Archives du mois de mai 2018

Un splendide et très original programme splendidement interprété : le CD « Prologue » par la soprano Francesca Aspromonte

16mai

En effet, la magnifique Francesca Aspromonte,

qu’on a déjà pu entendre dans plusieurs brillantes productions d’opéras baroques,

mène avec une très grande virtuosité un programme de Prologues d’opéra,

où le chant commence à intervenir dans tout son éclat d’accroche et séduction immédiate du public.

Enrico Onofri dirige l’orchestre Il Pomo d’Oro,

en un CD Pentatone (PTC 5186 646),

réunissant des débuts d’œuvres telles que

l’Orfeo, de Claudio Monteverdi (de 1607, à Mantoue) ;

l’Euridice, de Giulio Caccini (de 1602, à Florence) ;

la Didone, l’Eritrea et l’Ormindo de Francesco Cavalli (de respectivement 1640, 1652 et 1644, à Venise les trois) ;

il Santo Alessio de Stefano Landi ( de 1632, à Rome) ;

Il palazzo incantato, de Luigi Rossi (de 1642, à Rome) ;

Il Pomo d’oro et l’Argia, de Pietro Antonio Cesti (de 1668 et 1655, à Vienne et à Innsbruck) ;

La Pace incatenata, d’Alessandro Stradella (de 1668, à Rome)  ;

et Gli equivoci in amore, d’Alessandro Scarlatti (de 1690, à Rome).

Ainsi qu’une Sinfonia a due violini e basso d’Alessandro Stradella.


Un récital enchanteur : à marquer d’une pierre blanche.

Francesca Aspromonte est radieuse.

Ce mercredi 16 mai 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

Un superbe CD tout de retenue « Cantatas for baritone » Telemann – Bach, par le toujours excellent Christoph Prégardien

15mai

Le baryton _ désormais _ Christoph Prégardien

nous offre un magnifique de retenue programme de cantates de Georg Philipp Telemann et Johann Sébastian Bach,

avec le Vox Orchester

que dirige le jeune chef suisse Lorenzo Guirlanda :

le CD Sony Music 19075834122 Cantatas for Baritone.

En plus des cantates pour baryton

TVWV 1:1510 « Was gibst du denn, o meine Seele« 

et TVWV 1:983 « Jesus liegt in letzten Zügen« 

de Telemann,

et de la cantate BWV 56 « Ich will den Kreuzstab gerne tragen« 

de Bach,

le programme de ce très beau CD

comporte deux très belles Suites orchestrales

_ de deux des maîtres de ce superbe genre orchestral, d’inspiration française _,

une de Johann Friedrich Fasch,

en sol mineur, FWV K:g2,

et une de Telemann,

en ré mineur, TWV55:d3.

En bis à ce concert,

enregistré les 25 et 26 mars 2017 à l’église Santo Stefano de Tesserete, dans le Tessin _ à quelques kilomètres au nord de Lugano _,

le Larghetto du Concerto grosso, en mi mineur, de Händel.

A 61 ans,

Christoph Prégardien est au sommet de son art de l’interprétation.


Un concert extrêmement émouvant,

aux antipodes de la virtuosité gratuite.

Ce mardi 15 mai 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

Pour aborder le continent Cixous III _ lecture de « Gare d’Osnabrück à Jérusalem »

14mai

Pour continuer et poursuivre, approfondir, mon approche du continent Cixous,

après mes articles des 24 avril et 9 mai derniers :  et 

et cette fois rompant avec ma remontée de l’ordre chronologique de publication des livres que j’ai choisis _ soient pour les dates de publication : 2014, 2009, 2007, 2006, 2004, pour les livres de mes lectures successives, en remontant le temps de leur réalisation, respectivement : Homère est morte…, Eve s’évade _ la Ruine et la Vie, Si près, Hyperrêve et Tours promises _,

j’ai élu maintenant une œuvre publiée postérieurement à Homère est morte (en 2014) Eve Cixous, la mère de l’auteur, étant décédée le 1er juillet 2013, à Paris _ :

Gare d’Osnabrück à Jérusalem, paru le 14 janvier 2016.

C’est un chef d’œuvre !

Renversant de puissance

et de beauté…

Même si ma lecture _ entée pourtant sur la lecture de René de Ceccatty _ risque d’être un peu personnelle

du fait de quelques points communs marquants entre ma propre démarche _ et histoire _ de chercheur _ de traces _

et celle _ démarche, comme histoire _ d’Hélène Cixous,

eu égard à quelques uns des secrets de (sa) famille qu’elle finit par découvrir _ par sérendipité _ sans seulement les rechercher, ceux-ci _ elle les rencontre sur son chemin, et ils lui tombent dessus : du moins semble-t-il cela au lecteur,

qui n’est lui-même pas tout à fait clairement à même de démarquer ce qui ressort indubitablement du réel historiquement advenu, de ce qui sourd de l’imageance fictionnelle musante (et amusée) de l’auteur, jouant (se jouant, et nous jouant, avec elle) à brouiller un peu ses propres cartes… ; et c’est d’ailleurs là un des charmes profonds, à la fois léger comme une gaze, et ironique, et néanmoins intense et vibrant, en son flottement vaporeux, de la lecture par nous de cette part de l’œuvre Cixous à laquelle ses (ces) livres successifs nous donnent, uns à uns et séparément, à approcher, et peut-être arriver à accéder…

Cf ceci :

« Tout ce que j’écris ici est

peut-être vrai, peut-être plus vrai

que je ne m’autorise

à l’espérer

Dès que je vêts les faits et lieux

de chairs et de passions,

la vérité augmente,

prend de la profondeur,

mais au même pas que l’erreur« , lisons-nous à la page 64 de Gare d’Osnabrück à Jérusalem _ ;

je continue ici de procéder à ma méthode de commentaire-farcissure (en vert),

qui est de commenter le commentaire de lecture _ déjà ; mais, tous, nous nous entrelisons… _ de notre ami commun, René de Ceccatty, expert s’il en est _ et profondément amicalen lectures…

C’est donc 

à partir de ma lecture de Gare d’Osnabrück à Jérusalem, paru aux Éditions Galilée le 14 janvier 2016,

que je place ce jour à mon dossier d’approche de tout l’œuvre Cixous

cet article

Entre les mâchoires des ténèbres

de notre ami René de Ceccatty,

publié dans Les Lettres françaises, le 17 janvier 2016

_ article au sein duquel j’intercale, au passage, ainsi que j’aime tout particulièrement le faire (en forme de triple dialogue, donc), quelques menues farcissures de commentaire (ou précisions factuelles) de mon cru, en vert.

Si ces farcissures dérangent, le lecteur a, bien sûr, et toujours, à tout moment, parfait loisir de les shunter.

Entre les mâchoires des ténèbres

Hélène Cixous (…) se tourne _ ici _ vers le nazisme dont elle dénonce _ sur cas très précis (et très proches d’elle : familiaux pour la plupart) _ la monstrueuse machinerie. Hélène Cixous, née à Oran en 1937 _ le 5 juin _, revient _ mais y est-elle déjà allée (avec sa grand-mère Omi, quand elle avait quatorze ans, en 1951, page 93) ?.. Elle n’en est pas du tout sûre, tant elle finit par faire vraiment corps (et chair) avec certains récits (et aussi, bien sûr, certains non-dits !) de sa mère Eve et de sa grand-mère (Omi) Rosie… _ à Osnabrück, la ville _ d’enfance (avant son départ, en 1929, pour Paris, puis Londres, et retour à Paris) de sa mère, Eve Klein, elle-même fille de Rosie Jonas, épouse (et veuve, depuis 1916) Klein, et native, elle, d’Osnabrück, le 23 avril 1882 ; car c’est à Strasbourg, alors allemande depuis la guerre de 1870, que le 14 octobre 1910 est née la petite Eve Klein, future épouse (le 15 avril 1936, à Oran) Cixous ; à Strasbourg où s’étaient installés ses parents, Michaël Klein (mort à la guerre, en Pologne alors russe, et aujourd’hui en Biélorussie, le 27 juillet 1916) et Rosie Jonas, immédiatement après leur mariage à Osnabrück, en 1910 _ de sa mère, Eve Klein, dont une partie _ environ la moitié pour ce qui concerne déjà les Jonas : « si un nombre important a disparu dans plusieurs camps de concentration _ ou extermination ! _ différents _ Auschwitz, Theresienstadt, Sobibor, etc. _, un nombre égal a survécu au naufrage« , page 159 _ de la famille maternelle _ les Klein et les Jonas, et parents _ a été exterminée _ à Theresensienstadt, Auschwitz, Sobibor, etc. Elle y « revient » _ littérairement _ parce que, à la fin du siècle dernier _ le 12 février 1999 _, elle avait déjà consacré à cette ville et à tout ce qu’elle représentait un livre important _ en effet : Osnabrück, aux Éditions Des Femmes _ qui allait, avec Or _ paru le 3 mars 1997, lui aussi aux Éditions Des Femmes _, donner une autre orientation _ plus intime (et charnelle) _ à son œuvre _ et c’est là un regard important et très avisé de René de Ceccatty sur la genèse et le parcours de tout l’œuvre Cixous _, l’ancrant dans un contexte familial _ oui _ très déterminant _ très concret et même, j’insiste, charnel ; et qui personnellement me touche beaucoup ; contexte probablement lié aussi à la grande vieillesse de sa mère (née le 14 octobre 1910), et sa  proximité profonde et intense avec sa personne… Eve devenait une protagoniste littéraire _ voilà _ et prenait une place centrale parmi d’autres figures mythiques _ elles _ et pourtant incarnées _ elles aussi, via le verbe et la formidable vertu d’imageance de l’écrivain. Eve devenait une interlocutrice _ elles ne vont plus cesser de converser-dialoguer dans les livres qui viennent _ plus que privilégiée _ centrale ! Et c’est ce dialogue-conversation-là qui va se poursuive en ce nouvel opus, post-mortem (de sa mère, décédée le 1er juillet 2013), cette fois, qu’est ce Gare d’Osnabrück à Jérusalem ; de même que le dialogue-conversation avec l’ami décédé (le 9 octobre 2004), Jacques Derrida, se poursuivait dans Hyperrêve, dont il constituait, selon moi, le principal (mais pas unique) centre de focalisation : exemplaire.

Dotée d’une autre langue (l’allemand) et d’un autre langage (un parler plus populaire, un humour, un bon sens _ oui ! _ dont l’écrivain jouerait non dans un esprit de dérision, mais comme d’une arme d’autocritique _ mais oui ! : dans un registre d’humour (appliqué à soi-même : pardon du pléonasme) très quotidien, en effet, et non métaphysique _), elle _ Eve donc _ dialoguait _ mais oui : et Hélène Cixous, sa fille, se déploie toute dans leur mutuelle permanente interlocution : comme Montaigne ! _ dans les livres _ qui sont et deviennent les tours promises d’Hélène Cixous… _, comme elle n’avait cessé de le faire _ au quotidien des jours ainsi que des nuits _ dans la vie de sa fille. Eve, sa sœur Eri _ Erika, réfugiée en Palestine – Eretz Israël en 1936 _, leur mère Omi _ qui avait pu gagner Oran en novembre 1938 grâce à son passeport français (de strasbourgeoise) _, ont échappé au massacre _ nazi ; à la différence de la moitié Jonas de leur famille, pour ne rien dire du nombre des Klein engloutis eux aussi. Ce ne fut pas le cas _ tout particulièrement ici, en cet opus-ci _ de l’Onkel Andreas Jonas _ mort, ainsi que son épouse Else, à Theresienstadt ; lui en 1942, elle en 1944 _, qui apparaît ici comme le protagoniste secret _ voilà _, puis explicite _ en effet _ de l’enquête _ lui dont des secrets amers (ayant trait à ses rapports à leur fille Irmgard), aussi, vont être bientôt approchés et révélés. Et qui n’a rien, nul échec, nul sentiment de culpabilité, à cacher ?


Pour raconter son retour _ physique, si elle y avait accompagné sa grand-mère en 1951 : Hélène ne parvient pas à s’en souvenir… ; littéraire sinon… _ à Osnabrück, retour officiel _ et en grandes pompes _ qui sera célébré _ à l’hôtel de ville d’Osnabrück _ le jour anniversaire de la naissance de Hitler _ un 20 avril ; le 20 avril 2015, page 100 _, coïncidence qu’Anne, la fille de l’auteur, trouve plutôt malvenue — mais cela fait partie des plaisanteries _ oui ! il joue aux dés et s’amuse… _ du hasard —, Hélène  Cixous procède comme elle a coutume de le faire : en entremêlant _ et c’est là l’essence même du réel, et de sa richesse, merveilleusement explorés par elle en son écriture polyvocale _ des réflexions sur les maîtres de la littérature, qui sont comme des guides mythologiques _ oui, remontant profond _  permettant de sonder l’inconscient _ voilà _  (Homère, Shakespeare, Balzac, Proust, Joyce), à un dépouillement d’archives familiales ou historiques, et _ aussi _ à des souvenirs personnels parfois évoqués dans d’autres livres _ et il faut à cela tout un art (virtuose, mais sans nulle gratuité, forcément ! ) des liaisons de la part de l’auteur. Comme il faut aussi un art du suivi chez le lecteur…

Qu’a-t-il fallu pour que l’entreprise nazie _ de persécution, puis d’extermination, pour reprendre les mots de Saul Friedländer en les deux volumes (1933-1939 et 1939_1945) de son chef d’œuvre L’Allemagne nazie et les Juifs… ; sur Friedländer, cf mes deux articles des 16 et 29 septembre 2016, à l’occasion de la publication de son Où mène le souvenir ? ma vie :  et  _ se réalise _ passant du stade de fantasme paranoïaque d’un groupuscule de fanatiques ravagés à celui de catastrophe mondiale historique _ dans la petite ville _ fonctionnant ici comme une nasse sans la moindre échappatoire pour les traqués _ d’Osnabrück ? Quelle équipe, quelle topographie, quels moyens matériels, quel « esprit du temps » _ zeitgeist _ ? Des photos, des coupures de journaux, des circulaires, des papiers administratifs, des formulaires, des affiches _ scrupuleusement donnés dans le livre : le cahier de ces documents est inséré entre les pages 160 et 161 du livre ; et la plupart issus du « remarquable » (page 168) recueil de documents intitulé Stationnen aud den Weg nach Auschwitz. Entrechtung, Vertreibung, Vernichtung. Juden in Osnabrück 1900-1945, de Peter Junk et Martina Sellmeyer, Stadt Osnabrück/Rasch Verlag, 1988… : « qui de nous , lorsqu’on apprenait la belle langue allemande à l’école, aurait pu imaginer que cet amical et honorable suffixe -ung, dont la vocation consiste à transformer un verbe en substantif, un agent dévoué, le petit génie du désir d’agir, de continuer, de poursuivre, tout ce qu’il y a de plus souhaitable, donc, deviendrait, dans les années de feu, l’auxiliaire inquiétant de toutes les inventions persécutoires. Vertreibung, Vernichtung, Entrechtung« , lisons-nous, page 69  _ rappellent _ opportunément et à leur manière brute _ un certain nombre de faits incontestables. Ce retour _ en quelque sorte familial et mémoriel de l’auteur en la ville des parents Jonas de sa mère _ est une traversée de l’Histoire, et d’une histoire familiale que la géographie rend _ d’autant plus _ complexe. Comme presque toutes les familles juives, celle d’Eve Klein s’est répandue dans le monde, en Palestine, au Chili, en Angleterre, en France _ et ailleurs : Afrique du Sud, Brésil, Uruguay, Australie, Nouvelle-Zélande, Canada, Etats-Unis, Irlande, Israël, et même, pour un, en Chine, à Shangaï, page 159 _ ; et Hélène communique avec ses cousines et tantes éparpillées _ dont Inès et Marga _, pour comprendre _ plus spécialement _ le destin tragique d’Andreas Jonas _ Onkel André, le frère aîné de sa grand-mère (Omi) Rosie ; mort, lui, à Theresienstadt le 6 septembre 1942 : page 107 ; et la photo, page 157 _, et d’autres comme lui. Car Hitler et son administration n’auraient _ en effet _ pas suffi. Il fallait _ en Allemagne comme ailleurs, par exemple dans la France de Vichy _ d’autres mains _ complices et actives _, volontaires ou pas _ et bien des esprits, aussi, peu à peu gagnés et conquis _, pour parfaire _ matériellement, en mettant la main à la pâte ! _ le crime. Un enfant de trop, une _ simple _ antipathie ou un égoïsme familial _ et les exemples viennent : ainsi celui de l’horloger (et Ortsgruppenleiter) Erwin Kolkmeyer, ou ceux de « ses doubles Gauinspektor Wehmeyer et Kreisleiter Münzer« , page 49 _, et la tragédie se boucle _ factuellement.

En rapprochant du Roi Lear _  « Onkel André, c’est le roi Lear à Osnabrück« , page 59 ; ou « Ce n’est pas que Cordelia est devenue Regan, a pensé Onkel André, c’est qu’elle l’a toujours été« , page 63 _ ou de la Comédie Humaine _ et son « arbre généalogique« , page 123 _ le destin des victimes de l’extermination raciale, Hélène Cixous propose une vision intérieure _ et intime, voilà _ de l’Histoire : le travail d’historien est trop mécanique et trop simpliste _ dans les causalités générales retenues à des fins de résumé surligné ! _ pour permettre de comprendre _ vraiment _ certains événements _ issus de misérables ruisselets de vieilles haines personnelles recuites. La littérature, de tous temps, a dû intervenir _ pour sa part, et très impérativement (il s’agit là de la culture profonde des humanités…) _, parce qu’elle fait converger _ voilà : confluer _ l’intime et le collectif, et introduit la dimension imaginaire _ ce que je nomme, d’après mon amie Marie-José Mondzain, l' »imageance » visionnaire et lucidissime de l’artiste… _ et donc mythique dans _ et en plein dans _ le réel _ même ; et il n’existe probablement pas d’accès personnel vrai au réel sans ce travail visionnaire-là. Elle n’est pas là pour se substituer _ certes pas ! _ au réel (en l’occurrence la destruction _ effective _ d’un peuple), mais pour le placer _ et contribuer à donner à le ressentir _ sous une autre lumière _ avec une focale archi-supérieure en visibilité et intensité de lucidité _ et l’approfondir _ absolument.


