Posts Tagged ‘Giuliano Danieli

Quelques questions à propos des éditions successives, de 1535 (à Paris, Pierre Attaingnant), février 1539 (à Ferrare, Johannes de Buglhat, Henricus de Campis et Antonio Hucher), août 1539 (à Strasbourg, Peter Schöffer-le-Jeune) et 1555 (à Paris, Adrien Le Roy & Robert Ballard) du motet « Salus populi ego sum » de Pierre Cadéac : la diffusion-circulation des partitions et le carrefour civilisationnel de Ferrare…

07sept

En me penchant d’un peu plus près sur les découvertes présentées hier 5 septembre en mon article «  » _ à écouter ici en une durée de 5′ 09, dans l’interprétation de l’Ensemble Siglo de Oro dirigé par Patrick Allies, dans ce très intéressant CD « The mysterious Book of Motets 1539«  Delphian DCD34284 qui m’a fait et découvrir cette œuvre, et me passionner pour elle depuis… _ concernant quatre éditions successives, en mai 1535 à Paris, en février 1539 à Ferrare, en août 1539, à Strasbourg, et puis en 1555, à Paris, du Motet « Salus populi ego sum » de l’auscitain Pierre Cadéac (ca. 1505 – ca. 1565) :

_ à Paris, au mois de mai 1535, par Pierre Attaingnant (ca. 1494 – ca. 1552) _ au sein (le n° 17) du recueil collectif « Motettorum, Book 13 » de 18 Motets de 14 compositeurs différents (Rogier Pathie, Corneille Joris (2), Jodon, Matthieu Lasson, Jean Lhéritier, Claudin de Sermisy (2), Johannes Lupi (2), Colin Margot, Florentius Vilain, Pierre de Manchicourt, Jacquet de Mantoue, Nicolas Gombert, G. Harsius et Pierre Cadéac (2))  … _

_ à Ferrare, au mois de février 1539, par Johannes de Buglhat, Henricus de Campis et Antonio Hucher _ une édition dédiée à Ercole II d’Este, le duc de Ferrare ; sur Jean de Buglhat, actif à Ferrare à partir de 1528 (où il arrivé dans le bagages de Renée de France, l’épouse d’Ercole II, le 28 mai 1528, à Paris), et décédé en 1558, lire la notice détaillée de Camilla Cavicchi, aux pages 434-435 du « Guide de la Musique de la Renaissance » des Éditions Fayard en novembre 2011 ; ainsi que l’article « the battle of the woodcuts« , à propos de la rivalité des imprimeurs de musique Antonio Gardano, à Venise, et Johannes de Buglhat, à Ferrare… ;

au sein (le n° 4) du recueil collectif « Moteti de la simia » de 20 Motets de 12 compositeurs différents (Nicolas Gombert (3), Jacques Arcadelt (2), Pierre Cadéac, Jaquet de Berchem (3), Nicolle Celliers de Hesdin (2), Claudin de Sermisy, Ivo Barry (2), Jacques du Pont, Jacquet de Mantoue (2), Dominique Pinot, Maistre Jhan et Adrian Willaert) _ ;

_ à Strasbourg, au mois d’août 1539, par Peter Schöffer-le-Jeune _ au sein (le n° 8) du recueil collectif « Cantiones quinque vocum selectissimae » de 28 Motets de 14 compositeurs différents (Maistre Jhan, Nicolas Gombert (9), Jean Conseil, Jacquet de Mantoue (4), Adrian Willaert (3), Pierre Cadéac, Andreas de Silva, Johannes Lupi (2), Dominique Phinot, Simon Ferrariensis, Jehan Sarton, Jhan Billon, Philippe Verdelot et Jacques Arcadelt) _ ;

_ et à Paris, en 1555, par Adrien Le Roy & Robert Ballard _  le n° 14 du recueil de 18 « Moteta quatuor quinque et sex vocum liber primus » de Pierre Cadéac seul, cette fois… _,

vient s’éclairer davantage le lien _ a priori un peu étonnant : Pierre Cadéac n’est ni parisien, ni flamand…_ à Ferrare du Motet « Salus populi ego sum » de Pierre Cadéac…

