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Une délicieuse évocation musicale de Marie-Françoise Certain, claveciniste du Grand Siècle, appréciée notamment de Jean de La Fontaine…

23mai

Le très joli CD Seulétoile SEIO « Le Salon de la rue du Hasard – Melle Certain claveciniste du Grand Siècle« , de Mathilde Mugot _ regardez et écoutez cette vidéo de présentation de 3′ 13 _,

vient délicieusement rappeler à mon souvenir le passionnant travail de recherche que j’avais réalisé en 1994-1995 pour le CD « Jean de La Fontaine – Un Portrait musical » de La Simphonie du Marais et Hugo Reyne _ l’enregistrement avait eu lieu en l’abbaye de Saint-Michel-en-Thiérache pour EMI – Virgin au mois d’août 1995 ; et le CD était sorti en mars 1996 _,

dans lequel j’avais pour la première fois croisé ce nom de Melle Certain (1662 – 1711), dans un vers de la très précieuse « Épître à M. de Nyert » (en 1677) de Jean de La Fontaine :

« Certain, par mille endroits également charmante,

Et dans mille beaux art également savante,

Dont le rare génie et les brillantes mains 

Surpassent Chambonnières, Hardel, les Couperins. »

Le programme de ce délicieux disque de Mathilde Mugot nous invite dans l’intimité musicale d’une femme d’exception, qui côtoya La Fontaine et Lully, et sut rester libre en vivant de son art _ ce qui n’est pas rien…

Sur cette Melle Certain, lire ceci de Bertrand Porot, en 2005…

Mathilde Mugot fait ici entendre la musique que Marie-Françoise Certain et les plus grands musiciens de l’époque interprétaient dans le salon de celle-ci, rue du Hasard à Paris, improvisant et rejouant au clavecin en particulier les airs à succès des derniers opéras.

Œuvres et transcriptions pour clavecin seul de Jean-Henri d’Anglebert, Jacques Hardel, François Couperin, Élisabeth Jacquet de La Guerre, Mlle de Ménetou, Jean-Baptiste Lully.

Tout un beau monde _ parisien, du Grand Siècle _ revit ainsi, délicatement, en délicieuse musique…

Ce jeudi 23 mai 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un passionnant et intense « Labo du chanteur » (= travail de mise en place d’une interprétation musicale) de Thomas Dolié, baryton, avec Stéphane Trébuchet au piano, autour des deux premières « Chansons madécasses » (1925) de Maurice Ravel : une assez singulière beauté à attraper…

12mai

Assister, voire participer si peu que ce soit

_ pour ma part je me souviens tout spécialement des séances d’enregistrement à l’abbatiale de Saint-Michel-en-Thiérache, l’été 1995, pour le CD EMI-Virgin « Un Portrait musical de Jean-de-La-Fontaine« , sous la direction formidablement compétente (et magnifiquement exigeante !) de Nicolas Bartholomée à la table numérique, dans la sacristie ; un CD dont, « conseiller artistique » d’Hugo Reyne et La Simphonie du Marais, j’étais le co-auteur du programme (ainsi que de 90% du texte de présentation du livret), à partir d’un an de passionnantes recherches sur l’œuvre intégral (en deux volumes de La Pléiade) de Jean de La Fontaine, eainsi que sur l’œuvre musical de Marc-Antoine Charpentier ; cf mon article du 3 jullet 2020 : « «  _

au travail de mise en place, en vue d’un concert et plus encore d’un enregistrement discographique,

est absolument passionnant :

nous pénétrons alors au plus vif et sensible, frémissant (et fragile) de la chair la plus intime des œuvres qu’il s’agit d’interpréter, porter, et servir au mieux…

Or c’est exactement à cela que hier à 17 heures, à la Machine à Musique – Lignerolles, Thomas Dolié _ cf ici la merveilleuse vidéo (de 3′ 21) du final délicieusement somptueux autant que malicieux de « L’Heure espagnole«  sous la direction de François-Xavier Roth, dans lequel (« Un financier et un poète« …) est ô combien manifeste le génie éclaboussant de Ravel ! : Thomas Dolié y est Ramiro, le brave muletier qui « dans les déduits d’amour a (lui aussi, mais oui) son tour«  _ a généreusement et très simplement, et même très humblement, convié à assister le public pour son « Atelier du chanteur » _ cf cette vidéo de présentation (de 1′ 58), enregistrée le 24 février 2020 _, avec le pianiste Stéphane Trébuchet, en son exigeante  préparation, en cours, d’un enregistrement des 3 « Chansons madécasses » (avril 1925 – avril 1926) de Maurice Ravel, dans le cadre d’une très prochaine Intégrale discographique de la musique avec piano de Ravel par François-Xavier Poizat (Grenoble, 18 août 1989), à paraître cette année-ci, 2024, pour l’excellent label Aparté, que dirige l’excellent Nicolas Bartholomée…

« Les Chansons madécasses » ne sont certes ni le plus couru, ni le plus aisé non plus, des recueils de mélodies de Maurice Ravel :

commandé par l’américaine Elisabeth Sprague Coolidge (Chicago, 30 octobre 1864 – Cambridge, 4 novembre 1953), cette œuvre singulière et audacieuse de Maurice Ravel _ réalisée d’avril 1925 à avril 1926 : la troisième pièce a même dû être rajoutée afin d’adoucir l’effroi de l’impression produite par les deux premières ; et selon les termes de la commande passée, pour Elisabeth Sprague Coolidge par le violoncelliste Hans Kindler, l’effectif assez singulier de la pièce (d’une durée d’environ 10′), devait comporter, en plus de la voix, un violoncelle, une flûte et un piano : ce fut donc là la base même de ce travail très original de composition de Ravel qui a aboutira aux 3 « Chansons madécasses« , ce chef d’œuvre tout à fait singulier, j’y insiste, de Maurice Ravel, selon ses propres dires… _, a été composée sur un choix bien précis par Ravel lui-même de 3 poèmes en prose _ mais oui ! parmi les tous premiers… _ d’Évariste de Parny (Saint-Paul, La Réunion, 6 février 1753 – Paris, 5 décembre 1814), de 1787 : pour répondre à l’effectif même, très original donc, de la commande …

Cf déjà, ici, la très précieuse note, à la page 1009 de l’indispensable « Intégrale de la Correspondance de Maurice Ravel » publiée par Manuel Cornejo, se référant ici au très précieux « Maurice Ravel » de Roland Manuel _ à la page 118 de l’édition de 1948 dont je dispose ; dans l’édition originale de 1938, c’était à la page 166.