Aussi, les anticipations (la vie algérienne, les rapports familiaux qui ont suivi, l’œuvre même de l’auteur) ne sont-elles pas des anachronismes _ mais des visions à dimension d’éternité lucides _, mais au contraire donnent tout son sens au regard rétrospectif, ici essentiel _ voilà, lequel regard est devenu, écriture de livre après écriture de livre, de mieux en mieux apte à l’intelligence fine de ces liens au travers de l’épaisseur de chair des divers temps vécus _ pour éclairer des événements certes mondialement connus _ c’est-à-dire grossièrement repérés _ et déjà analysés _ décomposés _ dans leur généralité visible _ et un peu trop commodément résumée _, mais demeurés _ in fine _ indicibles et obscurs dans la réalité individuelle _ vraiment vécue par les sujets : voilà _ de chaque déportation _ en sa singularité ; et c’est ce regard lucidissime-là, de l’intérieur de ce qui est ressenti, ou même pas consciemment ressenti, mais qui nous est ici néanmoins aidé à approcher par quelques menus signes-indices physiques à peine manifestes, à peine perceptibles, mais bien réels, et à l’efficace terrible surtout dans le réel de ce qui est advenu, et qui n’ont pas échappé au regard de l’écrivain, qui se (et nous) les représente, presque mine de rien (je veux dire sans didactisme pesant, surtout), qu’offre la vraie et belle et profonde littérature. « Fin 1938, Omi _ la mère d’Eve, sortant d’Allemagne avec un passeport français, et parvenant en Algérie, à Oran, chez sa fille Eve et son gendre Georges Cixous : Hélène était née le 5 juin 1937, et son frère Pierre le 11 novembre 1938 _ était seulement sauvée. Frères et sœurs _ plusieurs _ deportiert. Ensuite ermodiert ? Mais cela se passait dans le livre qui s’écrivait en allemand _ en actes dans le Reich, et ses dépendances. Dans le livre d’Osnabrück à Oran, ma grand-mère se mettait un peu vite _ au français, son gendre (mon père) se jetait à l’allemand, on tentait le trilingue avec l’espagnol, on riait _ Georges Cixous avait en effet un remarquable don pour ce genre d’humour (ou cette forme verbale virtuose de « versatilité » ; cf la remarque de la page 199 de Photos de racines…). Le mot nazi sonne dans mes premiers cauchemars, mais comme je n’en ai jamais vu aucun _ de nazi, en Algérie vichyste _, le rêve peint « les-nazis » comme une forêt de dents dense et noire, les nazis devenus invisibles et sans corps, entre la double rangée desquelles nous cherchons à nous glisser _ échapper. Ma grand-mère et moi nous nous tenons par la main et nous courons à toutes jambes entre les mâchoires des ténèbres_ soit l’expression que retient René de Ceccatty pour le titre Entre les mâchoires des ténèbres de son article à propos de ce splendide Gare d’Osnabrück à Jérusalem. Comme deux petites filles » _ lisons-nous page 32 ; et nous prenons bien ici la mesure du génie verbal de l’auteur magnifique qu’est Hélène Cixous.


Hélène Cixous va à Osnabrück _ le 20 avril 2015 _ « comme si maman _ décédée depuis le 1er juillet 2013 _ était devenue _ désormais _ Osnabrück _ toute la ville ! _, voilà comment j’y vais, comme si elle m’y attendait, comme si je m’attendais à la voir venir vers moi au coin de la Grande-Rue ». Eve Klein, morte il y a _ presque _ deux ans, vit _ donc _ encore _ voilà ; de même que Jacques Derrida, dans d’autres livres, dont Hyperrêve, continue de converser vigoureusement avec Hélène Cixous… _ dans ce livre, puisque les morts ne cessent _ voilà ! _ de nous parler, de nous chercher _ et cela, de leur initiative ; et de s’entretenir ainsi encore et toujours, toujours, avec nous, tant que nous vivons et sommes en capacité de nous souvenir, ou d’user de notre capacité d’imageance, pour ceux qui, tels Homère, Virgile et Dante visitant le pays des morts, en ont (ou avons) le courage.

(…) 

Le livre d’Hélène Cixous aurait dû, par un concours de circonstances de sa vie professionnelle qui la conduisait à être _ peu après _ invitée _ en une université _ à Jérusalem, se poursuivre en Israël, ce qui explique son titre. Mais elle a préféré _ à très juste titre : Jérusalem va demeurer ici en pointillés pour Hélène Cixous la voyageuse ; et n’oublions pas qu’Oncle Andreas et Tante Else s’y étaient rendus, eux, à Jérusalem ; mais en étaient revenus : ils étaient retournés à Osnabrück _ s’en tenir _ pour ce récit-ci _ à son séjour _ d’avril 2015 _ à Osnabrück. Son grand-oncle était _ en effet _ allé en Israël, mais en fut renvoyé _ par le choc très amer d’un échec douloureux _, pour vivre _ le 6 septembre 1942 _ sa mort tragique à Terezin _ Theresienstadt : le camp en trompe-l’œil des Nazis, en Bohème. Les documents fournis en annexe _ voilà ! _ sont, dans leur cynisme _ innocemment _ assumé (affiches ou petites annonces) _ de leurs producteurs de l’époque _, porteurs des marques _ indélébiles, pour nous qui les avons ici maintenant sous notre nez ; et peut-être pour quelques uns de leurs innocents descendants ; mais les vents de l’Histoire tournent ; et pas forcément dans le meilleur des sens… _ de cette même chiennerie _ voilà _ dont profita Værnet _ un médecin nazi : Carl Vaernet (28 avril 1893 – 25 novembre 1965) est un médecin danois arrivé en Allemagne en 1942. Il se livra à des expériences hormonales (!) sur des détenus du camp de Buchenwald afin de trouver un traitement permettant de « soigner » l’homosexualité, nous apprend wikipedia… _ et qui était la complice nécessaire _ voilà _ à la machine nazie.

(…) Hélène Cixous conduit _ à nouveau ici, dans ce Gare d’Osnabrück à Jérusalem paru en 2016 _ le lecteur dans le labyrinthe _ somptueusement riche _ de la mémoire familiale, arrachant la tragédie

_ « Il y a une tragédie cachée dans la Tragédie dont personne _ dans la famille _ n’a la force de parler. C’est une tragédie naine entrelacée de péchés et d’innocence où tous les personnages ont des reproches à faire à tous les personnages, la rage souffle, à l’idée de dieu, à l’idée d’amour, des reproches à se faire, il n’y a aucun pardon, seulement des chagrins et de cruelles surprises. Qu’il y ait une tragédie cachée _ celle d’Irmgard _ dans un plan noirci de la Tragédie _ de l’Histoire _, c’est cela le tragique. Si je n’écrivais pas, dit le livre _ s’écrivant _, personne ne saurait rien de la véritable Passion d’Andreas« , lit-on, page 68. « Tout le monde l’enterrerait sous les décombres de la mémoire. Omi était sous un parasol à Paradis plage. Elle redoutait le coup de soleil«  : un passage-clé… _

à la _ froide ; et l’enfer, nous le savons, est glacé _ scène objective des archives, pour la replacer sur la _ brûlante _ scène intime, où les mystères _ certes en partie _ demeurent, se nichant _ offrant dans ces menus détails-là une chance, pour nous, de repérage, d’abord, puis, et surtout, d’exploration _ dans un appel téléphonique, dans une lettre retrouvée, dans une réminiscence, dans un rêve _ aussi : l’Inconscient insiste, en ignorant, qu’il est, des variables de la temporalité, nous apprend Freud _, sur une photographie, dans une notule _ marginale _, dans un fragment _ tronqué _ de dialogue _ auxquels nous rend si bien sensibles l’attention intense et sans la moindre lourdeur, jamais, d’Hélène Cixous. Comme chez Marivaux, ce sont les (très brefs) silences (voire rires) entre deux mots qui parlent le plus. Et quiconque cherche si peu que ce soit avec obstination et patience, finit par trouver un minimum de pépites livrées au jeu en partie aléatoire de la sérendipité… Là-dessus, cf mon article du 3 mars 2014 :

René de Ceccatty

Gare d’Osnabrück à Jérusalem :

un livre très important. Merveilleux. Et magnifique !

Ce lundi 14 mai 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

Pour en apprendre un peu plus sur Johannes Pramsohler, violoniste et créateur des disques Audax

13mai

Voici déjà quelques temps que j’apprécie les CDs Audax

que publie _ et interprète parfois _ le violoniste italien (du Sud-Tyrol) Johannes Pramsohler :

ainsi les excellents CDs

Bach & Weiss, par Johannes Pramsohler, baroque violin, et Jadran Duncum, baroque lute (Audax ADX 13706),

Handel Works for keyboards, par Philippe Grisvard (ADX 13709),

French Sonatas for Harpsichord and Violin, par Philippe Grisvard et Johannes Pramsohler, violin (ADX 13710)

et German Cantatas with Solo Violin, par Nahuel Di Pierro, basse, Johannes Pramsohler, violon, Andrea Hill, soprano, Jorge Navarro Colorado, tenor, Christopher Purves, basse, et l’Ensemble Diderot (ADX 13715) _ sur ce dernier CD cf mon article du 28 avril dernier : _

Or voici que le site Res Musica vient de publier hier un excellent article sur le double CD Audax 13710 des Sonates françaises pour clavecin et violon, par Philippe Grisvard et Johannes Pramsohler.

Le voici donc _ avec l’ajout de menues farcissures miennes, en vert _ :

 

SONATES FRANÇAISES POUR CLAVECIN AVEC ACCOMPAGNEMENT DE VIOLON

CD, Musique de chambre et récital

Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (1711-1772) : Sonata I en sol mineur ; Sonata VI en la majeur.

Louis-Gabriel Guillemain (1705-1770) : Sonata V en ré majeur ; Sonata VI en sol mineur ; Sonata IV en do mineur.

Jacques Duphly (1715-1789) : « La de Casaubon », « La du Tailly », « La de Valmallette » ; « Ouverture », « La de May », « La Madin ».

Michel Corrette (1707-1795) : Sonata IV en mi mineur.

Claude Balbastre (1724-1799) : Sonata I en sol majeur.

Luc Marchand (1709-1799) : Première suite avec accompagnement de violon en la mineur.

