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Un superbe double CD « Bach – Six Partitas » par l’excellent Martin Helmchen, sur une éblouissant Tangentenflügel (Späth & Schmahl, 1790), qu’on a failli laisser filer…

28oct

C’est seulement l’article zxpert et raffiné de Frédéric Muñoz « Les Partitas de Bach sur un piano à tangente, une première avec Martin Helmchen« , paru avant-hier 26 octobre sur le site de ResMusica, qui m’a fait m’intéresser enfin au double CD Alpha 994 « Bach – Six Partitas » de Martin Helmchen sur un Tangentenflügel des facteurs Späth & Schmahl de 1790,

alors que jusque là nul article, pas même « L’Avenir » de Jean-Charles Hoffelé, en date du 6 juin dernier, ne m’avait fait m’y pencher….

Les Partitas de Bach sur un piano à tangente, une première avec Martin Helmchen

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La découverte d’un instrument historique dans la lignée de ceux qu’avaient pu connaitre Bach a révélé à une approche nouvelle _ et infiniment jouissive _ dans l’interprétation des Partitas, habituellement présentées au clavecin ou sur piano moderne. La relecture est totale et passionnante _ absolument ! _ tout au long des quarante mouvements de ces six suites pour le clavier.

Cette nouvelle mouture du cycle des Six Partitas pour le clavier de Bach nous éclaire sur le passage progressif d’un instrument à cordes pincées vers un nouveau concept, celui de la corde frappée _ voilà. Bien sûr déjà le clavicorde avait entrouvert la porte de cette possibilité rendant l’instrument expressif _ en effet. Bach l’avait bien remarqué et on rapporte que c’était à ce niveau-là son instrument préféré. Pour autant il fut quelque peu déçu par les premiers instruments à cordes frappées lors de son voyage à Postdam auprès du roi de Prusse Frédéric II. Sans doute les premiers essais en la matière réalisés par Gottfried Silbermann demandaient quelques améliorations _ probablement… L’idée pourtant fit son chemin _ chez les facteurs de claviers _ grâce à divers systèmes mécaniques et notamment en matière de marteaux.

joue un piano à tangente (Tangentenflügel) construit en 1790 par Franz Jakob Späth et Christoph Friedrich Schmahl. Son choix découle tout simplement de la découverte  _ par lui _ de cet instrument récemment restauré et qui l’a inspiré, lui permettant d’aborder de manière nouvelle son interprétation de la musique de Bach _ anticipant sur le parcours musical à venir de son propre fils Carl-Philipp-Emanuel Bach _, impossible de cette manière sur un clavecin ou un piano moderne. Il nous dit ceci : « Tout m’a conquis : les couleurs, la symbiose des caractéristiques du clavecin, du clavicorde et des anciens pianofortes, les registrations (avec le jeu de luth), les possibilités qui s’ouvrent à moi pour rendre la polyphonie et pour chanter sur des touches ! » Certes ce piano fut construit _ en effet _ quarante ans après la mort du compositeur, mais reste le témoin de claviers qui se sont perfectionnés dans le prolongement de ceux connus par les musiciens eux-mêmes. Le principe de base de cet instrument est un petit marteau en bois qui frappe la corde par dessous et qui retombe de lui même pour que la corde vibre librement. Un étouffoir arrête le son lorsque le pianiste lâche la touche.

Que donnent ces œuvres à l’écoute sur un tel instrument ? _ et c’est bien là la principale question du mélomane... La première impression est une grande souplesse dans le jeu _ oui, et vie _et donc dans le discours. est un grand pianiste, confirmé sur la scène internationale. Il se met au service de cet instrument et non le contraire, toute la subtilité réside là. Tout instrument à clavier quel qu’il soit (orgue, clavecin, clavicorde, piano…) peut générer un jeu expressif qui s’obtient avec des techniques d’exécution bien différentes de toucher, d’accents de durée etc. Ici c’est bien déjà la technique du piano moderne qui s’invite avec une finesse et une subtilité _ voilà : une vivacité et une douceur très sensibles _ au service du discours musical. Les tempi sont modérés _ oui ! _ ce qui est profondément agréable à l’écoute _ tout s’entend. L’artiste laisse de côté cette course à l’abîme par trop à la mode d’une vitesse à outrance, illusion d’un jeu brillant et virtuose _ en effet ! La captation du piano est subtile _ oui _, chaque détail est clairement perceptible _ voilà ! _ et l’acoustique du studio est harmonieusement maitrisée _ pour un discours musical parfaitement lumineux.

