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Poursuite d’enquête sur les liens de résistance entre Pierre de Bénouville et les Portmann, père et fils

27sept

Aujourd’hui, 27 septembre 2014,

je fais le point des avancées de ma recherche à propos des liens de résistance entre Pierre de Bénouville (Amsterdam, 8 août 1914 – Paris, 4 décembre 2001) et les Portmann, Georges (Saint-Jean-de-Maurienne, 1er juillet 1890 – Sainte-Eulalie, 24 février 1985), le père, et René (Caudéran, 5 décembre 1918 – Ténès, Algérie, 1er août 1957), le fils.

En prolongement de mon article du 31 juillet dernier : La fécondité magnifique du détail dans le travail d’enquête de Robert Belot sur les Résistances en France sous l’Occupation

À cette fin _ et sur les conseils avisés de Jacques Hogard, le neveu de Pierre de Bénouville _,

je me suis procuré et j’ai lu _ méthodiquement, et donc à trois reprises _ le superbe livre de souvenirs de Pierre de Bénouville, Le Sacrifice du matin, paru en 1945 _ dans l’édition (tardive) de 1983, aux Editions Robert Laffont _ ;

ainsi que le très beau, aussi, L’Aventure incertaine _ De la Résistance à la Restauration, de Claude Bourdet, paru en 1975 _ dans la ré-édition de 1998, aux Editions du Félin _ ;

et Résister _ Histoire secrète des années d’Occupation, de Jacques Baumel, paru en 1999 _ dans l’édition originale de 1999, aux Editions Albin Michel _ :

Pierre de Bénouville, Claude Bourdet et Jacques Baumel étant trois des principales chevilles ouvrières de Combat, puis des MUR, auprès de Henri Frenay

_ dont je n’ai pas encore lu La Nuit finira _ Mémoires de Résistance 1940-1945, paru en 1973, parce que ce sur quoi se focalise ma présente recherche concerne plus particulièrement, d’une part, les activités de René Portmann, auprès de Pierre de Bénouville, dans le Service des Relations Extérieures des MUR (d’octobre 1943 à août 1944), ainsi que, d’autre part, les circonstances très précises des arrestations de Claude Bourdet-Lorrain, le 24 mars 1944, et d’Alain de Camaret-Nizan et Armand Magescas-Miranda, le 26 mars 1944, à un moment où Henri Frenay ne se trouvait plus à Paris, mais à Alger ; cependant, j’ai pu d’ores et déjà constater que les noms de Georges Portmann et de René Portmann ne figurent, ni l’un, ni l’autre, dans La Nuit finira. Pas davantage, d’ailleurs, non plus, que dans les deux livres de Claude Bourdet et Jacques Baumel : les services étaient le plus rigoureusement possible compartimentés, sinon absolument étanches… Et d’autre part, j’ai lu le Henri Frenay _ de la Résistance à l’Europe, de Robert Belot…

Mes interrogations portent donc ici sur la chronologie des liens de Résistance entre, d’abord, Georges Portmann (1890-1985) et Pierre de Bénouville (1914-2001) ; puis entre René Portmann (1919-1957) et le même Pierre de Bénouville.

Et cela, eu égard à l’action _ salvatrice ! _ du Professeur Georges Portmann à l’égard de mon père, le Dr Benedykt Lippa (Stanislawow, 11 mars 1914 – Bordeaux, 11 janvier 2006), qui était son assistant en ORL à Bordeaux, et citoyen polonais :


Georges Portmann _ qui avait été Secrétaire Général à l’Information et Directeur de la Radio, Vichy, du 4 janvier 1941 au 16 février suivant, dans l’éphémère gouvernement de son ami Pierre-Etienne Flandin… _ prévenant mon père, début juin 1942, que la Gestapo allait incessamment venir l’arrêter, et permettant ainsi à mon père de quitter à temps Bordeaux (franchissant la ligne de démarcation à Hagetmau, dans les Landes, le 7 juin 1942, grâce à un transport en autocar organisé par une infirmière résistante de la clinique Bagatelle, à Talence, dans la banlieue de Bordeaux).
De fait, très peu de temps après, les Allemands sont venus chercher mon père au domicile de sa fiancée (= ma mère, Marie-France Bioy) et de ses parents, où habitait mon père depuis sa démobilisation (comme engagé volontaire, en septembre 1939) et son retour à Bordeaux, à l’été 1940, 177 rue Judaïque à Bordeaux.


De plus, parmi les documents précieux qui m’interrogent, est restée, parmi les papiers de mon père, une carte de recommandation (non remise à son destinataire, puisque conservée par mon père…) au « Dr Rigault, chargé de cours d’ORL«  à Toulouse, par laquelle le professeur Portmann recommandait mon père _ que « la rigueur des temps a mis dans la nécessité de partir«  : de la zone occupée… _ à ce médecin toulousain ; la carte est datée d’« octobre 42«  _ mon père a-t-il rendu visite à ce Dr Rigault lors de son séjour dans la région de Toulouse, au 561e GTE de Beaupuy, de décembre 1943 à juillet 1944 ?.. Qui était donc ce Dr Rigault ? Etait-il Résistant ?.. Mon père a-t-il pris contact avec lui, et l’a-t-il rencontré ? font partie des questions que je cherche à éclairer, à Toulouse…


Mon père, en effet, un an et demi plus tard que ce 7 juin 1942, est resté à Toulouse _ et plus précisément, au 561e GTE de Beaupuy, dont le siège et le cantonnement se situaient au Domaine de La Gaillarde ; et peut-être aussi, le dernier mois (de la mi-juin à la mi-juillet 1944) au 561e GTE de Toulouse, rue de Belfort : sur ce dernier point une ambiguïté demeure… _ du 10 décembre 1943 au 20 juillet 1944 ; et il a cependant pu revenir à Oloron, d’où il était venu (il faisait alors partie du 526e GTE ; comme il en re-fit partie, du moins officiellement, à ce retour : selon la légalité très sourcilleuse du régime de Vichy), le 22 juillet 1944, en dépit des troubles de cette période (ou même grâce à eux), en bénéficiant d’un nouveau « contrat agricole«  de complaisance, auprès, à nouveau, du professeur de philosophie au collège d’Oloron, Pierre Klingebiel…

C’est Philippe Grandclément (1904-1974) _ le frère aîné du fameux André Grandclément (1909-1944), membre dirigeant de l’OCM en Aquitaine, et qui sera assassiné par d’autres Résistants, dont Roger Landes, le 27 juillet 1944, au Muret _, qui, alors qu’il commandait le 526e GTE des Basses-Pyrénées, a d’abord exfiltré mon père du camp de Gurs, à la fin août 1943 (mon père y était interné pour franchissement illégal de la ligne de démarcation), en lui obtenant un « contrat agricole » de complaisance auprès de Pierre Klingebiel (1896-1984), professeur de philosophie à Oloron (qui avait déjà fourni de tels « contrats agricoles » de complaisance à des républicains espagnols protestants, afin de les exfiltrer, eux aussi, de Gurs) ; puis qui lui a évité de partir pour l’Organisation Todt, ou pire (cette fois à la mi-décembre 1943), alors que, sur ordre du préfet de région de Toulouse, il envoyait de nombreux autres T.E. au camp de Noé, à des fins de triage _ mon père, lui, fut chargé d’organiser l’infirmerie du 562e GTE de Beaupuy (au Domaine de La Gaillarde), lors du transfert de ce GTE de Clairfont à Beaupuy, au mois de décembre 1943 ; et d’y faire fonction de médecin pour les Travailleurs Etrangers qui allaient y être cantonnés.

Philippe Grandclément dirigeait peut-être _ voire probablement… _ encore le 526e GTE départemental des Basses-Pyrénées lors du passage de mon père, en provenance de Toulouse, à la Villa Montréal à Jurançon le 21 juillet 1944, Philippe Grandclément étant toujours assisté de celui dont je déchiffre le nom comme étant peut-être Gourmençon _ Joseph de Goussencourt (Saint-Eman, Eure-et-Loir, 6 mai 1896 – Trévoux, Finistère, 23 septembre 1989), découvrirais-je plus tard !.. _ ; en revanche, ce n’est plus lui, Philippe Grandclément, qui dirige ce GTE départemental des Basses-Pyrénées le 4 août 1944, à Jurançon, mais E. Delluc, qui dirigeait auparavant jusque là le 525e GTE départemental des Hautes-Pyrénées, dont le siège se trouvait à Bagnères-de-Bigorre :

21 juillet (Jurançon), 27 juillet (Saugnacq-et-Muret), 4 août 1944 (Jurançon), ces dates forment pour nous une chaîne d’indices…


Ce mois de juillet 1944, mon père est ainsi revenu, par ses propres moyens _ le vent tournait alors pour les Allemands , et pour Vichy ! _, de Beaupuy (et Toulouse) à Oloron, muni de gros livres de médecine qu’il n’avait certes pas pu se procurer ailleurs qu’en une ville universitaire telle que Toulouse ; non sans s’être arrêté, cette journée du 21 juillet, au siège du 526e GTE départemental des Basses-Pyrénées, situé à la Villa Montréal, à Jurançon, afin de régulariser, mais oui !, sa situatio (légale) de T.E. ; le commandant du GTE, probablement encore Philippe Grandclément ce 21 juillet 1944-là _ en tout cas, c’est la même signature (à l’encre verte) de son même adjoint (Joseph de Goussencourt, donc !) que le 26 août et le 16 septembre 1943 : un nommé Gourmençon, semble-t-il, à ce que je déchiffre sur divers documents administratifs de ce 526e GTE (non : de Goussencourt ! Antoine-Marie-Joseph de Goussencourt), jusqu’à ce 21 juillet 1944 compris (depuis le 26 août 1943, pour le premier de ces documents, et jusqu’à ce 21 juillet 1944, pour le dernier d’entre eux), et demeurés en possession de Pierre Klingebiel en ses archives privées ; le nom de Philippe Grandclément apparaissant, lui, aux dates des 26 août, 16 septembre et 19 novembre 1943 _, le commandant du GTE, donc, probablement encore Philippe Grandclément ce 21 juillet 1944-là, produisant pour mon père, une nouvelle fois, un « contrat agricole » de complaisance, et à nouveau auprès du même Pierre Klingebiel à Oloron. La situation générale du pays, entre le débarquement du 6 juin, en Normandie, et celui _ à venir bientôt… _ du 15 août, en Provence _ ce second débarquement allait être décisif en provoquant, sur ordre de Hitler, le repli immédiat des troupes allemandes du sud de la France vers le nord et l’est du pays… _, avait déjà bien changé par rapport à celle de décembre 1943. Et mon père sera présent à Oloron au moment de la Libération, par les Résistants locaux, de la ville, le 22 août 1944 ; notamment, il interviendra afin d’éviter de plus graves ennuis à un cousin de ma mère _ l’oloronais Marcel Bioy _, aux opinions un peu trop bruyamment pétainistes…


Et, en plus des activités de Georges Portmann à Bordeaux en juin 1942 _ informé de très prochaines rafles de la Gestapo à Bordeaux, il en prévient mon père, ce qui permet à celui-ci de fuir Bordeaux pour passer en zone non-occupée, se dirigeant vers Oloron, où vivaient deux des oncles (Pierre Bioy, pharmacien à Oloron, et Xavier Bioy, maire d’Hérère) de sa fiancée, ma mère, Marie-France Bioy : Oloron est le berceau de la famille Bioy… _ sur lesquelles je désire obtenir des précisions,

je m’interroge aussi sur l’affaire de l’arrestation à Paris (le 26 mars 1944, à 10 heures), au domicile de Max Brusset, 28 boulevard Raspail, de


_ ou bien Armand Magescas, Miranda, de son nom de résistance

(ici, selon le témoignage, en 1982, de Georges Portmann, en ses Souvenirs, publiés en 1982, page 168 :

Georges Portmann, prévenu _ cette fois aussi : à Paris en mars 1944, comme à Bordeaux en juin 1942… _, à 9 heures, de l’intervention de la Gestapo au domicile de Max Brusset, 28 boulevard Raspail, où devaient se réunir, à 10 heures, un certain nombre de résistants, dont Pierre de Bénouville ; et réussissant à prévenir les divers membres du réseau qui devaient s’y retrouver, sauf Armand Magescas-Miranda, débarquant, lui, tôt le matin même de ce 26 mars, à la gare d’Austerlitz, d’un train de nuit en provenance de Biarritz… Et Pierre de Bénouville passant d’abord, comme il avait été préalablement convenu entre eux, rue Benjamin Franklin, où Georges Portmann, en sa clinique parisienne, l’attendait pour se rendre ensemble chez Max Brusset),

_ ou bien Alain de Camaret, Nizan, de son nom de résistance

(là, selon le récit, en 1945, de Pierre de Bénouville, page 326 du Sacrifice du matin :

en effet, selon Pierre de Bénouville, c’est à la gare d’Austerlitz, et tôt le matin, que la Gestapo intercepte Armand Magescas à sa descente du train de Biarritz _ et non lors de son arrivée au domicile de Max Brusset, boulevard Raspail, vers 10 heures, comme dans le souvenir (bien plus tardif) de Georges Portmann en 1982. Et c’est Alain de Camaret _ parvenant, dès dix heures, au domicile de Max Brusset, boulevard Raspail, de retour dare-dare de la gare d’Austerlitz, où il n’avait pas pu retrouver Armand Magescas, cueilli lui par les Allemands sur le quai, dès sa descente du train ; et exfiltré de la gare « par une porte dérobée«  (selon ce que signale Pierre de Bénouville, page 326 du Sacrifice du matin) _ qui se fait prendre dans la souricière tendue par les Allemands au domicile de Max Brusset.