Charles-François Clément (c. 1720-1782) : Sonata I en do mineur.

Philippe Grisvard, clavecin ; Johannes Pramsohler, violon.

2 CD Audax Records.

Enregistré en avril 2016 au SWR Studio Kaiserslautern.

Textes de présentation en français, anglais, allemand et japonais.

Durée : 1:50:23

Le claveciniste Philippe Grisvard et le violoniste Johannes Pramsohler nous présentent, pour leur troisième album enregistré en duo, une dizaine de sonates pour clavecin avec accompagnement de violon, genre en vogue sous le règne de Louis XV, dans les années 1740-1760. En offrant un beau bouquet de compositions méconnues, parmi lesquelles cinq sont des premiers enregistrements mondiaux, cette production est une aubaine _ mais oui ! _ pour tous les admirateurs de la musique d’alors.

L’âge du baroque tardif a vu naître en France un nouveau genre de musique instrumentale _ voilà ! _ : la sonate pour clavecin avec accompagnement de violon. Une telle combinaison d’instruments, sous forme de sonates en trio, avait déjà été proposée par Jean-Sébastien Bach pour son cycle BWV 1014-1019, composé aux alentours des années 1720-1723, pour lequel, cependant, la voix supérieure du clavecin et celle du violon étaient mises sur un pied d’égalité, tandis que pour les sonates françaises, la partie de violon était estimée de moindre importance par rapport au rôle tenu par l’instrument à clavier _ telle est donc la différence…

En parlant de cette innovation, nous pouvons résolument utiliser le terme _ expression plutôt _  de « révolution esthétique » car, jusqu’alors, dans la musique pour plus d’un instrument, que ce soient des sonates ou des suites, l’accompagnement était destiné à être réalisé par le continuo _ voilà. Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville décide – en vue d’explorer de nouvelles manières de s’exprimer – de confier au clavecin aussi bien la basse qu’une voix de dessus, et de les enrichir de « commentaires » donnés par une seconde voix de dessus exprimée par le violon. C’est ainsi qu’il fait publier, en 1740, ses Pièces de clavecin en sonates avec accompagnement de violon. Dans l’avant-propos de ce recueil, il note : « Il y a peut-être plus que de la témérité à donner aujourd’hui de la musique instrumentale au public. On a mis au jour depuis quelques années un nombre si prodigieux de sonates de toute espèce qu’il n’est personne qui ne croie que ce genre est épuisé. Cependant […] je me suis appliqué à chercher du nouveau » _ oui.

D’une part, les sonates de Mondonville présentent une division en trois mouvements empruntée à la sonate italienne ; d’autre part, on y perçoit un certain raffinement des lignes et le culte du détail caractéristiques de la musique française de l’époque _ bien sûr !

Le paysage de la musique de chambre en France fut dès lors changée de manière considérable. D’autres recueils, publiés par les contemporains de Mondonville, lui ont succédé : les Sonates pour le clavecin avec un accompagnement de violon que Michel Corrette fait éditer en 1742, pour lesquelles il affirme qu’elles peuvent être exécutées « sur le Clavecin seul », et celles de Charles-François Clément (1743), pour lesquelles la position du violon est affermie (du moins d’après leur titre : Sonates en trios pour un clavecin et un violon) par rapport à celle du clavecin. En 1745 voient le jour les sonates de Louis-Gabriel Guillemain, pour lesquelles la partie de clavecin, très athlétique, surpasse, du point de vue des difficultés techniques, celle laissée par Mondonville ; puis en 1747 sont publiées les suites de Luc Marchand, dans lesquelles le clavecin se voit rejoint non seulement par le violon, mais également par d’autres instruments ; en 1748 paraissent trois Pièces de Clavecin en Sonates avec accompagnement de violon de Claude Balbastre ; finalement, Jacques Duphly fait sortir, en 1756, son Troisième Livre de Pièces de Clavecin, renfermant six courtes pièces écrites selon le modèle laissé par Mondonville _ cet éclairage historico-musicologique est très intéressant.

Prestations puissantes, élégantes et ciselées

Pour ce qui est des exécutions, Philippe Grisvard et Johannes Pramsohler mènent une conversation galante _ voilà _ qui, malgré un léger manque de théâtralité rhétorique, convient étonnamment au goût français, en s’inscrivant dans la tradition qui consiste à mettre en lumière aussi bien la beauté même de la musique que la richesse des nuances _ oui : un goût français _ dont celle-ci s’accompagne. C’est ainsi qu’on admire la netteté du contour et la maîtrise des ornements (dont la majorité ont été annotés de la main des compositeurs _ c’est à souligner : marquant un tournant d’époque _), de même que l’importance de la mise en valeur de la pulsation _ oui _ et, pour la plupart des mouvements extrêmes, d’une certaine vivacité des tempi. Celle-ci accuse le côté expressif, voire émotif _ oui : anticipant en quelque sorte le moment de l’empfindsamkeit _ de ces partitions, et pourtant, n’affecte pas leur charme ni leur grâce, en y apportant au contraire de la fraîcheur _ très bien.

Pour la plupart des compositions présentées dans cet album, le violon s’implante _ voilà _ au sein du tissu acoustique du clavecin afin de perfectionner la partie de ce dernier, conçue comme un centre de gravité _ voilà _ autour duquel tourne son satellite. Si dans cet enregistrement l’instrument à clavier se caractérise par un geste simple et introverti (ce qui ne veut pas dire qu’il a tendance à se retirer du dialogue), à savoir étudié plutôt que spontané, et équilibré plutôt qu’impératif – en quelque sorte, le contraire de ce que nous propose Christophe Rousset dans sa récente interprétation de la Sonate en sol majeur de Balbastre –, le violon se montre un meneur de jeu éblouissant _ voilà _ de virtuosité (sonates de Mondonville et Guillemain), de poésie (celle de Corrette), de tendresse (celle de Clément) et de douceur (la suite de Marchand et la sonate de Balbastre) _ c’est remarquablement dégagé.

Accordés à une fréquence de 415 Hz, les deux musiciens déploient une belle sonorité baroque, se distinguant par un large éventail de teintes et, surtout pour le violoniste – jouant d’un instrument construit en 1713 par Pietro Giacomo Rogeri, ayant appartenu à Reinhard Goebel à l’époque des plus grands succès de Musica Antiqua Köln – par une articulation agile, précise et, à la fois, élégante _ à la française. Les phrasés « chantants » de Johannes Pramsohler impressionnent autant par la délicatesse et la densité que par la clarté, voire la luminosité du timbre _ mais oui. On doit admettre que cet instrument a trouvé un digne successeur ! _ à Reinhard Goebel…

Voici une belle proposition discographique _ oui _ dont ne peuvent se passer les amoureux de la musique instrumentale baroque _ en un des pans méconnus. En trouvant le plaisir d’écouter les enregistrements offerts par le tandem de luxe Philippe Grisvard-Johannes Pramsohler, il faut espérer que ce répertoire continuera à être exploré.


Merci à Maciej Chiżyński de cette qualité d’écoute,

au service de l’intelligence de sa propre curiosité musicale.

..

Et la passion de la curiosité est immensément féconde.

Et merci à Res Musica.

Ce dimanche 13 mai 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

A propos du métier d’éditeur : une interview d’Elena Ramirez, des Editions Seix Barral

12mai

A propos du métier d’éditeur _ un passeur crucial de l’essentielle culture ! _,

je découvre ce matin sur le site d’El Pais,

ce samedi 12 mai,

une passionnante interview de l’éditrice (chez Seix Barral) Elena Ramirez ;

et qui donne bien à penser…

 

Elena Ramírez: «Es falso que las grandes editoriales se dediquen nada más que a ganar dinero y solo los independientes publiquen literatura»

Publicado por Fran G. Matute

Fotografía : Sonia Fraga

Como directora editorial de un sello tan prestigioso como Seix Barral, Elena Ramírez tiene sin duda mucho que decir _ certes _ sobre el presente del mundo del libro, hoy tan mitificado por fuera como vapuleado por dentro _ dont acte. No obstante, lo que más nos llama la atención no es ya su privilegiada visión del sector, el cual conoce de cabo a rabo toda vez que comenzó en este negocio trabajando en los escalafones más bajos, sino el hecho de que se atreva a hablarnos sobre él con firmeza, sinceridad y sin pelos en la lengua _ bien !

A lo largo de esta entrevista, en la que no solo repasamos su ya larga trayectoria profesional sino que tratamos de comprender el funcionamiento del sector editorial español, Elena Ramírez no dejará inconscientemente de recordarnos que, por mucho romanticismo que exista tras la publicación de un libro, no se debe olvidar nunca que estamos ante un negocio _ pourrait-on l’oublier ? Uno maravilloso, absorbente y tremendamente vocacional, al que solo podrá dedicarse con éxito quien posea el entusiasmo y la convicción que destila Elena Ramírez en cada una de sus palabras.

 

El editor, ¿nace o se hace?

El editor se hace, pero para ejercer esta profesión uno ha de tener cierta sensibilidad y percepción, así como un amor y una pasión por los libros que creo es algo que no se puede aprender _ bien sûr que si (cela n’a rien d’inné!), mais pas par réception d’un enseignement ; cf la distinction entre to learn et to teach ; par apprentissage personnel et passionné. A lo largo de mi carrera he visto las dos cosas : gente con una intuición increíble, sin experiencia profesional previa, que ha llegado a ser un gran editor solo con esa materia prima ; y gente muy bien posicionada, que oficialmente es considerada un editor, pero que, sin embargo, no ha sido nunca capaz de desplegar ese feeling del que te hablo _ celui qui sait reconnaître les voix singulières des vrais auteurs.