La présence effective de compositeurs ou chanteurs ou instrumentistes français ou flamands à Ferrare, à partir de 1528, de même que la présence de partitions _ manuscrites, ou imprimées _ de ces compositeurs à la cour de Ferrare, est en partie liée à _ ou plutôt réactualisée (la fine-fleur des musiciens franco-flamands est en effet très présente à Ferrare dès la fondation de la chapelle musicale des Este par Leonello d’Este, en 1441 ; et même un peu avant, lors du brillant concile tenu à Ferrare en 1438-1439, en présence du pape Eugène IV, sous le règne du père de Leonello, Niccolo III d’Este… ; cf mes articles des 2 et 3 septembre derniers : « «  et « « …) ; ou plutôt réactualisée, donc, par _ la présence à Ferrare, et au cœur même de la vie de cour ducale, de la duchesse Renée de France (Blois, 25 octobre 1510 – Montargis, 12 juin 1575) _ fille du roi Louis XII (Blois, 27 juin 1462 – Paris, 1er janvier 1515) et son épouse la reine Anne de Bretagne (Nantes, 25 janvier 1477 – Blois, 9 janvier 1514), et belle-sœur du roi François Ier (Cognac, 12 septembre 1494 – Rambouillet, 31 mars 1547) : la sœur aînée de la duchesse Renée était la reine Claude (Romorantin, 13 octobre 1499 – Blois, 15 juillet 1524)… _, l’épouse du duc Ercole II d’Este (Ferrare, 4 avril 1508 – Ferrare, 3 octobre 1559) ; dont le mariage venait d’avoir eu lieu, à Paris,  le 28 mai 1528.

Et la duchesse Renée sera _ très (voire un peu trop) _ présente, avec son entourage français _ seront ainsi présents, un moment, à Ferrare, entre autres notables hôtes personnels de la duchesse Renée : le poète Clément Marot (ca. 1496, Cahors – Turin, 12 septembre 1544), d’avril 1535 au carême 1536, et le théologien de la Réforme Jean Calvin (Noyon, 15 juillet 1509 – Genève, 27 mai 1564)… _, à Ferrare jusqu’au décès de son époux, le 3 octobre 1559 ; le nouveau duc, leur fils Alfonso II d’Este (Ferrare, 22 novembre 1533 – Ferrare, 27 octobre 1597), s’empressant de renvoyer alors la duchesse douairière, sa mère, en France, où elle décèdera, à Montargis, le 12 juin 1575. Mais la duchesse Renée eut auprès d’elle nombre d’artistes, mais aussi entre les mains nombre de poèmes et de partitions de ses musiques aimées :

ont ainsi composé pour elle, entre autres, Jakob Buus (Gand, ca. 1500 – Vienne, août 1565), qui lui dédie en 1543 son « Primo libro di canzoni francesi«  ; mais aussi Adrian Willaert et Cipriano de Rore, qui ont composé sur la « Méditation de Savonarole » _ Jérôme Savonarole (Ferrare, 21 septembre 1452 – Florence, 23 mai 1498) était en effet ferrarais… _ du compositeur Simon Joly (1524 – 1559)…

Par conséquent, c’est très probablement dans ce contexte culturel ferrarais que l’imprimeur Jean de Buglhat _ en rivalité avec le grand imprimeur vénitien Antonio Gardano (Gardanne, 1509 – Venise, 28 octobre 1569), installé Calle della Simia, non loin du pont du Rialto… _ fait paraître en février 1539, à Ferrare _ où Buglhat demeurera désormais toute sa vie durant : il décède à Ferrare en 1558 ; sur l’éditeur Jean de Buglhat, lire la notice de Camille Cavicchi aux pages 434-435 du « Guide de la Musique de la Renaissance«  _ le recueil de 20 motets _ intitulé par pure provocation professionnelle ! _ « Moteti de la simia« , dans lequel Buglhat intègre, très probablement emprunté au recueil de 18 Motets « Motettorum, Libro 13 » publié au mois de mai 1535 à Paris par Pierre Attaingnant, en raison de sa beauté singulière, le Motet de Pierre Cadéac « Salus populi ego sum« .

Et c’est probablement par ce biais ferrarais-là des « Moteti de la simia » de Buglhat, de février 1539, et via la diffusion-circulation _ jusqu’à la cour si mélomane de Ferrare ; et en 1535, justement, Clément Marot y séjourne depuis le mois d’avril de cette année-là… _ du recueil de Motets « Motettorum, Libro 13 » de Pierre Attaingnant publié à Paris en mai 1535, qu’a pu en prendre connaissance, à son tour, à Milan, le maître de chapelle de la cathédrale de Milan, le flamand Matthias Werrecore (Warcoing-Pecq, ca. 1500 – après 1574) _  dont l’envoi et la réception strasbourgeoise a permis l’édition de ce motet « Salus populi ego sum«  de Pierre Cadéac au sein des 28 « Cantiones quinque vocum selectissimae » qu’a fait paraître, six mois plus tard, au mois d’août 1539, l’éditeur- imprimeur strasbourgeois Peter Schöffer-le-Jeune ; recueil de Motets sur lequel Daniel Trocmé-Latter a travaillé en son « The Strasbourg Cantiones of 1539« , qui a servi de source au CD Delphian « The mysterious Book of Motets 1539 » de l’Ensemble Siglo de Oro, qui m’a permis, lui, de découvrir et admirer ce superbe motet de Pierre Cadéac…