Et c’est Roland-Manuel lui-même que je lis donc ici, en son récit de 1938 :

« Amateur décidé des bibelots façonnés sous la Révolution, le Directoire, l’Empire et la Restauration, Ravel avait acquis, lors de son installation à Montfort, entre une pendule gothique de 1820 et une théière étrusque, les œuvres complètes d’Évariste Parny en édition princeps. Comme il feuilletait le poème des Fleurs :

L’Ognon préfère un sol épais et gras,

Un sol léger suffit à la semence.

Confiez-lui votre douce espérance

Et de vos fleurs les germes délicats…

il reçut d’Amérique un câblogramme du violoncelliste Kindler qui lui demandait de composer, à l’intention de Mme Elisabeth S. Coolidge, un cycle de mélodies avec accompagnement, « si possible » de flûte, de violoncelle et de piano« .

Et Roland-Manuel alors de poursuivre :

« Toujours heureux, en bon mozartien, de se plier à un jeu dont une volonté étrangère avait fixé les règles, le musicien poursuivit bravement sa lecture de Parny, bien décidé à imposer aux chants du « Tibulle français » la compagnie d’un piano, d’une flûte et d’un violoncelle. Séduit par un exotisme très particulier et de tout point conforme à ses goûts, puisque la couleur locale en est quasiment absente, son choix s’arrêta sur les cinquième, huitième et douzième chansons madécasses.

De cette gageure est née la meilleure musique de chambre qui soit sortie de ses mains depuis la guerre : « Les trois Chansons madécasses me semblent apporter un élément nouveau, dramatique _ voire érotique _, qu’y a introduit le sujet même des chansons de Parny. C’est une sorte de quatuor où la voix joue le rôle d’instrument principal. La simplicité y domine. L’indépendance des parties [s’y affirme] que l’on trouvera plus marquée dans la sonate [pour violon et piano] » _ très précieux extrait de l’Esquisse biographique dictée par Ravel à ce même Roland-Manuel, à Monfort-l’Amaury, le 10 octobre 1928 (note de Manuel Cornejo à la page 1437 de son indispensable édition de l’Intégrale de la Correspondance de Maurice Ravel).

 Réduite ici à ses éléments essentiels, primitifs, mélodie, rythme et timbre, la musique échappe complètement à la tyrannie des accords. Et pendant que Ravel s’amuse à faire à rebours le chemin parcouru par les compositeurs de jazz ; pendant qu’il y découvre la musique nègre en partant du rythme syncopé et de la juxtaposition des médiantes majeure et mineure ; pendant que son violoncelle se divertit à contrefaire la calebasse en sons harmoniques pizzicato, son lyrisme, amoureux de la belle Nahandove, quitte un instant pour cette Vénus exotique les enchantements de la féérie, les tréteaux de la comédie et chante pour une fois l’ardeur des voluptés terrestres« …

Cf aussi le très détaillé chapitre intitulé « Désaveux » que, aux pages 576 à 590, en son admirable et inégalé « Maurice Ravel » _ paru aux Éditions Fayard en octobre 1986 _ consacre à ces « Chansons madécasses » Marcel Marnat (Lyon, 6 juillet 1933 _ Marcel Marnat a maintenant 90 ans)…

Sur les péripéties à rebondissements de la composition et création de ces 3 « Chansons madécasses » de Maurice Ravel, on peut aussi s’attacher au très intéressant détail résumé en cette notice :


Maurice Ravel 1925

Les Chansons madécasses sont un cycle de trois mélodies (NahandoveAouaIl est doux) composées par Maurice Ravel entre 1925 et 1926 pour voix moyenne (mezzo ou baryton), flûte, violoncelle et piano, sur des poèmes en prose éponymes, les Chansons madécasses d’Évariste de Parny.

Elles sont dédiées à Elizabeth Sprague Coolidge, mécène américaine du musicien. Le compositeur, à la fin de sa vie créatrice, répéta à plusieurs reprises que de toutes les œuvres qu’il avait composées, c’est de ces Chansons qu’il était le plus fier. L’œuvre porte la référence M.78, dans le catalogue des œuvres du compositeur établi par le musicologue Marcel Marnat. La durée d’exécution de l’œuvre oscille entre treize et quatorze minutes.

Histoire de l’œuvre

La création s’est faite en plusieurs étapes : tout d’abord, la seule seconde des Chansons madécasses, Aoua, a été donnée lors de deux auditions privées organisées par la commanditaire et dédicataire Elisabeth Sprague Coolidge, le 24 mai 1925 à l’Hôtel Majestic de Paris, puis le 28 mai 1925 à Londres, les deux fois avec pour interprètes Jane Bathori au chant, Maurice Ravel en personne au piano, Louis Fleury à la flûte et Hans Kindler au violoncelle _ Hans Kindler, l’intermédiaire d’Elisabeth Sprague Coolidge pour cette commande à Maurice Ravel. Lors de l’audition parisienne, le compositeur Léon Moreau a protesté à haute voix contre les paroles _ violemment anticolonialistes (nous ne sommes pourtant qu’en 1787 !) du poème en prose du réunionnais Parny : celui-ci donnant ici la parole à des indigènes vivant « libres« , mais prévenant leurs frères « habitants du rivage«  de la menace d’« esclavage«  que feront peser sur eux de prochains colonisateurs blancs : « Méfiez-vous des blancs, habitants du rivage«  _ de la mélodie, pourtant bissée par les interprètes.

L’année suivante, une fois achevées les 1ère et 3ème Chansons madécasses _ « Nahandove«  et « Il est doux« ...  _, le cycle entier a été donné lors d’auditions privées pour les invités de la mécène Elizabeth Sprague Coolidge, le 8 mai 1926 à l’Académie américaine de Rome, puis le 21 mai 1926 au Palais d’Egmont de Bruxelles, les deux fois avec pour interprètes Jane Bathori au chant, Alfredo Casella au piano, Louis Fleury à la flûte et Hans Kindler au violoncelle ; et aussi le 13 juin 1926 à la Salle Érard de Paris, avec les mêmes interprètes à une exception près, le flûtiste, Urbain Baudouin qui remplaça Louis Fleury, initialement prévu mais décédé entre-temps prématurément _ le 10 juin 1926.