Dans une discographie très riche _ oui, de ces chefs d’œuvre majeurs de Bach ! _, cette version s’affirme par son originalité _ sans viser quelque singularité de mauvais aloi… _ en une proposition rationnelle et informée, qui nous instruit encore plus dans la connaissance  _ oui ! _de ces pages merveilleuses _ on ne saurait mieux dire…

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Johann Sebastian Bach (1685-1750) : 6 Partitas BWV 825 à 830.

Martin Helmchen, piano à tangente Späth & Schmahl (1790).

2 CD Alpha.

Enregistrés en septembre 2022 et janvier 2023.

Notice de présentation en français, anglais et allemand.

Durée totale : 71:14 et 72:49

 

Et maintenant l’article « L’Avenir » de Jean-Charles Hoffelé, en date du 6 juin 2024 :

L’AVENIR

Philologique ? Libre surtout _ en sa parfaite fantaisie. Le somptueux _ oui !Tangentenflügel au jeu de luth envoûtant _ parfaitement, en sa vivacité et douceur, qui nous charme _ que joue Martin Helmchen n’aurait _ certes _ pas pu être touché par Bach, sorti des ateliers de deux facteurs allemands quarante ans après sa mort, mais sera l’instrument à clavier favori de _ son fils aussi génial que luiCarl Philipp Emanuel.

L’univers du père incarné dans l’instrument du fils _ voilà ! _ prend des accents visionnaires, soudain si Sturm un Drang _ oui, oui, oui _, absous des perfections mathématiques que le clavecin poétisait et que le Steinway moderne amplifiait.

Dans la nature même _ comme c’est juste ! _ du Tangentenflügel s’entend l’écho de l’intimité du clavicorde _ mais oui… _, une palette de violon, de hautbois, de flûte, de théorbe s’y ajoute, la poésie et la peinture réunies dans un éden sonore _ voilà : jubilatoire sans la mondre hystérie… _ dont Martin Helmchen se régale en ornements, en diminutions, tout un vocabulaire du sensible dont il expurge le bavardage pour exalter l’émotion _ qui tendrement rayonne.

Album troublant _ en sa nouvelleté _, qui rappelle que ce pianiste est accessoirement pianiste, mais d’abord poète _ sans doute _, un Orphée enfin ayant trouvé son luth _ aux sons irisés et flûtés _ pour aborder à d’autres rivages que ceux du Romantisme, quoi que…

LE DISQUE DU JOUR

Johann Sebastian Bach(1685-1750)


Les 6 Partitas, BWV 825-830 (Intégrale)

Martin Helmchen, clavier (Tangentenflügel Späthe & Schmahl, 1790)

Un album du label Alpha Classics 994

Photo à la une : le pianiste Martin Helmchen – Photo : © Giorgia Bertazzi

Une réalisation musicale _ et secondairement discographique _ qui touche, marque et enchante !

Ce lundi 28 octobre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un décevant double CD Mendelssohn « Complete Works for violin and piano », par Denitsa Kazakova et Sylviane Deferne, et l’Orchestre des Jeunes de la Suisse romande, pour le label Aparté…

24oct

C’est un bien décevant double CD Aparté AP 348 « Mendelssohn – Complete Works for violin and piano« , par Denitsa Kazakova, violon, et Sylviane Deferne, piano et direction de l’orchestre, et l’Orchestre des Jeunes de la Suisse romande,

que vient de publier le label Aparté :

tourné vers un romantisme larmoyant et excessif, au lieu d’être dans le droit fil, fluide et droit, classique, de Jean-Sébastien Bach et Mozart _ voire, mieux encore, de Carl-Philipp-Emanuel Bach, qui fur l’inspirateur des professeurs de Felix Mendelssohn (Hambourg, 3 février 1809 – Leipzig, 4 novembre 1847)…