Lequel milanais Matthias Werrecore, lié lui-même _ d’une manière qu’il serait bien intéressant de préciser… _ au brillant et très mélomane cardinal Ippolito II d’Este (Ferrare, 25 août 1509 – Rome, 2 décembre 1572 _ en 1519, Ippolito II d’Este (âgé alors de 10 ans) avait hérité de son oncle le cardinal Ippolito I d’Este (Ferrare, 14 mars 1579 – Ferrare, 3 septembre 1520) l’archevêché de Milan ; et il est possible que le jeune Ippolito II ait sinon résidé du moins séjourné un peu, ces années-là à Milan, en particulier entre 1519 et 1527 au moins (je retiens cette année de 1527, parce que le brillant Adriaen Willaert, après avoir été pendant cinq années (1515-1520) au service de l’oncle le cardinal archevêque de Milan Ippolito I d’Este, quitte le service musical du neveu, Ippolito II, lui aussi archevêque de Milan, mais résidant à Ferrare à la cour de son père Alfonso I ; un service musical attesté par des paiements entre décembre 1524 et avril 1525 _ cf Giuliano Danieli : « La musica nel mecenatismo di Ippolito II d’Este« .., aux pages 97 et 199 _, pour aller prendre le prestigieux poste de maître de chapelle de la basilique Saint-Marc à Venise ; en 1527, Ippolito II a alors 18 ans ; cf mon article du 11 août dernier : « «  _,

a adressé, de Milan, à l’imprimeur-éditeur alors installé à Strasbourg Peter Schöffer-le Jeune (Mayence, ca. 1475 – Bâle, 1547), qui l’a publié au mois d’août 1539 au sein de son recueil de Motets « Cantiones quinque vocum selectissimae« , dont il faisait partie, en huitième position, le Motet « Salus Populi ego sum » de l’auscitain Pierre Cadéac…

Et de même que les deux cardinaux d’Este, Ippolito II et son neveu Luigi, n’ont jamais mis les pieds de leur vie dans leur diocèse d’Auch,

de même Pierre Cadéac ne s’est jamais rendu ni à Ferrare, ni à Venise, ni à Milan, ni à Strasbourg, et probablement jamais non plus seulement à Paris _ où très tôt (dès 1534 pour la chanson « Je suis deshéritée« ) Attaingnant publie sa musique, sacrée comme profane : et c’est très vraisemblablement Clément Janequin (Châtellerault, ca. 1485 – Paris, ca. 1558), passé par Auch vers 1531-1532 (cf le remarquable article de Rolf Norsen « Les compositeurs de musique Clément Janequin et Pierre Cadéac à Auch au début du XVIe siècle«  cité en mon article « «  du 16 août dernier) qui lui avait ainsi mis le pied à l’étrier éditorial de l’éditeur-imprimeur de musique si important et décisif pour la plus large diffusion et circulation de la musique à ce moment, qu’a été Pierre Attaingnant _ :

mais son œuvre, elle, a brillamment voyagé pour lui, ainsi jusqu’à Ferrare et Milan en février et août 1539, et aujourd’hui, jusqu’à nous : en partitions à déchiffrer et lire, et maintenant en disques (et concerts) à écouter ici _ et savourer…

Ce mercredi 6 septembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un premier élément de réponse à propos de la « présence-absence » à Auch du cardinal de Ferrare Hippolyte II d’Este : la surprise

04sept

Les mardi 15 et mercredi 16 août dernier,

en mes articles « « 

et « « ,

j’avais forgé le concept un peu étrange de « présence-absence » pour caractériser la question qui me travaillait concernant la venue et le séjour, ou pas, du cardinal « de Ferrare«  Hippolyte II d’Este (Ferrare, 25 août 1509 – Rome, 2 décembre 1572) en la cité archi-épiscopale d’Auch, au moment, durant la période, où il en était l’archevêque, c’est-à-dire entre le 22 avril 1551 et le 8 octobre 1563…

Hier, à 18h 41,

j’ai adressé le courriel suivant à Jacques Lapart, président de la Société Archéologique et Historique du Gers _ depuis le 5 février 2020, succédant à Georges Courtes qui présidait l’Association depuis 1996 ; Jacques Lapart, membre de l’Association depuis 1971, ayant été parrainé alors par Charles Samaran et l’abbé Gilbert Loubès… _, à Auch,

que je venais de solliciter à propos du compositeur auscitain Pierre Cadéac (ca. 1505 – ca. 1565) :