Je remarque, au passage, que dans Le Sacrifice du matin, Pierre de Bénouville ne mentionne pas une seule fois le nom du Professeur Georges Portmann _ dont le nom demeurait bien trop sulfureux en 1945, au moment de l’écriture du Sacrifice du matin : Georges Portmann avait été ministre (Secrétaire général à l’Information) du gouvernement de Vichy en janvier-février 1941 ; et s’apprêtait, pour cela, à affronter un procès d’épuration devant la Haute Cour de Justice : il y sera acquitté le 27 février 1946)… ;

et que, si il y parle à plusieurs reprises, en revanche, de René Portmann _ le fils aîné de Georges Portmann _,

Pierre de Bénouville ne cite ce nom de René Portmann (ou bien, aussi, son pseudonyme : La Varende _ mais aucun de ses autres pseudonymes : 3 bis, Godard, et même 15, que cite Robert Belot dans L’Affaire suisse : le travail d’enquête historiographique de ce dernier est magnifique ! Au passage, je remarque qu’à cinq reprises dans ce livre, Robert Belot prend soin de préciser ou rappeler que 3 bis est le pseudonyme de René Portmann : aux pages 262, 321, 322, 395 et 395, à propos de courriers en date, respectivement, des 31 janvier, 5 février, 18 février, 17 janvier et, à nouveau, 18 février 1944 : soit bien avant la décision de Pierre de Bénouville de quitter Paris pour gagner Alger… _), à propos des activités de ce dernier pour le service des Relations Extérieures des MUR, qu’à partir du mois de mars 1944,

c’est-à-dire seulement une fois que Pierre de Bénouville l’a choisi _ et très vraisemblablement à la suite de cette catastrophe qu’a été l’arrestation de Nizan – Alain de Camaret (qui a eu lieu le dimanche 26 mars 1944) ; si je lis bien Le Sacrifice du matin, je constate, page 327, que, rendant compte de ce qui se passe à la date du lundi 27 mars, Pierre de Bénouville écrit : « J’ai, l’après-midi, rendez-vous avec La Varende. Fortoul y viendra. La Varende remplacera Nizan« pour remplacer, à Paris, un des membres de son réseau _ mais remplacer qui, alors ? Nizan, comme je viens de le citer ? ou plutôt, carrément lui-même, Bénouville ?.. Sans doute faut-il ici établir une chronologie plus fine… _, à la direction du Service des Relations Extérieures des MUR, une fois que lui-même, Bénouville, aura quitté Paris, c’est-à-dire les tous premiers jours du mois d’avril 1944 _ ce qui sera réalisé probablement le 5 avril au soir, selon mes calculs, par un train de nuit l’exfiltrant vers Toulouse et Tarbes, via Limoges _ ; car le dimanche de Pâques _ repère mémorable ; et c’est à partir de ce repère que j’effectue mes calculs rétrospectifs sur ses journées précédentes… _, le 9 avril 1944, Pierre de Bénouville, qui a franchi clandestinement la frontière par la montagne _ la Rhune _ du côté d’Ascain durant la nuit, le passe à Saint-Sébastien, comme il l’indique précisément à la page 336 du Sacrifice du matin.

Mais je lis aussi, page 328, à propos des conséquences pour leur réseau à Paris, de ce départ vers l’Espagne de Maurice Chevance _ quelques jours avant lui, Bénouville, et probablement le vendredi 31 mars pour ce qui concerne Chevance, et par le même itinéraire et grâce aux mêmes relais fixés par Armand Magescas, d’après l’indication donnée à la page 335 du Sacrifice du matin _ et de lui-même, Bénouville :

« Cheval _ Georges Rebattet _ et Dormoy _ Marcel Degliame _ nous remplaceront _ à quels postes de l’organisation, précisément ?  _ pendant notre absence. Mais je ne partirai _ se souvient s’être dit ce décisif lundi 27 mars, Pierre de Bénouville _ que quand mon service _ celui des Relations Extérieures des MUR _ fonctionnera de nouveau normalement » ; et cela _ entre le lundi 27 mars et le mercredi 5 avril _ allait prendre dix jours ;

car ce ne sera que le 5 avril _ si je calcule bien, à rebours, à partir du dimanche de Pâques 9 avril que Pierre de Bénouville se souvient d’avoir passé à Saint-Sébastien, page 336 _, par un train de nuit, que Pierre de Bénouville quittera Paris, vers Limoges, Toulouse _ où il rencontrera Conze, de l’ORA, qui l’accompagnera jusqu’à un rendez-de vous, à Tarbes, organisé par Armand Magescas – Miranda… _, et enfin Tarbes ; où il rencontrera _ le 6 _ Pouey-Sanchou, dit d’Ossau, et son adjoint Quérillac, qui lui font rencontrer, surtout, _ Paul _ Gelos, secrétaire de la mairie de Saint-Jean-de-Luz, et _ Pierre _ Larramendy (« l’hôtelier dont la maison _ de Chantaco _ sert de relais au-delà de Saint-Jean« , page 334 :

« le soir _ de ce 6 avril, donc _, mes guides et moi couchons à Pau _ sans plus de précision ; Armand Magescas est palois. Son père, Félix, avocat à la cour d’appel de Pau, avait son domicile 17 rue Samonzet, à Pau. Le lendemain matin _ le 7, page 335 _, nous sommes à Biarritz. En fin de journée, je gagne Saint-Jean-de-Luz par le train. (…) Gelos, le secrétaire de mairie _ de Saint-Jean-de-Luz _, m’attend à la sortie _ de la gare de Saint-Jean-de-Luz. (…) Le soir, je couche _ non loin _ à Chantaco, chez Larramendy. J’y passe toute la journée du lendemain _ celle du 8 avril _, jusqu’à la tombée de la nuit, au moment où, entre chien et loup, le maire d’Ascain _ en fait, il ne s’agit pas là du maire d’Ascain, mais de son secrétaire de mairie, François Bertrand, comme me l’a indiqué le neveu de celui-ci, Guy Lalanne ; et comme c’est mentionné à la page 256 du « 1936 – 1945 Ascain, Ciboure, Saint-Jean-de-Luz, Urrugne Témoignages d’une époque«  de Guy Lalanne et Jacques Ospital , publié par Jakintza en 2012 (ajout du 6 octobre 2022) _ un bon bonhomme solide, vient me prendre à vélo. Mes hôtes me prêtent une bicyclette« … Puis, grâce à trois relais de guides (basques) successifs, le faisant cheminer de nuit sur les deux versants de la montagne « immense » à franchir _ page 336 : « Nous sommes comme des insectes sur son dos rond, des insectes perdus entre des brindilles «  _, Pierre de Bénouville parviendra en Espagne, et, depuis Irun, par un autocar, « vers dix heures« , rejoindra Saint-Sébastien, le dimanche de Pâques 9 avril. Et « Le lundi _ de Pâques, 10 avril 1944 _, une auto, que protège l’insigne du Corps diplomatique _ Armand Magescas disposait en Espagne de très efficaces appuis _, vient me prendre et me conduit à Madrid« , conclut le récit de ce départ de France Pierre de Bénouville, pages 336-337 du Sacrifice du matin



D’autre part, et encore,
dans les Entretiens (réalisés entre septembre 1998 et juin 2000) de Pierre de Bénouville avec Laure Adler, intitulés Avant que la nuit ne vienne, page 86,

Pierre de Bénouville indique ceci, à propos de son passage à Vichy début décembre 1940, à la recherche de compagnons _ tel son ami Roger de La Grandière, rencontré par lui à l’entrée de l’Hôtel du Parc _, prêts à gagner avec lui, Alger, pour rejoindre l’armée d’armistice là-bas, dans l’espoir de reprendre le plus tôt possible le combat contre les Allemands :


à la question de Laure Adler :

« _ Quelle fut donc votre moisson, à Vichy ? Avez-vous réussi à convaincre certains de vos amis, qui étaient proches du Maréchal, de vos idées et de votre combat pour la guerre ?« ,

Pierre de Bénouville répond, de manière un peu inattendue, à y réfléchir :

« _ Mais bien sûr.

Je me suis lié avec un médecin très réputé, le professeur Portmann _ la retranscription (par Laure Adler ?) oublie le second N de Portmann ; mais, surtout, devons-nous induire de cette réponse que ce « médecin très réputé, le professeur Portmann«  faisait partie, lui aussi, des « amis«  d’avant-guerre de Pierre de Bénouville ? Georges Portmann (né en 1890) appartient en effet à une autre génération que celle des amis (ce sont des jeunes gens) que Pierre de Bénouville (né en 1914) cherchait à « recruter«  à Vichy (et aussi, en suivant, à Paris, où il retrouve son ami Michel de Camaret qui, lui, est né en 1915), afin de gagner ensemble l’Algérie : « Humbert de Croy, Alain de Chavagnac, Roger de La Grandière, Albert Bénard, Armand du Tinguy du Pouët, et beaucoup d’autres porteurs de noms de notre terroir » (la liste de ces amis se trouve à la page 43 du  Sacrifice du matin)… ; et, d’autre part, Georges Portmann, membre de la très officielle Commission d’armistice de Wiesbaden, est-il, dès ce début de décembre 1940, converti à la nécessité de reprendre le combat contre les Allemands ? alors que le mois suivant, il va devenir, le 2 janvier 1941, auprès de son ami Pierre-Etienne Flandin, Secrétaire général à l’Information du gouvernement de Vichy, ainsi que directeur de la radio (et cela jusqu’au 16 février suivant, quand Darlan évincera Flandin et ses proches, dont Georges Portmann, du gouvernement de Vichy) : la chronologie du parcours politique (et bientôt résistant…) de Georges Portmann semble ici tout de même un peu bousculée… _,

Je me suis lié avec un médecin très réputé, le professeur Portmann,

qui a accepté _ immédiatement, dès cette rencontre à Vichy, ce mois de décembre 1940 ?..de faire pour moi un réseau« …


Mais cela, à quelle date se fit-il au juste ? Quand « se fit » donc ce « réseau« -là ?

La réponse faite par Pierre de Bénouville à Laure Adler dans le feu de leur conversation, me semble condenser des époques distinctes…

..

Certainement pas dès ce mois de décembre 1940, mais bien plus tard : au moins après avril 1942 (et le retour de Laval au pouvoir à Vichy), et même, le plus probablement _ mais jusqu’ici, je ne l’ai pas encore précisément identifié… _, au cours de la seconde moitié de l’année 1943, à partir de l' »installation » de Pierre de Bénouville à Paris _ où ils purent à nouveau se rencontrer, Georges Portmann y ayant une clinique… _, au mois de juillet 1943 :

ne pas oublier, en effet, que Pierre de Bénouville ne fait la connaissance de Henri Frenay _ grâce à son vieil ami Jacques Renouvin (1905-1944), devenu en 1942 chef national des Groupes francs de Combat (et, après l’arrestation de Jacques Renouvin, le 29 janvier 1943, ce sera Serge Ravanel qui lui succédera à la tête de ces Corps-Francs des MUR…) _ que le 4 décembre 1942, à Montélimar, et ne s’engage très effectivement dans Combat que le 17 décembre 1942 ;

même s’il travaillait déjà pour Henri Frager _ qu’il a connu, lui, presque dès son arrivée sur la Côte d’Azur, au tout début de 1941, vraisemblablement, grâce à leur ami commun, Georges Batault, « replié à Cagnes«  : au moment de son retour dare-dare, après son passage à Vichy, à la mi-décembre 1940, et, surtout, s’être presque fait arrêter, ainsi que son ami Michel de Camaret, le 25 décembre, chez lui, 141 avenue Victor-Hugo, à Paris _ ;

et, par Frager, pour le réseau Carte, d’André Girard…


Je remarque aussi que, alors que,

page 114 du Sacrifice du matin, Pierre de Bénouville fait débuter sa collaboration, via Henri Frager, avec le réseau Carte, au mois de septembre 1941 _ après les épisodes de son arrestation et internement à Alger, puis de son internement, ensuite, à Toulon : c’est en effet le 8 août 1941 que, acquitté par le tribunal militaire de Toulon, Pierre de Bénouville retrouve enfin sa liberté et peut rejoindre « tout de suite Cannes pour y reprendre (ses) contacts« , page 93 du Sacrifice du matin _, Bénouville ne rencontrant  pour la première fois Carte lui-même, André Girard, (à Cannes) qu’un peu plus tard : « Au retour d’un voyage rapide _ qu’il faudrait dater précisément _ au cours duquel j’avais _ venant de son domicile de Biot _ traversé Marseille, Lyon et Clermont-Ferrand pour y retrouver des camarades que je voulais utiliser dans le nouveau service que je créais _ alors, pour Frager (et Carte)… _, Frager me prévint enfin que Carte désirait me voir le lendemain à Cannes » (page 128) : sans plus de précision de datation, cependant (mais Pierre de Bénouville a déjà commencé de se rendre à Genève, et d’y nouer des contacts très fructueux, qui constituent l’amorce de la future Délégation suisse des MUR, qu’il aménagera au cours des premiers mois de 1943, pour Frenay, Combat et les MUR, autour de Philippe Monod et du général Davet ; cf page 123, pour ces tous premiers contacts suisses de Pierre de Bénouville ; cf aussi L’Affaire suisse, page 87)…


Le biographe de Pierre de Bénouville, Guy Perrier affirme cependant, lui, page 75 de sa biographie Le Général Pierre de Bénouville, le dernier des Paladins  :

« Frager recrute Bénouville à l’automne 1942 _ et non pas dès septembre 1941 _ et le fait entrer dans le réseau Carte » ;
et page 76 (et, semble-t-il, d’après surtout, ce qu’en a dit Carte, dans son livre en réponse à celui de Bénouville, Peut-on dire la vérité sur la Résistance ?, paru aux Editions du Chêne, en 1947) :

« Bénouville fera au moins _ écrit prudemment Guy Perrier _ trois voyages en Suisse : novembre 1942, décembre 1942 et janvier 1943« .
La chronologie, ici, demeure donc floue.



