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Ecouter Jean Fournet (et François-Xavier Roth) dans le Prélude à l’après-midi d’un faune, de Claude Debussy, à partir de Stéphane Mallarmé

14jan

Pour évaluer avec assez grande justesse

la présente interprétation _ si heureuse ! Quelle splendeur !

et enregistrée par Harmonia Mundi à laPhilharmonie de Paris en janvier 2018_

par Les Siècles et François-Xavier Roth

du Prélude à l’après-midi d’un faune

de Claude Debussy (1862 – 1918)

_ la première de l’œuvre eut lieu le 22 décembre 1894 à la Société nationale de musique _

dans le merveilleux CD/DVD Harmonia Mundi HMM 905291

qui vient tout juste de paraître

_ cf mon article du vendredi 11 janvier dernier :

_,

vient nous fournir un excellent criterium de comparaison

une bien reconnue version de référence :

celle de Jean Fournet

_ élégant, précis et sans esbroufe _,

avec le magnifique Concertgebouworkest d’Amsterdam,

enregistrée par Decca au mois de juin 1959,

et telle que nous la propose le CD Decca Eloquence 482 4959.

Il faut bien reconnaître que l’œuvre de Debussy

est idéalement servie

dans ces deux interprétations,

toutes deux d’exception !

Jean Fournet

est paisible et tendrement lumineux ;

et François-Xavier Roth

d’une précision de poésie renversante et envoûtante.

Et voici le poème de Stéphane Mallarmé :

LE FAVNE

Ces nymphes, je les veux perpétuer.

Si clair,
Leur incarnat léger, qu’il voltige dans l’air
Assoupi de sommeils touffus.

Aimai-je un rêve ?

Mon doute, amas de nuit ancienne, s’achève
En maint rameau subtil, qui, demeuré les vrais
Bois mêmes, prouve, hélas ! que bien seul je m’offrais
Pour triomphe la faute idéale de roses.

Réfléchissons..

ou si les femmes dont tu gloses
Figurent un souhait de tes sens fabuleux !
Faune, l’illusion s’échappe des yeux bleus
Et froids, comme une source en pleurs, de la plus chaste :
Mais, l’autre tout soupirs, dis-tu qu’elle contraste
Comme brise du jour chaude dans ta toison !
Que non ! par l’immobile et lasse pâmoison
Suffoquant de chaleurs le matin frais s’il lutte,
Ne murmure point d’eau que ne verse ma flûte
Au bosquet arrosé d’accords ; et le seul vent
Hors des deux tuyaux prompt à s’exhaler avant
Qu’il disperse le son dans une pluie aride,
C’est, à l’horizon pas remué d’une ride,
Le visible et serein souffle artificiel
De l’inspiration, qui regagne le ciel.

Ô bords siciliens d’un calme marécage
Qu’à l’envi des soleils ma vanité saccage,

Tacite sous les fleurs d’étincelles, contez
» Que je coupais ici les creux roseaux domptés
» Par le talent ; quand, sur l’or glauque de lointaines
» Verdures dédiant leur vigne à des fontaines,
» Ondoie une blancheur animale au repos :
» Et qu’au prélude lent où naissent les pipeaux,
» Ce vol de cygnes, non ! de naïades se sauve
» Ou plonge.. »

Inerte, tout brûle dans l’heure fauve
Sans marquer par quel art ensemble détala
Trop d’hymen souhaité de qui cherche le la :
Alors m’éveillerai-je à la ferveur première,
Droit et seul, sous un flot antique de lumière,
Lys ! et l’un de vous tous pour l’ingénuité.

Autre que ce doux rien par leur lèvre ébruité,
Le baiser, qui tout bas des perfides assure,
Mon sein, vierge de preuve, atteste une morsure
Mystérieuse, due à quelque auguste dent ;

Mais, bast ! arcane tel élut pour confident
Le jonc vaste et jumeau dont sous l’azur on joue :
Qui, détournant à soi le trouble de la joue
Rêve, dans un solo long, que nous amusions
La beauté d’alentour par des confusions
Fausses entre elle-même et notre chant crédule ;
Et de faire aussi haut que l’amour se module
Évanouir du songe ordinaire de dos
Ou de flanc pur suivis avec mes regards clos,
Une sonore, vaine et monotone ligne.

Tâche donc, instrument des fuites, ô maligne
Syrinx, de refleurir aux lacs où tu m’attends !
Moi, de ma rumeur fier, je vais parler longtemps
Des déesses ; et, par d’idolâtres peintures,
À leur ombre enlever encore des ceintures :
Ainsi, quand des raisins j’ai sucé la clarté,
Pour bannir un regret par ma feinte écarté,

Rieur, j’élève au ciel d’été la grappe vide
Et, soufflant dans ses peaux lumineuses, avide
D’ivresse, jusqu’au soir je regarde au travers.