Date cuenta de que el editor trabaja fundamentalmente con personas _ oui. Trabaja con material sensible de los escritores, con su potencial _ voilà : à déceler dans sa dynamique à aider… Trabaja con algo que en un momento dado le ha emocionado _ et c’est crucial _ y necesita a su vez transmitir a otros _ voilà. En mi despacho tengo un cartel que dice: «Si editar fuera solo publicar libros…». Porque mucha gente cree que un editor solo se ocupa de corregir textos, de decidir la portada, de establecer una campaña de marketing, de acompañar a los autores… y no. No es «solo» eso. Es todo eso junto, no digo que no, pero también muchas cosas más _ voilà. La edición es por definición un trabajo muy vocacional al que le entregas un porcentaje altísimo de tu vida. No hay horarios, no hay límites. La edición se lo come todo.

¿Qué hay que estudiar entonces para ser editor?

La mayoría de editores viene de Filología, Filosofía o Periodismo, pero en España no hay una carrera universitaria como tal, ni siquiera una especialización. Sí es cierto que existen muchos másteres en edición, muchos cursos de posgrado ; yo, por ejemplo, doy clases en el máster de la Pompeu, en Barcelona. Bajo mi punto de vista, cualquier carrera de humanidades _ dont acte _, si es que siguen existiendo el día de mañana, puede ofrecer una muy buena formación base para ser editor.

Tiene uno sin embargo la percepción de que el sector editorial se está profesionalizando mucho últimamente.

Es cierto que desde los cursos de posgrado que te comentaba antes se está dando bastante protagonismo a la figura del gestor empresarial. Pero, ojo, no nos engañemos : esa figura, de una forma u otra, ha existido siempre en el sector editorial. Leí un librito escrito por el fundador de Minimun Fax, una editorial italiana chiquitita, en el que se cuenta la historia de cómo nació, que es muy curiosa. Empezaron enviando una comunicación por fax a una serie de números de teléfono anónimos, a modo de newsletter de la época, y recibieron tantas peticiones solicitando información que no les quedó otra que empezar a enviar pequeñas publicaciones, que fueron cobrando cierta periodicidad, hasta que aquello terminó convertido en una editorial. Por muy «romántica» que parezca esta historia de éxito, este editor independiente lo dice bien claro en sus memorias: «No nos confundamos. Un editor es ante todo un empresario». Quiero decirte con esto que es falsa esa idea de que las grandes editoriales se dediquen nada más que a ganar dinero y solo los independientes publiquen literatura. Es, además, una idea que yo misma me encargo de desmentir en las clases que imparto. No caigamos en el cinismo de quitarle al gran editor la pasión y la maravilla que hay detrás de esta profesión, así como tampoco olvidemos que en este mundo la gente está siempre jugándose la pasta. Si eres independiente, la pasta será tuya. Si trabajas para un gran grupo, será de un tercero. Pero una editorial es un negocio, y como tal ha de ser sostenible _ oui, le principe de réalité accompagnant de ses exigences le principe de plaisir.

¿Dejó Seix Barral de ser una editorial independiente tras la compra de Planeta en 1982?

No en cuanto a su línea editorial. Seix Barral sigue siendo totalmente independiente en la medida en que a mí, o a mi predecesor, jamás nos han dicho «Esto lo tienes que publicar» o «Esto no lo puedes publicar». Ni siquiera cuando no he cumplido con el presupuesto que me habían asignado. Y me consta que pasa igual en los demás sellos editoriales adquiridos por Planeta. Date cuenta de que cuando un gran sello adquiere uno independiente lo que hace es comprar básicamente un catálogo, una marca, un intangible que solo se busca potenciar con la fuerza de un gran grupo. Si no, no tendría ningún sentido la operación.

¿Y qué grado de autonomía tiene Elena Ramírez como directora editorial de Seix Barral?

Todo, dentro del grado de responsabilidad implícito en el cumplimiento de mis obligaciones, que incluyen el de un presupuesto, of course. Yo soy la culpable de todo [risas]. A ver, este es un trabajo en equipo _ oui _, y yo cuento con un gran equipo _ c’est nécessaire. Digamos entonces que soy la responsable de este equipo, pero cada editor en Seix Barral es soberano sobre su porción de catálogo _ voilà. Teresa Bailach, por ejemplo, es nuestra editora de castellano ; Irene Lucas lo es de internacional ; y Jesús Rocamora hace ambas cosas.

En el mundo anglosajón se distingue entre el publisher, que sería mi actual función, toda vez que abarca cuestiones más a largo plazo, muchas relacionadas con la gestión, y el editor, que es la persona que está más apegada al libro en sí. Con todo, yo no he sido capaz de separarme completamente del texto. Tengo autores, mis autores, para los que sigo siendo su primer editor. Esa parte del trabajo, consistente en leer manuscritos y trabajar su contenido _ voilà _, sigue formando parte de mi ADN. Me gusta hacerlo.

¿Cuál es entonces la labor de Pere Gimferrer en la editorial?

Gimferrer es el director literario de Seix Barral. Es una especie de asesor permanente, constante, al que a veces llamamos «Google» porque lo sabe todo [risas]. Él sigue yendo a la editorial a diario, está siempre al pie de cañón, pero no está, digamos, generando ideas en el día a día. Está, obviamente, para lo que necesites. Y si lo necesitas, cuenta con él a muerte.

 

Repasemos un poco tu carrera profesional. ¿En qué momento entras en contacto con el sector editorial?

Los libros han sido una constante toda mi vida _ et c’est indispensable. Yo he sido una persona no sé si decir solitaria o independiente _ voilà _, pero muy ratón de biblioteca. Los libros, en este sentido, han sido como un refugio _ ou une ouverture _ para mí. Estudié Filosofía y Letras _ oui _ y, antes de entrar en el sector editorial, estuve trabajando en mil cosas. Por ejemplo, como profesora para gente con dificultades de aprendizaje, también para mayores de veinticinco años que querían entrar en la universidad. Estuve trabajando en un geriátrico, en una agencia inmobiliaria mucho tiempo, en fin, en distintos lugares haciendo las cosas más diversas. Me ocurrió entonces que sufrí un gran batacazo vital, porque murió un hermano mío y aquello me dejó completamente noqueada. Me llevó a plantearme muchas cosas sobre lo que quería hacer con mi vida _ voilà. Y un día, simplemente, me di cuenta de que no podía seguir viviendo así, que tenía que hacer algo que me gustara realmente _ exactement _, y me dije eso de «Si quieres, puedes» [risas]. Sé que esto suena muy flower power, pero fue así, fue algo un poco epifánico : decidí entonces que quería trabajar con libros _ oui. Mi madre, Pilar Rico, que era periodista cultural, trabajaba para distintos medios, le hizo llegar mi currículum a Juan Cruz, que me hizo la entrevista de trabajo más rara que he tenido en toda mi vida. Quedé con él, pero mi currículum lógicamente ni lo miró, porque allí no había nada que fuera muy atractivo para trabajar en una editorial. Solo se fijó en que decía que dominaba el inglés, y me preguntó si eso era cierto o lo había puesto ahí de adorno. Tenía tantas ganas de entrar a trabajar en el mundo editorial que, no sé cómo me atreví, le respondí en inglés, y le dije : «¿Quieres que sigamos la conversación así?». Y me dijo: «Contratada» [risas]. Y al día siguiente empecé a trabajar en _ la maison d’édition _ Alfaguara.

¿De editora?

De asistente. Llevando y trayendo cafés, vamos. Te hablo del año 1994, ¿eh? Cuando el mundo editorial era todavía muy masculino. ¿Te cuento una batallita al respecto? Como asistente, una de mis tareas era organizar los comités periódicos de lectura _ voilà _, en los que se analizaban los manuscritos que llegaban a la editorial _ voilà. Yo me dedicaba a ir recopilando informes de lectura para luego clasificarlos entre positivos y negativos, y en esas reuniones exponía los resultados a los miembros del comité, para que luego ellos debatieran. Como te puedes imaginar, yo no opinaba, me limitaba a exponer lo que había, pero para mí era como una reunión importante : era el momento en el que estaba ahí delante de mi jefe, y sus asesores (todo tíos, claro), así que aquello me lo tomaba muy en serio. Y en una de estas, estando yo en la pizarra de pie, explicando lo que fuera, uno de los ponentes, no diré quién, levantó la mano y me dijo: «¡Elena! Un café». Y solo se me ocurrió responder: «No, gracias» [risas]. En el fondo me quedé muy cortada, me puse toda colorada, pero me salió así, espontáneo, no pude evitarlo. El mundo editorial de antes no tiene nada que ver con el de ahora, en el que, te diría, al menos el setenta y cinco por ciento del sector está formado por mujeres. Hasta llegar al top, claro. Ahí arriba la proporción se invierte.

Muchas mujeres en el sector, pero no tantas en los catálogos.

Es cierto, pero te garantizo que no es una cuestión de misoginia. A la editorial llegan muchísimos menos manuscritos firmados por mujeres que por hombres _ dont acte. La diferencia es además abrumadora. Un día tengo que hacerlo, tengo que comprobar el porcentaje exacto. Habría, de hecho, que preguntarse por qué ocurre esto. La respuesta a lo mejor tiene que ver con la famosa «habitación propia» _ de Virginia Woolf. Me da la sensación de que, en verdad, la cosa no ha cambiado tanto. Creo que sigue habiendo muchas mujeres que solo escriben en el tiempo que la vida les deja para escribir, mientras que ellos escriben cuando les da la real gana. Me temo, por tanto, que todavía hay mujeres que están dejando sus sueños atrás por los motivos de siempre.

¿Es hoy día la literatura escrita por mujeres un target editorial?

Sí. No ya tanto la literatura escrita por mujeres como la literatura que tiene que ver con el mundo de la mujer. No te lo niego. Se trata, sin duda, de una tendencia al alza y es por tanto una temática que tenemos muy interiorizada en el plan editorial de Seix Barral. Ahora bien, las modas están ahí para aprovecharse uno de ellas, pero también para criticarlas. La mayoría de las tendencias son burbujas, así que hay que tener mucho cuidado con lo que se publica al hilo de estas. En este sentido, las memorias de una sufragista son algo que publicaría siempre, por su propio valor intrínseco, no porque ahora estén de moda, por más que sea consciente de que ahora van a ser quizás más leídas que en otro momento. Hay que tener en cuenta también que muchos títulos que se compran ahora no verán la luz hasta dentro de unos cuantos años, cuando lo mismo la moda que motivó su compra ha expirado. Cuidado entonces con eso de moverse solo por tendencias _ oui. Y cuidado con ignorarlas _ aussi.

¿Hasta qué punto crees que es importante para un editor empezar, como tú, desde abajo?

En mi caso no solo empecé desde abajo, sino que pasé luego por diversos departamentos. Asistencia, Logística, Diseño, Internacional… He estado toda la vida corriendo por los pasillos fundiendo zapatillas, así que creo que tengo un conocimiento muy profundo del sector _ c’est formateur. Mis inicios fueron en su día un no parar, pero aquello me gustaba tanto, tenía tanta hambre por aprender _ c’est important _, que hoy día agradezco muchísimo tener esta visión tan transversal _ oui _, y que sobre todo me ha servido para poder mostrar una mayor sensibilidad _ oui _ hacia ciertos puestos teóricamente menos glamurosos que el editorial, cuyo día a día he conocido de primera mano.

¿Cómo llegas a Seix Barral?

A Seix Barral llego en el año 2000 de la mano de Adolfo García Ortega, que había entrado a trabajar allí hacía solo unos meses, sustituyendo a Basilio Baltasar. Adolfo se propuso desde el principio reestructurar todo el equipo editorial de Seix Barral, sabiendo que si no lo hacía nada más llegar no iba a ser capaz de hacerlo más adelante. Fichó también a Nahir Gutiérrez, la directora de comunicación, que venía de Tusquets, y a Elena Blanco, actual jefa de prensa del sello. Yo entré como editora ejecutiva. Luego, unos cuantos años más tarde, en 2007, me convertí en la directora editorial. Adolfo decidió cambiar su forma de trabajar en su labor editorial para centrarse más en su escritura, y digamos que el paso natural fue proponerme a mí para dirigir el sello.

Recuerdo que, cuando entramos, Seix Barral estaba bastante perjudicada _ ah. Había sufrido en los últimos años muchos cambios de manos, muchos cambios de línea editorial, incluso hubo periodos en los que no hubo nadie al frente. Mi primer día en la oficina fue como visitar unas catacumbas _ eh bien ! En el que se suponía que iba a ser mi despacho estaban todas las paredes llenas de manuscritos, desde el suelo al techo, que llevaban allí años, vete a saber si fueron en algún momento leídos. Encontramos en aquella montaña algún que otro autor maravilloso, ¿eh? Fue como empezar de cero. Tuvimos además que poner orden sin demasiados recursos _ voilà. La verdad es que las pasamos canutas [risas].

¿Cómo conseguisteis reflotar el sello?

Proponiéndonos un objetivo claro _ oui _, como claros fueron los medios _ aussi _ para conseguirlo. Por una parte, quisimos rejuvenecer _ bien sûr _ el sello. La percepción que se tenía entonces de Seix Barral era que estaba un poco anticuado, y para romper con esa idea una de las primeras cosas que hicimos fue quitar el cuadradito que se seguía utilizando en el diseño de las portadas _ oui. Tratamos así de hacer que las portadas fueran más atractivas, toda vez que sin el cuadradito podíamos usar más formatos.

Empezamos también a apostar por valores un poco más jóvenes, pero, sobre todo, como al principio no teníamos dinero para nuevas contrataciones, recuperamos algunos libros del fondo editorial, que era, claro, magnífico _ oui. Para decidir qué libros rescatar, pensamos en qué títulos nos gustaría que leyesen nuestros hijos. Así, Adolfo propuso reeditar Opiniones de un payaso, de Heinrich Böll, y yo El corazón es un cazador solitario, de Carson McCullers. Nuestra idea era poner estos títulos a disposición de una nueva generación _ voilà. De Carson McCullers, como sabes, hemos ahora reeditado toda su obra, con nuevos prólogos e ilustraciones a cargo de Sara Morante, pero ya en aquellos primeros años 2000 hicimos una primera recuperación fuerte de su obra, y, la verdad, se vendió muy bien. Otra cosa que hicimos fue preguntar a los libreros _ oui. Les pedimos consejo acerca de qué títulos del catálogo tendríamos que reeditar _ voilà. Fueron de hecho unos libreros de Bilbao los que nos aconsejaron recuperar El hombre sin atributos, de Robert Musil, que sacamos en un estuche maravilloso, muy bien presentado, con los volúmenes mejor organizados. Lo pusimos caro, pero lo vendimos fenomenal. Ese libro nos ayudó mucho a arrancar. Nos permitió contratar autores nuevos _ oui.

Otro de nuestros objetivos, uno que además nos propusimos conseguir de manera muy consciente, y no digo con esto que fuera una ocurrencia nuestra, pues fue una estrategia que terminaron siguiendo muchas otras editoriales en paralelo, fue aplicar las técnicas del marketing más comercial a títulos muy literarios _ oui. Ahora el marketing está en todas partes, es como la madre del cordero, pero en aquella época se consideraba que lo literario debía de ser algo minoritario, de culto, invisible a poder ser, y que lo publicitario iba asociado únicamente a la literatura comercial, pues de algún modo su uso desprestigiaba todo lo que tocaba. Nosotros conseguimos demostrar que si esa publicidad venía presentada de una manera coherente, con identidad y elegancia _ oui _, siempre bajo la premisa de «menos es más», porque en las reuniones era fácil que, metafóricamente hablando, alguien de marketing se emocionara y saltara con un «¡Vamos a ponerle a este libro un gato en la portada!», o cosas así [risas], todo era posible.

Al principio de llegar nosotros, la imagen clásica de Seix Barral, la imagen blanca de sus portadas, había perdido mucha fuerza. Tuvimos entonces que romper con esa marca e inventarnos otros diseños _ oui _, con más colorines y tal. Así publicamos un best seller como Pasión india, de Javier Moro, que, si recuerdas, la portada no era blanca, era además a sangre. Y fue así, poco a poco, como comenzamos a recuperar la marca blanca, ¡incluso para los best sellers!, como ocurrió con La elegancia del erizo, de Muriel Barbery, o con Firmin, de Sam Savage, uno de esos libros literarios a los que supimos meterle mucha caña de marketing basándonos siempre en su contenido.

Me llama la atención el peso que le disteis a la opinión de los libreros en todo este proceso de reflote de Seix Barral.

Los libreros son las personas _ les plus et les mieux en contact avec les acheteurs-lecteurs de livres _ de las que, históricamente, más he aprendido sobre este negocio. A los editores siempre les digo : «Salid a la calle. Salid del despacho». Date cuenta de que entre el despacho de un editor y una librería hay un montón _ déjà ! _ de intermediarios. En su despacho, un editor está en su «La La Land», pensando en que sus libros son fantásticos y van a funcionar fenomenal, pero una charla con un librero puede llegar a ser una bofetada brutal de realidad _ et revoilà le rugueux principe de réalité. No me refiero ya a la hora de saber si un libro funciona o no, sino sobre todo a la hora de detectar tendencias _ tendenceurs est même devenu un métier ! A los libreros les pregunto mucho : ¿qué se está vendiendo bien?, ¿qué no se está vendiendo bien?, ¿qué es lo mejor que se ha hecho últimamente? y ¿qué es lo peor? De esta forma te podrás dar cuenta de que aquella colección de bolsillo fabulosa que se te ocurrió en tu despacho, aquella de tapa dura que pretendías vender a X,95 euros, es en realidad una cagada, básicamente porque al librero no le caben esos libros en la estantería, o lo que sea. El librero es sabio _ un pragmatique. Ayuda.

Los editores, mea culpa, solemos ver la vida demasiado a través de los índices de venta que te dan empresas como Nielsen o GFK. Nos limitamos a decir : «Esto no vende», y nos quedamos ahí. Pero cuando esto pasa, me acuerdo siempre de una reunión, una de las últimas que tuvimos todos los editores del Grupo Planeta con José Manuel Lara, que fue una bestia de la edición, un tipo con un carisma espectacular, a la que fuimos todos muertos de miedo a exponerle nuestros proyectos del año. Llevábamos todo ahí superbien presentado, con sus gráficos y tal, y justo antes de la reunión, durante el almuerzo, nos dice: «Si alguno de vosotros va a plantear su presentación basándose en lo que dice Nielsen, que se marche ahora mismo y lo cambie. No me digáis lo que dice el mercado. Decidme qué es lo que el mercado aún no sabe _ voilà _ que quiere». En el marco de una empresa grande esta visión resultaba muy osada. El caso es que, a la hora del café, empezamos todos a levantarnos sutilmente, todos yendo, claro, a cambiar nuestras presentaciones [risas].

¿Para qué sirve entonces Nielsen?