Et Pierre de Bénouville ajoute, à propos du Professeur Portmann, toujours page 86 de ses Entretiens avec Laure Adler :

« Je lui avais donné une adresse à Paris, chez une amie _ qui donc était cette amie, Nicole Durand ? _, où on m’adressait le courrier

_ et j’ouvre ici une assez longue incise à propos des divers lieux où Pierre de Bénouville a pu alors se cacher alors à Paris :

à quel moment, cela ? En quelle année ? Probablement pas dès le mois de décembre 1940, quand Bénouville et Portmann font (semble-t-il…) connaissance à Vichy ; mais, vraisemblablement bien plus tard, à partir, au moins, du mois de juillet 1943, quand Pierre de Bénouville, quittant Lyon (comme allait le faire, à sa suite, tout l’état-major des MUR : Bourdet, Baumel, etc.), après l’affaire de Caluire, (re-)vient s’installer (logements et « bureaux« ) en divers lieux de Paris ;

divers lieux de Paris que j’ai essayé de répertorier dans ce qu’en écrit (souvent très elliptiquement) Pierre de Bénouville :

ainsi, pour ce qui est des logements de Pierre de Bénouville (outre ses divers « bureaux« , qui peuvent, eux aussi, servir à l’occasion de planques), en mars 1944, quand sa femme (épousée civilement à Pessan, non loin de Toulouse et tout près d’Auch, le 22 juin 1943 : le lendemain même de la tragédie de Caluire, avec l’arrestation de Jean Moulin) le rejoint à Paris (après leur mariage en pays gascon, celle-ci était restée cachée jusqu’alors chez des amis dans le Cantal), ils habitent (cf page 323 du Sacrifice du matin) « avenue Marceau, l’appartement de la mère _ Marguerite Boissier _ de la fidèle amie _ genevoise _ qu’est Odette Massigli _ épouse du diplomate René Massigli (1888-1988). Les fenêtres de ma chambre donnent sur la cour de la Légation de Suède. » (…) Et « Nizan _ Alain de Camaret _ occupe toujours l’hôtel particulier que j’avais loué pour Frenay _ à Passy, dans l’éventualité du retour de Henri Franay, d’abord de Londres, puis d’Alger _ et qu’avec Pierrot _ Mussetta _ il avait transformé en forteresse. Miranda _ Armand Magescas _ n’a pas quitté son appartement de la rue Saint-Didier. Mais c’est à mon corps défendant _ précise ici Pierre de Bénouville _, car si le centre (sic) du boulevard Haussmann est pris _ et c’est ce qui se produira le samedi 25 mars 1944 ! _, les Allemands retomberont _ aussitôt _ sur son domicile« .  Et Pierre de Bénouville dispose à Paris de pas mal d’autres planques : rue Caumartin, avenue Niel, boulevard des Batignolles ; mais aussi rue de la Pompe, aux Halles, etc. _,

et, bien sûr, forcément, très soigneusement discrets :

courant juillet 1943 (cf le chapitre 48 du Sacrifice du matin, aux pages 282-283-284 : « J’avais organisé mon secrétariat particulier chez une amie d’enfance, Jacqueline Gruner, avenue de Breteuil. Avec elle, je m’étais installé _ voilà ! _ dans différents quartiers de Paris _ voilà !  _, des bureaux, des appartements de travail, des boîtes aux lettres. (…) Mes camarades du Comité Directeur des Mouvements Unis de la Résistance ne tardèrent pas à me rejoindre _ cette fin juillet et durant le mois d’août 1943 _ à Paris. Emmanuel d’Astier revint de Londres » (cela, ce fut le 25 juillet 1943 : une date-repère, donc…) ;

de plus,

et cela juste avant de commencer à loger un moment chez son ami Armand Magescas, rue Saint-Didier (« Je me rendis _ « en zone Nord« , et à Paris, ce mois de juillet 1943 _ en élément précurseur _ c’est là clairement exprimé. A Paris, mon ami Magescas _ né, lui, en 1905 _, que nous appelions du nom espagnol de Miranda _ peut-être du nom de ce camp franquiste par où passaient, internés un trop long moment, la plupart de ceux qui avaient franchi les Pyrénées clandestinement, et s’être fait interpeller par la Guardia civil… ; cf là-dessus cet autre livre passionnant de Robert Belot, Aux frontières de la liberté _ Vichy, Madrid, Alger, Londres _ S’évader de France sous l’Occupation _ parce qu’il s’occupait des lignes traversant les Pyrénées, avait un appartement rue Saint-Didier. Je m’installai _ un moment, donc _ avec lui. Comme il était administrateur d’une société d’exportations et d’importations installée au 76, boulevard Haussmann, je lui proposai de me prendre dans son affaire sous le faux nom, que j’adopterais pour Paris, d’Albert Langlois. Ainsi donc, j’avais une raison sociale, une couverture et un bureau où je pouvais travailler presque au grand jour. Parmi les employés de Magescas, tout le monde me croyait « Langlois »…« , pages 282-283 du Sacrifice du matin),

Pierre de Bénouville, afin de se refaire une santé (!), commence même par séjourner une semaine à l’Hôtel Bristol, ainsi qu’il le raconte avec humour à Laure Adler, page 221 d’Avant que ne vienne la nuit :

« Au milieu de l’été 1943 _ après la tragédie de Caluire, le 21 juin, et son mariage civil avec Georgie Thimonnier, à Pessan, près d’Auch, dans le Gers, le 22 juin dans l’après-midi, et avoir manqué se faire prendre par les Allemands à leur retour à Toulouse, le soir de cette journée (cf le chapitre 47 du Sacrifice du matin, pages 271 à 282) _, alors que j’étais le second de Frenay,

je parcourais _ cette fin juin et ce mois de juillet 1943 : Pierre de Bénouville et son épouse ont pris d’abord le chemin du Cantal (= le train vers Aurillac) _ en tout sens la France clandestine, exalté et de plus en plus surveillé _ son épouse restant alors cachée dans la région de Mauriac… J’étais alors très fatigué. Les Allemands s’approchaient de plus en plus de moi. Je sentais le piège se refermer sur moi. Pour avoir la vie sauve, il fallait se retirer.

Je me suis dit qu’on n’est jamais mieux protégé que chez l’ennemi. J’ai donc décidé d’aller m’installer à l’Hôtel Bristol _ à Paris. (…) Je suis resté dans cette chambre pendant une semaine« , juste avant de « s’installer«  provisoirement chez l’ami Magescas, rue Saint-Didier, et demeurant à Paris désormais ; « J’étais arrivé au Bristol épuisé, affamé, car à l’époque, trouver à manger était une obsession. Dans cet hôtel de luxe, il suffisait de téléphoner au service d’étage et je me faisais apporter tout ce que je voulais sur un plateau« ;

sur la datation de cette ré-installation à Paris de Pierre de Bénouville, puis de la venue à Paris de tout l’état-major des MUR ,

cf aussi le chapitre « Paris en été«  de L’Aventure incertaine de Claude Bourdet, pages 237-238-239 : « Je me souviendrai toujours de cette installation des Mouvements unis fin juillet ou début août 1943. (…) Il fallut trouver des logements et des locaux. (…) Bénouville installa le bureau central du service « Suisse » chez Jacqueline Gruner, avenue de Breteuil (…) Ce grand appartement devint vite un lieu de travail très actif, car les membres du service y préparaient toute la documentation à destination des Alliés (…). Vers la fin d’août, notre installation était complète«  ;

cf encore Jacques Baumel, Résister, page 368 : « Octobre 1943. L’installation des MUR _ à Paris _ est à peu près faite« …) ;

cela, en ce Paris quitté précipitamment au petit-matin, très tôt (à cinq heures, dès la levée du couvre-feu), du 25 décembre 1940, après avoir manqué se faire arrêter, lui et son ami Michel de Camaret, à son domicile d’avant-guerre, 141 avenue Victor Hugo (cf le chapitre 8 du Sacrifice du matin, aux pages 44 à 48 : « Nous sûmes, à la fin de la matinée _ de ce 25 décembre 1940 _, à un rendez-vous que j’avais donné au fils de ma concierge, que c’était à six heures du matin que, suivis de policiers français, les Allemands s’étaient présentés et qu’ils m’avaient demandé«  ; et « Les Allemands perquisitionnèrent chez moi, puis repartirent en emportant quelques papiers personnels. Pendant quatre ans, à intervalles réguliers, ils ne cessèrent jamais de revenir visiter ma maison«  de l’avenue Victor-Hugo, ainsi s’achève ce chapitre 8…).

Fin ici de l’incise sur les divers domiciles parisiens de Pierre de Bénouville, de courant juillet 1943 (à son retour, de Lyon, puis son mariage près de Toulouse, à Paris), jusqu’au tout début avril 1944 (lors de son départ vers l’Espagne, afin de rejoindre Alger).

Je reprends donc le passage interrompu de la page 86 d’Avant que ne vienne la nuit, à propos des liens de résistance noués entre Pierre de Bénouville et le Professeur Georges Portmann :

« Je _ = Pierre de Bénouville _ lui _ = Georges Portmann _ avais donné une adresse à Paris, chez une amie, où on m’adressait le courrier.

Et cette amie s’appelait Nicole Durand _ qui était donc au juste cette Nicole Durand ? Voilà un mystère qu’il faudrait bien élucider…

Le jour où Alain de Camaret a été arrêté _ le dimanche 26 mars 1944 _, il allait relever la boîte aux lettres en question _ dans ce récit tardif de Pierre de Bénouville à Laure Adler, de l’arrestation de Nizan – Alain de Camaret, le 26 mars 1944, il n’est pas question, cette fois, du rendez-vous (et de la souricière) au domicile de Max Brusset, 28 boulevard Raspail. Que doit-on en déduire ?


Au moment où je partais de chez moi _ ce dimanche 26 mars _, avenue Marceau faut-il en déduire que Pierre de Bénouville et son épouse Georgie n’ont pas encore quitté, ce dimanche, l’appartement de l’avenue Marceau, après la catastrophe de la prise par les Allemands du « Centre » de l’avenue de Breteuil ; et pas déjà rejoint l’hébergement de substitution de la rue Hamelin ? En effet, c’est bien le lendemain (le lundi 27 mars 1944) seulement, que s’opèrera ce transfèrement, comme l’indique explicitement La Sacrifice du matin, page 327… _, le matin _ c’est Pierre de Bénouville qui parle ; et dans ce souvenir, plus de cinquante ans plus tard après l’événement, son domicile, ce dimanche 26 mars 1944, était donc encore l’appartement de l’avenue Marceau (celui de la mère d’Odette Massigli, Marguerite Boissier), et pas encore celui (d’un autre ami) de la rue Hamelin, pour lequel il lui faut, à lui et son épouse, déménager de toute urgence… _, je me suis surpris à vérifier _ par précaution : nous sommes bien, ce dimanche, le surlendemain de l’arrestation de Claude Bourdet-Lorrain et de Jacqueline Gruner-Juliette au « bureau«  de l’Avenue de Breteuil, le vendredi 24 mars ; et Pierre de Bénouville était, et c’est peu dire, sur le qui-vive : sur des charbons ardents… _ que la voie _ pour qui ? pour son ami Nizan parti « relever la boîte-aux-lettres«  de chez Nicole Durand (mais aussi, ne l’oublions pas !) pour prévenir Armand Magescas, à son arrivée de Biarritz, à la gare d’Austerlitz…) ? ou bien pour lui-même, Pierre de Bénouville ? Il y a ici une ambiguïté qui fait question… _ était libre.


Et j’ai appelé cette Nicole, et je lui ai dit : « _ Tout va bien, Nicole ? »

Elle m’a dit : « _ Oui, tout va bien, mais pas pour toi ».
Je lui ai dit : « _ Bien. Très bien, merci. »

Et j’ai compris qu’il y avait _ ce jour, aussi, ce dimanche 26 mars, à nouveau _ quelque chose _ de grave _ qui se passait.
La Gestapo _ en effet _ était là _ chez Nicole Durand, donc… _

et a arrêté _ là, à cette « boîte-aux-lettres«  qu’il s’apprêtait à relever… _ un de mes seconds, le frère de Michel, Alain de Camaret _ Nizan _, qui n’est jamais revenu« …


Alors que dans Le Sacrifice du matin, en 1945, Pierre de Bénouville indique, page 326, que
« Nizan _ Alain de Camaret _ est arrivé _ au rendez-vous chez Max Brusset ; et en revenant de la gare d’Austerlitz où il n’avait pas pu retrouver Armand Magescas, puisque c’est sur le quai que celui-ci avait été immédiatement arrêté par les Allemands, à sa descente du train, et que les Allemands avaient quitté la gare avec leur prisonnier « par une porte dérobée«  (page 326 du Sacrifice du matin), à son insu, donc : cela je l’induis du reste des indications… _ exactement à l’heure dite _ dix heures, ce 26 mars 44 ;

et sans que puissent intervenir,

ni Pierre de Bénouville, arrivé trop tard boulevard Raspail (pour l’informer de la souricière tendue là par la Gestapo, comme il en avait été lui-même prévenu, soit par Georges Portmann, soit par Max Brusset…), de son domicile de l’avenue Marceau et de la boîte aux lettres de l’avenue Victor-Hugo ;

ni Max Brusset, qui se cachait chez sa voisine de l’étage du dessus, les Allemands occupant son appartement… _,

et qu’il a été pris immédiatement dans la souricière«  ; ce même dimanche 26 mars 1944, où a donc été arrêté aussi Armand Magescas – Miranda, mais lui plus tôt, ce matin-là, à sa descente du train, sur le quai de la gare d’Austerlitz.


Selon le récit des Entretiens,

c’est au domicile de Nicole Durand que s’est produite l’arrestation de Nizan (« Il allait relever la boîte aux lettres en question« ) ;

alors que c’est au domicile de Max Brusset que cette arrestation est advenue (« Arrivé exactement à l’heure dite _ dix heures _, Nizan a été pris immédiatement dans la souricière« ), selon le récit du Sacrifice du matin

Et si il est assez peu vraisemblable qu’il s’agisse du même domicile, cependant de l’ambiguïté, ici aussi, demeure, et m’interroge : quel lien peut-il donc y avoir entre l’adresse de Max Brusset et l’adresse de Nicole Durand ?.. Cela est à creuser !

Où se situe donc le domicile de cette Nicole Durand à Paris ?..

Et comment parvenir à le savoir ?..

Jusqu’à présent, je n’ai rien découvert concernant cette dame, amie donc de Pierre de Bénouville ;

sinon, tout de même _ mais est-ce vraiment approprié à l’identification de cette personne ? _, ce que rapporte Robert Belot, ce très remarquable chercheur _ et défricheur, ainsi, de détails décisifs ! _, à la page 104 de L’Affaire suisse, avec l’expression _ mais probablement cryptée… _ qu’utilise Philippe Monod (à Genève), en une note adressée à Pierre de Bénouville (à Lyon), le 20 avril 1943,

quand il parle de « la bonne Madame Durand » _ peut-il s’agir de la même personne que la Nicole Durand qu’évoque Pierre de Bénouville dans son récit tardif à Laure Adler ?.. Et qui peut donc cacher ce pseudonyme, si c’en est un, sous la plume de Philippe Monod, en avril 1943 ?.. A cette date d’avril 1943, il faut noter que Pierre de Bénouville ne s’est pas encore « ré-installé«  à Paris, où il n’est retourné, et très brièvement, qu’en février précédent, pour aider (en vain) à délivrer son ami Renouvin, prisonnier à Fresnes (cf Le Sacrifice du matin, pages 226 à 228 : « Le soir même j’étais dans le train roulant vers Paris, que je n’avais pas revu depuis décembre 1940 » ; il y passe deux journées et une seule nuit) ; il y retournera tout aussi brièvement le 16 mai suivant pour y rencontrer Max – Jean Moulin (pages 247 et 248 : « Max était à Paris. J’arrivais à Paris où je n’étais plus allé depuis l’arrestation de Renouvin«  et « Je repartis le soir même pour Mâcon, afin de me concerter avec Frenay« ) ; à propos de ces brefs retours à Paris avant le mois de juillet 1943, je remarque cependant, aussi, cette note de bas de page de Pierre Péan, dans son Vies et morts de Jean Moulin, à la page 428 : « selon Bénouville _ probablement lors d’un entretien Péan / Bénouville le 29 septembre 1998 _, il recrute Magescas lors de son voyage «  : Pierre de Bénouville n’évoque pas ce voyage à Paris au mois d’avril 1943, et, surtout, ses retrouvailles avec son ami Magescas, dans Le Sacrifice du matin_

et, cela, pour le travail de recherche de Robert Belot, d’après « un fonds d’archives inédit constitué de lettres et de notes que le siège de la Délégation à Genève fait parvenir au « Centre « , c’est-à-dire à Lyon, quai Saint-Vincent, où se trouvent _ encore à ce moment, c’est-à-dire au mois d’avril 1943 : aux mois de juillet et août ils déménageront à Paris _ les bureaux du service des relations extérieures des MUR, dirigé par Bénouville, et grâce au courrier retour de celui-ci. Avec le fonds Davet, nous possédons un corpus de toute première importance parce qu’il permet de reconstituer au jour le jour la perception que les résistants avaient des enjeux et des acteurs du moment« , pour reprendre la précision donnée par Robert Belot, page 97 de L’Affaire suisse ;

voici donc ce passage, à la page 104 de L’Affaire suisse :

« L’argent est le thème obsessionnel de cette toute première phase _ celle du mois d’avril 1943, donc _ de l’histoire de la Délégation _ suisse des MUR à Genève. On lui a donné _ à l’argent, donc : très impatiemment attendu des Américains, via leur ambassade de Berne _ le nom charmant de « cadeau de fiançailles », explique Robert Belot. Le « cadeau de fiançailles » est attendu dès la mi-avril _ mais il n’arrivera que le 7 juin… (cf page 117) _ comme le rapporte Monod en termes quelque peu sibyllins :

« 9 m’apprend ce soir _ le 20 ou le 21 avril 1943 _ que son cadeau de fiançailles lui sera livré demain mardi par le bijoutier qui le fera livrer chez 14. Je suis heureux de savoir que la bonne Madame Durand _ voilà l’expression intéressante ! _ se chargera de le transmettre aux époux qui pourront je pense l’admirer avant la fin de la semaine. »

« 9 » est américain, c’est tout ce que nous savons de lui, et de « 14 » nous ignorons tout, comme de « Madame Durand »… », précise en commentaire Robert Belot, page 104 de L’Affaire suisse


Il faut donc constater que le souvenir de l’arrestation de Nizan – Alain de Camaret le 26 mars 1944, tel qu’en fait le récit Pierre de Bénouville à la toute fin des années 90
ne coïncide
ni avec le souvenir-témoignage, en 1982, de Georges Portmann _ qui affirme que c’est Armand Magescas qui fut le seul à être arrêté en arrivant au domicile de Max Brusset, boulevard Raspail _,
ni, non plus, avec le récit premier, et bien plus détaillé, qu’avait fait en 1945 _ si j’en crois, du moins, mon édition de 1983 : il faudrait comparer les textes des éditions successives… _ Pierre de Bénouville dans Le Sacrifice du matin, aux pages 322 à 328 _ Alain de Camaret étant arrêté en arrivant au domicile de Max Brusset, à l’heure prévue (de dix heures)…


Voici donc, maintenant, le détail de ces deux récits,
en commençant par celui de Georges Portmann, page 169 de ses Souvenirs :


après avoir rappelé, à la page 168,
d’abord « les réseaux de résistance qu’animait Pierre de Bénouville, et dont mon fils René fut à ses côtés un des membres les plus actifs«  _ dont acte ! _ ;
puis,

que « c’est 28 boulevard Raspail dans le salon de Max Brusset que je (je = Georges Portmann) lui (lui = Pierre de Bénouville) présentai mon fils _ la date n’en étant pas indiquée…
René Portmann, qui dirigeait en Savoie un des réseaux de résistance _ mais pas auprès de Valette d’Osia, comme je l’avais précédemment envisagé dans mon article du mois de juillet ; là-dessus, j’ai obtenu d’utiles précisions de la part d’Eric Le Normand, de l’AERI _, étant complètement brûlé, avait été rappelé à Paris _ à quelle date ? comment ? par qui ? Nous l’ignorons à ce jour…

Tout naturellement, je proposai à Pierre de le prendre avec lui, ce qu’il fit, après avoir jugé de la qualité de l’homme« ,

voici, maintenant, le récit par Georges Portmann, en 1982, de l’arrestation d’Armand Magescas, pris dans la souricière de la Gestapo au domicile de Max Brusset _ et pas à sa descente du train de nuit en provenance de Biarritz, sur le quai de la gare d’Austerlitz _ :


« Ce salon _ de Max Brusset, 28 boulevard Raspail _ devait d’ailleurs devenir _ quelque temps plus tard cette présentation par Georges Portmann de son fils René à Pierre de Bénouville _ le lieu d’un drame qui fut heureusement limité _ à l’arrestation d’une seule personne : Armand Magescas, selon Georges Portmann _ par une intervention in extremis _ la sienne, après réception, vers neuf heures, de l’information de l’intervention de la Gestapo à dix heures…
Ma vie professionnelle _ raconte le Professeur Portmann _ se passait _ en partie, du moins : en dehors de ses activités maintenues aussi à Bordeaux ; Georges Portmann faisant le va-et-vient entre Bordeaux et Paris _ dans une maison de santé privée, 15 rue Franklin _ à Paris.

Mon bureau était devenu une des boîtes à lettres _ telle celle de Nicole Durand… _ du réseau de Pierre de Bénouville.
Il m’arrivait ainsi de prévenir les membres du réseau du lieu et de la date des réunions _ indépendantes du « bureau » de Juliette, avenue de Breteuil, indique et souligne à plusieurs reprises, de son côté, Pierre de Bénouville dans Le Sacrifice du matin.

Un certain matin _ le rendez-vous du réseau, ce 26 mars 1944, avait été fixé pour dix heures _
Je fus, une heure avant _ vers les neuf heures du matin, donc _, prévenu _ Georges Portmann dispose décidément toujours de très utiles informations… _ que la Gestapo viendrait nous surprendre _ comment la Gestapo en avait-elle été mise au courant ?.. _,

et je téléphonais à tous ceux que je pus atteindre de ne pas se rendre boulevard Raspail.


Pierre _ de Bénouville _ devait venir me retrouver à Franklin, et je pus _ donc, ainsi _ l’intercepter.


Max Brusset, comme il nous le raconta par la suite, resta chez lui jusqu’au dernier moment afin de limiter les dégâts _ mais que pouvait-il faire une fois les Allemands présents dans son appartement, et lui terré, se cachant à l’étage au-dessus, chez sa voisine ? Sinon téléphoner (très brièvement) de chez sa voisine, comme Pierre de Bénouville en a témoigné…

Et il ne s’enfuit par un vasistas dans la maison voisine que lorsqu’il entendit les coups de sonnette des policiers allemands _ ici, le témoignage de Georges Portmann diverge de celui de Pierre de Bénouville.


Malheureusement nous ne pûmes alerter à temps Magescas _ débarquant, lui, du train de Biarritz à la gare d’Austerlitz _ qui tomba entre leurs mains _ en arrivant chez Max Brusset, dans l’esprit de Georges Portmann, semble-t-il, quand il dit : « Ce salon _ de Max Brusset, boulevard Raspail _ devait d’ailleurs devenir le lieu d’un drame _ celui de l’arrestation d’Armand Magescas _ qui fut heureusement limité par une intervention in extremis«  Il fut arrêté, martyrisé et resta gravement handicapé« .


Et voici maintenant le récit des arrestations de ce 26 mars 1944 par Pierre de Bénouville en 1945 dans Le Sacrifice du matin,
qui débute avec le récit de précédentes arrestations, déjà, le 24 mars, au domicile de Jacqueline Gruner – Juliette, avenue de Breteuil,
un des « bureaux«  _ et plus spécialement celui de la « voie Lahire« , vers la Suisse _ où travaillait très fréquemment Pierre de Bénouville à Paris.

Je rapporte ici ce récit à partir de la page 323 du Sacrifice du matin :
« Arrivé de Suisse, Miranda _ = Armand Magescas _ part pour trois jours. Il ira jusqu’à Saint-Sébastien préparer notre passage _ celui de Maurice Chevance et de lui-même, Pierre de Bénouville, par l’Espagne vers Alger, où se trouvent et Frenay et de Gaulle, afin d’y rejoindre ces derniers. Armand Magescas se rend ainsi à Saint-Jean-de-Luz et à Saint-Sébastien préparer les modalités pratiques du dispositif de passage en Espagne, par Ascain et la montagne ; puis du voyage, depuis Saint-Sébastien, vers Madrid.


Pour la durée de mon absence _ à Alger _, je me suis choisi un remplaçant _ à la tête du service des Relations Extérieures des MUR, à Paris, et pour servir de relais-directeur avec la Délégation suisse des MUR à Genève _, René Portmann _ voilà ! mais ce choix peut-il avoir eu lieu avant l’arrestation de Nizan, le dimanche 26 mars 1944 ?.. _, qui a été _ jusqu’à quel moment ? _ responsable des maquis de Savoie _ dans les Bauges et la Maurienne ; mais pas auprès de Valette d’Osia _ ; nous le baptisons La Varende _ mais La Varende, au départ, ne devait-il pas devenir l’assistant de Nizan, plutôt que carrément le remplaçant de Pierre de Bénouville ?..


Je l’initie _ mais à partir de quand ? Peu avant ce projet de départ de Chevance et Bénouville vers Alger ? Ou bien dès, au moins, le mois d’octobre 1943, à suivre l’analyse de la correspondance entre Pierre de Bénouville et la Délégation suisse des MUR, à Genève, que mène très remarquablement Robert Belot dans L’Affaire suisse ? _, avec Nizan _ Alain de Camaret _ et Juliette _ Jacqueline Gruner _, au fonctionnement du service _ des Relations Extérieures des MUR, désormais situé à Paris : depuis juillet-août 1943… (…).


Tout est en ordre. J’ai fait mes adieux à tous mes camarades. Chevance et moi allons partir.


Miranda va rentrer d’un instant à l’autre _ quel jour sommes-nous donc ? vendredi 24 ? samedi 25 ? dimanche 26 ? Non, nous sommes encore, ici, le vendredi 24 _ et me dire _ Armand Magescas est en effet un grand connaisseur des Pyrénées (il est palois ; et d’une famille très anciennement fixée à Peyrehorade, au confluent des Gaves de Pau et d’Oloron, et de l’Adour) ; ainsi que grand connaisseur de l’Espagne, en particulier au cours de la guerre civile espagnole (d’où le choix de ce pseudonyme : Miranda) ; et son épouse est espagnole _ quelle voie nous suivrons _ d’abord pour pénétrer clandestinement de France en Espagne ; ensuite, pour rejoindre, à partir de Saint-Sébastien, Madrid, et Gibraltar, puis Alger.


Il a, pour le surlendemain _ de ce 24 mars, jour dont se souvient ici Pierre de Bénouville ; et le surlendemain, c’est bien le dimanche 26 mars ; et c’est ce 26 mars seulement qu’Armand Magescas débarquera effectivement du train revenant de Biarritz… _, rendez-vous avec nous _ chez Max Brusset, 28 boulevard Haussmann, très probablement… _, vers dix heures du matin _ car c’est bien là l’heure du rendez-vous d’ores et déjà fixé, avec certains (dont Georges Portmann) chez Max Brusset ; et ce que permet en effet, à Armand Magescas – Miranda, cette arrivée très matinale du train de nuit en gare d’Austerlitz ; outre la capacité de passer même auparavant aussi chez lui, rue Saint-Didier, voire au « bureau«  du boulevard Haussmann. Armand Magescas est donc bien au courant de ce rendez-vous fixé chez Max Brusset dimanche 26 mars à dix heures !


Nous sommes _ ce vendredi 24 mars _ en train de déjeuner hâtivement, ma femme et moi, avenue Marceau, lorsque Nizan arrive en trombe _ depuis l’appartement de Passy, probablement, qui lui sert de domicile.
Il attend que le concierge qui sert _ à table _ soit sorti de la pièce et me dit :
_ « La Gestapo est chez Juliette » _ avenue de Breteuil.
Il vient en effet de téléphoner chez notre amie pour lui rappeler que j’irai travailler chez elle l’après-midi,
et tout de suite elle lui a dit qu’elle était très malade et qu’elle ne pourrait pas nous recevoir.
(…)
_ « Je suis très malade », a répété Juliette : « très malade. » (…) « J’en ai au moins pour un an ! »
Je dis à ma femme de m’attendre en préparant _ aussitôt _ nos valises _ il faut e plus vite possible déguerpir ! ; Pierre et Georgie de Bénouville vont trouver à se faire héberger chez un ami totalement indépendant des réseaux de Résistance, rue Hamelin, de l’autre côté de la place de l’Etoile par rapport à l’avenue Marceau ; mais quand se fera ce changement de domicile ? Le lundi 27 mars seulement : le récit de ce départ de l’appartement de l’avenue Marceau pour celui de la rue Hamelin, se trouve à la page 327 du Sacrifice du matin

Je me précipite dans un bureau de tabac proche et, pour vérifier _ cette terrible nouvelle de Nizan _, compose le numéro Suffren 49-10 _ de Juliette – Jacqueline Gruner.
(…)
_ « Je voudrais parler à Mademoiselle Gruner. »
_ « Al est sortie », dit l’homme. « Mais ça serait t’y pas monsieur Barrès ? » (…)  « Et al m’a dit de vous dire », continue la voix, « de bien prévenir tous les copains de venir aujourd’hui. Al est souffrante et pourra pas travailler demain. »
(…)
Nous sommes _ présentement _ seuls, Nizan et moi, pour faire face à l’orage.
Et il faut se presser, car Claude Bourdet qui sait que je devais préparer le courrier pour la Suisse chez Juliette, doit y passer _ ce vendredi 24 mars _ avant quatre heures
_ cf ce que corrige de ce détail Claude Bourdet page 324 de L’Aventure incertaine.


Il n’y a pas moyen de faire autrement : je pars guetter devant la porte _ avenue de Breteuil, donc.
(…)
Un instant je monte chez mes parents qui habitent à deux pas de là. Ils quitteront _ eux aussi _ Paris le jour même _ pour se mettre immédiatement à l’abri des représailles de la Gestapo à l’égard de la parenté de Pierre : il n’y a pas une seule seconde à perdre !
Je reviens prendre ma faction _ avenue de Breteuil.
L’heure limite _ quatre heures de l’après-midi _ s’écoule. Bourdet manque souvent ses rendez-vous et je ne suis donc pas étonné qu’il en soit ainsi aujourd’hui, mais bien au contraire soulagé.
Je rejoins Nizan à qui j’ai fixé un point de rencontre près des Invalides. Lui-même doit non loin de là retrouver La Varende _ René Portmann.


Il faut vite prendre des décisions _ pour la sécurité-survie du Service, et de ses membres : en interrompre l’hécatombe.
D’abord prévenir Chevance que l’avenue de Breteuil _ qu’il connaît lui aussi _ est brûlée.
Puis envoyer tout de même le courrier.
Je ne peux me séparer ni de Nizan ni de Fortoul. C’est Dominique Faroni qui partira vers la frontière _ suisse. J’ignore qui sont Fortoul et Dominique Faroni : probablement des porteurs de courrier.


En prenant le métro vers dix heures du soir _ ce vendredi 24 mars, toujours ? ou déjà samedi ?.. _, nous _ avec qui, précisément, se trouve ici Pierre de Bénouville ? Nizan ? La Varende ? Fortoul ? et où se rend-il ? avenue Marceau, encore ? ou bien rue Hamelin, déjà ?.. Non, le départ, avec son épouse, pour la rue Hamelin ne se produira que le lundi ! _ rencontrons Vélin _ André Bollier _, qui est certain _ hélas à tort _ que Claude n’a pas été pris parce qu’il aurait été retenu ailleurs par un autre rendez-vous. C’est un samedi soir _ le 24 mars était un vendredi. Que déduire de cette donnée, ici (« C’est un samedi soir« …), du récit ? Que le récit de Pierre de Bénouville vient là de condenser les deux journées ?..


Le dimanche _ le 26, par conséquent… _, nous nous concertons _ comment ? où ? et à quelle heure, très tôt le matin… _ avec Nizan et La Varende _ René Portmann, donc : « adjoint« , alors de Bénouville (ou de Nizan) , au service des Relations Extérieures des MUR, avant d’y devenir le « remplaçant«  de Pierre de Bénouville quand celui-ci sera parti, début avril (le soir du 5), vers Alger ; et que Nizan aura été arrêté (un peu plus tard dans cette même matinée du 26 mars : à dix heures !)par la Gestapo…


J’appelle le boulevard Haussmann _ au 76, se trouve en effet un autre des « bureaux«  de Pierre de Bénouville, là où siège l’entreprise d’import-export que dirige Armand Magescas _ d’une cabine téléphonique _ qui donc Pierre de Bénouville cherche-t-il à y contacter ?.. Je l’ignore.
Un Allemand me répond en mauvais français, s’impatiente qu’on ne parle pas. (…) Et il raccroche _ le « bureau«  du boulevard Haussmann est donc désormais lui aussi brûlé ! Nouvelle catastrophe, après celle de l’avenue de Breteuil !..


Avec La Varende, nous bondissons rue Saint-Didier _ au domicile personnel de Magescas. (…) C’est là _ chez lui, à son domicile _ que doit _ au moins possiblement _ se rendre Magescas en sortant du train _ de nuit venant de Biarritz, à la gare d’Austerlitz.
Sur un bout de papier, je gribouille :
« Ne va pas au bureau _ du boulevard Haussmann. Rendez-vous _ impératif ; et c’est un rappel : Miranda, en étant déjà au courant… _ à dix heures chez le gendre de Robert ».


J’ai en effet rendez-vous _ avec qui exactement ? _ ce matin-là _ le dimanche 26 mars _ chez Max Brusset dont le beau-père a pour prénom Robert.
Brusset habite boulevard Raspail _ au 28. Il fut avant guerre chef de cabinet de Mandel.
Et il a conservé de précieux contacts aux PTT. Il doit précisément me faire rencontrer des gens des Postes et de la radiodiffusion _ dont Georges Portmann ? Lequel fut, en effet, à Vichy, du 4 janvier au 16 février 1941, non seulement Secrétaire général à l’Information, mais aussi directeur de la radio : il y connaît beaucoup de monde ; et Pierre de Bénouville (dont le métier est journaliste !) l’avait rencontré (et noué un très précieux contact avec lui) lors de sa venue à Vichy, la première quinzaine de décembre 1940.

De bonne heure, le matin _ de ce dimanche 26 mars 1944 _, Nizan _ qui habite la villa (à trois entrées différentes) de Passy, que Bénouville réserve à l’éventuel retour à Paris, de Londres, puis d’Alger, de Henri Frenay… _ passe me voir _ où ? est-ce déjà au nouveau domicile de la rue Hamelin, si Pierre de Bénouville et son épouse Georgie ont quitté l’appartement de l’avenue Marceau dès le vendredi 24 mars, à l’annonce que le « bureau«  de l’avenue de Breteuil était « brûlé«  ! Non, ils ne quitteront l’avenue Marceau que le matin du lundi 27 mars, avant le déjeuner (cf Le Sacrifice du matin page 327) : le lendemain, par conséquent, de ce dimanche très bousculé.

Je lui confirme _ et lui aussi, comme Miranda, en est informé ; et il n’y a pas (pas encore du moins, de si bonne heure) contre-ordre… _ le rendez-vous _ de dix heures chez Max Brusset.
Et pour plus de sécurité, je lui demande d’aller _ d’abord, auparavant _ attendre Magescas à la gare _ d’Austerlitz, à l’arrivée du train de nuit de Biarritz : nous sommes alors, en effet, de très bonne heure ; et il s’agit d’empêcher coûte que coûte l’ami Magescas de se rendre au « bureau«  du boulevard Haussmann, désormais « brûlé«  ; et même à son domicile de la rue Saint-Didier, probablement lui aussi « brûlé« . Il y a très grave péril en la demeure…


Au moment où je sors de chez moi _ encore avenue Marceau, donc  _, je décide d’aller à deux pas de là pour voir si rien n’est arrivé pour moi dans une boîte aux lettres installée avenue Victor-Hugo et où aboutit une des lignes du Jura.
Je m’y rends. L’amie qui m’accueille _ qui est-elle ? Serait-ce elle, la mystérieuse Nicole Durand ?.. _ n’a rien reçu.


Je la quitte et suis déjà dans l’escalier lorsque le téléphone sonne dans l’appartement. Un instant elle hésite à répondre, puis me prie d’attendre et décroche.
Elle dit :
_  « Un instant. »
Puis, pâle, elle me rejoint :
_ « On demande d’urgence M. Barrès » _ un des pseudonymes de Pierre de Bénouville. « Que dois-je répondre ? »


Je remonte vite,

je cours aux fenêtres qui donnent sur l’avenue pour vérifier qu’aucune voiture suspecte ne stationne,
puis après un instant je me décide à prendre l’appareil et à dire :
_ « Allô ! qui demandez-vous ? »
Je reconnais la voix de Max Brusset que nous appelons Montherlant.
Il murmure plus qu’il ne dit :
_ « Ne viens pas à la maison. Ils sont chez moi. »
La communication est tout de suite coupée.
Comment a-t-il pu savoir le numéro de l’endroit _ cette « boîte-aux-lettres » de l’avenue Victor-Hugo… _ où j’étais ?

J’apprendrais par la suite que la Gestapo s’est présentée chez lui alors qu’il était encore au lit _ sans donc en avoir été prévenu par un coup de fil de Georges Portmann, peu après neuf heures.
Par un escalier intérieur, il a grimpé, à peine vêtu, à l’étage supérieur où une vieille dame, qui dormait encore, n’a pas été autrement surprise de voir entrer chez elle ce monsieur en pyjama.
Elle a accepté de le cacher.


Brusset s’est alors souvenu du numéro de téléphone d’une amie commune _ qui est-elle ? est-ce celle-ci, la fameuse Nicole Durand ?.. _ qui a quelquefois fait des liaisons entre nous.
Il a eu l’idée de lui téléphoner et de lui demander mon adresse _ que Max Brusset, par précaution de sécurité du service, ignorait donc, car « Miranda – Magescas, Nizan », et Pierre de Bénouville lui même, « sont les seuls à connaître«  cette adresse de l’avenue Marceau, celle de « cette demeure qui fut la nôtre pendant de longs mois« , à son épouse, depuis son arrivée, du Cantal, à Paris, et lui-même (Le Sacrifice du matin, page 327)…
Celle-ci _ l’amie contactée par Max Brusset _, bien entendu _ sécurité oblige ! _, l’ignorait. (…)
Néanmoins (…) à tout hasard, elle donna le numéro de téléphone de l’appartement de l’avenue Victor-Hugo. C’était en effet elle qui m’avait fourni cette boîte aux lettres.

Il s’agit maintenant _ poursuit son récit Pierre de Bénouville, page 326, et suite à ce coup de fil de Max Brusset, vers les neuf heures _ d’empêcher _ à tout prix ! _ Miranda-Magescas et Nizan _ Alain de Camaret, parti gare d’Austerlitz prévenir l’ami Magescas à sa descente de train, de ne surtout pas se rendre boulevard Haussmann, au « bureau«  brûlé… _ de monter chez Brusset.


Je me précipite dans le métro _ il n’y a pas une minute à perdre !
Les changements _ depuis l’avenue Victor-Hugo _ sont longs.
Lorsque j’arrive _ aux alentours du 28 boulevard Raspail, le domicile de Max Brusset _, il est _ déjà _ 10 heures passées.
J’apprendrai plus tard _ probablement par Max Brusset _ que Nizan est arrivé exactement à l’heure dite, qu’il a été pris immédiatement dans la souricière _ dès qu’il a sonné _,
et que pendant que je l’attendais _ au dehors, à proximité de l’immeuble _, on le fouillait, on le frappait, on l’interrogeait et que commençait son martyre.

Quant à Miranda-Magescas _ continue son récit Pierre de Bénouville, page 326 du Sacrifice du matin _,
Nizan n’a _ même _ pas vu le voir à la sortie de la gare _ d’Austerlitz : à quelle heure donc ? Très tôt ; bien avant les dix heures du rendez-vous chez Brusset ! _,
car il était attendu sur le quai par la Gestapo
et a été désigné aux policiers dès sa descente de train par la secrétaire de notre société _ celle d’import-export que dirigeait Armand Magescas _ du boulevard Haussmann _ cette adresse du boulevard Haussmann ayant été elle-même découverte probablement lors de l’intervention de la Gestapo chez Jacqueline Gruner – Juliette, le vendredi 24 mars, avenue de Breteuil.
Cette femme ignorait tout de notre société secrète (…). Quelques claques vigoureuses la feront parler.
Ainsi elle acceptera de dire qu’elle croit que Miranda-Magescas _ le patron de l’entreprise d’import-export _ va rentrer de Biarritz par le train du matin.
Cela ne l’empêchera pas d’être déportée«  (…) : « comme juive. Nous avions toujours ignoré qu’elle l’était« …

Les catastrophes, avenue de Breteuil le 24, boulevard Haussmann le 25, à la gare d’Austerlitz et boulevard Raspail le 26 mars 1944, se sont ainsi enchaînées, ces terribles trois jours de la fin mars 1944.

A propos de cet enchaînement de catastrophes de la fin mars 1944

_ il faut y ajouter, en effet, la catastrophe du samedi 25 mars, comme l’indique Claude Bourdet, page 324 de L’Aventure incertaine : « Les catastrophes ne s’arrêtèrent pas là _ à son arrestation, après celle de Juliette – Jacqueline Gruner, et la main-mise par la Gestapo sur tous les papiers de ce « Centre » de la « Voie Lahire« , avenue de Breteuil… _ : le lendemain _ du vendredi 24 mars, avec la double arrestation de Claude Bourdet lui-même et de Jacqueline Gruner, avenue de Breteuil : le samedi 25 mars, donc _, un autre bureau de la « Voie Lahire » _ celui du boulevard  Haussmann : c’est très probablement à celui-là que Claude Bourdet fait ici allusion _ était pris ; le surlendemain _ le dimanche 26 mars _, Camaret et Magescas étaient arrêtés _ dans quel ordre ? d’abord, Magescas, à sa descente de train ; ensuite Camaret, ayant sonné chez Max Brusset, vraisemblablement. Je les ai retrouvés à Compiègne le 1er ou le 2 juin« , indique Claude Bourdet, page 335 de L’Aventure incertaine : pas moins de deux mois après, les mois d’avril et de mai s’étant donc écoulés pour eux dans les geôles et entre les griffes de la Gestapo… ;

et c’est bien de Compiègne que tous ces membres (et amis entre eux) de Combat et des MUR partirent ensemble, en un même convoi, pour l’Allemagne, « probablement le 3 au matin, car nous sommes restés trois jours en route, et nous sommes arrivés le 6 _ juin 1944. Je m’étais joint _ Claude Bourdet, ici, poursuit son récit, à la page 337 de son livre _ aux camarades que je connaissais, en particulier Alain de Camaret, Armand Magescas et d’autres camarades _ encore : lesquels ? _ du service de Bénouville, arrêtés fin mars » ;

« Enfin, un matin au petit jour _ le 6 juin 1944 _, nous sommes arrivés au camp de Neungamme« , où, plus tard dans la journée, un « Hollandais, prisonnier politique » dira « avec un grand sourire dans les yeux : « ils ont débarqué ce matin à l’aube en Normandie ; faites passer« … », ainsi que rapporte cet élément de datation en effet mémorable, Claude Bourdet à la page 339 de L’Aventure incertaine.