La première audition publique des trois Chansons madécasses date du 15 octobre 1926 à la Salle Érard à Paris, lors d’un « Festival Maurice Ravel » organisé par la Société musicale indépendante (SMI), avec pour interprètes Joy Mac Arden au chant, Vlado Perlemuter au piano, Gaston Blanquart à la flûte et Tony Close au violoncelle.

La première édition chez Durand est accompagnée de gravures de Luc-Albert Moreau.

Le premier enregistrement connu est celui _ pour le label Polydor _ de Madeleine Grey, cantatrice très estimée du compositeur, en 1932 :

« Depuis la création parfaite de Jane Bathori, il y a déjà bien des années _ 1925 et 1926 _, cette œuvre fort difficile _ sic _ a été reprise par beaucoup d’artistes, et non des moindres : aucune, sinon M. G. [Madeleine Grey], n’en a rendu aussi fidèlement le caractère _ voilà ! C’est elle que j’ai choisie récemment lorsque la Société Polydor m’a demandé d’enregistrer ces 3 pièces en me laissant le choix des interprètes« , a écrit Ravel le 5 janvier 1933 (in l' »Intégrale de la Correspondance de Maurice Ravel » publiée par Manuel Cornejo, page 1301.

Musique

 

Ravel _ bibliophile éminent et passionné ! _ s’enthousiasma pour les poèmes _ publiés d’abord en 1787 _ de Parny dont le contenu était conforme à ses propres convictions _ anticolonialistes, sinon érotiques… Le style extrêmement dépouillé _ oui _ qu’il adopta pour cette musique s’inscrit dans la suite de sa Sonate pour violon et violoncelle _ créée le 6 avril 1922. Dans cet esprit, cette œuvre n’est pas sans rappeler la Sonate pour flûte, alto et harpe de Claude Debussy, composée quelque dix ans plus tôt.

« Les Chansons madécasses me semblent apporter un élément nouveau – dramatique voire érotique – qu’y a introduit le sujet même de Parny. C’est une sorte de quatuor _ voilà ! _ où la voix joue le rôle d’instrument principal _ c’est très clairement affirmé là. La simplicité y domine. L’indépendance des parties _ et c’est bien là un point en effet capital ! Et qu’ont fort bien souligné Thomas Dolié et Stéphane Trébuchet dans leur travail de mise en place des deux premières mélodies… _ s’y affirme. » (Maurice Ravel, Esquisse biographique, 1928 _ disponible en entier aux pages 1437 à 1441 de l’indispensable « Intégrale de la Correspondance de Maurice Ravel » publiée par Manuel Cornejo _)

La chaleur et l’érotisme _ insidieusement torride _ de Nahandove et de Il est doux et la virulente dénonciation _ on ne peut plus claire et directe _ du colonialisme de Aoua font des Chansons madécasses une œuvre engagée _ assurément ! _ de Maurice Ravel, en même temps que sa meilleure réussite dans le genre.

Fin de citation de cette commode notice de Wikipédia.

À mes modestes oreilles et goût personnel,

l’interprétation la plus juste et séduisante _ jusqu’ici du moins ; et j’ai ré-écouté pas mal d’interprétations présentes en ma discothèque personnelle : de Gérard Souzay à Jessye Norman et Christa Ludwig ; et je mets à part ici la vraiment excellente, d’intelligence de ces mélodies, Janet Baker, avec le Melos Ensemble conduit par Bernard Keeffe, en 1966 : écoutez ce podcast _ de cet assez malaisant, intriguant et déroutant recueil de 3 mélodies (« Nahandove« , « Aoua« , de 1925, et « Il est doux« , de 1926) des « Chansons madécasses« , est celle, superbe de netteté et expression directe _ très justement dénuée d’affèteries : ouf ! _, du baryton Stéphane Degout _ une fois encore parfait d’intelligence et de la musique et des paroles du texte qu’il chante ! Quel mélodiste ! _, dans le très beau CD « Histoires naturelles » B-Records LBM 009, avec le piano de Cédric Tiberghien, le violoncelle d’Alexis Descharmes et la flûte de Matteo Cesari _ enregistré live à Paris, au Théâtre de l’Athénée, le 23 janvier 2017.

On trouve aussi et surtout sur le Net une magnifique vidéo (de 15′ 23) de ces interprètes dans ces, toujours très surprenantes, « Chansons madécasses«  _ sauf que, lors de ce concert, superbe lui aussi !, donné au Théâtre de la Bastille, à Paris, le 27 mai 2015, le piano était cette fois tenu, non par Cédric Tiberghien, mais par Michaël Guido.  Qu’on en juge ici même

Au terme du travail de cette soirée, hier, de mise en place de « Nahandove » et « Aoua« ,

la performance de Thomas Dolié (et Stéphane Trébuchet assumant au piano les trois parties de flûte, violoncelle et piano) était impressionnante de finesse-subtilité, fluidité dans la tenue de souffle de la courbe mélodique, puissance de projection, parfaite intelligibilité, bien sûr, et, au final, majestueuse et intense intime expressivité et beauté : assez singulière en sa redoutable exigence pour parvenir à vraiment bien l’attraper et porter…

En somme,

un très fructueux travail dont nous avons été les très humbles spectateurs-témoins admiratifs…

Ce dimanche 12 mai 2024, Titus Curiosus – Francis Lippa

Et parution, aussi, d’un CD « Les Concerts royaux » de François Couperin, par Patrick Cohën-Akenine et Les Folies françaises : le terrible défi de réussir à « attraper » la toute simple confondante magie du très discret François Couperin…

28oct

Comme en une suite à la récente parution du très beau CD « François Couperin L’âme en peine – Pièces pour clavecin » de Michèle Dévérité (le CD sonamusica SONA2305)

_ cf mon article «  » d’avant-hier jeudi 26 octobre _,

paraît aussi maintenant, pour le label Château de Versailles Spectacles, un CD « Couperin les Concerts royaux _ Issus du Troisième Livre de pièces de clavecin, 1722« , le CD CVS099, par Les Folies françaises et son chef, Patrick Cohën-Akenine :

quatre « Concerts » qui sont rien moins qu’un des sommets absolus de toute la musique française ;

pas moins !..