Ô nymphes, regonflons des souvenirs divers.
» Mon œil, trouant les joncs, dardait chaque encolure
» Immortelle, qui noie en l’onde sa brûlure
» Avec un cri de rage au ciel de la forêt ;
» Et le splendide bain de cheveux disparaît
» Dans les clartés et les frissons, ô pierreries !
» J’accours ; quand, à mes pieds, s’entrejoignent (meurtries
» De la langueur goûtée à ce mal d’être deux)
» Des dormeuses parmi leurs seuls bras hasardeux ;
» Je les ravis, sans les désenlacer, et vole
» À ce massif, haï par l’ombrage frivole,
» De roses tarissant tout parfum au soleil,
» Où notre ébat au jour consumé soit pareil.
Je t’adore, courroux des vierges, ô délice
Farouche du sacré fardeau nu qui se glisse

Pour fuir ma lèvre en feu buvant, comme un éclair
Tressaille ! la frayeur secrète de la chair :
Des pieds de l’inhumaine au cœur de la timide
Que délaisse à la fois une innocence, humide
De larmes folles ou de moins tristes vapeurs.
» Mon crime, c’est d’avoir, gai de vaincre ces peurs
» Traîtresses, divisé la touffe échevelée
» De baisers que les dieux gardaient si bien mêlée ;
» Car, à peine j’allais cacher un rire ardent
» Sous les replis heureux d’une seule (gardant
» Par un doigt simple, afin que sa candeur de plume
» Se teignît à l’émoi de sa sœur qui s’allume,
» La petite, naïve et ne rougissant pas :)
» Que de mes bras, défaits par de vagues trépas,
» Cette proie, à jamais ingrate, se délivre
» Sans pitié du sanglot dont j’étais encore ivre.

Tant pis ! vers le bonheur d’autres m’entraîneront

Par leur tresse nouée aux cornes de mon front :
Tu sais, ma passion, que, pourpre et déjà mûre,
Chaque grenade éclate et d’abeilles murmure ;
Et notre sang, épris de qui le va saisir,
Coule pour tout l’essaim éternel du désir.
À l’heure où ce bois d’or et de cendres se teinte
Une fête s’exalte en la feuillée éteinte :
Etna ! c’est parmi toi visité de Vénus
Sur ta lave posant ses talons ingénus,
Quand tonne un somme triste ou s’épuise la flamme.
Je tiens la reine !

Ô sûr châtiment..

Non, mais l’âme

De paroles vacante et ce corps alourdi
Tard succombent au fier silence de midi :
Sans plus il faut dormir en l’oubli du blasphème,

Sur le sable altéré gisant et comme j’aime
Ouvrir ma bouche à l’astre efficace des vins !

Couple, adieu ; je vais voir l’ombre que tu devins.

Ce lundi 14 janvier 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa

Lire, écrire, se comprendre : allers et retours de « bouteilles à la mer » : la vie d’un blog…

23mai

Pour qui écrit-on ? Qui nous lira ? Se comprend-on si peu que ce soit d’un bout à l’autre de la chaîne des paroles et des écritures ? Entre « auteurs » et « lecteurs » ?..

Vivons-nous même seulement dans un « monde » vraiment « commun« , nous qui semblons, en « cohabitant » pourtant (un peu), en nous croisant pourtant (presque), en un espace (et un temps) plus ou moins « partagé(s) » ?..

Nos « bouteilles à la mer » rencontrent-elles jamais un de leurs destinataires

_ qu’il s’agisse d’un livre, sorti d’une « maison d’édition » et (un moment au moins) en vente sur l’étal d’une librairie ;

ou d’un article, donné à lire sur l’océan (encore plus volatil, probablement : si peu « matérialisé« …) de l’Internet ?..

A titre d’exemples,

ceci, en forme d’échanges de courriels…

Voici le mot de « réponse » de Jean-Yves Tadié, ce jour, à mon article (du 10 mars) sur son livre « Le Songe musical _ Claude Debussy«  :

« la poétique musicale du rêve des “Jardins sous la pluie”, voire “La Mer”, de Claude Debussy, sous le regard aigu de Jean-Yves Tadié »

à relier

_ et pas seulement parce que leurs livres appartiennent à la même très belle collection « L’Un et l’autre« , que dirige Jean-Bertrand Pontalis aux Éditions Gallimard : aux livres si délicats et si soignés, où un « auteur » s’interroge sur la personne d’un « autre« , en son « étrangeté » d' »altérité » admirable ; et admirée… _

à la « réponse » de Jean Clair (c’était le 23 avril) à propos de mon article (du 27 mars) sur son « La Tourterelle et le chat-huant« … :

« Rebander les ressorts de l’esprit (= ressourcer l’@-tention) à l’heure d’une avancée de la mélancolie : Jean Clair »

De :  Jean-Yves Tadié

Objet : Rép : Article sur « Le songe musical _ Claude Debussy »
Date : 23 mai 2009 16:24:17 HAEC
À :   Titus Curiosus


Cher Monsieur
Merci de votre bel article, qui est même un commentaire exhaustif ! Il m’a beaucoup touché par sa précision et son tact si rare.
Bien à vous
JY Tadié

 Et le « mot de réponse » de Jean Clair :

De :   Jean Clair

Objet : Rép : Article sur « Le Chat-huant et la tourterelle » sur le site de la librairie Mollat
Date : 23 avril 2009 10:25:35 HAEC
À :   Titus Curiosus

Cher Monsieur,
Je vous ai lu avec le plus vif intérêt _ et même un peu de confusion, car je ne pensais pas que mes petits écrits de fortune puissent être l’objet de pareilles exégèses !
Permettez-moi de vous remercier, du fond du cœur. Une telle assonance est rare.

Dans l’attente du plaisir de faire votre connaissance, peut-être .
Jean Clair

Tous les deux s’étonnent, semble-t-il, de la « rareté » de la « précision » et de l' »exhaustivité »
de telles lectures de leurs livres…


L’un parle de « tact » ; l’autre d' »assonance« …

A relier avec un mot d’esprit, a contrario, à propos des producteurs de films

aujourd’hui et autrefois,
lu sur le site du Nouvel Observateur (en ce moment même du Festival de Cannes) :

« Spécial Cannes : le navet en librairie, la courge à l’écran

Autrefois, les producteurs de cinéma dévoraient des livres.
Aujourd’hui, comme les lapins attirés par la lumière des phares, ils se jettent sur les listes des meilleures ventes…
 »

C’est effrayant !!!

Parfois, je me demande à qui je cherche donc à m’adresser

_ tant dans ce blog,
que dans la vie (et aussi mon métier)…


A de tels interlocuteurs (tels que Jean-Yves Tadié et Jean Clair), sans doute : plus (= mieux !) « humains » que les autres !..
Je dois être un incurable optimiste…

D’autant que de mon métier,

j’initie ceux qui deviennent maintenant _ hic et nunc : « Hic Rhodus, hic saltus !« … _ adultes

_ en ce passage (crucial !) de « mineur » à « majeur« , ainsi que le dit Kant en son indispensable « Qu’est-ce que les Lumières ? » _

au « philosopher« …

Cf ici mon récent article du 14 mai : « Crétinisation versus “apprendre à vivre” : comment former, à l’école et ailleurs, à l’essentiel ?« …

Ce sont certes là des messages « personnels« , mais

savoir

_ et peut-être rendre (si peu que ce soit) « public » _

qu’on est un peu lu et un peu compris (des « auteurs« ) comprenant, en ses « articles«  (plus longs, certes, que des « billets« ), les auteurs mêmes,

fait du bien : à partager aussi…

Titus Curiosus, ce 23 mai 200

Post-scriptum :

Et encore cette (si belle) réponse d’Élie During, le 22 avril dernier, à mon article du 17 avril « Elégance et probité d’Elie During _ penseur du rythme _ en son questionnement “A quoi pense l’art contemporain ?” au CAPC de Bordeaux » à propos de sa belle conférence au CAPC de Bordeaux :

De :   Elie During

Objet : Rép : Article sur ta conférence au CAPC du 7 avril
Date : 22 avril 2009 22:13:28 HAEC
À :   Titus Curiosus

cher Titus,
avant de m’envoler vers les Amériques pour _ une affaire personnelle _, je voulais te remercier chaleureusement pour la manière dont tu as rendu compte de cette soirée-conférence, en y joignant le texte de Bing (quel titre étrange, quand on y songe !). J’ignore quelles œuvres de Tatiana Trouvé ont été montrées à Miami (j’aurais bien aimé y être…).

En tout cas tu as vraiment inventé un nouveau style du billet :

c’est une écriture pleine de petites bifurcations, pleine de bricoles

(j’apprends de Lévi-Strauss que ce mot désignait autrefois les embardées ou les changements de direction brusques de l’animal en mouvement) ;

une écriture qui s’offre comme une annotation continue d’elle-même, ou plutôt un contrepoint (voilà, nous revenons à la musique) à d’autres voix : la mienne, mais aussi celles de tous les auteurs dont tu fais entendre l’écho au fil de ta plume…

amicalement,
e

C’est magnifique !

Même si nous avons eu loisir de bavarder à loisir « à bâtons rompus » lors du repas convivial qui a suivi la conférence au CAPC…

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