 

Ce jeudi 24 octobre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Le fabuleux concert Bach (BWV 593, 528, 530 et 564) de l’exceptionnel Benjamin Alard à l’orgue Dominique Thomas de l’église Saint-Vincent de Ciboure le dimanche 6 octobre dernier…

16oct

C’est un très inopiné concours de circonstances _ une panne de voiture et une réparation qui a pris 12 jours… _ qui m’a contraint à d’un peu forcées vacances luziennes, mais qui m’a permis, entre autres plaisirs de ce séjour automnal en ce si beau pays basque, d’assister _ en compagnie de mon ami d’enfance (et très mélomane) Bernard Brevet, qui réside à Bidart, après un délicieux repas en une ferme-auberge, Auzkia, située aux Aldudes, un peu plus loin que Saint-Étienne-de-Baïgorry, là où à l’invitation de l’organiste titulaire de l’orgue Rémi Mahler (inauguré en 1999), Jean-Claude Zehnder (1941 – 2021), Benjamin Alard a enregistré son beau CD Hortus 045 « Andreas Bach Buch« , du 27 au 31 octobre 2005 ; ce CD comportait aussi des œuvres pour clavecin ; tout cela en présence aussi des organistes Jesus et Françoise Martin-Moro et de mon amie claveciniste Élisabeth Joyé, je le remarque… _ à un enchanteur concert de Benjamin Alard à l’orgue Dominique Thomas _ construit en 2014 _ de l’église Saint-Vincent de Ciboure _ et à la très excellente initiative de l’Association Les Orgues d’Urrugne, et Françoise Martin-Moro présentant lumineusement le concert… _ consacré à un superbe programme excellemment constitué de 4 œuvres passionnantes de Johann-Sebastian Bach :

_ le Concerto (d’après Antonio Vivaldi) en la mineur BWV 593, qui ouvre en ivresse jubilatoire le concert ;

_ la Sonate en trio n°4 en mi mineur BWV 528, d’une difficulté phénoménale destinée à la formation, par son père, du fils aîné Wilhelm-Friedemann Bach ;

_ la Sonate en trio n°6 en sol Majeur BWV 530 _ remarque similaire _ ;

_ la Toccata, Adagio et Fugue en ut majeur BWV 564 _ probablement l’acmé sublime de beauté, et très originale, avec cet Adagio glissé entre la Toccata et la Fugue, de ce concert de Benjamin Alard ce soir-ci à Ciboure…

Le public, nombreux et très attentif dans la nef faisant face à l’autel baroque de l’église, et tournant donc le dos à l’orgue situé au fond de l’église, à l’étage, bénéficie, face à lui, un peu en avant de l’autel, d’un grand écran sur lequel il suit, absolument fasciné, en plus de la splendeur magistrale de la musique ainsi que de l’instrument idoinement adéquat de Dominique Thomas _ construit en 2014 _, par la gestuelle ultra-virtuose des mains et des pieds virevoltants de l’organiste au seul service _ et c’est sur cela qu’il faut bien sûr absolument insister ! _ du naturel le plus immédiatement évident et enthousiasmant, jubilatoire, de ces profondément belles œuvres de Bach _ que Benjamin Alard a très gentiment pris soin aussi de très simplement présenter, l’une après l’autre, au préalable, en leur détail… _ :

admiration éperdue !!!

Un concert inoubliable !!!

