Un superbe double CD « Bach – Six Partitas » par l’excellent Martin Helmchen, sur une éblouissant Tangentenflügel (Späth & Schmahl, 1790), qu’on a failli laisser filer…
28oct
C’est seulement l’article zxpert et raffiné de Frédéric Muñoz « Les Partitas de Bach sur un piano à tangente, une première avec Martin Helmchen« , paru avant-hier 26 octobre sur le site de ResMusica, qui m’a fait m’intéresser enfin au double CD Alpha 994 « Bach – Six Partitas » de Martin Helmchen sur un Tangentenflügel des facteurs Späth & Schmahl de 1790,
alors que jusque là nul article, pas même « L’Avenir » de Jean-Charles Hoffelé, en date du 6 juin dernier, ne m’avait fait m’y pencher….
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La découverte d’un instrument historique dans la lignée de ceux qu’avaient pu connaitre Bach a révélé à Martin Helmchen une approche nouvelle _ et infiniment jouissive _ dans l’interprétation des Partitas, habituellement présentées au clavecin ou sur piano moderne. La relecture est totale et passionnante _ absolument ! _ tout au long des quarante mouvements de ces six suites pour le clavier.
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Cette nouvelle mouture du cycle des Six Partitas pour le clavier de Bach nous éclaire sur le passage progressif d’un instrument à cordes pincées vers un nouveau concept, celui de la corde frappée _ voilà. Bien sûr déjà le clavicorde avait entrouvert la porte de cette possibilité rendant l’instrument expressif _ en effet. Bach l’avait bien remarqué et on rapporte que c’était à ce niveau-là son instrument préféré. Pour autant il fut quelque peu déçu par les premiers instruments à cordes frappées lors de son voyage à Postdam auprès du roi de Prusse Frédéric II. Sans doute les premiers essais en la matière réalisés par Gottfried Silbermann demandaient quelques améliorations _ probablement… L’idée pourtant fit son chemin _ chez les facteurs de claviers _ grâce à divers systèmes mécaniques et notamment en matière de marteaux.
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Martin Helmchen joue un piano à tangente (Tangentenflügel) construit en 1790 par Franz Jakob Späth et Christoph Friedrich Schmahl. Son choix découle tout simplement de la découverte _ par lui _ de cet instrument récemment restauré et qui l’a inspiré, lui permettant d’aborder de manière nouvelle son interprétation de la musique de Bach _ anticipant sur le parcours musical à venir de son propre fils Carl-Philipp-Emanuel Bach _, impossible de cette manière sur un clavecin ou un piano moderne. Il nous dit ceci : « Tout m’a conquis : les couleurs, la symbiose des caractéristiques du clavecin, du clavicorde et des anciens pianofortes, les registrations (avec le jeu de luth), les possibilités qui s’ouvrent à moi pour rendre la polyphonie et pour chanter sur des touches ! » Certes ce piano fut construit _ en effet _ quarante ans après la mort du compositeur, mais reste le témoin de claviers qui se sont perfectionnés dans le prolongement de ceux connus par les musiciens eux-mêmes. Le principe de base de cet instrument est un petit marteau en bois qui frappe la corde par dessous et qui retombe de lui même pour que la corde vibre librement. Un étouffoir arrête le son lorsque le pianiste lâche la touche.
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Que donnent ces œuvres à l’écoute sur un tel instrument ? _ et c’est bien là la principale question du mélomane... La première impression est une grande souplesse dans le jeu _ oui, et vie _et donc dans le discours. Martin Helmchen est un grand pianiste, confirmé sur la scène internationale. Il se met au service de cet instrument et non le contraire, toute la subtilité réside là. Tout instrument à clavier quel qu’il soit (orgue, clavecin, clavicorde, piano…) peut générer un jeu expressif qui s’obtient avec des techniques d’exécution bien différentes de toucher, d’accents de durée etc. Ici c’est bien déjà la technique du piano moderne qui s’invite avec une finesse et une subtilité _ voilà : une vivacité et une douceur très sensibles _ au service du discours musical. Les tempi sont modérés _ oui ! _ ce qui est profondément agréable à l’écoute _ tout s’entend. L’artiste laisse de côté cette course à l’abîme par trop à la mode d’une vitesse à outrance, illusion d’un jeu brillant et virtuose _ en effet ! La captation du piano est subtile _ oui _, chaque détail est clairement perceptible _ voilà ! _ et l’acoustique du studio est harmonieusement maitrisée _ pour un discours musical parfaitement lumineux.
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Dans une discographie très riche _ oui, de ces chefs d’œuvre majeurs de Bach ! _, cette version s’affirme par son originalité _ sans viser quelque singularité de mauvais aloi… _ en une proposition rationnelle et informée, qui nous instruit encore plus dans la connaissance _ oui ! _de ces pages merveilleuses _ on ne saurait mieux dire…
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Johann Sebastian Bach (1685-1750) : 6 Partitas BWV 825 à 830.
Martin Helmchen, piano à tangente Späth & Schmahl (1790).
2 CD Alpha.
Enregistrés en septembre 2022 et janvier 2023.
Notice de présentation en français, anglais et allemand.
Durée totale : 71:14 et 72:49
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Et maintenant l’article « L’Avenir » de Jean-Charles Hoffelé, en date du 6 juin 2024 :
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L’AVENIR
Philologique ? Libre surtout _ en sa parfaite fantaisie. Le somptueux _ oui ! _ Tangentenflügel au jeu de luth envoûtant _ parfaitement, en sa vivacité et douceur, qui nous charme _ que joue Martin Helmchen n’aurait _ certes _ pas pu être touché par Bach, sorti des ateliers de deux facteurs allemands quarante ans après sa mort, mais sera l’instrument à clavier favori de _ son fils aussi génial que lui _ Carl Philipp Emanuel.
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L’univers du père incarné dans l’instrument du fils _ voilà ! _ prend des accents visionnaires, soudain si Sturm un Drang _ oui, oui, oui _, absous des perfections mathématiques que le clavecin poétisait et que le Steinway moderne amplifiait.
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Dans la nature même _ comme c’est juste ! _ du Tangentenflügel s’entend l’écho de l’intimité du clavicorde _ mais oui… _, une palette de violon, de hautbois, de flûte, de théorbe s’y ajoute, la poésie et la peinture réunies dans un éden sonore _ voilà : jubilatoire sans la mondre hystérie… _ dont Martin Helmchen se régale en ornements, en diminutions, tout un vocabulaire du sensible dont il expurge le bavardage pour exalter l’émotion _ qui tendrement rayonne.
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Album troublant _ en sa nouvelleté _, qui rappelle que ce pianiste est accessoirement pianiste, mais d’abord poète _ sans doute _, un Orphée enfin ayant trouvé son luth _ aux sons irisés et flûtés _ pour aborder à d’autres rivages que ceux du Romantisme, quoi que…
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LE DISQUE DU JOUR
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Johann Sebastian Bach(1685-1750)
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Les 6 Partitas, BWV 825-830 (Intégrale)
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Martin Helmchen, clavier (Tangentenflügel Späthe & Schmahl, 1790)
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Un album du label Alpha Classics 994
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Photo à la une : le pianiste Martin Helmchen – Photo : © Giorgia Bertazzi
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Une réalisation musicale _ et secondairement discographique _ qui touche, marque et enchante !
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Ce lundi 28 octobre 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa