Archives du mois de mars 2023

A nouveau à propos de la « Musica callada » de Federico Mompou par Stephen Hough, un très détaillé et judicieux point de vue pour une splendide réussite discographique, et un CD nécessaire, après et avec ceux de Federico Mompou lui-même et la magnifique Josep Colom (le re-découvreur-interprète de l’extraordinaire Manuel Blasco de Nebra)…

21mar

À nouveau à propos de la sublime « Musica callada » de Federico Mompou interprétée ici par Stephen Hough _ soit le récent CD Hyperion CDA68362 _,

et suite à mes deux articles des 11 février «  » et 15 février derniers, 2023, « « ,

voici ce jour un très détaillé et judicieux point de vue de Jean Lacroix, paru hier lundi 20 mars sur le site de Crescendo, intitulé « Les sonorités de l’évaporation pour la Musica callada » :

Les sonorités de l’évaporation pour la Música callada 

LE 20 MARS 2023 par Jean Lacroix

Federico Mompou (1893-1987) : Música callada. Stephen Hough, piano. 2020. Notice en anglais, en français et en allemand. 68.40. Hyperion CDA68362.

Il est assez difficile de traduire et d’exprimer le vrai sens de Música Callada dans une langue autre que l’espagnol. Le grand poète mystique, san Juan de la Cruz, chante dans une de ses plus belles poésies : la música callada, la soledad sonora, cherchant à exprimer ainsi l’idée d’une musique qui serait la voix même du silence _ voilà. La musique gardant pour soi sa voix callada, c’est-à-dire qui « se tait » _ tue _ pendant que la solitude se fait musique. Ces propos de Federico Mompou _ i Dencausse (c’est là le nom de sa mère), Barcelone, 16 avril 1893 – Barcelone, 30 juin 1987 _ sont cités par Jérôme Bastianelli dans la biographie qu’il consacre au compositeur barcelonais (Actes Sud, 2021, p. 129 – nous avons présenté ce livre le 4 mai 2021). Ces quatre cahiers pour piano, dont la composition s’étend de 1951 à 1967, inspirés donc par les écrits de saint Jean de la Croix, sont une expérience esthétique à la fois spirituelle, pour ne pas dire métaphysique, mais surtout destinée, toujours selon les dires de leur créateur, à pénétrer les grandes profondeurs de notre âme. C’est en tout cas un motif de fascination, un modèle de simplicité austère _ sobre, minimale _ et chaleureuse en même temps, qui plonge l’auditeur dans un univers où l’économie de moyens est d’une rare efficacité.

Les interprètes qui se sont penchés sur la partition ont bien compris la portée de ces miniatures, dont la durée ne dépasse jamais les quatre minutes, la plus courte, la huitième du premier « cuaderno », Semplice, se contentant même de quarante-cinq secondes. Si la dédicataire du quatrième cahier, Alicia de Larrocha, n’a laissé que ce témoignage partiel pour Decca, si Arcadi Volodos _ un interprète qui ne m’agrée pas : ni sobre, ni chaleureux… _ n’a gravé que des extraits de l’ensemble (Sony, 2018), d’autres se sont lancés dans l’intégrale, souvent avec bonheur. C’est le cas de Remei Cortes Ayats (Pavane, 2002), Jordi Masó (Naxos, 2002), Josep Colom (Mandala, 2002) _ parfait ! Et c’est Josep Colom qui m’a fait découvrir (et largement partager !) cet extraordinaire compositeur qu’est Manuel Blasco de Nebra (Séville, 2 mai 1750 – Séville, 12 septembre 1784) avec son prodigieux CD Mandala 4847 : écoutez ici ! ; cf mon article du 10 avril 2020 : « «  _, Martin Jones (Nimbus, 2004), Steffen Schleiermacher (MDG, 2013) ou Lily Gregorian (Orchid Classics, 2021). Récemment, notre compatriote Thérèse Malengreau (Soupir, 2022) a prouvé son affinité profonde avec Mompou. Jean-François Heisser en a fait un audio-livre pour Actes Sud en 2013, d’une superbe tenue. Quant au compositeur _ LA référence, forcément : magnifique !.. _, il a lui-même enregistré sa version en 1974, dans un style librement contemplatif et proche de l’improvisation _ comme cela doit être toujours, et sans nulle exception, jamais, le cas…. On la retrouve dans un _ indispensable _ coffret Brilliant de 4 CD (2009) qui contient, sous ses doigts, ses œuvres complètes pour piano.

Le pianiste britannique Stephen Hough (°1961) a déjà enregistré un album de Mompou, salué par la critique, contenant une variété de petites pièces. C’était en 1997 ; près de vingt-cinq ans plus tard, à Londres, du 22 au 24 octobre 2020, il s’est penché sur les quatre cahiers de Música callada. On connaît les qualités stylistiques de ce défricheur de pages peu fréquentées, son souci de clarté _ oui _ et sa capacité à créer des univers adaptés aux spécificités _ voilà, les idiosyncrasies… _ des compositeurs qu’il aborde. Dans la notice signée par le critique musical Philip Clark, ce dernier rappelle que Stephen Hough a, un jour, évoqué les sonorités de Mompou comme représentant « la musique de l’évaporation », jolie formule qui définit bien l’essence créative de cet univers ibérique _ catalan, en fait ! lui dont la mère était bigourdane, sur l’autre versant des Pyrénées… _ très original, qui amène aussi à se poser la question suivante : comment devons-nous écouter une musique qui cherche désespérément à ne pas être là ? Le virtuose y répond de manière sensible, sans pathos, sans introspection déplacée _ comme de nécessaire ! _, sans écarter la part d’atmosphère mystique que l’on peut y déceler, mais avec pudeur et franche simplicité _ voilà, voilà ! _, dans un son souvent cristallin qui apporte de la lumière nuancée et du raffinement _ à la Cantico, ce chef d’œuvre (1936, 1944, 1951) du poète Jorge Guillen (Valladolid, 18 janvier 1893 – Malaga, 6 février 1984) ; rappelons que les 4 livres de Musica callada sont, eux, de 1959, 1962, 1965 et 1967 : Mompou (1893 – 1987) et Guillen (1893 – 1984) sont de très exacts contemporains… _, même dans les pages les plus émaciées.

Il faut s’imprégner des vingt-huit pièces de Música callada et de leur lecture par le guide à la fois secret et ouvert qu’est Stephen Hough. Il n’oublie pas qu’en ce qui concerne Mompou, on peut évoquer des réminiscences de Chopin, mais aussi le situer entre les univers d’Erik Satie et de John Cage _ ce que sait très discrètement faire Stephen Hough. Car le souci de la concision, qui va jusqu’à ce qui est inexprimé derrière la musique, ouvre les portes du silence qui est à l’intérieur même des notes. Il faudrait disséquer chaque feuillet de ce magnifique panorama pour saisir toute la richesse magnétique que Stephen Hough met en évidence _ oui. Citons en tout cas le premier, Angelico, qui installe le mystère, le troisième, Placide, où pointe une forme de gaieté, le cinquième, avec ses rappels des cloches de l’enfance, le septième, un Lento mélancolique ou le onzième, un Allegretto appuyé. Mais encore le quinzième, Lento. Plaintif, où Chopin est invité en filigrane, le dix-huitième, Luminoso, qui porte bien son nom, le vingt-deuxième, Molto lento e tranquillo, infiniment douloureux, ou le vingt-huitième, ce Lento qui clôt ces inclassables cahiers par une lumineuse percée d’espoir.

Stephen Hough signe une approche à la fois dense et épurée _ oui, moderne _, que chacun pourra appréhender selon sa propre sensibilité. C’est sans doute ce qui fait la qualité intrinsèque d’une interprétation qui se révèle pleine de questions en raison de la vie intérieure qui s’en dégage. Comme le dit Philip Clark, la musique n’a aucune emprise sur vous. À la place, elle force les auditeurs à réfléchir à leurs propres relations avec les sons, à la manière dont le son peut affecter leur propre solitude. Mais aussi, ajoutons-le, la part de secret et d’intimité qui est essentielle à chacun d’entre nous. Cet album, à marquer d’une pierre blanche _ oui : il a touché le mélomane fidèle que je suis et à Josep Colom, et à Federico Mompou lui-même… _, vient se placer tout en haut d’une riche discographie.

Son : 10  Notice : 10  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix

Un CD nécessaire.

Ce mardi 21 mars 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Sylvain et Théotime, Théotime et Sylvain, dans l’exquis CD « Bach-Abel Society » de l’Ensemble Les Ombres, en un très raffiné répertoire galant, à Londres (1765 – 1782)…

20mar

C’est seulement un malencontreux concours de circonstances qui a retardé la livraison et la mise sur table chez mon disquaire préféré, de l’excellent CD « Bach-Abel Society«  _ le CD Mirare MIR 584 _, de l’Ensemble les Ombres, 

dans lequel nous pouvons apprécier, en un bien joli répertoire galant, très raffiné, à destination d’hédonistes cercles aristocratiques londoniens, la flûte traversière de Sylvain Sartre, et le violon toujours parfait de son petit frère Théotime Langlois de Swarte…

Sur ce ravissant CD,

voici la chronique qu’en a donné le 2 février dernier, sur le site Crescendo, Christophe Steyne,

sous l’intitulé « Les Ombres ramènent en lumière les aristocratiques concerts de la Bach-Abel Society« …

Les Ombres ramènent en lumière les aristocratiques concerts de la Bach – Abel Society

LE 2 FÉVRIER 2023 par Christophe Steyne

Bach – Abel Society.

Johann Christian Bach(1735-1782) : Quatuor no 2 en ré majeur Op. 8 ; Sonate pour violon n°3 en ut majeur Op. 16.

Carl Friedrich Abel(1723-1787) : Préludes en ré majeur WKO 195, en ré mineur WKO 205 [27 Pièces pour basse de viole] ; Sonate en ut mineur A2:60A ; Quatuor en sol majeur WKO 227.

Franz Joseph Haydn (1732-1809) : Mary’s Dream ; John Anderson, My Jo ; I love my love in secret.

Johann Samuel Schröter (c1753-1788) : Quintette en ut majeur Op. 1 ; Sonate VI Op. 7.

Les Ombres. Margaux Blanchard, viole de gambe. Sylvain Sartre, flûte traversière. Fiona McGown, mezzo-soprano. Théotime Langlois de Swarte, violon. Justin Taylor, pianoforte. Hanna Salzenstein, violoncelle.

Février 2021.

Livret en français, anglais, allemand.

TT 69’27.

Mirare MIR584

Organisés à Londres entre 1765 et 1782, les « concerts Bach-Abel » furent un foyer majeur _ mais discret _ de la vie musicale européenne au XVIIIe siècle et participèrent à l’émancipation du style galant. Des soirées réservées à une élitiste audience _ aristocratique _ qui pouvait se permettre d’acquitter la souscription. Leur caractère exclusif se dispensait de toute publicité autre que l’annonce du rendez-vous. Aucun programme n’a ainsi survécu _ voilà… _ ce qui nous prive aujourd’hui de savoir précisément quel répertoire y était joué. La reconstitution d’un tel concert repose donc sur des conjectures.

Dans ce disque, la proposition de l’ensemble Les Ombres est aussi pertinente que sincère, rappelant par exemple que certains opus ici choisis sont néanmoins postérieurs _ en effet _ à la période d’activité de ces événements mondains, ainsi le charmant Quatuor en sol majeur avec flûte _ d’Abel _, écrit dans une veine de pastiche et d’autocitation, où reluit la traversière de Sylvain Sartre. Leur sont également postérieurs les trois chants populaires écossais, tirés des quelques centaines que Haydn _ venu à Londres _ diffusa à la fin de sa carrière. Parmi la production vocale contemporaine, des Songs de William Boyce ou Thomas Arne auraient-ils mieux fait l’affaire ? En tout cas cette incursion lyrique s’avère plausible dans ce contexte, et nous offre trois séquences des plus plaisantes pour varier ce récital essentiellement instrumental. La présence _ très intéressante ! _ de Johann Samuel Schröter dans ces concerts est attestée dès 1772 alors qu’il n’avait que vingt ans et venait de débarquer de la Cour de Saxe. Avant sa disparition prématurée _ le 2 novembre 1788, âgé de seulement 35 ans… _, le jeune virtuose du clavier devint un musicien très apprécié de la capitale anglaise et contribua à l’essor du pianoforte _ et la présence de sa musique constitue sans conteste un des apports majeurs de ce parfaitement réussi CD des Ombres…

Les deux tutélaires maîtres de cérémonie _ que sont donc Bach et Abel _ tiennent bien sûr une place d’honneur dans le CD, notamment Abel qui à lui seul en occupe presque la moitié, nous rappelant qu’il fut _ en effet ! _ un des derniers grands gambistes de l’époque. Il est superbement servi par Margaux Blanchard : deux chatoyants Préludes solistes et une Sonate provenant d’un rare recueil découvert en 2014, que le Comte Maltzan (1733-1817), Ambassadeur de Prusse à Londres, ramena dans ses bagages à son retour en Silésie. Johann Christian Bach est représenté par un _ rayonnant _ Quatuor de l’opus 8 (ici abordé avec flûte et viole), en deux parties tout comme la « sonate arrangée » dont nous entendons le Menuetto, dansé sur les pointes par Théotime Langlois de Swarte et Justin Taylor _ toujours parfaits. Ne se sentirait-on privilégié d’être associé à de tels instants de grâce ? Tout au long de cette large heure de musique brille un plaisir exquis _ oui _, émané d’une équipe qui nous enchante et qui, il y a deux siècles et demi, aurait certainement tout autant ravi les hôtes de marque de cette « Bach – Abel Society ».

Son : 9 – Livret : 9,5 – Répertoire : 8-9 – Interprétation : 10


Christophe Steyne

Ce lundi 20 mars 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Cyrille Dubois, ténor de grâce, dans le très riche et délicieux CD « So romantique ! » d’airs d’opéras romantiques français à re-découvrir et goûter : un régal…

19mar

C’est à la fois un timbre de voix et un répertoire opératique guère fréquenté(s) présentement,

qu’avec son très grand talent l’excellent ténor « de grâce » Cyrille Dubois, en un CD un peu rapidement intitulé « So Romantique !«  le CD Alpha 924 : very charming ! : écouter (et regarder) ici par exemple l’air (de 2′ 38) « Ah ! Vive Dieu !.. Suprême puissance« , de l’opéra « Le Roman d’Elvire« , en 1860, d’Ambroise Thomas (1811 – 1896)…_, avec l’Orchestre National de Lille sous la direction de Pierre Dumoussaud, vient nous offrir avec un récital d’airs extraits d’Opéras français créés entre 1825 _ »La Dame blanche » de François-Adrien Boieldieu (1775 – 1834), pour le plus précoce de cette sélection _ et 1913 _ « Myriane » de Charles Silver (1868 – 1940), pour le plus tardif… _ ;

ce qui justifie pleinement _ déjà par les dates des œuvres ici abordées via ces beaux airs (et leur superbe interprétation par le décidément parfait Cyrille Dubois _ l’obtention du label du Palazzetto Bru-Zane,

le _ bien connu très fécond re-découvreur d’excellentes musiques parfois injustement négligées ou carrément oubliées, d’entre 1780 et 1924 (le décès de Gabriel Fauré) du répertoire français… _ Centre de Musique Française Romantique _ situé en plein cœur de Venise…

Un régal…

Ce dimanche 19 mars 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

Dacia Maraini, superbe et lumineuse médiatrice, par sa littérature vraie, de voix empêchées ou contraintes, pour l’ouverture de la 4e édition du « Printemps italien », au Château de Thouars, à Talence, ce samedi 18 mars 2023

18mar

Ce samedi 18 mars 2023,

de 18h 30 à 20h 30, au Château de Thouars à Talence, pour l’ouverture de la 4e édition du « Printemps italien » dans la métropole bordelaise,

et dans un  français impeccable,

Dacia Maraini _  née le 13 novembre 1936 à Fiesole _ a été lumineusement splendide. 

À propos de son œuvre _ dont « La Vie silencieuse de Marianna Ucria » et « Le Bateau pour Kôbé : journaux japonais de ma mère«  (celui-ci traduit en français par Nathalie Castagné) : deux récits particulièrement emblématiques de son « donner une voix«  à qui est privé, momentanément ou durablement, de la parole (ou de l’écoute) : Marianna, ainsi, était sourde et muette ; quant à la famille de Dacia au Japon, c’était quand celle-ci a été internée au Japon, pour son anti-fascisme, pour avoir refusé allégeance au régime de Salò… ; « Voix«  étant aussi, très significativement, le titre d’une œuvre importante, « Voci« , en 1994, de Dacia Maraini… _,

dont elle a dit _ et c’est là le fondement ferme et constant de la conception que Dacia Maraini assigne à sa littérature… _ que chacun de ses romans est comme une réponse un peu développée _ et c’est là un euphémisme : en bien plus qu’une année d’écriture… _ à un personnage _ ou « caractère« , a-t-elle dit : historique ou bien contemporain… _ qui frappe un instant à sa porte, toc-toc, se présente à elle, et finit par demander, d’abord à passer la nuit en quelque chambre, puis, au matin, prendre un bon petit-déjeuner, et finalement séjourner le temps qu’il faudra en sa compagnie _ d’écriture (pour elle, réceptrice de cette voix qui demande à être un peu et enfin écoutée) de l’histoire à narrer de son récit, qui appelait ainsi, très instamment, à être donné et transmis, par elle, Dacia, à être raconté, et partagé, et reçu vraiment, par le menu infiniment sensible, et ainsi enfin « parlant« , par le passage à l’écriture (et après la lecture) d’une vraie littérature (l’unique qui vaille ! le reste, de divertissement, n’étant rien que misérable et très vaine imposture…), de ses plus significatifs très humbles, mais vrais détails, par les lecteurs les découvrant au fil de ce récit ;

en une forme de « mission civique » pour la médiatrice-réceptrice de cette voix qui demandait à être enfin entendue, que se fait alors, en quelque sorte, l’écrivaine-médiatrice, elle-même humble porte-parole de cette humilité profonde de victimes sollicitant d’être un peu écoutées et enfin un peu entendues, et reçues, via cette littérature… _ ;

à propos des femmes _ surtout celles qui, telle sa mère, Topazia, dans l’épreuve, sont fortes ;

et, en réponse à une question mienne sur les écrivaines italiennes qui comptaient le plus pour elle, Dacia, celles qu’elle a qualifiées (telle fut en effet sa très forte expression) d’ « écrivaines-mères«   pour elle : Elsa Morante, Natalia Ginzburg, Lalla Romano, Goliarda Sapienza _,

et à propos de l’infiniment tendre douceur de son ami Pier-Paolo Pasolini _ dont elle a détaillé le récit de leurs voyages (sous la tente), avec aussi Alberto Moravia, dans les contrées les plus misérables d’Iran, Inde, Yemen, ou Afrique ; en marquant bien l’importance des détails les plus quotidiens, humbles, et même triviaux, à relever et figurer, en l’écriture, comme de très maigre et pauvre nourriture vitale partagée, telle une poignée de riz mêlée de cadavres de mouches, par exemple…

Le 3 mars 2022, a paru, aux Edizioni Neri Pozza, « Caro Pier Paolo« , de Dacia Maraini, à propos duquel voici la vidéo (d’une durée de 48′ 41) d’un entretien, le 16 novembre 2022, entre l’auteur, s’exprimant en un français magnifique, et Stefania Graziano-Glockner, la présidente du Festival « Le Printemps italien« … 

Une bien belle soirée.

Ce samedi 18 mars 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

De René de Ceccatty, la pièce de théâtre « Frühling », au printemps de son magnifique parcours d’écrivain ; ou de quoi « parfaire un portrait déjà presque complet »…

17mar

En cette arrivée de printemps 2023,

voici que Bruno Smolarz,

que René de Ceccatty _ et sur son œuvre lire d’abord mon article du 12 décembre 2017, consacré à son livre (et chef d’œuvre !) décisif « Enfance _ dernier chapitre« , paru chez Gallimard le 2 février 2017« « , et celui du 24 mai 2016, consacré à son magnifique roman « Objet d’amour« , paru chez Flammarion le 30 septembre 2015  : « «  _ avait eu l’occasion de rencontrer, en 1977, lors de son long séjour au Japoncf son « Mes Années japonaises« , paru en 2019 ; sur ce livre, cf mon article du 20 avril 2019 : « «  _, tous deux avaient « sympathisé à l’Institut franco-japonais où nous enseignions ensemble« , à Tokyo,

vient proposer sa publication, aux Éditions Atéki, du tout premier texte paru, en l’occurrence une pièce de théâtre, de René de Ceccatty, rédigée à l’âge de seize ans, en mai 1968, créée à Montpellier le 21 juin 1969, puis reprise au mois de juillet 1969, pour 17 représentations au Festival d’Avignon, la pièce de théâtre « Frühling« ,

dont Bruno Smolarz a assez récemment découvert un des très rares exemplaires, relié et dédicacé (par René à son cousin Claude Antony _ auparavant, Bruno Smolarz s’était procuré chez un libraire à Paris la plupart des livres de René de Ceccatty que celui-ci avait dédicacés à l’ami Hector Bianciotti, décédé depuis, en 2012) _), sur Internet sur le catalogue d’un libraire de livres anciens… 

D’où ce désir amical de faire plus largement partager au lectorat fidèle de René de Ceccatty cet en quelque sorte opus 1 de son œuvre…

L’édition de ce livre-ci adjoint à ce « Fruhling » de 1968-1969 (aux pages 57 à 93),

outre un riche très intéressant Avant-propos de l’auteur intitulé « Sans coulisses ni rideau » (aux pages 15 à 43),

et un dossier de presse d’articles parus en Provence au mois de juillet 1969 (aux pages 97 à 113),

les tout à fait précieux témoignages d’aujourd’hui des deux autre interprètes, avec René de Ceccatty lui-même, de cette pièce interprétée à trois 3 fois à Montpellier, puis 17 fois à Avignon en juillet et juillet  1969 :

Nathalie Castagné (« Une autre présence« , aux pages 115 à 134),

et Colette Smirou (« L’échelle« , aux pages 135 à 149);

et enfin, extrait de « Personnes et personnages » _ dont René m’a fait cadeau d’un exemplaire, précédemment dédicacé de sa main à sa « chère mamie« , sa grand-mère maternelle Françoise (« douce et affectueuse« , née au Telagh, en Algérie, le 13 février 1893 et décédée à Bagnole-Sur-Cèze, le 23 mai 1983), et re-trouvé, lui aussi, par lui cette fois, chez un libraire de livres anciens, avec ces mots : « et pour Francis Lippa dont les recherches méritaient bien que ce livre fasse un long chemin pour lui arriver. Amicalement, René de Ceccatty, 38 ans plus tard le 18 octobre 2017« ... ; page 7, le livre est dédié « à Eilathan«  _, paru aux Éditions de la Différence, en 1979 (aux pages 193 à 221), la suite de « Frühling« , intitulée « Frühling II« , aux pages 151 à 212.   

Ce même 18 octobre 2017, René m’avait aussi adressé son merveilleux « Jardins et rues des capitales _ roman«  _ achevé d’imprimer le 25 septembre 1980, avec cette autre dédicace de sa main : « Pour Francis Lippa qui retrouvera dans ces pages une Italie qu’il aime et pourra parfaire un portrait déjà presque complet. Amicalement, René de Ceccatty, Paris le 18 octobre 2017« . Paru en 1980, et lui aussi aux Éditions de la Différence de Joaquim Vital et Colette Lambrichs. Un chef d’œuvre singulier absolument éblouissant _ le livre est toujours disponible en librairie.

Au delà de la diversité des genres abordés par ses multiples _ et très divers… _ livres , depuis, désormais, ce « Frühling » de 1968 qui paraît ce mois de mars 2023 aux Editions Atéki, et ce « Personnes et personnages » paru en 1979 aux Éditions de la Différence, et jusqu’à « Le Soldat indien » _ cf par exemple, et parmi plusieurs autres que j’ai consacrés sur ce blog « En cherchant bien«  à cet opus, mon article « «  du 3 février 2022  _ paru aux Éditions du Canoë de Colette Lambrichs le 4 février 2022,