Fin ici de l’incise de ce que rapporte Claude Bourdet des conséquences de l’intervention des Allemands au « bureau«  de l’avenue de Breteuil, et « centre«  de la « voie Lahire« , le 24 mars 1944 _ ;

À propos de cet enchaînement de catastrophes de cette fin mars 1944,

je détache cette remarque rétrospective de Pierre de Bénouville, récapitulant la succession des arrestations, cette fin mars 1944, page 327 du Sacrifice du matin :

« Quelles sont les découvertes faites par la Gestapo ? Comment a-t-elle pu intervenir _ aussi _ chez Brusset qui fait partie d’un circuit tout à fait différent _ il faut le souligner _ de celui où j’ai inséré Juliette ? » _ Jacqueline Gruner, arrêtée chez elle, avenue de Breteuil _ ;

et encore cette autre remarque, page 333 du Sacrifice du matin :

« Les Allemands ont dû trouver chez Juliette _ avenue de Breteuil, donc _, sur un morceau de papier oublié ou dans un carnet, l’adresse du boulevard Haussmann, où celle-ci n’était venue qu’une fois.

Cependant leur intervention boulevard Raspail, chez Brusset, demeure _ elle _ inexplicable » _ étant donné le cloisonnement des services ainsi que des agents, auquel veillait impérieusement Pierre de Bénouville, probablement sur les conseils très stricts de Jean Gemälhing,

comme l’indique aussi pour sa part Jacques Baumel dans son Résister, pages 85 à 87 :

« Gemähling avait mis au point un certain nombre de règles qui peuvent paraître aller de soi, mais qui étaient difficiles à respecter, et pourtant impératives si on voulait espérer survivre plus de six mois. (…) Ces règles étaient développées dans un véritable petit guide du parfait espion que Gemähling avait rédigé avec une virtuosité remarquable. Il l’avait fait taper par une secrétaire de Belpeer _ un ami commun marseillais : Jacques Baumel vivait à Marseille ; et Jean Gemälhing a fait partie, à Marseille, du réseau de Varian Fry… _ et m’en avait confié un exemplaire. J’ai malheureusement perdu ce texte étonnant dans mes pérégrinations ultérieures. Tout y était répertorié. (…) Je dois à mon observance presque maniaque de ces règles d’avoir non seulement survécu, mais, ce qui est une sorte d’exploit, de n’avoir jamais été arrêté par les forces de répression » _ bien que n’ayant jamais quitté, lui, Jacques Baumel, le territoire métropolitain toutes ces années d’Occupation, ni pour Londres, ni pour Alger ; mais résidant, jusqu’à la Libération, d’abord dans le Midi (Baumel est marseillais), puis à Lyon, et ensuite à Paris, ou parcourant la France occupée.


Ces journées du vendredi 24 et du dimanche 26 mars 1944, ont été ainsi arrêtés, le vendredi 24, Jacqueline Gruner – Juliette et Claude Bourdet – Lorrain ; puis Armand Magescas – Miranda, le dimanche 26, très tôt le matin. Puis, un peu plus tard, à dix heures, Alain de Camaret – Nizan, toujours ce même dimanche 26 mars… Et peut-être, ou probablement, d’autres…


Et ici, à propos de ces divergences de témoignages-souvenirs que j’ai en ce travail de confrontation relevées,
je voudrais citer une belle réflexion de Claude Bourdet sur la très réelle difficulté d’apporter à la détermination des faits historiques, la contribution, le temps passant, des souvenirs, même les plus sérieux et sincères, des acteurs et témoins de l’Histoire, page 146 de L’Aventure incertaine :


« Je me suis étendu sur ce problème _ celui des incertitudes de datation et de contextualisation, pour qui essaie de témoigner par l’acte de se souvenir, de faits vécus passés… _ pour montrer comme il est difficile, trente ans après _ les faits _, de rapporter de manière tout à fait précise _ et sans erreur _ des événements auxquels on a été pourtant étroitement mêlé. Moulin, Delestraint, Marcel Peck, les trois hommes qui auraient _ à propos de l’occurrence précise dont Claude Bourdet traite alors, à propos d’événements du mois de septembre 1942 _ qui auraient pu le mieux _ aider, contribuer, à _ préciser cette chronologie, sont morts. Aucun de nous ne tenait de « journal ». Chacun conserve un souvenir assez vivant des événements _ certes _, mais quant aux dates, quant aux relations _ très importantes pour comprendre ce qui s’est passé, et l’établir le mieux possible… _ avec d’autres faits qui se sont produits à la même époque, c’est plus douteux. C’est pourquoi on relève certaine contradictions dans tous les récits.« 


C’est bien sûr là que doit venir prendre le relais des témoignages des acteurs de l’Histoire, le travail propre, et spécifique, des historiens :

vérifiant la stricte matérialité des faits mêmes, et les contextualisant sans relâche, afin d’affiner leurs analyses de ce qui s’est passé, et en commençant, forcément, par essayer d’établir _ et c’est fondamental et basique ! _ ce qui s’est effectivement produit _ en mettant la précision maximale possible sur les lieux et sur les dates, voire les horaires ; ainsi que sur l’identification des personnes… _ ; en s’appuyant aussi, outre la critique des divers témoignages dont ils disposent, sur ce que peuvent nous apprendre, jour après jour, des archives parmi celles qui sont heureusement conservées, quand elles sont judicieusement explorées et interrogées. Soit un chantier complexe et riche, ouvert à l’infini _ tant le moindre détail devient très important pour qui peut en tirer parti…


Maintenant,
sur le parcours de résistance singulier de René Portmann (= La Varende, Godard, 3bis, 15 : soient les divers pseudonymes qu’indique Robert Belot dans L’Affaire suisse _ la Résistance a-t-elle trahi de Gaulle ?…),
j’ai repéré et lu avec soin tout ce qu’en dit Robert Belot dans L’Affaire suisse (aux pages 36, 219, 261 à 263, 280 à 283, 295, 321-322, 327, 363 à 365, 384, 398-399, pour être exhaustif).


Or la chronologie accessible, semble ici indiquer _ cf déjà mon article du mois de juillet : La fécondité magnifique du détail dans le travail d’enquête de Robert Belot sur les Résistances en France sous l’Occupation _ que René Portmann est en étroite liaison avec Pierre de Bénouville bien avant ce mois de mars 1944 quand Pierre de Bénouville lui demande de s’apprêter à le remplacer _ en fait, probablement, d’abord remplacer Nizan – Alain de Camaret (initialement prévu pour le remplacer lui, Bénouville) ; puis, une fois Nizan arrêté, alors le remplacer lui-même : par la force de ce tragique concours de circonstances !.. _, à Paris, au Service des Relations Extérieures des MUR, quand il a décidé (ainsi que Maurice Chevanche) de partir au plus tôt rejoindre _ en fait,ce sera aux premiers jours d’avril _, et via le très risqué passage en Espagne, Alger :


soit au moins dès le 22 octobre 1943 (à suivre ce qu’indiquent les remarquables analyses _ d’après les archives du service des Relations Extérieures des MUR et celles de sa Délégation suisse de Genève _, de L’Affaire suisse, à la page 283).


Cf, ainsi, les diverses références aux courriers échangés (envoyés ou reçus par René Portmann) :
le 17 janvier 1944 (page 264),
le 31 janvier 1944 (page 280),
vers le 2 février 1944 (page 281),
le 5 février 1944 (page 321),
et deux courriers le 18 février 1944 (pages 321 et 322)
que cite et utilise Robert Belot en son livre.


C’est pour cela que la chronologie des diverses activités de résistance de René Portmann m’intéresse spécialementnotamment les modalités de son passage des maquis des Corps-francs de Savoie, dans les Bauges et la Maurienne _ Georges Portmann, son père, est natif de Saint-Jean-de-Maurienne…au Service des Relations Extérieures des MUR à Paris _ via peut-être, aussi, un passage par Lyon : mais dès le mois d’août 1943, les services des MUR ont tous quitté Lyon pour s’installer à Paris _et, plus spécialement encore, en rapport avec la Délégation de Genève des MUR, dirigée, là-bas, par le général Davet et Philippe Monod : peut-être Éric Le Normand, qui connaît particulièrement ce dossier des maquis de Savoie, pourra-t-il apporter sur ce point de nouvelles précisions...

Et je recherche aussi des précisions sur ces personnes trop rarement citées dans les travaux des historiens : Max Brusset _ qui fut chef de cabinet de Georges Mandel au ministère des PTT _, Nicole Durand, etc. : membres plus obscurs, jusqu’ici, des réseaux de Pierre de Bénouville…

De même que j’aimerais savoir ce que sont devenus, après la guerre _ et d’abord dans l’immédiat après-guerre _, ceux de ces Résistants qui ont survécu à ces événements :

_ par exemple Armand Magescas, à son retour de déportation _ à la différence d’Alain de Camaret, ou de Jacqueline Gruner, qui ne sont pas rentrés : je sais seulement que Pierre de Bénouville l’a fait travailler avec lui aux Editions Robert Laffont  _,

_ et aussi, bien sûr, René Portmann :

pourquoi la chronique historiographique est-elle aussi silencieuse à son sujet ?

De même, déjà, que les propres témoignages de Pierre de Bénouville sur lui, tant dans Le Sacrifice du matin que dans Avant que la nuit ne vienne ;

_ ainsi que Georges Portmann, du moins avant son brillant retour au Sénat le 19 juin 1955 :

quels éléments de son dossier concernant ses activités de Résistance, conduisirent-ils à son acquittement le 27 février 1946 par la Haute Cour de Justice ?

L’Histoire de l’épuration, de Bénédicte Vergez-Chaignon, qui, page 510, cite seulement _ hélas _ le nom de Georges Portmann au sein d’une liste d’autres personnalités acquittées _ sans nulle précision, ni commentaire _, demeure, je l’ai déjà dit, décevante, du moins pour ma recherche le concernant, lui.

Sans compter que n’existe à ce jour aucun travail historiographique consacré ce bordelais éminent qu’a été George Portmann !

Tout cela est à suivre…

À côté de mon enquête principale de micro-histoire,

je veux dire celle que je poursuis sur le parcours de mon père, homme discret, dans le Sud-Ouest sous l’Occupation,

entre juin 1942 et septembre 1944…

Titus Curiosus, le 27 septembre 2014

La fécondité magnifique du détail dans le travail d’enquête de Robert Belot sur les Résistances en France sous l’Occupation

31juil

Il faut féliciter la fécondité magnifique du travail d’enquête de l’historien Robert Belot, en son patient et subtil défrichage et labourage de la complexité, en son détail, des Résistances en France sous l’Occupation.

Ma lecture de cet œuvre très riche a procédé, au départ, d’un conseil tout à fait ponctuel, de l’oloronais Pierre-Louis Giannerini, à partir de la recherche à laquelle je procède, depuis un peu plus d’un an, concernant le parcours, sous l’Occupation, de mon père, et en l’occurrence des rapports que celui-ci a eus, à Oloron (et aussi à Toulouse), en 1943-1944, avec un groupe de résistants locaux, affiliés à l’Armée secrète, autour du capitaine des chasseurs pyrénéens, Jean Bonnemason. Plus précisément, en cette occurrence, il s’agissait pour moi de préciser les activités de résistance des membres de la famille Galtier d’Auriac, en particulier le père, Charles Galtier d’Auriac, et le plus jeune de ses trois fils, Jacques. Or Pierre-Louis Giannerini avait relevé les mentions que Robert Belot, en son Aux frontières de la liberté _ Vichy, Madrid, Alger, Londres ; s’évader de France sous l’Occupation (paru aux Éditions Fayard en 1998), fait du docteur Henri Galtier d’Auriac, le second des trois fils, pour son activité sanitaire au camp de Miranda-de-Ebro ; et il m’en a fait part. S’ouvrait ainsi là pour moi une nouvelle piste de recherche…

La méthode, infiniment précise de Robert Belot, et appuyée sur des références à des documents et archives, en ce très riche et très détaillé Aux frontières de la liberté _ Vichy, Madrid, Alger, Londres ; s’évader de France sous l’Occupation, m’a immédiatement passionné, de même que, sur le fond, sa focalisation sur des résistants, au départ du moins, non spécifiquement gaullistes _ par exemple, beaucoup d’entre eux demeureront toute la guerre maréchalistes (et anti-gaullistes), et certains (ou d’autres), passeront par l’étape giraudiste…

Et cela fait un peu plus d’une année que je m’initie, donc, au fait que la Résistance a débordé, et très, très largement (!), et la résistance gaulliste, et la (plus tardive, elle _ à partir de l’invasion par Hitler de l’URSS, le 22 juin 1941, mettant fin au pacte germano-soviétique du 23 août 1939… _) résistance communiste ; par delà les représentations très longtemps dominantes que gaullistes et communistes ont diffusées et sont parvenus longtemps à faire largement régner ! Cf ici les très opportunes synthèses et mises au point historiographiques du récent (2012) judicieux recueil d’articles de Denis Peschanski, Les Années noires 1938-1944 (aux Éditions Hermann)…

D’où mon désir d’approfondir cette connaissance en lisant, du même Robert Belot, La Résistance sans de Gaulle _ politique et gaullisme de guerre (paru aux Éditions Fayard, en 2006) : un livre très important et très éclairant, pour mon plus grand profit ! Et parallèlement, j’ai lu aussi le passionnant Les Vichysto-résistants _ de 1940 à nos jours (paru aux Éditions Perrin, en 2008) de Bénédicte Vergez-Chaignon.

Ces deux ouvrages, La Résistance sans de Gaulle et Les Vichysto-résistants, constituent deux indispensables pour quiconque cherche à se faire une idée un peu juste de ce que fut la Résistance !

De là, je suis passé à l’excellent Les Résistants _ l’histoire de ceux qui refusèrent, de Robert Belot avec Eric Alary et Bénédicte Vergez-Chaignon (paru aux Éditions Larousse, en 2003) : autre travail de précision très riche, centré, à la fois, sur des singularités de personnes, mais aussi présentant d’éclairantes synthèses chronologiques.

Puis, j’ai lu, toujours de Robert Belot, son Henri Frenay _ de la Résistance à l’Europe (paru aux Éditions du Seuil en 2003), centré cette fois sur l’évolution, tout au long de sa vie, de la personnalité et des activités du fondateur de Combat, au-delà des conflits qui ont pu l’opposer (très vivement) au général de Gaulle, ainsi qu’à Jean Moulin, notamment ; ainsi qu’aux membres des mouvements de résistance concurrents de Combat, tel Emmanuel d’Astier de la Vigerie, le chef de Libération-Sud….