Que penser alors de cette nouvelle interprétation de tels chefs d’œuvre de François Couperin ?

_ le CD a été enregistré au Musée instrumental de Provins, où est conservé le somptueux clavecin de Pierre Donzelague (Lyon 1711), du 27 au 29 juillet 2021…

Après une recherche rapide dans l’ordre incertain des rangées et piles de ma discothèque _ quelques autres CDs de ces quatre « Concerts royaux«  ayant probablement échappé à mon regard ; et je ne possède pas l’enregistrement de Christophe Rousset Aparté AP 196 (paru le 19 avril 2019, il a dû échapper à ma vigilance)… _,

j’ai mis la main sur quatre CDs comportant ces quatre « Concerts royaux« -ci de François Couperin :

 

_  enregistré en 1973, le CD Séon – RCA Victor GD 71960, dirigé par Sigiswald Kuijken ;

 

_ enregistré en 1975, le CD Archiv 427 119-2, dirigé par Heinz Holliger ;

_ enregistré en 1986, le CD ASV Gaudeamus CD GAU 101 du Trio Sonnerie, dirigé par Monica Huggett ;

_ et enregistré en 2004 _ du 6 au 10 septembre 2004 à l’abbaye de Saint-Michel-en-Thiérache _, le CD Alia Vox AVSA 9340 du Concert des Nations, dirigé par Jordi Savall, avec Manfredo Kraemer au violon, Marc Hantaï à la flûte traversière, Alfredo Bernardini, au hautbois, Josep Borras au basson, et Bruno Cocset à la basse de violon, Jordi Savall à la basse de viole, Xavier Diaz-Latorre au théorbe et à la guitare, et Guido Morini au clavecin…

 Ce CD Alia Vox de 2004 est tout simplement merveilleux de finesse, grâce et justesse :  nous voicis introduits dans l’intimité même du cabinet de musique du roi Louis XIV, auxquels ces sublimissimes « Concerts royaux » de François Couperin étaient tout spécialement destinés, en 1714 et 1715 :  « Ces pièces étaient exécutées par Messieurs Duval, Philidor, Alarius et Dubois _ respectivement au violon, au hautbois, à la viole de gambe et au basson… _ ; j’y touchais le clavecin« , en a rapporté François Couperin lors de leur publication, en 1722…

En comparaison,

le récent bien tristement poussif CD des Folies françaises, a l’allure d’une première lecture tâtonnante, et pas du tout en place, de déchiffrage…

Et c’est hélas par son absence qu’y brille la resplendissante délicate magie de François Couperin…

Réussir à vraiment « attraper » la stupéfiante toute simple _ absolument dénuée d’artifices _ magie de François Couperin est décidément bien difficile…

 

 Ce samedi 28 octobre 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Ravel et le rare trésor des correspondances privées : d’étranges réticences à la recherche des cousinages cibouro-luziens du génial (et si discret et si humble) compositeur basque

07avr

La passion des correspondances privées m’est arrivée par surprise :

par l’idée-désir de participer très activement (et assez originalement _ dans les pas d’un Sainte-Beuve s’intéressant aux liens secrets entre l’œuvre et la vie d’un créateur _ à la composition d’un programme de concert et de disque, à l’occasion du 300e anniversaire de la mort de Jean de La Fontaine, en 1995, à un moment où j’étais « conseiller artistique » de La Simphonie du Marais et son chef, Hugo Reyne, et sur la proposition qui en était faite, en ma présence _ j’étais récitant pour un concert de La Simphonie du Marais dans l’abbatiale de Saint-Michel-en-Thiérache _, par Jean-Michel Verneiges, pour le Conseil général de l’Aisne, le département de naissance de La Fontaine (natif de Château-Thierry, à l’extrémité méridionale de ce département…)  ;

soit bâtir tout un programme _ de concert et de disque _ sur le fil conducteur de sa très puissante passion, avérée toute sa vie, de sa première à sa dernière lettre (toutes deux adressées à son ami de jeunesse Maucroy), pour la musique…

En conséquence de quoi, j’ai commencé par lire les biographies existantes de La Fontaine, et, surtout, j’ai entrepris de relever très méthodiquement, dans les deux volumes des Œuvres complètes de La Fontaine, tout _ absolument tout ! _ ce qui concernait, sous la plume de l’écrivain-poète, et sous le moindre des rapports, la musique.

Et en ont résulté plusieurs importants concerts _ à l’Auditorium de la Bibliothèque Nationale, pour la clôture de l’année La Fontaine ; à Laon, la préfecture du département de naissance de La Fontaine, l’Aisne ; etc. _, pour cette « année La Fontaine« , 1995 ;

et le CD _ tout simplement merveilleux ! _  EMI-Virgin « Un Portrait musical de Jean de La Fontaine« .

Puis, j’ai entrepris un semblable travail de recherche, à partir des biographies de Madame de Sévigné, et surtout des trois volumes de la Bibliothèque de la Pléïade de sa Correspondance _ principalement, mais pas exclusivement, à sa fille, Madame de Grignan _ pour ce qui concernait sa passion, à elle aussi, la marquise _ qui adorait chanter ! _, comme pour La Fontaine _ tous deux étaient des amis fidèles de cet homme de très grand goût qu’était le Sur-Intendant Nicolas Fouquet _ de la musique,

en vue d’un semblable projet de programme de concerts et de CD : au fil des jours de la marquise…

Le projet, in fine, n’a pas abouti jusque là ; ne s’est pas réalisé _ pas de concerts, ni de CD _ ;

mais j’avais découvert pour toute ma vie la valeur inestimable des correspondances intimes et privées, pour obtenir un juste regard « de côté« , profond, sur un créateur singulier, à côté de son œuvre principale même…

Quand est parvenue entre mes mains la Correspondance de Maurice Ravel réunie et publié par Manuel Cornejo,

c’est une nouvelle fois un angle un peu de biais que j’ai choisi pour orienter mon regard sur Ravel : relever tout ce qui relevait, en ces lettres, de la présence, et sous quelque forme que ce soit, du pays basque ; soit le pays (presque par hasard) natal de Maurice Ravel, né le 7 mars 1875 à Ciboure, la ville natale de sa mère, Marie Delouart (Ciboure, 24 mars 1840 – Paris, 5 janvier 1917), qui avait fait, enceinte, le voyage de Paris, où elle était domiciliée auprès de son mari, Joseph Ravel, à Ciboure, probablement pour revoir une dernière fois sa mère Sabine Delouart (Ciboure, 11 mars 1809 – Ciboure, 22 décembre 1874) très gravement malade _ celle-ci est décédée à Ciboure le 22 décembre 1874 : soit 2 mois et 13  jours avant l’accouchement, par Marie Delouart, du petit Maurice Ravel, à Ciboure… _, puis s’occuper de ce que sa mère laissait ;

et ensuite demeurer à Ciboure auprès de la tante de sa mère, Gachucha Billac (Ciboure, 15 mai 1824 – Saint-Jean-de-Luz, 17 décembre 1902) ; au domicile de laquelle (une loge de concierge dans la superbe maison Estebenia) Marie Delouart-Ravel accouchera du petit Maurice le 7 mars 1875…

L’intérêt inestimable et magnifique des correspondanes privées et intimes, est qu’en elles, en effet, tout de la vie, des préoccupations, sentiments et pensées de leur auteur, se mêle et s’entremêle, joliment ; et qu’y abondent, au passage, de sublimes détails qui n’intéressent en rien la plupart des lecteurs, et même des biographes, focalisés qu’ils sont sur ce qu’eux jugent constituer l’essentiel de la vie, de la personne et de la personnalité, ainsi que de l’œuvre admirable de leur auteur ; mais qui sont autant d’infiniment précieux trésors pour celui qui, parvenant à les extraire de leur gangue de grise banalité apparente,vient les faire palpiter de merveilleux éclats de lumière _ ou l’art du biographe…  

Je suis donc un traqueur de détails, et même de micro-détails ;

qui me feront de passionnants judicieux indices afin de découvrir un peu plus loin et un peu à côté de ce que beaucoup de biographes jugent le principal, des facettes un peu plus secrètes de l’auteur de la lettre, au-delà de la quotidienneté prosaïque apparemment inessentielle de celle-ci…

Dans le cas de la vie et de l’œuvre de Maurice Ravel, et de son ancrage familial,

par l’ancrage foncièrement basque de sa mère, Marie Delouart,

je demeure tout simplement stupéfait que personne jusqu’ici n’a jamais manifesté, à Ciboure comme à Saint-Jean-de-Luz, la moindre curiosité envers ce que je nomme « les cousinages cibouro-luziens » de Maurice Ravel ;

même si, et j’y viens, l’affaire était ici un peu délicate dans la mesure où la mère de Maurice Ravel, Marie Delouart, était née (le 24 mars 1840, à Ciboure) de père inconnu ; où la grand-mère maternelle de Ravel, Sabine Delouart, était née (le 11 mars 1809, à Ciboure) de père inconnu :

son arrière-grand-mère maternelle, Marie-Baptiste Delouart (née le 29 juin 1782) étant la première _ en remontant vers l’amont la lignée féminine dont Maurice Ravel est le fruit (à Ciboure, le 7 mars 1875) _ à être née d’un père connu et légitime : Gratien Delouart (Ciboure, 1er mai 1748 – Ciboure, 21 août 1798), marin, fils de marin… 

Cette stupeur mienne étant renforcée du peu _ et c’est un euphémisme pour signifier son absence absolue ! _ de coopération rencontrée de la part de la pourtant extrêmement active Association de recherche patrimoniale Jakintza, dont le siège se trouve à Ciboure, et au rez-de-chaussée de la maison même où est né Maurice Ravel !, en ma recherche patiente et assidue _ et féconde ! _ de ces « cousinages cibouro-luziens » de Maurice Ravel..

Ce qui laisse émerger, en quelques recoins de mon cerveau, peut-être d’autres raisons, non dites _ solidement retenues _, à pareille réticence de leur part à une telle recherche des cousins basques de ce génial _ et modeste, humble, discret, secret _ artiste musicien qu’a été Maurice Ravel…

À suivre…

Ce mercredi 7 avril 2021, Titus Curiosus – Francis Lippa

Musiques de joie : A deux ou à cinq voix, le jubilatoire Tout l’univers obéit à l’amour de Jean de La Fontaine et Michel Lambert, ou le sublime raffinement des Airs de cour à la française

29mai

En poursuivant dans le registre de la sublime délicatesse française du Grand Siècle,

je pense bien sûr au très grand raffinement _ tout de simplicité, aussi : d’où l’assez grande difficulté pour une interprétation la plus juste possible, sans maniérisme…des merveilleux Airs de cour de Michel Lambert

(Champigny-sur-Veude, ca 1610 – Paris, 29 juin 1696),

le maître à chanter, ainsi que le beau-père, par sa fille Madeleine (1642 – 1720) _ le mariage eut lieu à Paris, à l’église Saint-Eustache, le 24 juillet 1662… _de Jean-Baptiste Lully (Florence, 28 novembre 1632 – Paris, 22 mars 1687).

Michel Lambert,

un compositeur tout simplement essentiel dans le devenir de l’art du chant français au Grand siècle

_ et hélas pas assez interprété en ce XXIe siècle : ni au concert, ni au disque ; et donc très injustement méconnu du public d’aujourd’hui !

