2015 des derniers souffles de Nelo, à leur domicile du 72 Via del Babuino… _ l’un près de l’autre, qui n’ont pas suffi, pas à moi en tout cas, pour avoir la liberté _ totale et absolue _ de nous parler. La liberté, avec toutes ses limites, tu l’as vécue, en bien ou en mal ; moi _ asymétriquement en leur couple _, je l’ai subie, du fait de « mon amour indulgent », comme une de mes amies l’a défini _ en une relation aimante réciproque et mutuelle, oui, mais pas tout à fait symétrique…

Tu étais et tu es _ toujours _ tout pour moi : langue, patrie, famille, père et mère. L’homme le meilleur que j’aie jamais rencontré, et pourtant j’en ai tellement rencontré, de passage dans ma vie errante, et même les meilleurs, les plus cultivés, valaient moins que toi. Personne ne t’est comparable, à toi qui te sous-estimais dans le souci obsessionnel de défendre ta dignité, ta liberté et ton honnêteté. Tu n’étais pas en mesure de faire quelque chose pour de simples raisons de survie. L’argent, pour toi, laïque, non baptisé, c’était vraiment les excréments du Diable. Tu ne savais même pas ce qu’était une facture ! Et je t’aimais pour cela aussi ; le pouvoir, l’argent sont la ruine du monde, répétais-tu« …

Et page 204, 12 lignes plus bas :

« Quand je me réveille, le matin, souvent, en me levant, je tourne la tête vers ta place et une phrase tant de fois répétée échappe toute seule à mes lèvres :

_ Je te laisse dormir.« 

Puis, page 205 – 206 :

« Depuis ce soir-là _ du jour de tes derniers souffles, le 17 septembre 2015 _, je n’ai plus touché mon stylo : tu te souviens que tu ne le supportais plus dans ma main, quand, dans les derniers temps _ en 2014-2015… _ de ta maladie _ d’Alzheimer _, je prenais ces rares notes qui sont par hasard devenues un livre _ le terrifiant et sublime « L’Hirondelle sur le radiateur«  _ ? Après ta disparition, je me suis dit que je n’écrirais plus jamais ; et puis, il y a quelques jours _ cet été 2017 _, en pleine nuit, j’ai décidé de le faire pour te raconter _ à toi, Nelo, sur le déroulé du papier… _ des choses sur moi, sur nous après toi _ « On se marie pour poursuivre la conversation » (Ford Maddox Ford) et « Pourquoi permettre à la mort de l’interrompre ? » (Julian Barnes) sont les deux parfaits exergues de cette formidable conversation reprise et poursuivie (dès lors aussi sur le papier…) de ce superbe « Je te laisse dormir«  _, parce que, dans la vie, il y a toujours un avant et un après, et quand le vide paraît me suffoquer et pèse trop, il est temps d’écrire, mon unique liberté _ voilà ! et revoici ce capital « Écrire pour respirer ! » si consubstantiel à l’écrivain qu’est fondamentalement Édith Bruck, au-delà de la personne d’Édith Steinschreiber (née à Tiszabercel le 3 mai 1931, et passée par Auschwitz en 1944 ; et bien d’autres épreuves ensuite…) : il faut y insister..; cf mon article du 11 février 2022 : « «  _ Quand, la nuit, mes bras s’allongent vers ta place déserte et que mon corps se retrouve dans l’espace qui t’était réservé au risque de tomber, il est temps d’écrire.

Mes jours ne sont plus inutiles, durant les nuits, je ne sens plus aussi souvent ta main, mais je sais que tu es là et que tu m’effleures le dos. (…)

L’écriture est oxygène _ voilà, voilà ! _, elle purifie _ en décantant vraiment et démêlant, pour commencer, les situations enchevêtrées et difficiles… En te parlant, en t’écrivant, j’ai l’impression d’émerger du puits obscur où je suis tombée _ à ton décès _ et de remonter vers la lumière, vers la blancheur _ lumineuse, éclairante et illuminatrice _ de la page que je remplis pour toi » _ pour reprendre et continuer – poursuivre l’indispensable aimante conversation (asymétrique, aussi ; mais c’était mutuellement accepté ainsi, en l’état de leurs tempéraments de fond si contrastés…) interrompue un moment de presque deux ans : entre nous deux.

Ce lundi 2 octobre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

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