J’ai une autre recherche à vous proposer concernant Auch :
chercher à savoir si le cardinal de Ferrare, Hippolyte II d’Este (Ferrare, 25 août 1509 – Rome, 2 décembre 1572), a jamais effectué le voyage d’Auch,
dont il a été pourvu des bénéfices de l’archevêché en date du 22 avril 1551, par échange avec l’archevêché de Lyon, avec le cardinal François de Tournon…
 
Et si le 8 octobre 1563 Hippolyte II d’Este en a bien cédé le titre à son neveu le cardinal Louis d’Este – afin de le maintenir en sa famille -,
il a pris soin aussi de s’en réserver pour le restant de sa vie le principal des bénéfices.
 
En effet, à partir de 1548, le cardinal Hippolyte II s’est principalement trouvé en Italie.
Il me semble n’être retourné en France, et à Paris, qu’une seule fois,
mais sans avoir fait un détour jusqu’à Auch, ni à l’aller, ni au retour de ce voyage, en 1563.
 
Je viens de recevoir le livre de Giuliano Danieli « La musica nel mecenatismo di Ippolito II d’Este »,
mais n’y ai pas trouvé mention d’un voyage à Auch d’Hippolyte II d’Este.
Pas davantage que dans le travail de Jean Sénié « Entre l’Aigle, les Lys et la tiare : les relations des cardinaux d’Este avec le royaume de France (1530 – 1590) ».
 
Nulle part je n’ai trouvé jusqu’ici une chronologie assez précise des divers déplacements d’Hippolyte II d’Este,
le constructeur de la splendide Villa d’Este à Tivoli.
 
A suivre, donc…
 
Seuls ceux qui ne cherchent pas ne trouvent jamais rien…

Et, à 19h 03, je recevais la réponse suivante :

Dans son article sur l’inventaire du château de Mazères ( Revue de Gascogne, 1903, p.145 et suiv.), voici ce qu’écrit l’auteur Charles Samaran, archiviste aux Archives Nationales en 1903.

(…)

A suivre- cordialement  J-Lapart

Un inventaire au château de Mazères

au temps du cardinal Louis d’Este, archevêque d’Auch

(Août 1583)

Le document dont on trouvera plus loin le texte provient de l’Archivio di Stato de Modène où ont été réunis tous les papiers de la maison d’Este. Ces archives admirablement conservées et bien classées de correspondances nous fournissent les renseignements les plus curieux et les plus nouveaux. Contentons d’en tirer aujourd’hui cet inventaire du château archiépiscopal de Mazères, que l’agent Camille Cavanucci envoyait à son maître dans sa lettre du 30 août 1583.

On sait que ni Hippolyte, cardinal de Ferrare, ni son neveu, Louis cardinal d’Este, ne sont jamais venus dans leur diocèse. Ils n’ont jamais habité ni Auch, ni Bassoues, ni Mazères, et c’est pourquoi il ne faut pas s’attendre à trouver dans l’inventaire de ce dernier (…)




C’est merveilleux : les bouteilles lancées à la mer reçoivent réponse à leur message « in the bottle« …


À suivre !

Ce lundi 4 septembre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Poursuite de mes recherches auscitaines concernant, et le cardinal « de Ferrare » Hippolyte II d’Este (1509-1572), et le compositeur gascon Pierre Cadéac (1505-1565), quelques nouvelles pistes à explorer…

14août

Dans la continuité de mes articles de recherche

de vendredi dernier 11 août « « 

et d’hier dimanche 13 août « « ,

voici,

et en plus de deux courriels envoyés cet après-midi susceptibles de m’ouvrir, je l’espère, quelques pistes,

quelques ouvrages, eux aussi à explorer,

autour du mécénat culturel, et en particulier musical, du cardinal esthète Ippolito d’Este :

_ de Jean Sénié,

son livre « Entre l’Aigle et les Lys et la tiare, les relations des cardinaux d’Este dans le royaume de France (1530 – 1590« ,  paru en 2021 aux Éditions Firenze University Press ;

ainsi que son article « Une affaire de famille : les enjeux politiques des héritages de la maison d’Este « , dans les « Mélanges de l’École française de Rome« , n° 131/1, 2019, aux pages 357 à 370

présenté par Jorge Morales ;

et de Giuliano Danieli,

« La musica nel mecenatismo di Ippolito d’Este« ,

intelligemment présenté en un article tout à fait prometteur de Sandra Provini…

À suivre…


Ce lundi 14 août 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

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