Je me souviens, pour y avoir très activement participé

_ en tant qu’auteur à 90% du programme de ce CD ; Hugo Reyne y étant pour 10 %.. : j’avais passé toute une année à rechercher-recenser tout ce qui comprenait le moindre élément concernant la musique (sous toutes ses formes) dans l’œuvre de ce mélomane passionné et très connaisseur, vraiment, en profondeur, qu’était La Fontaine… (probablement le premier auteur à établir une esquisse sérieuse et un peu élaborée d’une esthétique de la musique, dès le XVIIe siècle) ;

avec, surtout, au sein de mes recherches méthodiques, l’inestimable découverte, par recoupement de données demeurées jusqu’alors éparses, du petit opéra Les Amours d’Acis et de Galatée (donné à Paris, en 1678, en l’Hôtel de Monsieur de Rians) de Marc-Antoine Charpentier, sur un livret de Jean de La Fontaine ; ainsi que le narre très précisément le livret (dont je suis l’auteur, même si Hugo Reyne, après diverses relectures et corrections du texte que je lui proposais, l’a co-signé) de ce CD _,

je me souviens, donc,

du CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine 

_ soit le CD Virgin Veritas 7243 5 45229 2 5, paru au mois de mars 1996 _,

conçu, élaboré  _ de début juillet 1994 à fin août 1995 _ et réalisé _ du 25 au 28 août 1995 en l’abbaye de Saint-Michel-en Thiérache _

à l’occasion des célébrations du tricentenaire de la mort de La Fontaine (Château-Thierry, 8 juillet 1621 – Paris, 13 avril 1695) _ sur une commande de Jean-Michel Verneiges et du Conseil général de l’Aisne (département de naissance de La Fontaine.

Et ce CD comporte deux sublimes Airs de cour de Michel Lambert :

J’ai beau changer de lieu

_ dont on ignore l’auteur du poème ; mais en une thématique étonnamment lafontainienne : ce qui a justifié le choix de cet Air-là, si magnifique déjà… ;

et Tout l’univers obéit à l’amour

sur un poème de La Fontaine, composé vers 1659, pour le cercle galant du Surintendant des finances de Mazarin, le fastueux Nicolas Fouquet. Lequel Fouquet avait engagé pour son fastueux divertissement du château de Vaux une pléïade des meilleurs artistes de son temps _ outre l’architecte Louis Le Vau, le jardinier André Le Nôtre et le peintre-décorateur Charles Le Brun (pour le château et les jardins de Vaux-le-Vicomte), Molière, Corneille, Madame de Sévigné, Mademoiselle de Scudéry, etc. _,

parmi lesquels le poète Jean de La Fontaine et le musicien-compositeur Michel Lambert

qui s’y sont rencontrés et fréquentés.

Et il se trouve qu’une lettre de Jean Perrault au grand Condé, en date du 13 septembre 1674, témoigne précisément de cette collaboration de La Fontaine et Lambert, vers 1659, à Vaux, pour cet Air à deux voix, que publiera Lambert, au sein d’un recueil d’Airs de cour, un peu plus tard, en 1666 ;

et il se trouve encore que, trente ans plus tard, en 1689 _ soient deux ans après la mort du gendre de Lambert, Lully, le 22 mars 1687 _, paraîtra, remaniée par le compositeur une nouvelle version, mais à cinq voix, cette fois, de ce Tout l’univers obéit à l’amour, en un nouveau recueil d’Airs de cour. 

En surfant sur le web, au moment de rédiger cet article,

je viens de découvrir, datée du 23 avril 2017, cette très brève appréciation-ci d’un mélomane (anonyme) à propos de ce CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, paru 21 ans plus tôt, en mars 1996,

que je livre ici telle quelle :

« Très bien. 

Somptueux et sublime, au bout de la 7ème écoute.

Jean de La Fontaine était vraiment un mec cool et frais.« 

Voilà qui touche et fait vraiment plaisir.

J’ai découvert aussi que ce CD Virgin Veritas Un Portrait musical de Jean de la Fontaine

est présent dans 7 bibliothèques-médiathèques d’universités aux États-Unis et Canada :

les universités de Princeton (à Princeton, New Jersey), Virginia (à Charlottesville, Virginie), North Texas (à Denton, Texas), Reed College (à Portland, Oregon) et de New-Mexico (à Albuquerque, Nouveau-Mexique) ; 

ainsi que les universités McGill (à Montreal, Québec) et Western (à London, Ontario).

J’ai découvert encore, toujours sur le web, cette appréciation-ci, détaillée et argumentée, et sous la signature du critique musical Stephen Pettitt (né en 1945),

sur le site de Classical-music.com, The official website of BBC Music Magazine :

This is a beautiful, thoughtfully compiled disc. It chronologically charts the life of Jean de La Fontaine, that 17th-century master of the fable, through his own words and through music that sets his text, or that he simply admired. There’s one particular coup : the inclusion of identifiable extracts from the opera _ Les Amours d’Acis et de Galatée _ by Charpentier that sets a text by La Fontaine. Alas, the whole work did not survive, probably for reasons to do with Lully’s royally granted privilege _ mais aussi le vol, au XIXe siècle, à la Bibliothèque Nationale, de plusieurs volumes de partitions originales (et uniques !) de Marc-Antoine Charpentier (dont celui de ses compositions de 1678, qui comportait ce petit opéra complet _, but the booklet notes make an excellent case for the association with the opera of the few pieces recorded here.   La Fontaine’s bon goût – often more than implicitly anti-Lully – is attested to by his admiration of composers like the lutenist Ennemond Gaultier, the harpsichordist Chambonnières, and Pierre de Nyert, master of the air de cour, of whose work there is tragically but one surviving example, ‘Si vous voulez que je cache ma flamme’. All are represented here, as, for the sake of fairness and balance – La Fontaine did write the dedicatory preface to Lully’s opera Amadis, after all – is Lully himself, though the extracts from Amadis and Isis (the famous ‘Air de Trembleurs’) are to texts by his usual librettist Quinault.   Performances of these and other riches – not least Couperin’s Sonata L’Astrée at the end – by La Simphonie du Marais under Hugo Reyne and with soloists Isabelle Desrochers and Bernard Deletré, are excellent. Christian Asse strikes exactly the right atmosphere in his readings, among which is La Fontaine’s furious satire of Lully, Le Florentin. But brush up your French : no translations of the texts are provided.

Stephen Pettitt

Et je rappelle aussi, et surtout, la très précise et fouillée _ lucidissime ! _ recension de ce Portrait musical de La Fontaine par Boris Donné _ et non Patrick Dandrey, comme j’avais jusqu’ici trop rapidement cru ; c’est Patrick Dandrey lui-même qui vient de corriger, par échange de courriels, mon inattention au signataire effectif de cette recension du Fablier, en 1996 : Boris Donné _, dans le numéro 8 de la Revue Le Fablier, Revue des Amis de Jean de La Fontaine, Année 1996 ;

recension que voici in extenso :

Le second disque dont nous voudrions rendre compte est intitulé Jean de La Fontaine, un portrait musical : il mêle textes, lus par le comédien Christian Asse, et musiques, interprétées par La Simphonie du Marais que dirige Hugo Reyne avec notamment Isabelle Desrochers, soprano, et Bernard Deletré, basse.