 

En conclusion duquel Benjamin Alard a dédié le choral de Bach « Aus Tiefer Not » BWV 686, sur le thème du « De Profundis« , à Jean-Claude Zehnder (Winterthur, 31 décembre 1941 – 7 juillet 2021)…

Ce mercredi 16 octobre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

En post-scriptum à cet article,

ce courriel-ci adressé cet après-midi même de mon retour à Bordeaux en remerciement à Benjamin Alard :

Cher Benjamin,

 
c’est seulement ce mercredi 16 octobre que, de retour à Bordeaux, ma voiture enfin réparée,
je retrouve mon ordinateur et vous écris,
avant de rédiger un compte-rendu plus précis de ce fabuleux concert d’orgue Bach à l’église Saint-Vincent de Ciboure, du dimanche 6 octobre dernier…
Je recopie le courriel que je viens d’adresser à une amie qui m’a demandé de l’aider à la relecture d’un roman autobiographique présentement en chantier.
Simplement parce que je lui parle de vous _ elle est aussi mélomane _ et de ce magique concert de Ciboure !
Voici donc ce passage qui vous concerne :
«  Et puis merveilleuse surprise d’un fabuleux concert d’orgue Jean-Sébastien Bach à l’église Saint-Vincent de Ciboure dimanche 6 octobre par le fabuleux Benjamin Alard…
 
En allant prendre mon café au Bar de la Marine, Place Louis XIV à Saint-Jean-de-Luz, vers 8h le dimanche matin, mon regard croise une affiche annonçant ce concert d’orgue pour 18h à Ciboure ce dimanche-là !!!
 
À ce concert, plusieurs caméras filmaient les mains et les pieds de cet extraordinaire claviériste, ajoutant l’image à son jeu musical fabuleux.
Un des plus beaux concerts auquel il m’a été donné d’assister : grâce à cette miraculeuse panne de voiture qui m’a inopinément immobilisé à Saint-Jean-de-Luz…
J’avais manqué Benjamin Alard qui tenait l’orgue de Sainte-Croix de Bordeaux aux obsèques de Jacques Merlet, le jeudi 7 août 2014.
Cf ce que j’en disais, au passage, en mon article du 31 août 2014 «  » :
« J’ai aperçu Benjamin Alard au moment où il allait monter à la tribune, mais, si je ne lui ai pas parléil filait vers l’escalier… _,

je dois dire que j’ai beaucoup aimé son hommage musical, splendide sur cet orgue Dom Bedos,
pour la renaissance duquel Jacques a pas mal œuvré
 _ et c’est là un euphémisme…


J’en dirai un mot à l’amie Elisabeth Joyé
 »…

Je suis donc allé saluer Benjamin Alard à la fin de ce merveilleux concert de Ciboure ce 6 octobre dernier,
je me présente à lui, lui parle de son premier producteur de CDs (Alpha), notre ami Jean-Paul Combet _ j’ai été de l’aventure d’Alpha créé par Jean-Paul, dès 1997-98… _,
et de sa professeur de clavecin, notre amie Élisabeth Joyé
_ je tournais les pages des partitions d’Élisabeth à Saint-Michel-en-Thiérache au mois d’août 1995, pour le CD Virgin Veritas « Jean de La Fontaine – Un Portrait musical » de La Simphonie du Marais et Hugo Reyne.
Pendant que Pierre Hantaï, sur un clavicorde, berçait leur fils dans un couloir de l’abbaye qui nous accueillait… Que de somptueux souvenirs !
J’étais à 90 % l’auteur du programme de ce CD La Fontaine, et à 100% l’auteur du texte du livret…
Et quelle est ma surprise quand Benjamin me répond qu’il se souvient bien qu’Élisabeth lui a parlé plusieurs fois de moi
_ plusieurs fois, en effet, j’avais prié Elisabeth de saluer de ma part Benjamin Alard, que j’admire tout particulièrement ; outre les articles que je consacre régulièrement sur ce blog « En cherchant bien«  à ses merveilleux coffrets Bach pour Harmonia Mundi, voici un lien à ce bref article-ci, en date du 17 janvier 2023 : « «  _ ;
et qu’Élisabeth se trouve présentement au Japon, et rentre à Paris le jeudi 10 octobre…
Benjamin est aussi sympathique et simple dans la vie qu’il est splendide de naturel et d’évidence au concert comme au disque
_ il en est au 9e coffret de son intégrale des claviers (clavecin, orgue, clavicorde) de J-S Bach… »
 