Puis,

pardon du désordre pour ce qui concerne le décalage entre le suivi de la recherche de Robert Belot, et le décousu de ma propre découverte de son œuvre,

j’ai alors lu Les Secrets de la résistance (paru en 2013 aux Éditions Vuibert) : avec, notamment, trois passionnants chapitres concernant plus particulièrement Pierre de Bénouville : « Les Américains ont-ils tenté de manipuler la Résistance intérieure ? » (pages 181 à 200) ; « Le mystère Caluire » (pages 201 à 213) ; « Hardy, le traître ? » (pages 215 à 227)…

Entre-temps,

suite à ma curiosité concernant les rapports de mon père et de son maître en ORL le professeur Georges Portmann

_ c’est celui-ci, en effet, qui début juin 1942, prévint mon père, son assistant en ORL à la faculté de Médecine de Bordeaux, que la Gestapo allait venir l’arrêter ; mon père quitta alors précipitamment Bordeaux pour rejoindre, en zone libre, Oloron, où résidaient deux des oncles de sa fiancée (= ma mère) : c’est le 7 juin 1942 que mon père franchit clandestinement la ligne de démarcation à Hagetmau, jusqu’où ma mère et sa sœur Marcelle l’avaient accompagné, et se dirigea alors vers Oloron : un autocar avait été  affrété par des membres (?) de la Résistance bordelaise, dont une infirmière de la clinique Bagatelle, afin d’aider à faire passer en zone non occupée diverses personnes spécialement menacées… _,

 je m’étais plus spécialement intéressé, en effet, à l’action de Pierre de Bénouville, membre très important de Combat, puis des M.U.R., à travers la Délégation suisse, qu’il dirigeait de Lyon _ jusqu’à la tragédie de Caluire, le 21 mars 1943 ; lui, le 22 juin, se mariait à Pessan, près d’Auch, dans le Gers… _, puis de Paris _ à partir des mois de juillet-août 1943 _, par le Service des Relations Extérieures (R.E.) de ces organisations successives, Combat, puis les M.U.R. :

ainsi ai-je très attentivement lu Avant que la nuit ne vienne, Entretiens de Pierre de Bénouville avec Laure Adler (parus aux Éditions Grasset en 2002) ;

ainsi que la biographie Le Général Pierre de Bénouville _ le dernier des paladins, que Guy Perrier a consacrée à Pierre de Bénouville (parue aux Éditions du Rocher en 2005) ;

et faute de pouvoir me procurer et suivre en son plus précis détail ce document majeur qu’est Le Sacrifice du matin _ pour le moment Le Sacrifice du matin, que Pierre de Bénouville fit paraître en 1945, aux Éditions La Palatine, à Genève, en Suisse, en 1945 ; puis re-publia bientôt, avec quelques modifications, aux Éditions Robert Laffont, en 1946, n’est hélas pas disponible en librairie. Que ne le ré-édite-t-on donc pas !..


Et c’est alors que j’ai lu avec passion, toujours du plus que passionnant Robert Belot _ que n’a-t-il la notoriété que son travail si précis et fouillé, et si judicieux, mérite ! _, L’Affaire suisse _ la Résistance a-t-elle trahi de Gaulle ? (paru aux Éditions Armand Colin en 2009) :

et c’est là, dans ce palpitant L’Affaire suisse _ la Résistance a-t-elle trahi de Gaulle ?, que j’ai pu enfin découvrir,

et cela à partir de ce que m’avaient ouvert deux pages, les pages 168 et 169 de Contacts et Pensées _ Souvenirs, de Georges Portmann (parus aux Éditions Bière en 1982), affirmant l’existence _ assez tôt ?.. _ de liens de résistance entre Pierre de Bénouville et Georges Portmann,

lesquels, après avoir pris un premier contact à Vichy à la fin de l’automne _ début décembre _ 1940 (cela, c’est Pierre de Bénouville qui l’indique, en ses Entretiens avec Laure Adler, Avant que la nuit ne vienne, page 86), eurent des liens très effectifs de réseau (et « boîte à lettres« ) à Paris, tout particulièrement au début 1944, avant le départ pour Alger de Pierre de Bénouville, au début du mois d’avril :

les trop rapides références de Georges Portmann (pages 168-169 de ses Souvenirs de 1982, donc) à l’épisode de l’intervention de la Gestapo, le 26 mars 1944

_ soit très exactement deux jours après l’arrestation de Claude Bourdet, arrêté lui le 24 mars, avenue de Breteuil, au « bureau qu’y avait Pierre de Bénouville ; ce secrétariat, tenu par la nièce du pasteur Boegner, Jacqueline Gruner _ dite Juliette _, était la gare de triage de la « voie Lahire » _ du nom du premier pseudonyme donné par Henri Frenay à Pierre de Bénouville le 4 décembre 1942, à Montélimar _ par laquelle passaient en Suisse les renseignements fournis et les demandes présentées par l’ensemble des mouvements, et par où revenaient souvent les fonds qui constituaient notre viatique quotidien« , précise Claude Bourdet, page 322 de L’Aventure incertaine _ de la Résistance à la Restauration _,

au domicile de Max Brusset (28 Boulevard Raspail, à Paris), où avait prévu de se réunir leur réseau, et qui vit la capture du seul Armand Magescas _ selon le souvenir, en 1982, de Georges Portmann _, qui n’avait pas pu, lui, être contacté par Georges Portmann (Magescas (= 4) revenait, en effet, tôt ce matin-là, de Biarritz, par le train

_ c’est Guy Perrier, dans sa biographie de Pierre de Bénouville, Le Général Pierre de Bénouville _ le dernier paladin, parue aux Editions du Rocher en 2005, qui donne cette précision, page 128 : « Bénouville passe ses consignes, l’esprit en repos, et prépare son départ pour Alger via l’Espagne. Mais pas pour longtemps. A la suite de trahisons et d’indiscrétions, les Allemands ont déclenché une vague d’arrestations : Juliette, agent de liaison _ mais peut-on qualifier Jacqueline Gruner – Juliette, d’« agent de liaison » ?.. _, à son domicile ; Magescas, à son arrivée en gare _ et pas chez Max Brusset, comme selon le témoignage de Georges Portmann ? _ à son retour de Biarritz ; Nizan _ = Alain de Camaret _ qui connaît toutes les boîtes à lettres et toutes les adresses. Barrès _ = Bénouville _ perd avec eux _ le 26 mars 1944 _ deux amis très chers. D’autres arrestations se succèdent _ ou plutôt ont précédé, si l’on se reporte au témoignage de Claude Bourdet, et à sa chronologie _, dont le n°1 de Combat, Claude Bourdet, le 24 mars. Le service est décimé«  _),

ont terriblement sollicité ma curiosité !!! _,

c’est là, dans cette passionnante Affaire suisse de Robert Belot _ et ce qu’a tiré Robert Belot des archives conservées de la correspondance entre Pierre de Bénouville et la Délégation suisse à Genève _, que j’ai donc pu découvrir de très utiles précisions sur la participation de René Portmann (5-12-1919 – 1-8-1957), le fils aîné de Georges Portmann, le maître en ORL de mon père,

au réseau (du Service des Relations extérieures des M.U.R., en charge de la direction de la Délégation suisse, à Genève) de Pierre de Bénouville, aux pages 36, 219, 261, 262, 263, 264, 280, 281, 283, 295, 321 (pour deux occurrences), 322, 324, 327, 363, 364, 365, 395, 398, 399 et 415 de L’Affaire suisse, pour être très précis ; et cela, avec les divers pseudonymes de René Portmann : d’abord 3 bis _ quand 3 est Bénouville, René Portmann, 3 bis, est son adjoint ! _, puis Godard _ quand Bénouville part pour Alger, courant avril 1944, c’est René Portmann, Godard, qui désormais le remplace ! _, mais aussi La Varende (et encore 15)

_ même si Robert Belot orthographie le nom de Portmann avec un seul N, au lieu de deux ; et semble aussi ignorer que René Portmann est le fils (aîné) du Professeur Portmann ; ce Georges Portmann dont le nom n’apparaît pas une seule fois dans le livre ; pas davantage qu’en aucun de ceux que j’ai pu lire jusqu’ici de Robert Belot.

Le nom complet de Portmann, avec ses deux N, fonctionne ainsi pour moi comme une sorte de tâche aveugle dans le travail d’enquête de Robert Belot, et un détail qu’il convient en quelque sorte d’aider à porter à élucidation…

De fait, quand, début avril 1944, Pierre de Bénouville quitte Paris afin de gagner Alger (et rejoindre là-bas Henri Frenay, qui se trouve désormais auprès du général de Gaulle), c’est bien René Portmann, qui déjà était « son adjoint » (page 283 de L’Affaire suisse), qui désormais, carrément, « le remplace » au sein de leur réseau _ devenu celui des M.U.R., après avoir été celui de Combat _, à la tête de cette articulation avec la Délégation suisse, à Paris et sur le territoire métropolitain, qu’est le Service des Relations Extérieures (ou R.E.) des M.U.R. : « Godard (René Portman, dit aussi « La Varende », a été responsable des maquis de Savoie ; il remplace Bénouville après son départ de France)« , écrit, par exemple, Robert Belot, page 324 de L’Affaire suisse.

Et effet, il s’avère, d’après Robert Belot, que le nom de code de René Portmann, dans cette correspondance Paris-Genève, est 3 bis quand il est l' »adjoint » c’est le mot qu’utilise Robert Belot page 283 _ de Bénouville (lui-même codé 3) à Paris et en France _ j’ai relevé que les occurrences de ce pseudonyme 3 bis dans le texte de Robert Belot, concernent la correspondance du Service allant d’octobre 1943 à février 1944 : d’abord le 22 octobre 1943, puis les 17 et 31 janvier 1944, ensuite vers le 2 février, et enfin les 5 et 18 février 1944 (et dans les deux sens, ce jour-là) _ ;

et qu’il devient Godard _ essentiellement pour les membres de la Délégation suisse, à Genève _ une fois que, Pierre de Bénouville étant parti pour Alger, début avril, c’est lui qui le « remplace » désormais à Paris : dans la correspondance que cite Robert Belot dans L’Affaire suisse, cela concerne des courriers allant du mois de mai 1944 au mois d’août _ les 4 et 30 mai (et dans les deux sens ce jour-là), le 7 juin, le 28 juillet et enfin le 3 août 1944 ; je note aussi que Robert Belot, pour de désigner le lien de René Portmann à Pierre de Bénouville, au sein du service  des Relations Extérieures des M.U.R.,utilise le mot « remplace » aux pages 280, 324 et 363 ; et le mot « successeur » aux pages 219 et 327.

Reste à se demander pourquoi Robert Belot n’a pas consacré, en son livre, une plus ample présentation, ou quelque notice tant soit peu détaillée, à ce membre notable _ « remplaçant«  et « successeur » de Pierre de Bénouville au R.E. des M.U.R. d’avril à août 1944 : était-ce donc si peu de chose ?.. _ du Service des Relations extérieures des M.U.R., et en charge d’avril à août 1944 de la connexion, à Paris, avec la Délégation suisse à Genève, que fut René Portmann…

Une partie de la réponse se trouve probablement aux toutes dernières pages (pages 363 à 367) du dernier chapitre du livre, juste avant la Conclusion de L’Affaire suisse, quand, citant et commentant longuement la « dernière note, du 28 juillet 1944 » (page 363) de Godard « à ses hommes en Suisse » (page 364), Robert Belot explique l' »amertume » (page 363) de celui-ci à l’égard du CNR « qui refuse de reconnaître toute dimension politique à la Délégation » (page 363) et « avoue son échec » (page 363). Son efficacité est en effet alors quasi nulle : à cette date du 28 juillet 1944, « la Délégation ne peut plus que transmettre des messages désespérés _ à propos des maquis qu’il s’agissait d’aider : en armes, comme en subsides… _ qui n’auront guère de suite » (page 365) ; et « l’heure n’est plus au combat clandestin. La logique d’Etat _ du gouvernement provisoire du général De Gaulle _ doit l’emporter et normaliser les pratiques, diplomatiques et politiques » _ des Résistants (page 366)…

En ses Souvenirs de 1982,

et évoquant la personnalité flamboyante de son « ami » Pierre de Bénouville à l’occasion d’une campagne électorale un peu mouvementée à Rennes

_ ainsi, n’est-ce qu’au passage, et pour terminer plus fortement, et même avec gravité, son portrait-hommage de Pierre de Bénouville, que Georges Portmann évoque (mais discrètement et pour l’unique fois !) ses propres activités de Résistance : il ne les mentionne, en effet, nulle part ailleurs parmi les 555 pages de ses pourtant copieux Souvenirs ; ni, non plus, en aucune de ses autres publications : Georges Portmann _ son action parlementaire, scientifique, sociale (aux Editions Delmas en 1955) ; Le Crépuscule de la paix (Editions Delmas, 1955) ; Sur une planète rétrécie (Editions Delmas, 1959) ; et Réflexions sur un monde déréglé (Editions Delmas, 1962), je l’ai vérifié… ; et en se focalisant sur les activités de Résistance de son fils René : « je m’en voudrais de ne pas rapporter l’un des épisodes les plus impressionnants des réseaux de résistance qu’animait Pierre de Bénouville, et dont mon fils René fut à ses côtés un des membres les plus actifs«  _,

le père de René Portmann, Georges Portmann, indique ainsi que « c’est 28 boulevard Raspail dans le salon de Max Brusset que je lui _ = Pierre de Bénouville _ présentai mon fils _ probablement au cours de la seconde moitié de l’année 1943 : le premier échange de courrier entre René Portmann et Pierre de Bénouville que cite Robert Belot, page 283 de L’Affaire suisse, porte la date du 22 octobre 1943.

René Portmann, qui dirigeait en Savoie un des réseaux de résistance _ auprès de Jean Valette d’Osia ? _ étant complètement brûlé, avait été rappelé _ comment ? par qui ? et à quelle date ? Tout cela demeure à éclaircir… _ à Paris.