Le programme, marqueterie délicatement agencée, a été conçu par Hugo Reyne lui-même, avec la collaboration de Francis Lippa ; ils signent ensemble l’excellent texte _ merci ! _ de présentation du livret.

Disons tout de suite que les parties récitées du disque nous ont paru les plus faibles : le montage mêlant extraits de poèmes, de lettres et quelques pièces plus longues (la délicieuse satire contre Lully, Le Florentin, et l’Epître à M. de Nyert, sur l’opéra), quoique très ingénieux, prend quelques libertés avec les textes, tronqués _ nécessités de la durée du CD obligeaient… _ assemblés sans parfois trop de respect ; la diction de Christian Asse, un peu fade et distanciée à notre goût, ne leur rend pas pleinement justice… Mais c’est encore affaire de jugement, et sûrement la sobriété, les intonations graves et méditatives de ce comédien trouveront-elles des défenseurs.

Nous nous concentrerons ici sur le programme musical, interprété par l’ensemble de Hugo Reyne, sur instruments anciens : on y appréciera les sonorités fruitées des vents et les impeccables interprètes du continuo (Jérôme Hantaï à la viole, Vincent Dumestre au théorbe, Elizabeth Joyé au clavecin) ; les cordes ont paru plus indifférentes.

Le programme de ce disque peut sembler composite dans la mesure où il mêle différents types de compositions : mais, dans un esprit proche de celui du poète, c’est la diversité et la variété qui ont guidé _ en effet _ son élaboration.

On pourrait isoler un premier ensemble d’œuvres, celles qui replacent La Fontaine dans le contexte musical de son temps et des cercles qu’il fréquentait : des airs de Lambert _ Tout l’univers obéit à l’amour, et J’ai beau changer de lieu _ ou de Nyert _ l’Air Si vous voulez que je cache ma flamme est un hapax ! _, des extraits d’opéras de Lully _ Amadis et Isis _, l’ouverture des Fâcheux de Beauchamps, quelques pièces de clavecin ou de théorbe (en l’occurrence, deux petits joyaux : une sombre pavane pour clavecin de Chambonnières, très bien interprétée par Elizabeth Joyé, et une courante pour luth d’Ennemond Gaultier par Vincent Dumestre. On se serait plutôt attendu à trouver ici une pièce de son cousin de Paris, Denis Gaultier…) ;  musique souvent très belle, et très délicate, interprétée ici avec style et sensibilité.

Un second ensemble serait constitué de musiques postérieures à La Fontaine, mais entretenant certains rapports avec son œuvre ou son esthétique : on y trouve le meilleur (le délicieux «air à boire» composé par François Couperin _ peu après le décès de La Fontaine, le 13 avril 1695… _ sur L’Epitaphe d’un paresseux, et, du même, la sonate L’Astrée, qui clôt le disque sur une note mélancolique) comme le pire (les paraphrases de fables sur des airs populaires, dans le goût du XVIIIe siècle : Le Loup et l’Agneau, La Fourmi et la Sauterelle).

Le dernier groupe d’œuvres, enfin, est le plus intéressant : ce sont celles auxquelles La Fontaine a directement collaboré _ oui ! Et cela ne se sait pas assez… On y trouve quelques chansons sur des airs à la mode (inépuisables «folies d’Espagne»), un Air mis en musique par Lambert, «Tout l’univers obéit à l’Amour» (Les paroles de cet Air de 1659 furent reprises _ par La Fontaine _ en 1669 dans Les Amours de Psyché (avec une substitution de prénoms que la notice du disque omet _ en effet _ de signaler : la «belle Psyché» était à l’origine une «belle Philis») ; détail intéressant, qu’aucune édition de Psyché _ de La Fontaine _ ne signale à notre connaissance. Un critique _ en fait Boris Donné lui-même, l’auteur de cette recension, comme il l’affirme indirectement, avec élégance, en citant l’ouvrage (sien !) dans lequel sont présentes ces « imprudentes » affirmations : son propre La Fontaine et la poétique du songe, paru en 1995 _, dans un ouvrage récent (Boris Donné, La Fontaine et la poétique du songe, 1995) a même observé, bien imprudemment, que cet «air purement imaginaire [sic], destiné sans doute à figurer seulement sur la page imprimée, […] se prêterait parfaitement à la mise en musique propre à un air de cour bipartite» — «dans la manière de Lambert», ajoute-t-il innocemment _ en élégante contrition rétrospective _ en note (p. 106)… Et pour cause ! Ignorance impardonnable, puisque cet air avait déjà été enregistré par William Christie en 1984 _ ce que le mélomane passionné qu’est aussi Boris Donné ne se pardonnait pas, ici, d’avoir ignoré… _, un bref extrait de la tragédie lyrique Astrée (musique de Colasse)…