Para saber dónde te metes. Si te llega una oferta de un autor estadounidense que desconoces, y ves en Nielsen que ya ha sido publicado en siete editoriales diferentes y en ninguna ha funcionado, lo mismo ese autor es tierra quemada. Llegado el caso, siempre puedes decirte a ti mismo : «El mundo es de los osados», y contratarlo. Si el libro te gusta, te va a dar igual lo que diga Nielsen, porque, ¿quién sabe si tú puedes triunfar donde otros fracasaron? Ahora bien, la ley de probabilidades te dice que ese autor no está causando buena impresión, por lo que quizás sea menos arriesgado probar incluso con alguien nuevo, que no conoce nadie. Hay que tener también en cuenta que uno tiene pocos disparos en el revólver, así que para tomar este tipo de decisiones tiene todo el sentido del mundo consultar Nielsen o GFK, que son ahora mismo los dos grandes auditores de ventas.

En el pasado, estos índices no eran tan completos, se basaban sobre todo en muestreos sobre los que se hacían extrapolaciones, pero hoy día son bastante fiables. Por ejemplo, son muy útiles también a la hora de fijar una oferta económica. Cuando no tienes otra referencia, las ventas pueden ser de mucha utilidad. No es lo mismo contratar a un autor que presenta unas ventas que van cada año cayendo en picado que uno con ventas que cada año aumentan _ certes : cela dit, du sens d’une tendance (toujours conjoncturelle) est totalement indépendante la valeur d’éternité d’un livre ; Stendhal l’avait identifié ! Ici, ni l’intérêt à court terme du libraire, ni l’intérêt à court terme de l’éditeur, ne coîncident pas avec le désir passionné d’un vrai lecteur ! Esta es una información que se ve clara en los índices citados. Dicho lo cual, no debe ser la única información _ ah ! _ a tener en cuenta a la hora de tomar una decisión. Cuando tengo un editor delante, siempre _ simplement _ pregunto : «Pero ¿el libro cómo es?». Y si la respuesta es: «El libro está bien», ya puede decir Nielsen misa, porque si solo está «bien», no vamos a ningún lado. Si Nielsen me dice que contratar un libro es poco recomendable pero el editor me viene entusiasmado _ voilà ! _ con él, el libro sale. Te lo digo yo.

¿Sigue siendo Frankfurt el lugar donde encontrar los grandes libros del año?

Todos los editores que vamos a la feria de Frankfurt decimos que no vamos a comprar nada allí porque todo se pone muy caro, pero siempre volvemos con algún manuscrito _ tiens, tiens ! _ debajo del brazo. Al igual que se han polarizado las ventas de libros a lo largo del año, condensándose ahora en periodos muy concretos fuera de los cuales no entra ni un alma en las librerías, las ventas de manuscritos parecen también concentrarse alrededor de ciertas ferias como la de Frankfurt. El motivo es muy sencillo : los agentes literarios se esperan a estas ferias para enseñar su mejor material, porque saben que allí todos nos vamos a pelear en las subastas. Es por esto que uno termina comprando siempre allí _ voilà _ y comprando caro aunque no quiera, porque se concentra la oferta _ telle est la situation. De todos modos, en Frankfurt ocurre como cuando vas a una pastelería y te empachas : tras leer treinta y dos manuscritos en cuatro días, termina uno perdiendo la perspectiva, hasta el punto de decir : «¡Ya no quiero ver más libros!» [risas].

Al margen de Frankfurt, ¿cuáles son los métodos más usuales por los que un manuscrito llega a Seix Barral?

La mayoría de manuscritos que leemos en Seix Barral llega a través de subasta _ dont acte. Estas subastas las puede organizar bien un agente literario o bien una editorial, si es que esta representa a sus autores.

Estas subastas a veces nos llegan a través de lo que llamamos un submission, es decir, un envío directo a una o dos editoriales, con una oferta mínima de tanto y quien la supere se lo lleva. Pero otras veces jugamos simplemente a ver quién es el mejor postor _ voilà _, que es un poco como ir al circo, porque ahí entran ya componentes irracionales _ certes _ que pueden hacer que pagues por un libro mucho más de lo que pagarías en circunstancias normales.

La otra forma más común de adquirir un manuscrito es a través de un preempt, que supone pagar un extra por él a cambio de sacarlo de la mesa de negociación, de forma que no pueda pujar nadie más _ voilà. Cuando tú recibes un libro, lo mismo estás dispuesto a pagar por él, por ejemplo, tres, pero a la agencia le ofreces diez a cambio de que lo retire del mercado. En ese caso es la agencia la que tiene que valorar si podría llegar a sacar más de diez de seguir negociando con otras editoriales, o si prefiere quedarse con tu oferta _ les uns et les autres doivent donc parier…

Luego están, por supuesto, los manuscritos que nos llegan directamente a la editorial enviados por los propios autores. A estos los llamamos «espontáneos» _ oui, absolvíment inédits.

¿Se compran muchos libros solo leyendo el comienzo de la novela?

Sí. Incluso solo sabiendo el título _ dites donc ! A ver, te explico : uno intenta siempre leer los libros enteros, pero, para no mentirte, conozco casos en los que solo sabiendo el título de la novela o viendo el perfil del autor no ha hecho falta más que leer tres o cuatro páginas para lanzarte a comprarlo. Son excepciones, por supuesto. Si para conseguir el libro te tienes que meter en una subasta, ahí no te queda otra que leerlo, porque si no estarías pujando a ciegas. Esto ocurre sobre todo con la literatura comercial, donde el argumento es muy importante. Nos hemos encontrado muchas veces con que una novela estupenda se estropea al final de forma irreversible. En la editorial estamos siempre pendientes de ver cuándo aparece «el albino», que es una especie de broma interna que tenemos al hilo de esto, porque una vez estuvimos flipando con una historia que pintaba muy bien, pero al final se liaba con la aparición de un personaje albino que no venía a cuento. Así que siempre que una historia apunta maneras y se estropea al final con alguna cosa inverosímil decimos : «Ya apareció el albino» [risas].

Al hilo de esto, recuerdo oírte una vez una anécdota muy impactante del día que acudiste a tu primera reunión comercial como directora del Departamento de Ficción Internacional del Grupo Planeta.  

Sí, sí, la recuerdo. Fue, en efecto, en una reunión donde se estaba diseñando el plan de marketing de no recuerdo qué libro, pero era un best seller internacional, y hubo un momento en que pregunté : «Pero ¿alguien se lo ha leído?». Y nadie lo había hecho _ waf ! waf !! De todos modos, en esto hay que tener en cuenta, y es lógico además, que por regla general la única persona que suele haber leído un libro entero y en profundidad es el editor, pues ese es su trabajo _ voilà _, así como desbrozarlo. Otros profesionales que están luego trabajando alrededor de ese libro no han tenido por qué hacerlo, toda vez que existen otro tipo de herramientas como informes detallados, extractos, etc. _ tiens, tiens : tout va trop vite… Et lire vraiment un livre prend beaucoup, beaucoup de temps. Si bien que pas mal de potentiels lecteurs de livres, se contentent de les avoir achetés !..

novela literaria

¿Qué es una «novela literaria»? Me sorprende que una editorial literaria pueda publicar novelas no literarias.

Bueno, una novela literaria es cualquier novela, del mismo modo que una novela comercial es cualquier novela. Me explico : para mí las dos tienen los mismos méritos, las mismas cualidades. Pero utilizamos erróneamente el término «novela literaria» para referirnos a aquellas novelas de mayor calidad, supuestamente con menor capacidad para llegar a un gran público _ ah. La historia de la literatura ha demostrado que lo literario y lo comercial son barreras de lo más permeables. Ha habido grandes obras literarias que han llegado sin ningún problema al gran público, y grandes obras comerciales que han sido un gran fiasco. Digamos entonces que la etiqueta _ ce n’est donc rien que cela _ de «novela literaria» se utiliza simplemente para distinguir una novela de una supuesta calidad sobre una novela más popular.

¿Cuáles dirías que son las señas de identidad de Seix Barral ahora mismo?

[Gran silencio] Sé que decir «literatura de calidad» es como un chiste, porque todos los editores dirán eso mismo de su editorial. Con esto me pasa igual que cuando un editor me pone en una contracubierta que el libro está «estupendamente escrito». En estos casos le digo siempre que lo quite, porque, claro, si no está bien escrito, apaga y vámonos.

Creo que lo que buscamos en Seix Barral son libros que de alguna manera importen _ certes. Sea porque desde la no ficción generen un cierto debate público, sea porque desde la ficción nos causen a nosotros una determinada impresión que queremos transmitir fuera. Por otro lado, ponemos mucho empeño en apoyar nuestro catálogo sin perder de vista a los nuevos autores.

Pero Seix Barral tiene fama de ser un sello que publica pocas voces nuevas españolas.

No tengo yo esa percepción _ ouf ! En los últimos años hemos publicado a muchos autores nuevos, lo que ocurre es que, lógicamente, el espacio es limitado. Date cuenta de que la ficción internacional ocupa una gran parte de nuestro catálogo. Todo autor nuevo que incorporemos, sea o no joven, implica para nosotros darle una continuidad en el catálogo _ Très bien. Por eso la política de Seix Barral no es tanto publicar a gente nueva porque sí, política seguida por otros sellos con resultados no muy positivos, sino mantener una política de autor _ parfait ! _, de forma que cuando incorporemos a alguien no lo hagamos solo por un título concreto sino porque queremos darle a ese autor una carrera _ oui. Con esto no te estoy diciendo que piense que lo que nosotros publicamos es lo único que vale. Somos conscientes de que hay mucho talento ahí fuera, pero para nosotros es físicamente imposible dar cabida a todos.

¿Cómo descubriste a Jesús Carrasco?