Tout naturellement (sic), je proposai à Pierre

_ George Portmann et Pierre de Bénouville se connaissent semble-t-il depuis l’automne 1940, s’étant rencontrés alors (début décembre) à Vichy :

Georges Portmann, membre éminent déjà du Sénat, où il avait été élu, pour représenter la Gironde, pour la première fois en 1932 ; et sommité médicale de rayonnement mondial en ORL (même le chancelier Hitler avait sollicité ses services, en 1934, comme Georges Portmann le rapporte aux pages 515 à 517 de ses Souvenirs), était membre de la Commission d’armistice de Wiesbaden, dont il allait démissionner (cf page 13 de la Préface de René Massot, son assistant parlementaire au Sénat, à ces Souvenirs de Georges Portmann, en 1982 : « Son dévouement à l’égard des plus malheureux le conduit à accepter, en 1940, un poste de membre de la Commission d’armistice de Wiesbaden, chargé des prisonniers et des réfugiés. Cela lui permit de faire rapatrier plusieurs dizaines de milliers d’hommes jusqu’à ce que les exigences allemandes le contraignent à la démission » : démission dont à ce jour j’ignore la date ; serait-ce là une des raisons de la venue à Vichy de Georges Portmann au cours de ce mois de décembre 1940…) ;

et Pierre de Bénouville, lui, s’était rendu à Vichy, confie-t-il à Laure Adler à la toute fin des années 90 avec « la conviction que l’on pouvait y recruter (…) pour la Résistance«  (page 81 de Avant que la nuit ne vienne) ; et « A Vichy (…), je me suis lié avec un médecin très réputé, le professeur Portmann, qui a accepté de faire pour moi _ mais cela, à quelle date ? C’est difficile à établir ! _ un réseau« , se souvient et rapporte Pierre de Bénouville, dans le livre de ses Entretiens avec Laure Adler (page 86 de Avant que la nuit ne vienne)…

Et Pierre de Bénouville de préciser, toujours page 86 : « Je lui avais donné _ mais à quelle date ? Dès l’automne 40 ? Ou bien plus tard ?.. _ une adresse à Paris, chez une amie, où on m’adressait le courrier. Et cette amie s’appelait Nicole Durand.

Le jour où Alain de Camaret _ nom de code : Nizan _ a été arrêté _ le même jour qu’Armand Magescas, selon le témoignage de Claude Bourdet : le 26 mars 1944 ; et le 3 juin au matin, Claude Bourdet, « Alain de Camaret, Armand Magescas et d’autres camarades du service de Bénouville arrêtés fin mars«  (page  337 de L’Aventure incertaine) quittèrent ensemble le camp de Compiègne pour la déportation en Allemagne _, il allait relever la boîte aux lettres en question.

Au moment où je partais de chez moi, avenue Marceau, le matin _ poursuit Pierre de Bénouville en ses Entretiens avec Laure Adler, page 86 _, je me suis surpris à vérifier que la voie était libre. Et j’ai appelé cette Nicole, et je lui ai dit : « Tout va bien, Nicole ? » Elle m’a dit : « Oui, tout va bien, mais pas pour toi. » Je lui ai dit : « Bien. Très bien, merci ». Et j’ai compris qu’il y avait quelque chose qui se passait. La Gestapo était là _ à cette « boîte-à-lettres » de Nicole Durand ? A quelle adresse, précisément ? _ et a arrêté l’un de mes seconds, Alain de Camaret, qui n’est jamais revenu.« 

Des éléments décidément passionnants, dont l’interconnection permet d’avancer un peu dans la connaissance de la micro-histoire dramatique de ce réseau (en l’occurrence le Service des Relations Extérieures, ou R.E., des M.U.R.) de Pierre de Bénouville à Paris.

Tout naturellement, je proposai à Pierre _ je reprends le fil du témoignage de Georges Portmann aux pages 168-169 de ses Souvenirs, en 1982 _ de le prendre avec lui,

ce qu’il fit, après avoir jugé de la qualité de l’homme.« 

Et Georges Portmann de commenter :

« Je sens encore l’émotion intense que je ressentis en lui disant : « Je vous confie mon fils ». Je ne pensais pas qu’il serait tué _ officier de réserve, et affecté au Service Psychologique des Armées, le capitaine d’infanterie René Portmann est mort assassiné sur une route dans les environs de Tenes, le 1er août 1957 _ quelques années plus tard sur la terre d’Algérie« …

Et c’est alors, page 169 de ses Souvenirs, que Georges  Portmann relate l’épisode important (et très précieux pour notre propre enquête !), que je m’en voudrais de ne pas rapporter ici in extenso :

« Ce salon  _ celui du domicile de Max Brusset, 28 boulevard Raspail, à Paris _ devait d’ailleurs devenir _ complète alors Georges Portmann son évocation _ le lieu d’un drame qui fut heureusement limité par une intervention in extremis _ la sienne…

Ma vie professionnelle se passait _ en plus de ses activités à Bordeaux, poursuit Georges Portmann _ dans une maison de santé privée 15 rue Franklin _ à Paris, donc. Mon bureau était devenu _ voilà ! _ une des boîtes à lettres du réseau de Pierre de Bénouville. Il m’arrivait ainsi de prévenir les membres du réseau du lieu et de la date des réunions.

Un certain matin _ le 26 mars 1944, si je me fie à la date de l’arrestation d’Armand Magescas que donne Claude Bourdet (au surlendemain de sa propre arrestation à Paris, avenue de Breteuil, le 24 mars, page 324 de L’Aventure incertaine : « Les catastrophes ne s’arrêtèrent pas là (avec l’arrestation et la déportation, via Compiègne, en Allemagne, de Claude Bourdet lui-même, et de Jacqueline Gruner) : le lendemain, un autre bureau _ lequel au juste  ? _ de la « voie Lahire » (nom de code de la filière suisse montée par Pierre de Bénouville, à partir du tout premier nom de code, « Lahire« , donné à Bénouville par Henri Frenay, lors de leur première rencontre, à Montélimar, le 4 décembre 1942) était pris ; le surlendemain Camaret et Magescas étaient arrêtés. Je les ai retrouvés _ prisonniers tous ensemble ! _ à Compiègne. Camaret et Jacqueline Gruner, déportée elle aussi, ne sont pas revenus«  _,

nous devions nous réunir chez Max Brusset.

Je fus, une heure avant, prévenu _ Georges Portmann avait de très efficaces contacts : c’est lui qui, début juin 1942 à Bordeaux, avait prévenu mon père, son assistant en ORL, que la Gestapo allait venir l’arrêter ; et de fait peu de jours plus tard deux policiers se présentèrent au domicile de mes grands-parents maternels, où mon père résidait : mon grand-père leur dit que mon père avait quitté Bordeaux pour se rendre en Espagne, ainsi que ma mère, présente alors, aujourd’hui en témoigne… _

que la Gestapo viendrait nous surprendre,

et je téléphonai à tous ceux que je pus atteindre de ne pas se rendre boulevard Raspail.

Pierre devait venir me retrouver à Franklin et je pus _ ainsi _ l’intercepter. Max Brusset _ dont à ce jour je ne sais rien _, comme il nous le raconta par la  suite, resta chez lui jusqu’au dernier moment afin de limiter les dégâts. Et il ne s’enfuit par un vasistas dans la maison voisine que lorsqu’il entendit les coups de sonnette des policiers allemands.

Malheureusement nous ne pûmes alerter à temps Magescas _ revenant ce jour-là de Biarritz par le train _ qui tomba entre leurs mains ; il fut arrêté, martyrisé et resta gravement handicapé. »

Et Georges Portmann de conclure, et le récit du « drame » de l’arrestation d’Armand Magescas, et son évocation-hommage de son ami Pierre de Bénouville :

Armand Magescas « devint par la suite un collaborateur de l’éditeur Robert Laffont, dont Pierre était l’ami.« 

Et « c’est Robert Laffont qui publia le livre magnifique qu’est Le Sacrifice du matin par le général Pierre Guillain de Bénouville.
Je devais
_ ainsi, conclut alors Georges Portmann son récit « Le général de Bénouville en campagne électorale« , page 169 de ses Souvenirs, en 1982 : l’hommage va bien au-delà du simple rappel du souvenir d’une pittoresque (et courageuse) campagne électorale en Bretagne _ cet hommage à celui qui fut une des figures les plus pures de la Résistance et qui resta toujours fidèle à l’amour intransigeant qu’il portait à la France« …

.

Voilà donc quelques unes des pistes de recherche que j’essaie d’éclaircir et explorer…

Depuis ces lectures des divers travaux de Robert Belot,

je viens donc de lire aussi le superbe très grand livre de souvenirs de Claude Bourdet, L’Aventure incertaine _ de la Résistance à la Restauration (paru en 1975 aux Éditions Stock, et réédité en 1998 aux Éditions du Félin). Claude Bourdet se situe, lui, sur un autre versant (politique, disons : plus à gauche) de Combat et des M.U.R. que Pierre de Bénouville, et si le livre magnifique de Claude Bourdet m’a, à son tour, beaucoup éclairé sur l’histoire complexe et passablement mouvementée (car difficile…) de la Résistance intérieure, il ne m’a pas fait beaucoup avancer sur un des objets de focalisation de ma recherche : les activités de résistance du maître en ORL de mon père, Georges Portmann_ jamais cité, mais cette fois pas davantage non plus son fils René, par Claude Bourdet, je le remarque ; mais les réseaux étaient nécessairement très cloisonnés ! Les missions de Claude Bourdet aux M.U.R. ne recoupaient  pas celles de Pierre de Bénouville… _ ; et qui ont très vraisemblablement valu à Georges Portmann un non-lieu lors de son procès le 19 juin 1947, pour avoir été, un temps, à Vichy, du 4 janvier au 16 février 1941, Secrétaire général à l’Information (et directeur de la radio, aussi), lors du court intermède au pouvoir, à Vichy, de son ami Pierre-Étienne Flandin, dans l’intervalle entre les gouvernements de Pierre Laval (renvoyé le 13 décembre 1940) et de l’amiral Darlan (qui évince Flandin, poussé à la démission le 9 février 1941). Georges Portmann avait succédé à son poste à l’Information à Jean-Louis Tixier-Vignancour ; et il fut remplacé par Henri Moysset et Paul Marion.

Sur ce non-lieu dont bénéficia Georges Portmann, en 1947,

la page 510 de L’Histoire de l’épuration, de Bénédicte Vergez-Chaignon (paru aux Éditions Larousse en 2010) n’apporte aucune précision sur les attendus : l’historienne se contente en effet là de mentionner le nom de Georges Portmann au sein d’une liste de noms d’autres bénéficiaires, comme lui, de non-lieux :

« Sur 108 inculpés de la Haute Cour de justice, 42 non-lieux ont été prononcés par la commission d’instruction (…). La commission exonère diverses catégories d’accusés. Ceux dont le passage au gouvernement a été bref et sans conséquence, dont beaucoup de ministres de l’été 1940 : les socialistes André Février et Albert Rivière ; Robert Schuman ou Antoine Cayrel, brièvement chargés des Réfugiés ; Charles Pomaret, ministre de l’Intérieur, puis du Travail, lui-même interné par Vichy ; Émile Mireaux, Albert Rivaud, Charles Frémicourt, Georges Ripert, Georges Portmann _ sans autre précision qui le caractérise… _, les généraux Colson ou Pujo, Jean Prouvost, tous restés au gouvernement un ou deux mois.

Viennent ensuite les ministres que la commission estime être des fantoches, des bouche-trous. Les Français ne connaissent même pas leurs noms« . Etc.

Sur un autre versant de ma recherche _ quant au parcours sous l’Occupation de mon père en zone non-occupée (dite ainsi jusqu’au 11 novembre 1942 ; ensuite on l’appellera aussi « zone Sud« …) ; et tout particulièrement à Oloron et sa région… _,

j’ai lu aussi avec beaucoup de profit le livre très riche et passionnant de Jean-André Pommiès, Le Corps-Franc Pommiès _ une armée dans la Résistance, qui vient de paraître ce mois de juin-ci, aux Éditions Privat ; en particulier pour ce qui concerne le groupe des résistants oloronais, avec les Galtier d’Auriac, père (Charles) et fils (Jacques), André Bur, et plusieurs autres membres de l’ORA, devenu ici le Corps-franc Pommiès ; à côté du groupe de ceux de l’Armée secrète : Jean Bonnemason, Jean de Riquer, Joseph Bonne et son frère Henri, René Mainhagu, etc.

Ce groupe de résistants oloronais se scindant à la suite de l’arrestation de Jean de Riquer par la Gestapo, le 2 juin 1944 : certains, tel Jacques Galtier d’Auriac, décidant de se consacrer aux activités strictement militaires du Corps-franc Pommiès, poursuivant l’armée allemande bien loin d’Oloron, en particulier dans de très rudes combats à Autun, puis dans les Vosges, notamment, et ensuite jusqu’en Allemagne (ils seront présents lors de la prise de Stuttgart, peu avant le 8 mai 1945) ; les autres, tels Jean Bonnemason et les membres de l’Armée secrète des Basses-Pyrénées, privilégiant, eux, le devenir politique de leur région _ ainsi, par exemple, Jean Bonnemason sera conseiller municipal d’Oloron, et conseiller général du canton de Laruns, pour le parti socialiste…

Quant à mon père, lui, à la date du 2 juin 1944, il ne se trouvait pas _ pas encore _ à Oloron _ quitté le 10 décembre 1943 _, mais au 561e GTE de Beaupuy, à 8 kms de Toulouse ; il ne rejoindra _ et retrouvera _ Oloron que le 22 juillet 1944 ; et il y sera présent lors de la Libération de la ville, le 26 août _ il aidera aussi un des cousins de ma mère à ne pas avoir trop d’ennuis pour ses opinions un peu trop précédemment affichées pétainistes _ ; ne regagnant Bordeaux que le 30 septembre : du 1er au 15 octobre, il fera partie du groupe de résistants Dick à Pessac…

Tous ces passionnants travaux de recherche, très précis et détaillés

_ y compris, aussi, le très riche Servir ou désobéir ? de Jean-François Nativité que j’allais lire en suivant : à propos de la gendarmerie dans les départements pyrénéens de 1939 à 1944. Jean-François Nativité a participé aussi au très remarquable Vichy en Aquitaine (dirigé par Philippe Souleau et Jean-Pierre Koscielniak), avec son article « Violence d’État et tensions conjoncturelles : l’exemple de la gendarmerie dans les Basses-Pyrénées« … Et je suis à la recherche du procès-verbal fait à mon père par les Gendarmes, pour franchissement illégal de la ligne de démarcation ; ainsi que de celui, plus tard, de la levée de sa pénalité-amende… _

sont à rattacher à l’importance de la micro-histoire dans les avancées de la recherche historiographique.

Sujet qui me tient particulièrement à cœur. Cf mon article du 31 août 2013 Le diable se cache dans les détails _ la fécondité de la recherche en micro-histoire


Titus Curiosus, ce 31 juillet 2014

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