Tout cela est intéressant : mais pas tant que ce qui constitue à nos yeux l’intérêt principal du disque, à savoir quelques fragments de Galatée _ un livret de La Fontaine _ mis en musique par Marc-Antoine Charpentier en 1678, ce que l’on ignorait jusqu’ici ! Quand La Fontaine en publie le livret inachevé _ deux actes sur trois ! _, en 1682, son avertissement laisse _ assez étrangement _ entendre que sa composition fut indépendante de tout souci de mise en musique et de représentation _ une cachotterie d’importance, de la part du fabuliste, qui a égaré jusqu’ici tous les lafontainiens… Un compte rendu du Mercure galant, en 1678, faisait par ailleurs l’éloge d’un «petit opéra» de Charpentier intitulé Les Amours d’Acis et de Galatée, dont ne furent données que quelques représentations semi-privées _ chez Monsieur de Rians, à Paris _ ; mais l’auteur du livret _ La Fontaine ! _ n’était pas cité. Par recoupement, Hugo Reyne _ ou plutôt Francis Lippa, auteur de ces découvertes ! Cf la note à ce sujet de Catherine Cessac, en la seconde édition (en 2004) de son Marc-Antoine Charpentier, chez Fayard, à la page 138 ; Hugo Reyne, alors en tournée en Australie, au Japon et aux États-Unis, avait, par échanges de fax, rectifié à la marge quelques passages et expressions du livret que Francis Lippa avait rédigé et lui avait proposé et soumis, à travers l’Atlantique et le Pacifique… _ montre que ce «petit opéra» était, de façon indiscutable _ merci ! _, la Galatée de La Fontaine : l’un des Airs _ Brillantes fleurs, naissez (H.449) _ en fut même publié dans le Mercure en 1689, avec leurs deux signatures ! Il est par ailleurs possible de retrouver, dans les partitions _ conservées, celles-là _ de Charpentier, des extraits de cet opéra qui furent réemployés dans d’autres compositions _ lors de reprises, par Charpentier, de son petit opéra L’Inconnu _ (principalement les pages instrumentales, hélas). Ainsi ce disque propose un charmant montage _ de ce qui demeure de ce petit opéra de 1678 : Les Amours d’Acis et de Galatée _, d’une vingtaine de minutes, où alternent airs, pièces instrumentales et scènes récitées quand la musique n’en a pas été retrouvée : découverte extraordinaire, et fort émouvante _ merci ! _, qui en laisse peut-être présager d’autres… «Il [nous] faut du nouveau, n’en fût-il point au monde» !

En ce CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine de La Simphonie du Marais sous la direction d’Hugo Reyne, enregistré au mois d’août 1995 et paru chez Virgin Veritas au mois de mars 1996,

le merveilleux Air de Lambert J’ai beau changer de lieu

J’ai beau changer de lieu, mon soin est inutile,
Je porte partout mon amour
Et je n’en suis pas plus tranquille,
Dans ce paisible séjour :
Sentirai-je toujours cette cruelle flamme ?
Quoi ? serai-je agité d’un éternel souci ?
Et le calme qui règne ici
Ne peut-il passer dans mon âme ?

Je viens chercher la paix dans cette solitude,
Je veux l’attirer dans mon cœur,
Et je vais bannir l’inquiétude
Qui s’oppose à mon bonheur ;
Mais je ressens toujours cette cruelle flamme,
Je me vois agité d’un éternel souci
Et le calme qui règne ici
Ne saurait passer dans mon âme

se trouve à la plage 7 ;

et le jubilatoire Air à deux voix (de 1659, publié en 1666) de Jean de La Fontaine et Michel Lambert Tout l’univers obéit à l’amour

Tout l'Univers obéit à l'Amour ; 
Belle Philis, soumettez-lui votre âme. 
Les autres dieux à ce dieu font la cour, 
Et leur pouvoir est moins doux que sa flamme. 
Des jeunes cœurs c'est le suprême bien, 
Aimez, aimez ; tout le reste n'est rien.

Sans cet Amour, tant d'objets ravissants, 
Lambris dorés, bois, jardins, et fontaines, 
N'ont point d'appâts qui ne soient languissants, 
Et leurs plaisirs sont moins doux que ses peines. 
Des jeunes cœurs c'est le suprême bien 
Aimez, aimez ; tout le reste n'est rien.
...

se trouve à la plage 5

_ Boris Donné, à l’érudition duquel bien peu de choses échappent, a très opportunément remarqué que dans la version originale de cet Air, publiée par le compositeur Lambert, en 1666, c’est à Philis, et non à Psyché, que s’adresse le poète (ou/et le chanteur interprète), à la différence de ce qui sera le cas, en 1669, dans le poème publié, indépendamment de toute musique cette fois, par La Fontaine en ses Amours de Psyché et Cupidon, trois ans plus tard ; ainsi qu’en 1689, dans la version à cinq voix de ce même Air, publié par Lambert.

Boris Donné a donc raison d’affirmer, en cette recension, en 1996, de notre CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, que c’est à tort que notre CD a choisi de proposer à l’écoute de cet Air à deux voix composé en 1659, le texte de la version définitive de l’Air, celle à 5 voix, publiée par Lambert en 1689 ; ainsi que celle du poème de La Fontaine en ses Amours de Psyché et Cupidon, publiés en 1669 ; tout en situant bien cet Air, en sa version à deux voix, en la période de sa composition, la période fouquetienne (vers 1659) de la vie de Jean de La Fontaine (et de Michel Lambert). J’ignorais, pour ma part (ne m’étant pas moi-même occupé des partitions de Lambert dans la préparation du programme de ce CD), cette différence d’adresse, dans le texte de l’Air, entre Philis, en 1659 et 1666, et Psyché, en 1669 et 1689 (mais, pour ce qu’il en est de l’adresse de la version à cinq voix de 1689, je ne l’ai pas vérifié).

De la version à cinq voix publiée en 1689 de ce Tout l’univers obéit à l’amour

_ l’adresse chantée est faite à Philis, et non à Psyché, dans les deux CDs des Arts Florissants, les deux fois, en 1984, comme en 2013,  pour la version de 1689 de l’Air à cinq voix voix _,

voici à écouter le podcast d’une interprétation récente (enregistrée en décembre 2013) des Arts Florissants, en la plage finale de leur CD Bien que l’amour… Airs sérieux et à boire ; soit le CD Harmonia Mundi HAF 8905276, sorti le 1er avril 2016 ;

et, toujours, par les Arts Florissants, mais trente-deux ans plus tôt,

le podcast d’une interprétation de 1984 de 14 Airs de cour de Michel Lambert,

en le CD Harmonia Mundi 1901123, re-publié en 1992 ;

le Tout l’univers obéit à l’amour à 5 voix ouvrant alors le bal de ce récital…

Je n’ai hélas pas trouvé sur le web de podcast de la spendide interprétation de la version première, à deux voix, de ce Tout l’univers obéit à l’amour de La Fontaine et Lambert, superbement interprété par Isabelle Desrochers, soprano, et Bernard Deletré, basse, dans le CD Un Portrait musical de Jean de La Fontaine, en 1995, de La Simphonie du Marais.

Ce vendredi 29 mai 2020, Titus Curiosus – Francis Lippa

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