 
Voici aussi un lien au podcast de mon entretien avec Marcel Pérès au salon Albert Mollat le 12 décembre 2015 « Les Muses en dialogue _ hommage à Jacques Merlet », d’une durée de 64′ :

Marcel Pérès, Les Muses en dialogue _ hommage à Jacques Merlet (64’), le 12 décembre 2015.
Même si Marcel Pérès y parle trop peu, à mon goût, de Jacques Merlet
Jean-Paul Combet et moi-même avions rendu visite à Jacques Merlet au tout début de son traitement, à Bordeaux-Eysines, après son AVC…
Voilà pour commencer
Avant l’article que je vais bien sûr consacrer sur mon blog à ce fabuleux concert Bach de Ciboure
Bien à vous, cher Benjamin,
Francis Lippa, à Bordeaux

Retrouver toujours avec plaisir Bertrand Cuiller, pour un beau programme Bach, en un CD intitulé « Wunderkammer », comportant entre autres bijoux le Concerto italien et la Fantaisie chromatique et Fugue, pour le label Ramée…

17sept

C’est toujours un bien vif plaisir que de retrouver au CD, ici pour le label Ramée, l’excellent claviériste Bertrand Cuiller, cette fois en un superbe programme Bach, comportant notamment le « Concerto italien » BWV 971 et la « Fantaisie chromatique et Fugue » BWV 903en un brillant CD Ramée RAM 2402 intitulé « Wunderkammer«  _ enregistré à Bolland, en Belgique, du 16 au 20 mai 2022…

Avec le décidément trop rare au CD Pierre Hantaï, et le plus généreux Benjamin Alard,

ainsi que quelques autres,

Bertrand Cuiller fait partie des meilleurs interprètes, et pas seulement français, de Bach sur les divers claviers…

Le pur plaisir pris à écouter et ré-écouter ce beau CD « Wunderkammer » _ écoutez-ici le podcast (d’une durée de 70′ 30) _ nous le confirme…

Ce mardi 17 septembre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Redécouverte ce jour au CD de « L’art de la Fugue » de Johann-Sebastian Bach dans la très belle interprétation, un pur enchantement !, de l’Ensemble Les Récréations, en 2022…

23août

C’est la lecture de l’article « Les Récréations dans une version fervente et prospective de l’Art de la Fugue de Bach » de Bénédict Hévry, sur le site de ResMusica, à la date d’hier 22 août,

qui m’a renvoyé à l’écoute, qui m’avait déjà très favorablement marqué, de « L’Art de la Fugue » BWV 1080 de Johann-Sebastian Bach par l’Ensemble Les Récréations _ constitué de Matthieu Camilleri, violon, violon piccolo et alto ; Sandrine Dupé, violon et alto ; Clara Mühlethaler, alto et violon ; Julien Hainswort, violoncelle piccolo ; et Keiko Gomi, violoncelle _, dans le CD Ricercar RIC 453 _ enregistré à Basse-Bodeux, en Belgique du 12 au 15 septembre 2022 _ ;

« L’Art de la Fugue« , cette œuvre-phare de Bach, dont les nombreuses précédentes interprétations au disque m’avaient jusqu’ici paru la plupart bien austéres…

Et ma ré-écoute ce jour de ce CD Ricercar RIC 453 « Die Kunst der Fuge » de l’Ensemble Les Récréations _ écouter ici : cest superbe ! _, vient confirmer et mon admiration totale pour ce CD Ricercar RIC _ d’une durée de 73′ 43 de pur enchantement… _, et l’appréciation très laudative et excellemment argumentée de Bénédict Hévry en son article de ResMusica…

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proposent, avec une disposition en quatuor à cordes «augmenté»,  leur interprétation de l’Art de la Fugue, l’œuvre testamentaire  de . L’ensemble entend ainsi respecter à la lettre la partition et révèle avec son interprétation très fluide mais toujours habitée et expressive, la dimension de l’œuvre.