l’œuvre de René de Ceccatty _ de même que sa personnalité ! _ comporte une très puissante lumineuse unité dont on perçoit de tous premiers bourgeons en cet opus quasi premier qu’est ce « Frühling » de mai 1968 _ « Bien que cette œuvre ait été écrite en mai 68, on n’y sent ni âpreté, ni révolte, ni surtout rien qui rappelle le souffle révolutionnaire« , écrivait la journaliste Annie Voiron dans un article du Méridional intitulé « Retrouvailles au Café-Théâtre avec « Frühling » » le 13 juillet 1969, peut-on lire à la page 101… Et à la page 99, une splendide photo de René de Ceccatty et Nathalie Castagné pris sur le vif d’un entretien avec le journaliste J. Faure à propos de « Frühling« , parue dans Le Dauphiné Libéré du 11 juillet 1969, en un article intitulé, lui, « Chez Janot Lartigue, trois étudiants renouvellent l’expérience du café-théâtre en présentant, dès ce soir, « Frühling ou le printemps de la vie«  »

Et je me permets de citer ici cet extrait _ qui n’a pas pris une ride ! _ de mon article du 12 décembre 2017 « « , à propos de l’indispensable « Enfance _ dernier chapitre » :

« ce merveilleux et magnifique chef d’œuvre pourquoi craindre le mot ? ou l’éloge ? je ne le gaspille pas, tout gascon pourtant que je suis _ qu’est Enfance, dernier chapitre

me paraît illuminer du miracle de sa force de vérité, et de sa considérable richesse et densité sans cesse dansante et virevoltante, traversée qu’elle est des lumineuses fulgurances, parfaitement dynamisantes, de ses « télétransportations«  : voilà, peut-être ai-je ici mis le doigt sur une clé décisive de son écriture-inspiration ! _ toute la décennie littéraire 2010 :

rien moins que ça ! Et j’insiste !

 Parviendrais-je, pour ma modeste part, à assez le faire bien entendre ?  j’y tiens beaucoup.
Partager ce qu’on place haut est un devoir d’honnête homme prioritaire : je n’aimerais pas demeurer seul dans la joie de mon admiration de lecteur ! Face à la misérable prospérité journalistique ignare, si aisément satisfaite de tant d’impostures grossières en littérature, cyniquement reposée sur le critère chiffré du « puisque ça se vend ! « , et partie prenante pseudo-culturelle du nihilisme régnant…

En effet, quasiment six mois de lectures-relectures hyper-attentives, plume à la main et qui encore se poursuivent _,

car j’ai très vite pris conscience que cet Enfance, dernier chapitre reprenait et prolongeait, en un très vaste geste de grande cohérence et d’archi-lucide approfondissement,

rien moins que l’œuvre entier,

ainsi que, plus fondamentalement encore _ puisque c’est l’intelligence sensible de celle-ci, la vie, qui constitue le fond de la visée de son écriture _, la vie entière de René de Ceccatty

vie entière reprise et éclairée, et magnifiée, par le travail hyper-scrupuleux (de la plus grande honnêteté) et d’une stupéfiante lucidité, de son extraordinairement vivante et palpitante écriture, sans temps mort, tunnel, lourdeur, ni faiblesses ! Quels défauts peut donc bien trouver encore René de Ceccatty à son livre ? Je me le demande… Montaigne trouvait-il, lui aussi, des défauts à ses Essais ? Ou Proust à sa Recherche ? Et que René de Ceccatty ne se sente pas accablé par ces comparaisons pour son livre !

Sur cet enjeu majeur de la lucidité de la visée de fond de l’intelligence même de sa vie _ sur ce sujet, se reporter au sublime raccourci, si essentiel, de Proust : « La vraie vie, c’est la littérature «  _,

l’enquête la plus probe et fouillée qui soit que mène ici René de Ceccatty, recherche rien moins que ce qu’il nomme son « enfance intérieure », en s’employant non seulement à débusquer-révéler-mettre au jour (et comprendre !) sinon ce que factuellement celle-ci fut, en son bien lointain désormais ressenti, au moins via quelques approximations ou équivalences de celui-ci, ce ressenti passé et enfui ; mais aussi esquisser ce que peuvent et pourront en être de coriaces effets dévastateurs, encore, à long terme, tels que ceux-ci parfois persistent en l’âge adulte, et souvent pour le pire ».

Ce vendredi 17 mars 2023, Titus Curiosus – Francis Lippa

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