A Jesús Carrasco lo descubrí a través de Arantxa Martínez, una editora fabulosa que estuvo mucho tiempo trabajando en la editorial hasta que se fue a vivir a Chile. Un día Arantxa me mandó un e-mail diciéndome que tenía un manuscrito que quería que leyera, pero me mandó solo un capítulo, el capítulo cuatro de Intemperie, lo recordaré toda mi vida. Leí el capítulo, aluciné e inmediatamente le escribí pidiendo el resto. Esto fue un viernes y el lunes ya llamé a Jesús, y le dije: «Hola. Soy Elena Ramírez, de Seix Barral. Me gustaría publicar tu libro». Y la respuesta de Jesús me encantó: «¿Qué te parece si cojo un avión mañana y lo hablamos en persona?». Tuvimos entonces la misma conversación que hubiéramos tenido por teléfono, pero lógicamente se creó ahí un lazo, una vinculación, muy fuerte _ c’est bien.

Desde que contraté el libro hasta que se publicó pasó un poquito de tiempo, porque, claro, yo pensaba: «¿De qué forma puedo publicar esto tan bueno sin que sea como lanzar una piedra a un estanque?». Lo normal hubiera sido publicarlo en España, ver que acaparaba buenas reseñas, y con eso moverlo en el extranjero, pero lo hice al revés. Tirando de amigos y contactos míos, quiero decir, no a través de una submission oficial, fui poco a poco contagiando a la gente de que teníamos una joya entre las manos _ voilà. Detrás vino el departamento de venta de derechos de la editorial, a cargo de Daniel Cladera, y arrasó. Conseguimos que la primera subasta fuera en Inglaterra, que es lo más difícil de todo, porque, una vez que los derechos se vendieron al inglés, aquello fue como un dominó. A Jesús lo llamaba de vez en cuando para decirle: «Lo hemos vendido a Alemania», «Lo hemos vendido a Francia»… Pero en verdad él no sabía muy bien lo que estaba haciendo con su libro [risas].

De nuevo los libreros tuvieron un papel muy importante en el éxito de Intemperie. Antes incluso de tener las galeradas, envié a una serie de libreros de confianza _ voilà _ el manuscrito, en Word, a palo seco, porque necesitaba contrastar con gente de fuera que no me había vuelta loca. «¿Es tan bueno como yo creo?», les decía. Y todos me dijeron que sí. Cuando ya tuve las galeradas, invertimos en hacer un folder precioso para el resto de libreros, con una caja donde iba dentro el texto, todo envuelto con una cuerda, con citas maravillosas de editores de todo el mundo, para que se viera que lo mío con Jesús Carrasco no era «amor de madre». Cuando salió publicado, todo el sector _ voilà _ sabía ya que era un libro especial.

Recuerdo que, poco antes de ponerlo en circulación, Jesús me preguntó: «¿Y yo qué tengo que hacer ahora?». Y le dije: «Nada. Dos o tres entrevistas y para casa» [risas]. La verdad es que no lo quería acojonar. La primera entrevista que hizo, con la que se estrenó, fue para el programa Página Dos, con Óscar López. Fíjate. Y así estuvo un año. Sin parar. Nahir Gutiérrez, jefa de prensa entonces, y Elena Blanco hicieron un trabajo brutal. Y, durante todo ese primer año, como Jesús realmente todavía no había asimilado lo que le estaba pasando, me seguía preguntando cada vez que nos veíamos: «Oye, pero ¿esto no iban a ser dos entrevistas y ya está?» [risas]. De Intemperie se han llegado a vender cien mil ejemplares. Y la película empezará a rodarse este verano.

¿Es Jesús Carrasco tu gran descubrimiento literario?

Los grandes descubrimientos literarios no tienen por qué estar vinculados al éxito comercial _ bien ! El que Intemperie vendiera mucho no altera el hecho de que con Jesús Carrasco lo que descubrimos fue, por encima de todo, a un gran escritor _ voilà. Entonces, desde ese punto de vista, puedo decirte que en mi catálogo tengo más grandes descubrimientos literarios que, por lo que sea, no han llegado a triunfar comercialmente como debieran _ bien, bien. Jesús ha sido sin duda un muy grato descubrimiento, pero también Sam Savage, por ejemplo, más que nada porque no todo el mundo lo veía claro. Digamos que la alegría no me la da tanto vender mucho o poco como hacerlo saliéndome de la pista [risas]. Recuerdo que cuando propuse contratar Firmin, Carlos Revés, mi jefe, me dijo : «¿Quién es este Sam Savage? ¿Por qué quieres complicarte la vida así?». Y yo le respondí : «Porque tengo un feeling». Y me dijo : «Entonces, adelante» _ Très bien. Y es ese feeling lo que hace que uno siga dedicándose en cuerpo y alma a esto _ oui, avec passion. Cuando uno comprueba que su pálpito era correcto, la emoción que se siente, la alegría que te envuelve, es casi infantil _ oui.

Tal y como lo planteas, ¿dirías que la edición es tu vida o vives para la edición?

¡Ay! Esta pregunta solo te la podría responder tumbada en un diván, porque no sé si confesar aquí, delante de todo el mundo, que soy una especie de workaholic, o negártelo rotundamente, mintiendo como una bellaca. Cualquier cosa que te responda queda mal, ¿no? [risas]. Sí que creo que la culpa de todo la tiene mi madre, que me hizo una persona hiperresponsable _ parce que capable de passion. Mi forma de ser, mi entrega al trabajo, no tiene tanto que ver con la ambición _ voilà _ como con una necesidad imperiosa _ c’est mille fois mieux, et plus fort ! _ de hacer bien lo que hago _ simplement ; avec probité. Rt la chose devient rare. En este sentido te reconozco que he tenido que educarme mucho para obligarme, por ejemplo, a no responder e-mails durante el fin de semana o a no coger llamadas, salvo urgencias verdaderas, terminada la jornada laboral. Antes el trabajo se comía toda mi vida, hasta el punto de que no sé si no tenía vida porque estaba todo el rato trabajando o trabajaba tanto porque en realidad no tenía vida. Así que he tenido que protegerme un poquito, he tenido que aprender a hacerlo como solo una workaholic haría [risas].

Recuerdo una vez, hace ya un montón de años, que me fui cinco días de vacaciones, nada del otro mundo, y decidí guardar el teléfono en la caja de seguridad del hotel. Al volver, tenía, claro, el buzón lleno de mensajes, pero algunos eran verdaderos lamentos de alguno de mis autores. ¡Me sentí tan mal, tan culpable! Pero ya por fin lo he conseguido. Ahora soy capaz de priorizar _ voilà.

Hablando de priorizar, ¿por qué crees que se publica tanto en España?

En Seix Barral, antes de la crisis, publicábamos alrededor de cincuenta títulos al año. Ahora no más de cuarenta. No sé si es mucho o poco, la verdad, pero por regla general las editoriales publicamos más títulos de los que podemos gestionar con normalidad, muchas veces solo para mantener cierta cuota de mercado, o por mera visibilidad, para no desaparecer de las librerías. En otras ocasiones, el volumen de publicación responde a una necesidad financiera. Luego está, no olvidemos, la propia ludopatía del editor : cuantos más boletos compre uno, cuantos más libros tenga en la calle, más posibilidades hay de que uno de ellos funcione [risas].

Me gustaría que, para terminar, nos hablaras un poco de tus gustos lectores, de tu canon personal.

Cuando era joven, igual que hoy, leía sin orden ni concierto, cuanto caía en mis manos, desde Los cuentos para contar por teléfono de Gianni Rodari, a Perrault, pasando por Grease. ¡Por Dios, aquella edición de Grease hecha con fotografías y bocadillos de texto! [risas]. A un nivel más serio, me marcó mucho Michael Ende, me deslumbró García Márquez, y me mataron Carson McCullers y Salinger, Borges y Camus. De La Regenta y Anna Karenina no quería salir, y me gustaba mucho descubrir libros raros, que por supuesto no lo eran, porque, como sucede en la juventud, que los conociera solo yo (o eso creía) me hacía sentir que estaban escritos por o para mí, como me sucedió con Viaje a través del cristal, de George SandEl gran Meaulnes, de Alain-Fournier.

En mi casa había un cuarto llamado «el cuarto de jugar», sabiamente denominado así por mi madre. En realidad, era el cuarto de estudios, pero albergaba juguetes y cómics, cientos de cómics. Mis cuatro hermanos y yo hemos crecido leyendo cómics como energúmenos, y el paso de aquellos cómics a los libros fue tan natural para mí que no encuentro la transición en mi memoria. Tal vez por eso adoro la novela gráfica.

Todo lo que leía entonces procedía de la biblioteca de casa, ingente, enorme, sin excepción. Mi madre, como te conté, era periodista cultural y una gran lectora _ ah. Su amor por los libros fue para mí su gran legado. Años más tarde, teniendo yo entre veintidós y veinticinco años, hice de negra para/con ella, y leí por dinero mucho de lo que publicaron las editoriales en aquella época. Así que no sé si fue antes o después de entrar a trabajar en Alfaguara, pero pronto mis lecturas se fueron ciñendo a la actualidad de lo que se iba publicando y dejaron de ser tan erráticas:  Rosa Montero, los Manolitos de Elvira Lindo, Murakami, el Saramago de Ensayo sobre la ceguera, Julio Ramón RibeyroVirginia WoolfJanet Frame, Henry Roth… you name it. Si miro atrás, no tengo recuerdos en los que la lectura no forme parte de mi vida _ certes.


Passionnant !

Ce samedi 12 mai 2018, Titus Curiosus – Francis Lippa

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