L’ensemble est constitué de jeunes musiciens bien connus dans les sphères de la musique ancienne et baroque notamment française _ et pour ma part je connais Sandrine Dupé depuis les années 1990, à Bordeaux… Si le groupe a cherché à ses débuts une certaine stabilité d’effectif, toujours placé sous la houlette de Mathieu Camilleri et Clara Mühlethaler, il affiche aujourd’hui une belle maturité et prestance avec le concours de – ici essentiellement au second violon mais aussi à l’alto – et de au violoncelle. Forts de leur démarche historiquement informée (notamment au sein de quelques uns des meilleurs ensembles baroques hexagonaux), les quatre amis adoptent la coupe du traditionnel quatuor à cordes classique, mais entendent par une étude philologique et contextuelle explorer les fondements même de la formule depuis les derniers feux de l’âge baroque jusqu’à l’avènement du premier classicisme.

s’attaquent donc aujourd’hui à un monument célébré mais énigmatique _ et semble-t-il  inachevé _ de l’Histoire de la musique occidentale, Die kunst der fuge, l’Art de la Fugue de . Outre le texte de présentation fort documenté de Gilles Cantagrel, nos interprètes nous signifient par un long avertissement  les tenants et aboutissants de leur réalisation. Nous aurons droit ici à une distribution instrumentale suivant à la lettre le texte tel qu’il nous est parvenu, selon le fameux manuscrit de Berlin complété par la première édition posthume et assez désordonnée de l’œuvre _ voilà. L’ensemble s’en tient aux quatorze contrepoints essentiels présentés dans l’ordre, éclatés en quatre groupes de fugues (quatre simples, trois strettes, huit fugues doubles ou miroirs , et enfin la fameuse triple fugue finale) séparés par un des quatre canons classés par ordre croissant de complexité de pensée.

Il s’agit donc de distribuer la polyphonie – souvent mais pas toujours « à quatre » – de la partition « théorique » et sans destination instrumentale précise, aux cordes des quatre instrumentistes de l’ensemble (dans une démarche à l’exact opposé des claviéristes, tel récemment Christophe Rousset, voyant dans le sillage de la thèse de Gustav Leonhardt l’Art de la Fugue comme une œuvre destinée au clavecin – ou à ses déclinaisons, l’orgue ou le piano).

La formule du quatuor à cordes moderne (deux violons, un alto et un violoncelle) demeure très incommodante pour adapter textuellement l’ensemble de l’œuvre au plus près des deux version princeps du texte – tous les quatuors l’ayant gravée (citons entre autres Juilliard, Emerson, Casals) doivent « bricoler » le texte quelque peu pour « coller » à la tessiture « obligée » de chaque instrument. Par exemple, pour le contrapunctus XI la seconde voix s’impose au violon-alto (malgré le déploiement dans l’aigu de la partie considérée….) car il manquerait une note grave au violon II au risque d’inverser et de défigurer certains motifs essentiels !). Mais ailleurs précisément l’instrument de la seconde voix (altus) est souvent mieux sonnante… au violon-alto qu’au violon II – souvent ailleurs replié dans le grave de la tessiture. La tierce voix de « ténor » est souvent idéalement rendue par le violoncelle piccolo cet instrument à cinq cordes aujourd’hui disparu, réhabilité par la pratique historiquement informée, et auquel Bach recourut plus d’une fois superbement au fil de ses cantates d’église ! De sorte qu’a émergé l’idée d’établir un quatuor élargi _ voilà _ avec le concours de au violoncelle piccolo, et de distribuer variablement les rôles  pour chaque « formant » du cycle.

Cette formule à « quatre plus un », hypervariable au fil des pages, à la distribution bien précisée dans la notice, permet de restituer le texte intégral sans aucune retouche _ dont acte. Avec aussi des contraintes parfois inattendues : le renversement inversus en miroir du contrepoint XIII – à trois –  fait que la partie du violon devient suraiguë, et recourt là pour son interprétation à un violino piccolo, plus petit et accordé une tierce plus haut que l’ instrument standard – celui que Bach utilisa par exemple en soliste dans le premier concerto brandebourgeois.

Certes le « vieux » Cantor de Leipzig  fait anachroniquement ici œuvre de synthèse, résumant deux ou trois siècles d’évolution de la pensée polyphonique avant lui.  Mais là où la version d’Hesperion XXI et de Jordi Savall – quatre violes doublées par un sévère  quatuor de vents – tirait l’œuvre vers l’ archaïsme, là où Musica Antiqua Köln jadis soulignait parfois le caractère presque dansant de certains contrepoints par des tempi plus échevelés, là où le très british Brecon Baroque de Rachel Podger, dans le projet de réalisation parfois assez proche du présent enregistrement, ne réussissait qu’à moitié son pari de restitution plus bariolée aux cordes et au clavecin, Les Récréations proposent une version techniquement irréprochable, textuellement convaincante, et musicalement extrêmement vivante _ voilà ! _ (dès les premiers contrepoints très allants malgré leur sévérité _ oui, oui _) voire virtuose, avec une conception pulpeuse et lustrale du son _ c’est cela. Si incontestablement l’œuvre se veut rétrospective, elle ouvre aussi, placée sous cet angle, de nouveaux enjeux à la fois scripturaux et esthétiques : on pense à la discipline imposée par le classicisme d’un Joseph Haydn qui reprend  le modèle fugué pour trois des finals de ses quatuors « du Soleil », sans parler de certaines incidences mozartiennes (adagio et fugue KV 546) ou de l’emploi obsessionnel de la fugue à des fins expressives du dernier Beethoven ou de Bartók en son premier quatuor ! Cette vision place donc aussi l’œuvre comme ouverte sur l’avenir d’une formule scripturale en pleine (re)définition  dans les années 1740 _ c’est là très vu…

La présente cursivité _ alerte, oui _ de l’interprétation (comme par exemple un fulgurant contrapucntus IX à la douzième) magnifie aussi l’extraordinaire tension harmonique « verticale » d’un discours pourtant a priori conçu comme la superposition de « lignes » horizontales :  il en va ainsi dans leur écriture serrée, pour les fugues strettes et surtout les contrepoints VIII et XI rarement entendus aussi aventureux _ oui _ par la mise en valeur de leurs dissonances passagères. Mais cette approche très vivante _ oui ! _, magnifiquement captée en l’église de basse-Bodeux en Belgique, n’empêche nullement le pathétisme presque éploré des canons « énigmatiques » à la douzième (plage 14), ou en augmentation et mouvement contraire (plage 19), joués comme il se doit en duo strict !

Pour la fameuse fuga a tre soggetti, tente le pari audacieux de « reconstituer » une possible coda à l’ensemble du cycle. Là où le discours se suspend, pour des raisons contingentes sans doute étrangères à la mort du Cantor _ mais inconnues de nous _, les interprètes respectent un court silence, puis entreprennent une des réalisations possibles d’une hypothétique strette finale pour parachever tout le cycle ; avec outre la superposition des trois sujets le retour « dans la gloire » du thème séminal et augural de tout l’ouvrage jusque là figuré en « ombres » au fil de cet ultime contrepoint…comme si, avec le sourire d’un sphynx, Johann Sebastian tendait la main à ses interprètes élus pour leur confier la clé ultime de son œuvre.

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Johann Sebastian Bach (1968-1750) : Die Kunst der Fuge BWV 1080.

Les Récréations : Matthieu Camilleri, Sandrine Dupé, Clara Mühlethaler, Julien Hainsworth, Keiko Gomi.

1 CD Ricercar RIC 453.

Enregistré en l’Eglise Notre-Dame de l’Assomption de Basse-Bodeux du 12 au 15 septembre 2022.

Notice de présentation en anglais, français et allemand.

Durée : 73:43

Quelle superbe et mémorable interprétation !!!

Ce vendredi 23 août 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

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